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Il y a 21 heures, Wallaby a dit :

Mais la rivière en aval est aménagée pour résister à des débits encore supérieurs. Donc à part ce déversoir qu'il va falloir réparer, il ne devrait pas y avoir d'autres dégâts et de gêne causée à la population : http://www.sacbee.com/news/local/article132154774.html (11 février 2017)

Les processus hydrauliques sont parfois plus complexes qu'imaginés. Quand se voit modifié le profil en aval et que l'on a des changements de mouvements et de vitesses des flux, on peut avoir des phénomènes d'érosion régressive. Autrement dit, une petite modification plus bas, parfois à plusieurs dizaines ou centaines de kilomètres, aura à terme des conséquences sur le profil ou sur les infrastructures amont. On a notamment eu de nombreux exemples de ponts et de digues déchaussés après que l'on ait décidé de canaliser des cours d'eau bien en aval.

 

Le 11/02/2017 à 20:21, Tancrède a dit :

 

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On voit bien d'ailleurs que c'était initialement plutôt la partie amont à la faille qui s'érodait... Il ne serait néanmoins pas étonnant avec les quantités d'eau détournées sur la droite de voir l'ensemble du tablier aval être emporté d'un coup... Tout dépend de la géologie et des fondations... L'hypothèse d'un débordement est bien évidemment prise en compte dans le calibrage des fondations, mais les quantités d'eau déviées sont vraiement importantes dans ce cas.

 

Edit : L'article de wiki relatifs aux phénomènes d'érosion régressive est assez clair : https://fr.wikipedia.org/wiki/Érosion_régressive

Modifié par Skw
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Il y a 2 heures, FATac a dit :

Non les titres ne sont pas trompeurs.

En fait le "déversoir d'urgence" n'a pas l'air d'être fonctionnel, puisque les responsables se sont alarmés d'une érosion du sol et cherchent au contraire à utiliser le déversoir principal malgré son état détérioré.

http://www.sacbee.com/news/state/california/water-and-drought/article132332499.html (12 février 2017)

Si une plus grande partie du déversoir principal s'effondre, cela pourrait menacer les vannes du déversoir et forcer les autorités à stopper les lâchers d'eau dans le déversoir principal, a dit Countryman [administrateur du Central Valley Flood Protection Board, ancien membre de l'US army corps of engineers]. Ce serait probablement catastrophique.

Depuis que le déversoir d'urgence n'est plus utilisé (dimanche soir 20h45 heure locale), "la menace d'effondrement due à l'érosion a diminué" a dit Joe Countryman, :

Je me demande s'il n'y a pas un problème de conception : qu'est-ce que c'est que ce "déversoir d'urgence" incapable de fonctionner à la première utilisation ?

J'imagine qu'il y a beaucoup d'autres barrages qui sont conçus de la même façon...:unsure:

il y a 43 minutes, Skw a dit :

Les processus hydrauliques sont parfois plus complexes qu'imaginés. Quand se voit modifié le profil en aval et que l'on a des changements de mouvements et de vitesses des flux, on peut avoir des phénomènes d'érosion régressive. Autrement dit, une petite modification plus bas, parfois à plusieurs dizaines ou centaines de kilomètres, aura à terme des conséquences sur le profil ou sur les infrastructures amont. On a notamment eu de nombreux exemples de ponts et de digues déchaussés après que l'on ait décidé de canaliser des cours d'eau bien en aval.

Quand je disais "la rivière en aval" je parlais du cours de la rivière à des dizaines de kilomètres de là, où habitent des populations nombreuses et où il y a des digues de protection contre les crues. Je ne parlais pas de l'état de la rivière juste au pied du barrage à quelques dizaines ou centaines de mètres de distance (et où à ma connaissance il n'y a pas de population qui vit).

Sur cette vidéo on voit bien le déversoir d'urgence à gauche et le déversoir principal à droite.

Dimanche soir 6 hélicoptères ont été utilisés pour lâcher des roches dans l'espoir de combler le ravin formé par l'érosion sous le déversoir d'urgence.

 

Modifié par Wallaby
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Le 09/02/2017 à 16:13, mehari a dit :

Soit patient. Selon La Libre Belgique, Assange a annoncé aux Izvestia qu'il aurait trouvé des trucs compromettant sur Macron dans les mails de Clinton...

http://www.lalibre.be/actu/international/la-main-de-moscou-derriere-l-attaque-contre-macron-589c6087cd703b98151cdfd5

A ce sujet, c'est semi HS sur ce fil, mais je sens que la méthode fake news breitbart/RT va faire beaucoup de petits pour la campagne française et allemande.

Citation

 Moscou (ou Breitbar) pourrait oeuvrer contre la candidature Macron (fake news et fuites).

http://www.lexpress.fr/actualites/1/politique/en-marche-moscou-pourrait-oeuvrer-contre-la-candidature-macron_1878600.html

Honnêtement, je suis sceptique (disons 40 %  de chance que ça soit un coup de pub gratuit), mais mieux vaut prévenir que guérir (sans compter qu'il y a aussi breitbart et le piratage de l'Elysée de 2012 par la NSA).

 

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Sur cette vidéo datée du 10 février, à partir de 00:57, on voit un camion en train de couler du béton sur le talus de la route qui passe sous le déversoir d'urgence. Cela donne une impression de bricolage, d'improvisation, semblant démentir l'idée qu'il s'agit d'un équipement conçu dès l'origine pour être prêt à être utilisé, justement, en cas d'urgence.

Modifié par Wallaby
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Voici des billets anciens mais très intéressant pour observer ce qui ce passe actuellement :

https://froggybottomblog.com/2014/10/25/etats-unis-la-fin-de-lhyperpuissance/

Citation

Etats-Unis, la fin de l’hyperpuissance?

mayakandel / 25 octobre 2014

Cet article a été revu et mis à jour ici (novembre 2015).

J’étais en train de terminer une première version de cet article (en vue d’une intervention prochaine) quand on m’a signalé un article de Bernard Guetta sur le même thème, paru cette semaine dans Libération (« L’hyperpuissance défunte »). Si je ne conteste pas le diagnostic général d’une puissance amoindrie, je ne suis pas d’accord avec Guetta sur plusieurs points, notamment ce qui constitue le prétexte de son article : les élections à venir au Congrès (midterms, 4 novembre) n’intéressent peut-être pas beaucoup en France, mais elles pourraient néanmoins avoir un impact pour le reste du monde et la France en particulier si les républicains regagnent le Sénat. Impact entre autres sur les négociations avec l’Iran, les négociations commerciales (traité transatlantique notamment), et la relation Etats-Unis/Chine ; j’y reviendrai dans un futur article, of course.

Plus largement, il me semble que si un changement de majorité à Washington a aujourd’hui moins d’impact que par le passé, il faut y voir avant tout une conséquence du dysfonctionnement politique des institutions américaines, plus qu’un effet qu’un effet de leur puissance, amoindrie ou non – sans compter que l’inaction ou l’impuissance américaines ont également un impact sur le monde, qu’il est difficile d’ignorer, les exemples récentes ne manquent pas. Enfin, sur cette question de la puissance américaine, il s’agit d’une discussion essentielle que l’on clôt souvent (et avec une joie non dissimulée) un peu trop rapidement en parlant d’hyperpuissance défunte.

Voici donc un début de réflexion sur l’hyperpuissance américaine, l’évolution du système international, des définitions de la puissance et de la stratégie de puissance des Etats-Unis, sur le déclin également, l’avènement ou non d’un monde multipolaire, et le destin des grandes puissances dans l’histoire… 

Qualifiée d’hyperpuissance au début de la décennie passée, l’Amérique est aujourd’hui plus souvent associée au terme de déclin. Une évolution aussi rapide pose d’emblée question et impose de resituer le débat au regard de l’histoire américaine récente et de l’évolution contemporaine du système international. Une page semble en effet se tourner sous nos yeux, celle de la Pax Americana mise en place par les Etats-Unis au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Serions-nous en train de vivre la fin du « siècle américain » décrit par Henry Luce en 1941[1] ? Va-t-on basculer, voire a-t-on déjà basculé dans un « monde post-américain », pour reprendre l’expression de Fareed Zakaria[2] ? L’idée suggère une influence amoindrie des Etats-Unis sur le monde, et c’est par là sans doute qu’il faut commencer si l’on veut bien comprendre et analyser la place des Etats-Unis, qui demeurent l’acteur majeur de la scène internationale.

Les Etats-Unis sont-ils un empire en déclin ? La question est à la mode, mais ce débat sur le déclin américain doit être resitué historiquement : il n’est ni le premier, ni sans doute le dernier dans l’histoire des Etats-Unis depuis 1945. Il impose de s’interroger sur la place des Etats-Unis sur la scène mondiale, leur liberté d’action et leur volonté d’agir. Une page s’est tournée avec le départ de George W. Bush et l’élection historique de Barack Obama en 2008. Sous Bush, l’Amérique voulait remodeler le monde à son image. Aujourd’hui, elle ressemble davantage à une « puissance du statu quo », cherchant à restaurer un leadership amoindri et à défendre une position prééminente que l’ascension de nouvelles puissantes semble menacer dans les domaines les plus variés.

S’interroger sur « la fin de l’hyperpuissance américaine » impose donc de réfléchir à la redistribution en cours de la puissance autour du globe, sur la manière dont cette tendance lourde affecte les Etats-Unis et sur la stratégie élaborée par Washington pour y faire face.

L’administration Bush n’a fait qu’accélérer une évolution logique et attendue : la fin du moment unipolaire (1ère partie), entamé avec la disparition de l’Union soviétique en 1991. C’est bien dans cette optique qu’il faut envisager le « déclinisme » actuel, et finalement cyclique, qui frappe les Américains.

Le président Obama en a pris acte dans sa vision de l’Amérique, et a tenté de redéfinir le leadership américain, et plus largement la stratégie de puissance des Etats-Unis pour s’adapter à l’évolution du monde. Ce sera l’objet de la 2èmepartie sur les redéfinitions de la puissance et le smart power sous Obama, réflexion sur la stratégie de puissance des Etats-Unis.

Enfin, la 3ème et dernière partie abordera la dimension prospective pour s’interroger sur le monde de demain : déjà post-américain, post-atlantique, asiatique ? Mais pour autant puisqu’on parle des US il faut insister sur la résilience des Etats-Unis, mais aussi s’interroger sur le face-à-face annoncé avec la Chine, seul autre rival à la mesure de la superpuissance américaine (ou du moins c’est l’avis de Washington cf. le pivot).

1. La fin du « moment unipolaire »

Le déclinisme cyclique des Américains

Tous les dix à quinze ans, une vague de « déclinisme » saisit les Etats-Unis. La précédente a eu lieu à la fin des années 1980 et reste symbolisée par le livre de l’historien Paul Kennedy sur la « naissance et le déclin des grandes puissances », qui allait plonger l’Amérique dans le doute pour ne pas dire la dépression[3]. Dix ans plus tard, en 1998, le ministre des Affaires étrangères français Hubert Védrine qualifiait les Etats-Unis d’hyperpuissance. Mais en 1990, Washington se voyait bientôt supplanté par Tokyo : c’est l’époque où un sénateur américain pouvait déclarer : « la guerre froide est terminée, le Japon l’a gagnée »[4].

A l’époque, le sentiment de déclin était inspiré de trois propositions essentielles, exposée par le politologue Samuel Huntington dans un article intitulé « The U.S. – Decline or Renewal » publié dans la revue Foreign Affairs de l’hiver… 1988/89 : déclin de la performance économique (compétitivité) ; déclin de la puissance économique (part de l’économie américaine dans le PIB mondial) ; et déclin lié à l’aventurisme et à l’augmentation vertigineuse des dépenses militaires sous la présidence Reagan. Inutile de souligner à quel point ces arguments semblent familiers : tous les propos sur le déclin américain des années 2010 les reprennent point par point, animés par la même idée d’une puissance vivant au-dessus de ses moyens, et qui finira emportée par sa propre arrogance (hubris).

Or Huntington souligne dans cet article de 1988 qu’il s’agit de la cinquième vague de déclinisme affectant l’Amérique depuis les années 1950. La première avait frappé le pays après le lancement réussi de Sputnik par les Soviétiques à la fin des années 1950. La deuxième vague survint à la fin des années 1960 après l’annonce par Nixon et Kissinger de la « fin du monde bipolaire ». La troisième allait suivre de peu, déclenchée par l’embargo de l’OPEP en 1973 et la hausse des prix du pétrole. La fin des années 1970 donna lieu à une quatrième vague de déclinisme après la débâcle vietnamienne et le Watergate, puis l’expansion soviétique de la décennie. La cinquième vague est celle de la fin des années 1980 qui inspire à Huntington son article. Nous serions donc en train de vivre la sixième vague de déclinisme frappant les Etats-Unis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Comme le souligne Huntington, le déclinisme a sans doute plus à voir avec la psychologie (la psyché) américaine qu’avec la réalité.

Et en effet, le sentiment existe chez les Américains, puisqu’ils sont 71% à penser que leur pays est en déclin[5]. La récession économique est passée par là, accompagnée de quelques statistiques frappantes : la bonne santé de la Chine, dont l’économie pourrait dépasser en volume l’économie américaine d’ici une à deux décennies ; la croissance des dépenses militaires en Asie, qui pour la première fois dépasse celles de l’Europe en 2011. Autre signe révélateur du désarroi américain, une étude du Pew Research Center indique en 2012 que pour la première fois, les Américains convaincus de la supériorité de leur culture ne sont plus majoritaires. Le déclin ( !) de ce sentiment est particulièrement frappant parmi les jeunes[6]. A tel point que le président Obama a dû faire référence à cette idée de déclin, pour mieux la combattre, dans son discours sur l’état de l’Union en janvier 2012 : « L’Amérique est de retour. Quiconque vous dit le contraire, quiconque vous dit que l’Amérique est en déclin ou que notre influence a diminué ne sait pas de quoi il parle »[7]. Le dernier ouvrage de l’historien Robert Kagan est tout entier dévolu à combattre cette idée de déclin – et l’on dit qu’il est devenu le livre de chevet du président[8].

Ruptures et continuités dans la politique étrangère post-guerre froide

Le sentiment de déclin relatif américain à l’extérieur est lié, on l’a dit, à la fin du deuxième moment unipolaire de l’Amérique : le premier a eu lieu à la fin de la Seconde Guerre mondiale, le second est né de la fin de la guerre froide[9]. Ce dernier moment unipolaire est d’autant plus exceptionnel qu’il laissait les Etats-Unis sans ennemi sur la scène internationale. Et c’est sans doute ce qui explique la caractéristique principale de la politique extérieure américaine sur cette période : un interventionnisme historiquement élevé, même pour les Etats-Unis, et une utilisation de plus en plus systématique de l’outil militaire pour régler tous les problèmes internationaux[10].

Rappelons que la fin de la guerre froide a été vue par les Américains comme une victoire de leur stratégie de containment face à l’Union soviétique. La période qui s’ouvre alors va être caractérisée par la recherche d’une autre « grande stratégie » pour la nouvelle ère en train d’émerger. Ce sera d’abord le « nouvel ordre mondial » rêvé par le président George H.W. Bush (père), qui voit dans la fin de la guerre froide une opportunité pour la communauté internationale et l’ONU, sous leadership américain et libérée du carcan paralysant de la bipolarité. En réalité, et malgré une tentative de mise en œuvre au moment de la première guerre du Golfe, 1991 va ouvrir une période de flou sur la stratégie à adopter en l’absence de l’ennemi communiste, mais aussi, vu l’ampleur des moyens de la puissance américaine, sur la définition plus ou moins large des intérêts des Etats-Unis, pour guider le choix des interventions américaines dans le monde.

L’élection du démocrate Bill Clinton en 1992 ouvre à Washington la décennie des « faucons de gauche », ou interventionnistes « humanitaires ». C’est l’époque de l’Amérique « nation indispensable ». Bosnie, Haïti, Kosovo, en seront les jalons les plus marquants, symboles d’une Amérique qui semble parfois embarrassée de sa propre puissance et lui cherche une utilisation.

Avec les attentats du 11 septembre 2001, les Etats-Unis retrouvent des repères, ou plutôt un nouvel ennemi. Les néoconservateurs de l’entourage du président américain George W. Bush vont mettre en œuvre leur agenda à la faveur du choc créé par les attentats : de là est née la « révolution Bush en politique étrangère », pour reprendre l’expression des politologues Ivo Daalder et James Lindsay[11], définie par la guerre unilatérale américaine déclarée « à la terreur », et précisée par cette admonestation de Bush au reste du monde : « vous êtes avec nous ou contre nous ». La nouvelle doctrine signe également le retour à une vision bipolaire du monde, matinée d’un messianisme (le « grand dessein » des néoconservateurs de démocratisation du Moyen-Orient) particulièrement agressif (la guerre préventive de la National Security Strategy de 2002) – ce que Pierre Hassner a appelé le « wilsonisme botté ». Concrètement, le 11 septembre 2001 va provoquer un déferlement de puissance militaire américaine unilatérale sur le monde.

Aujourd’hui les Etats-Unis semblent parvenus aux limites de cet interventionnisme tout azimut, limites symbolisées par les difficultés des guerres en Irak, puis en Afghanistan. Ces difficultés ont contribué à accélérer la fin du moment unipolaire, par leur coût en hommes et en trésor. Ce dernier point est essentiel car il explique en partie la seconde dimension du déclin relatif américain, dimension intérieure liée à la santé du modèle américain. C’est la combinaison de ces chocs à l’extérieur et à l’intérieur des Etats-Unis qui explique la volonté de Barack Obama de tourner la page des années Bush pour revenir à une définition plus modeste de l’action américaine dans le monde.

De l’hubris à la gueule de bois

Trois déclarations par les trois présidents successifs, symbolisent parfaitement le chemin parcouru par l’Amérique, de l’hubris à la « gueule de bois ». En 1997, Bill Clinton déclarait au début de son second mandat : « L’Amérique est seule dans le monde en tant que nation indispensable »[12]. George Bush allait plus loin encore après le choc des attentats : « C’est la politique des Etats-Unis de rechercher et soutenir l’extension des mouvements et institutions démocratiques dans toutes les nations et dans toutes les cultures, avec l’objectif ultime de mettre fin à la tyrannie dans notre monde[13] ». En 2012, Barack Obama déclare dans son discours sur l’état de l’Union : « Oui, le monde change. Non, nous ne pouvons contrôler tous les événements. Mais l’Amérique demeure la nation indispensable dans les affaires internationales »[14]. L’Amérique est toujours indispensable mais le monde change et la superpuissance n’est plus : les Etats-Unis ne peuvent tout contrôler, et le président ajoute, précision importante, qu’il est temps de se concentrer sur la reconstruction intérieure (« nation-building right here at home »).

La population américaine semble en effet s’être fatiguée du messianisme de ses dirigeants et de leur aventurisme extérieur. La lassitude face à la guerre (war fatigue) est de plus en plus répandue, et le sentiment isolationniste n’a jamais été aussi élevé depuis plus d’un demi-siècle selon une étude du Pew Research Center : c’est d’ailleurs l’une des rares tendances partagées aujourd’hui par les deux partis[15]. Sur le plan intérieur en effet, le sentiment de déclin est d’autant plus prégnant qu’il est ressenti directement par les Américains, souvent comme un déclassement personnel. Après la crise immobilière et bancaire des subprimes de 2007, puis la débâcle financière de 2008, l’Amérique est entrée dans la récession la plus grave depuis la crise de 1929 – même si elle en est aujourd’hui sortie.

C’est bien dans ce contexte qu’il faut comprendre l’élection de Barack Obama en 2008 et la réflexion qu’il introduit sur le smart power ou puissance intelligente, notion qui se veut une réflexion sur ce que doit être la stratégie de puissance des Etats-Unis dans le monde contemporain : elle se veut une rupture avec Bush mais s’inscrit aussi dans une analyse des relations internationales qui prend acte du déplacement du centre de gravité du monde vers l’Asie, et des conséquences de la décennie 2000 avec la fin de l’hyperpuissance américaine et l’évolution du système international vers un monde multipolaire.

2. Smart power, redéfinition de la stratégie de puissance américaine

La notion de puissance et son évolution

La notion de puissance occupe une place centrale dans l’analyse des relations internationales, aussi bien sur le plan théorique que politique. C’est l’une des notions clés autour desquelles s’articulent la lecture et l’analyse des évolutions du système international. Mais ses définitions ont évolué dans le temps en se diversifiant selon les points de vue et en se complexifiant avec l’évolution du système international.

Les définitions de la notion de puissance sont nombreuses, mais se rejoignent généralement autour d’un noyau de définition commun que l’on pourrait résumer par « la capacité des acteurs internationaux », avec deux grandes catégories : la puissance comme capacité d’action et marge de manœuvre, et la puissance comme capacité à structurer l’environnement international.

Avec l’affirmation progressive, à partir des années 1970, de la notion d’interdépendance et la prise en compte de la multiplicité grandissante d’acteurs nationaux ou transnationaux, le champ et les modes d’action possibles de la puissance s’élargit. La puissance devient aussi sa capacité à disposer, à maîtriser ou à faire converger autour de ses intérêts un maximum d’acteurs internationaux ou transnationaux. Au-delà, c’est sa capacité à impulser ou imposer des changements normatifs c’est-à-dire concernant les règles et normes, l’architecture générale du système international. Le cas des États-Unis de 1945 est bien sûr exemplaire : l’instauration du système de Bretton Woods ou de certaines agences onusiennes a reproduit à une échelle quasi mondiale les principes américains, assurant Washington que les nouvelles normes internationales en vigueur, en matière de commerce notamment, étaient conformes aux siennes.

Cette définition souligne donc l’existence de deux dimensions de l’exercice de la puissance : celui de l’action immédiate, exercice à court terme consistant à faire face au mieux au monde tel qu’il est, et celui de la transformation du système international, construction sur le long terme d’un monde tel qu’on souhaiterait qu’il soit. La rhétorique américaine se situe souvent sur ce second plan, la pratique de la politique étrangère est plutôt une gestion voire une réaction aux crises au jour le jour.

Cette dernière définition de la puissance comme « capacité à structurer son environnement international », plus complexe à décrire, analyser et qualifier, est cependant porteuse de perspectives et questions à la fois politiques et scientifiques pertinentes. L’acteur international le plus puissant est-il en effet celui qui a l’ambition et la capacité de réagir aux soubresauts de l’environnement stratégique mondial, ou celui qui serait capable d’en tenter une restructuration en profondeur correspondant à ses intérêts et ses valeurs ? Question sous-jacente aussi dans l’analyse de la relation entre Etats-Unis et Chine, j’y reviendrai.

Mais question qui pose aussi celle de l’état du système international aujourd’hui.

Le système international est multidimensionnel aujourd’hui : Le politologue américain Joseph Nye expliquait en 2009[16] : « la politique internationale aujourd’hui ressemble a un jeu d’échecs en trois dimensions. Au sommet se trouve la dimension militaire, et sa répartition mondiale est encore unipolaire (suprématie américaine) ; au milieu, les relations économiques interétatiques : il s’agit d’une monde multipolaire, et c’est le cas depuis presque deux décennies ; en bas, le monde des acteurs transnationaux et des grandes questions transnationales, du changement climatique aux trafics en tous genres et au terrorisme : là le puissance est distribuée de manière diffuse et les acteurs non-étatiques règnent le plus souvent ».

Et donc la puissance est nécessairement aussi multidimensionnelle : Tout le problème dans chaque cas est celui des rapports entre ses différentes dimensions : s’additionnent-elles ? Ont-elles un effet multiplicateur ? Ou, au contraire, peuvent-elles se nuire entre elles, voire entrer en contradiction ? Ces interrogations sont au cœur de la réflexion introduite par Obama avec la notion de smart power.

Qu’est-ce que le Smart power ?

Renouveler le leadership américain, la stratégie de puissance américaine, c’était la vision du candidat Obama en 2007 telle que décrite dans sa profession de foi publiée comme il se doit dans le magazine Foreign Affairs. L’idée directrice étant de s’adapter aux crises du 21e siècle, aux nouvelles menaces et aux défis d’un « monde multipolaire »[17]. La réponse est donc dans le smart power, concept (voir « Smart power ? Redéfinir le leadership dans un monde post-américain ») qui va d’abord caractériser l’administration Obama, et est défendu dès sa prise de fonction par Hillary Clinton : idée d’une nouvelle et plus habile ou intelligente combinaison du hard et du soft power, qui doit assurer à l’Amérique la restauration et le maintien de son leadership. Revendications qui s’inscrivent dans une réflexion de longue date portée par le politologue (et ancien sous-secrétaire d’Etat de l’administration Clinton) Joseph Nye, dont j’ai déjà parlé, inventeur de la notion de soft power, puis donc de smart power.

Pour Nye, la puissance c’est la faculté d’un Etat à obtenir ce qu’il veut et il n’y a que trois stratégies pour y parvenir : la force, le paiement et la séduction (ou capacité d’attraction). Les deux premières relèveraient de la puissance militaire et économique, elles représenteraient le hard power, la troisième serait l’apanage du soft power[18]. Sachant que le militaire peut aussi faire du soft (cf. militaires américains pour Ebola) par exemple. Distinction entre contraindre et convaincre.

Or dès 2003, Nye intègre dans sa réflexion d’une part le relatif déclin du pouvoir de séduction et d’attractivité de l’Amérique – qui fait face à une montée d’anti-américanisme rarement égalée[19], d’autre part le fait que les défis du 21esiècle nécessitent une adaptation des stratégies de puissance face à un système international en pleine mutation, caractérisé notamment par la multiplication des conflits asymétriques et par l’ascension et la concurrence de nouvelles puissances.

Cette adaptation va se décliner à travers une révision et un rééquilibrage des différents outils de la puissance – militaires, diplomatiques, économiques, mais aussi commerciaux ou énergétiques.

Rééquilibrage des outils et dimensions de la puissance

L’idée est de mettre en œuvre une meilleure combinaison (« intelligente ») du hard et du soft power (premier point sur les guerres secrètes) ; deuxième point sur le redéploiement des priorités diplomatiques régionales pour prendre en compte évolution du système international ; mais aussi, troisième point, nouvel accent mis sur la dimension économique et la place de la politique économique au sein de la politique étrangère ; et dernier point, un mot sur la puissance énergétique.

De la guerre globale aux guerres secrètes : en écho à Clausewitz, la paix comme continuation de la guerre par d’autres moyens, plus discrets

Au cœur de la vision d’Obama, le constat que les guerres des années 2000 en Irak et en Afghanistan ont été des erreurs stratégiques majeures donc priorité : y mettre fin le plus rapidement possible. Les Américains attendent par ailleurs du président démocrate qu’il redonne la priorité aux questions intérieures, en particulier économiques. Le retrait d’Irak est promptement mené à terme et achevé fin 2011 – dans des conditions qui sont aujourd’hui très critiquées aux Etats-Unis, mais encore faut-il admettre que l’origine de la situation actuelle est à chercher non dans le retrait de 2011 mais dans l’invasion de 2003.

En Afghanistan, le président Obama redéfinit le combat de la « guerre globale contre la terreur » à une « guerre contre Al Qaeda », tout en annonçant d’emblée le retrait pour 2014, et des objectifs à la baisse : il ne s’agit plus de transformer le pays en démocratie à l’européenne, mais d’empêcher la constitution d’un nouveau sanctuaire terroriste. Si la page de Bush est tournée, c’est donc dans cette réduction visible et rapide de la présence militaire américaine sur les deux principaux théâtres de la « guerre globale contre le terrorisme ».

Mais l’administration Bush avait aussi posé les fondations d’une guerre parallèle, menée par les forces spéciales et les drones armés. Obama, qui hérite de ces nouvelles armes et d’un commandement des forces spéciales aux ressources décuplées, va y voir une alternative aux grandes opérations terrestres des années 2000. Cette évolution, liée au recentrage de la lutte sur Al Qaeda, suppose un usage plus sélectif de la force et va donner lieu à une augmentation sans précédent des assassinats ciblés, qui deviennent la principale tactique de la lutte des Etats-Unis contre les terroristes où qu’ils soient et dont l’utilisation est étendue géographiquement.

Dans cette même optique, Obama hérite également d’un programme secret de développement des capacités cyberoffensives américaines (développé contre l’Iran d’abord, puis contre la Chine). CYBERCOM, le dernier-né des commandements militaires américains, spécialisé sur le cyberespace, est en plein essor, et aurait mené en 2011 plus de 200 opérations cyberoffensives à l’international[20].

Sur un autre registre mais toujours en illustration à cette priorité à la discrétion, l’opération en Libye, où pour la première fois les Américains participent à une intervention multilatérale sans en assurer le leadership, soit un nouveau modèle d’intervention puisque Washington se retire après dix jours de combat et laisse les alliés et partenaires de l’OTAN (Français et Britanniques en tête) finir le travail. L’expression leading from behind, le leadership « par l’arrière » (ou en retrait), symbolise cette innovation dans la stratégie de puissance américaine. Enfin, elle transparaît aussi au sujet de l’Afrique, préoccupation croissante pour Washington et nouveau terrain du contre-terrorisme, avec des modalités d’intervention en accord avec un concept nouveau d’« empreinte légère » (light footprint) mis en avant par le Pentagone pour réduire à la fois les coûts et la visibilité des déploiements américains.

De nouvelles relations avec le reste du monde

Le président démocrate a surtout cherché à transformer la relation des Etats-Unis avec le reste du monde, et tout particulièrement avec le Moyen-Orient, l’Europe et l’Asie. Il s’agit d’adapter la posture et l’engagement international américain à un monde en pleine recomposition, en transition, vers ce que le journaliste Fareed Zakaria a appelé le monde post-américain.

Pour Obama, l’Amérique est une « puissance du Pacifique », et il est temps qu’elle se préoccupe de l’évolution majeure des deux dernières décennies, le déplacement du centre de gravité mondial vers l’Asie, d’où cette expression de « pivot vers l’Asie-Pacifique » pour exprimer la nouvelle direction de la politique étrangère américaine. Sous-jacent dans ce propos, le principal défi pour les Etats-Unis aujourd’hui semble être de savoir comment gérer au mieux de leurs intérêts l’ascension des nouvelles puissances qui s’affirment, conséquence de leur nouveau poids économique, sur la scène internationale – à commencer par la première d’entre elles, la Chine. En simplifiant à l’extrême, ce défi suppose un choix, entre coopter ou contester, voire empêcher cette ascension. Condition de la réussite du pivot, l’heure est également à la remise en cause des principes directeurs (parfois vieux de plusieurs décennies) de la politique de Washington vis-à-vis d’autres régions du monde, à commencer par le Moyen-Orient.

Réévaluation de la politique américaine au Moyen-Orient avec l’accord intérimaire signé sur le nucléaire iranien et le fait-même d’un dialogue renoué entre les Etats-Unis et l’Iran, ennemis de (plus de) 30 ans. Volonté de redessiner la carte géopolitique de la région. Les lignes bougent, encore accentuées par événements récents ascension ISIS Irak Syrie et réinvestissement américain même si reste sous forme de bombardements, en coalition et avec tentative – mais pas réussite pour l’instant – de laisser d’autres faire le travail. La revue stratégique de l’été 2013 à Washington avait en effet conduit à la définition d’une « stratégie plus modeste » au Moyen-Orient, selon les termes de sa conseillère à la Sécurité nationale, Susan Rice : mise à distance et acceptation par Washington d’une plus grande volatilité dans la région. Il y a donc surtout la volonté de clore la période des engagements direct et massifs (Irak), mais aussi de se concentrer ailleurs – condition du pivot. Problème : volatilité trop grande avec menaces EI sur Kurdistan et au-delà vraies lignes rouges comme Jordanie.

La relation transatlantique, enfin, a également évolué sous Obama. Au début du premier mandat, l’Europe a semblé faire les frais du pivot vers l’Asie et d’un certain détachement de la part du président Obama. Il s’agissait surtout pour Obama de faire comprendre aux Européens que pour Washington la page de la Guerre froide était tournée, et que les Européens devaient désormais prendre en charge leur sécurité. La crise ukrainienne n’a pas vraiment changé la donne, même si certaines prises de parole fortes ont pu un temps laisser croire le contraire. Pour Obama la Russie n’est ni une priorité ni un adversaire, même si l’Ukraine repose la question de la relation entre Washington et Moscou : en 2009, Obama avait mis en œuvre une remise à plat (reset) de la relation américano-russe, faisant de la Russie un partenaire de l’Amérique et inaugurant une meilleure coopération sur plusieurs dossiers, de l’Iran à l’Afghanistan. L’annexion de la Crimée par Vladimir Poutine vient remettre en question cette évolution.

Economic statecraft et nouvelle diplomatie commerciale

La politique économique et la diplomatie commerciale sont replacées au cœur de la politique étrangère, comme déjà sous Clinton qui avait fait de « l’élargissement des démocraties de marché » le cœur de sa doctrine de politique étrangère et le nouveau concept directeur de la politique étrangère américaine de l’ère post-guerre froide.

Cette priorité à l’économie a été apparente dès la campagne de 2008, dans le contexte de la pire crise économique connue par les Etats-Unis depuis celle de 1929. La dimension économique va être au cœur de la stratégie de sécurité nationale d’Obama en 2010. Au point que le chef d’Etat-major américain, le général Mike Mullen, dira en décembre 2011 que la plus grave menace à la sécurité nationale des Etats-Unis est désormais la dette du pays.

D’où cette idée de réintégrer la dimension économique au cœur de la réflexion sur la puissance et donc de la notion de smart power, idée défendue par de nombreux experts influents, politologues comme économique, avec ce postulat de départ : la puissance, le leadership global et la force économique des Etats-Unis sont liés.

Concrètement, il s’agit d’enrôler le département d’Etat pour promouvoir les intérêts des entreprises américaines, et l’on voit ainsi des délégations de chefs d’entreprises accompagnées la secrétaire d’Etat Hillary Clinton dans ses déplacements – Clinton qui a introduit cette notion de economic statecraft, gouvernance économique, au cœur de sa pratique diplomatique. Hillary Clinton a ainsi également veillé à intégrer et intéresser les entreprises américaines à investir au Moyen-Orient ou en Afrique, en lien avec les objectifs stratégiques de Washington. Elle a été jusqu’à rédiger un mémo pour toutes les ambassades américaines leur ordonnant de faire de l’aide aux entreprises américaines (à accéder au marché local) dans leur pays une des priorités de leur action.

Par ailleurs, toujours dans cette ligne du « nation-building at home » défendu par Obama, la seconde priorité d’ordre économique est celle de repenser les relations commerciales avec en ligne de mire la recherche de nouveaux relais de croissance pour l’économie américaine, mais aussi de constituer un socle supplémentaire pour les redéfinitions stratégiques en cours.

Cette évolution est liée au grippage de l’OMC, au rattrapage économique rapide des grands émergents au cours de la décennie 2000, au basculement du dynamisme commercial vers l’Asie du Sud-Est, qui ont suscité une grande anxiété chez les puissances établies inquiètes de la perte de leur influence, dans les enceintes multilatérales (OMC, ONU, FMI, Banque Mondiale, etc.) et dans le système commercial international. Ainsi les Etats-Unis ont multiplié depuis 10 ans les accords bilatéraux et régionaux, négociant d’abord avec des petits partenaires, puis se lançant dans des accords « méga-régionaux » de nouvelle génération, tels que le TPP (Trans Pacific Partnership) et le TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership).

Mais il s’agit aussi d’une politique commerciale au service des intérêts stratégiques : la Chine est particulièrement visée, que ce soit par le TPP (dont elle ne fait pas partie), ou via la dimension normative du Traité Transatlantique, puisque Etats-Unis et Union Européenne représentent à eux deux plus de la moitié du commerce mondial, un poids critique suffisant pour imposer ses normes au reste du monde. Dans les deux cas, il s’agit non seulement de promouvoir la croissance économique mais aussi de peser davantage, dans une logique cette fois géopolitique, face au seul rival qui intéresse Obama à long terme : la Chine (il y a là d’ailleurs un potentiel risque à désamorcer dans le Traité transatlantique pour les Européens). Et le TPP et TTIP combinés mettent les US au centre de l’économie mondiale, en faisant une nouvelle sorte d’« Empire du milieu », pour reprendre l’expression de Pierre Melandri et Justin Vaïsse[21].

Le paradoxe de ces accords régionaux c’est qu’ils constituent pour les Etats-Unis un retrait par rapport à la logique de gouvernance mondiale qu’ils avaient promue (en termes d’objectif) depuis 1945. Mais le vrai paradoxe c’est que cette logique a largement contribué à l’essor des puissances émergentes qui sont aujourd’hui à même de contester la Pax Americana, l’ordre international américain dominant.

Les Etats-Unis (à nouveau) puissance énergétique

Ce que l’on appelle communément la « révolution du schiste » a fait des Etats-Unis la zone de production de gaz naturel et de pétrole à la croissance la plus rapide du monde. Cette révolution issue des avancées technologiques dans les techniques d’extraction onshore et offshore a permis d’accéder à d’immenses réserves d’hydrocarbures « non-conventionnels » (gaz de schiste, gaz de houille, huile de schiste, schistes bitumineux…) et représente une nouvelle manne économique pour le pays, en termes d’emploi, de ré-industrialisation de certaines régions et de revenus. Ainsi en quelques années, les importations américaines de gaz naturel ont été divisées par deux et les exportations de charbon multipliées par trois.

Même si cette révolution ne change pas l’importance de la région du Golfe par exemple dans la géopolitique mondiale et donc pour les Etats-Unis, cela change leur position de force relative. Ainsi, Washington pourrait être amené à demander à d’autres grands pays importateurs de pétrole de prendre plus de responsabilités vis-à-vis de la circulation libre des hydrocarbures du Golfe Persique. Au-delà, le retour de l’Amérique comme puissance énergétique a également un impact psychologique dans le pays en termes de confiance retrouvée, de sentiment de non-vulnérabilité (cf. a contrario l’Europe vis-à-vis de la Russie), confiance qui a un impact sur la prise de risques à l’international.

3. Le monde de demain : post-américain, post-occidental, chinois ?

La résilience des Etats-Unis

Les évolutions internationales et les problèmes économiques intérieurs ne doivent pas cacher les atouts américains persistants, ni faire oublier la capacité de la société américaine à absorber les chocs et à se rétablir, sa « résilience », dont les Etats-Unis ont maintes fois fait preuve à travers leur histoire.

L’Amérique dispose toujours d’atouts de taille : la puissance économique américaine en premier lieu, puisque la part des Etats-Unis dans l’économie mondiale demeure plus ou moins constante à 20-22% du PIB mondial depuis trois décennies – en dépit, comme pour le budget militaire d’ailleurs, de l’augmentation rapide et constante de la part chinoise. Le potentiel d’innovation de l’Amérique est toujours là, avec un système d’enseignement supérieur qui reste attractif pour les étudiants du monde entier. La révolution énergétique des dernières années a par ailleurs replacé le pays parmi les premiers producteurs mondiaux de gaz et de pétrole. Autres atouts, une pyramide des âges favorable et une immigration de qualité, sans parler de la géographie avec une position centrale et « insulaire » entre deux océans[22].

Enfin, la puissance militaire américaine, relative au reste du monde, demeure l’un des atouts-maîtres des Etats-Unis. Par le montant global des dépenses d’abord, et il faut rappeler ici que les dépenses militaires américaines ont augmenté de plus de 80% entre 2001 et 2008. Par conséquent, même si le budget du Pentagone entame l’un de ses cycles décennaux de décroissance, la réduction prévue des dépenses militaires est surtout liée à la fin des opérations en Irak et bientôt en Afghanistan, avec un ordre de grandeur (baisse de 20% environ) comparable à la baisse qui avait suivi la fin de la guerre du Vietnam – et encore, à suivre car pourrait être remise en question. Au regard de la richesse du pays, le budget de défense américain, inférieur à 4% du PIB, demeure abordable et faible historiquement.

Comparée aux dépenses militaires du reste du monde, la part américaine est restée relativement constante à environ 55-60% des dépenses mondiales depuis la fin de la guerre froide. Comme pour la part des Etats-Unis dans l’économie globale, on constate cependant une redistribution mondiale des équilibres régionaux. La Chine est en tête des pays en croissance, avec un budget militaire en hausse constante et rapide, notamment depuis le début de la décennie 2000 : le budget militaire chinois est officiellement de 132 milliards de dollars pour 2014 (mais certains l’évaluent à près du double), à comparer au budget américain de 600 milliards pour 2014 (stable par rapport à 2013). Plus largement, la part de l’Asie augmente dans les dépenses militaires mondiales, et a dépassé pour la première fois en 2011 les dépenses européennes, autre signe des temps.

Enfin, la défense américaine est à la pointe de la dernière « révolution dans les affaires militaires » en date, en particulier dans le domaine de la robotisation de la guerre, dont les drones constituent l’exemple le plus connu et désormais largement partagé dans le monde. Robotisation de la guerre qui a des conséquences, puisqu’il devient moins nécessaire d’obtenir le soutien de la population américaine, indispensable lorsqu’il s’agit d’envoyer des soldats sur le terrain.

Au-delà du budget et de l’avance technologique, la puissance militaire américaine bénéficie aussi de l’empreinte globale des Etats-Unis, symbolisée par l’organisation en commandements militaires régionaux couvrant l’ensemble du globe. Il y a des soldats américains dans 148 pays différents et les Etats-Unis disposent d’un réseau de plusieurs centaines de bases (de toutes tailles) qui couvre le monde entier. Les Etats-Unis demeurent d’ailleurs le seul pays à disposer de capacités d’intervention globales, ce qui selon certains auteurs (Monteiro) suffit pour continuer à qualifier le système international actuel d’unipolaire (les US demeurant l’hegemon, ce que Hubert Védrine avait qualifié d’hyperpuissance). Enfin, Washington dispose toujours d’un réseau d’alliances inégalé, structuré notamment autour de l’OTAN, avec des pays associés et de multiples formes de partenariat, de l’Europe à l’Asie en passant par le Golfe. Les Etats-Unis ont plus de 50 alliés formels. Par comparaison, on a pu dire de la Chine qu’elle n’avait que deux amis, la Corée du Nord et la Birmanie.

Etats-Unis/Chine, une nouvelle bipolarité ?

Tous ces éléments montrent que l’annonce d’une « nouvelle bipolarité » entre les Etats-Unis et la Chine demeure prématurée. La puissance de la Chine vis-à-vis de l’Amérique est pour l’instant plus économique que militaire – par le poids croissant de la Chine dans l’économie mondiale et par le montant de la dette américaine détenue par les Chinois (1200 milliards de dollars, soit un peu plus du quart de la dette extérieure totale des Etats-Unis). C’est bien ce pouvoir économique qui permet à Pékin de ne pas se laisser intimider par la puissance militaire américaine. Cela dit, il existe bien une compétition, non seulement économique, mais également idéologique, et un affrontement direct pour l’instant limité aux domaines du cyber et du spatial.

Par ailleurs Pékin se montre pour l’instant réticent à prendre en charge les responsabilités globales que Washington dit vouloir lui confier et semble accepter de s’insérer dans le système international existant – on revient à la notion de puissance comme capacité à structurer l’ordre international et changer les règles du jeu.

Question de temps peut-être : les Etats-Unis avaient bien attendu 1941 pour assumer un rôle international à la mesure de leur prépondérance commerciale et économique – et 1945 pour changer les règles du jeu mondial, après leur victoire.

Dysfonctionnement politique interne, la plus grande menace ?

Pour d’autres observateurs, la plus grande menace à la puissance américaine viendrait plutôt du dysfonctionnement croissant des institutions américaines et des difficultés qui en résultent pour résoudre les problèmes de fond, notamment économiques (ce que disait le CEMA Mullen) et donc la plus sérieuse remise en cause de la puissance américaine sur le long terme. Or la présidence Obama n’a pas permis de progrès sur ce plan, au contraire, malgré ses ambitions de départ.

On rejoint là ce que disait un autre politologue, Christopher Layne, sur les blocages autour du relèvement du plafond de la dette à l’été 2011 (première dégradation de la note américaine) : la puissance économique hégémonique (economic hegemon) est censée résoudre les crises économiques globales, pas les provoquer » (allusion à la crise de 2008 et au rôle des subprimes et des banques américaines), dans un article au titre révélateur, si ce n’est prémonitoire : « la fin de l’unipolarité et de la Pax Americana »[23].

Quoi qu’il en soit, il faut replacer ces réflexions dans le temps long, où la puissance (et a fortiori l’hyperpuissance) n’est jamais figée ni absolue mais toujours relative. Les Etats-Unis, et l’Occident plus largement, ont perdu leur prépondérance, ils sont de plus en plus concurrencés ; la baisse de leur puissance relative est indéniable et inéluctable (car ainsi va l’histoire), tendance lourde déjà décrite par l’historien Paul Kennedy à la fin des années 1980[24]. S’agit-il pour autant de déclin ? Question de définition et de perception.

 

https://froggybottomblog.com/2015/11/11/etats-unis-la-fin-de-lhyperpuissance-mise-a-jour/

 

Citation

Etats-Unis, la fin de l’hyperpuissance (mise à jour)

mayakandel / 11 novembre 2015

Il m’a semblé utile de mettre à jour cet article, que j’avais publié ici en 2014 et qui continue à être l’un des plus consultés de Froggy Bottom (c’est par ailleurs un thème sur lequel on me demande souvent d’intervenir en conférence). Le constat d’ensemble et l’analyse restent les mêmes, mais la situation au Moyen-Orient a évolué rapidement, d’où la nécessité de revenir sur la stratégie anti-terroriste d’Obama ; j’ai également mis à jour quelques chiffres dans la dernière partie ; enfin, certains passages ont été allégés.

Le terme d’hyperpuissance avait été proposé par Hubert Védrine pendant cette période très spéciale d’une Amérique superpuissance sans rival, en 1997 précisément, et utilisé jusqu’au début des années 2000. Or aujourd’hui lorsque l’on évoque les Etats-Unis c’est plutôt pour les associer au terme de déclin. En l’espace d’un peu plus d’une décennie, c’est une évolution qui pose d’emblée question et qui impose de resituer ce débat au regard de l’histoire américaine récente et de l’évolution contemporaine du système international.

Une page semble en effet se tourner sous nos yeux, celle de la Pax Americana mise en place par les Etats-Unis au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Il semble bien que nous soyons en train de vivre la fin du « siècle américain » décrit par Henry Luce en 1941[1], et que le monde soit en train de basculer, voire qu’il ait déjà basculé dans un « monde post-américain » (et plus largement post-occidental), pour reprendre l’expression de Fareed Zakaria[2].

Cette idée suggère une influence amoindrie des Etats-Unis sur le monde, d’où le titre, et c’est par là sans doute qu’il faut commencer si l’on veut bien comprendre et analyser la place des Etats-Unis aujourd’hui, qui demeurent un acteur majeur de la scène internationale.

Les Etats-Unis sont-ils un empire en déclin ? La question est à la mode, mais ce débat sur le déclin américain doit être resitué historiquement : il n’est ni le premier, ni sans doute le dernier dans l’histoire des Etats-Unis depuis 1945. Il impose de s’interroger sur la place des Etats-Unis sur la scène mondiale, leur liberté d’action et leur volonté d’agir. Sous la présidence de George W. Bush, dans la continuité du moment unipolaire des Etats-Unis vainqueurs de la Guerre Froide, l’Amérique voulait remodeler le monde à son image. Aujourd’hui, elle ressemble davantage à une « puissance du statu quo », cherchant à restaurer un leadership amoindri et à défendre une position prééminente que l’ascension de nouvelles puissantes semble menacer dans les domaines les plus variés.

S’interroger sur « la fin de l’hyperpuissance américaine » impose donc de réfléchir à la redistribution en cours de la puissance autour du globe, à la manière dont cette tendance lourde affecte les Etats-Unis et sur la stratégie élaborée par Washington pour y faire face, voire à un premier bilan de cette stratégie.

Je commencerai par revenir un peu en arrière, pour montrer que l’administration Bush n’a fait qu’accélérer une évolution logique et attendue : la fin du moment unipolaire (ce que décrit finalement l’expression de Védrine d’hyperpuissance), moment entamé avec la disparition de l’Union soviétique en 1991. 1ère partie : fin du moment unipolaire.

Le président Obama en a pris acte dans sa vision de l’Amérique, et a tenté de redéfinir la politique étrangère américaine, et plus largement la stratégie de puissance des Etats-Unis pour s’adapter à l’évolution du monde. Mais aujourd’hui son bilan de politique étrangère est très critiqué. 2ème partie : Obama, une nouvelle stratégie de puissance et tentative de (premier) bilan : a-t-il affaibli les Etats-Unis sur la scène internationale ?

Enfin, la 3ème et dernière partie abordera la dimension prospective pour s’interroger sur le monde de demain : déjà post-américain, post-atlantique, asiatique ? J’en profiterai pour insister sur la résilience des Etats-Unis, mais aussi pour m’interroger sur le face-à-face annoncé avec la Chine, seul autre rival à la mesure de la puissance américaine (c’est du moins l’avis de Washington cf. le pivot).

1. La fin du « moment unipolaire »

Le déclinisme cyclique des Américains

Tous les dix à quinze ans, une vague de « déclinisme » saisit les Etats-Unis. La précédente avait eu lieu à la fin des années 1980 et reste symbolisée par le livre de l’historien Paul Kennedy sur « naissance et déclin des grandes puissances », qui allait plonger l’Amérique dans le doute pour ne pas dire la dépression[3]. Dix ans plus tard, le ministre des Affaires étrangères français Hubert Védrine qualifiait les Etats-Unis d’hyperpuissance. Mais en 1990, Washington se voyait bientôt supplanté par Tokyo : c’est l’époque où un sénateur américain pouvait déclarer : « la guerre froide est terminée, le Japon l’a gagnée »[4].

A l’époque, le sentiment de déclin était provoqué par trois observations essentielles, exposées par le politologue Samuel Huntington dans un article intitulé « The U.S. – Decline or Renewal » publié dans la revue Foreign Affairs de l’hiver… 1988/89 : déclin de la performance économique (compétitivité) ; déclin de la puissance économique (part de l’économie américaine dans le PIB mondial) ; et déclin lié à l’aventurisme et à l’augmentation vertigineuse des dépenses militaires sous la présidence Reagan. Inutile de souligner à quel point ces arguments semblent familiers : tous les propos sur le déclin américain des années 2010 les reprennent point par point, animés par la même idée d’une puissance vivant au-dessus de ses moyens, et qui finira emportée par sa propre arrogance (hubris).

Or Huntington soulignait déjà dans cet article de 1988 qu’il s’agit de la cinquième vague de déclinisme affectant l’Amérique depuis les années 1950 (Sputnik, annonce par Nixon et Kissinger de la « fin du monde bipolaire », embargo de l’OPEP en 1973 et hausse des prix du pétrole, Vietnam, Watergate, Afghanistan etc. Nous serions donc en train de vivre la sixième vague de déclinisme frappant les Etats-Unis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Comme le souligne Huntington, le déclinisme a sans doute plus à voir avec la psyché américaine qu’avec la réalité.

Pour autant, le sentiment existe chez les Américains, puisqu’ils sont 71% à penser que leur pays est en déclin[5]. La récession économique est passée par là, accompagnée de quelques statistiques frappantes : la bonne santé de la Chine, dont l’économie pourrait dépasser en volume l’économie américaine d’ici une à deux décennies ; la croissance des dépenses militaires en Asie, qui pour la première fois dépasse celles de l’Europe en 2011. Autre signe révélateur du désarroi américain, une étude du Pew Research Center indique en 2012 que pour la première fois, les Américains convaincus de la supériorité de leur culture ne sont plus majoritaires[6].

Ruptures et continuités dans la politique étrangère post-guerre froide

Pour donner un peu de perspective à cette notion de moment unipolaire et d’Amérique hyperpuissance, il est nécessaire de revenir sur la période très particulière « post-guerre froide » (faute d’autre nom) ouverte par la chute du mur de Berlin et la dissolution de l’URSS deux ans plus tard.

Le sentiment de déclin relatif américain à l’extérieur est lié, on l’a dit, à la fin du deuxième moment unipolaire de l’Amérique : le premier a eu lieu à la fin de la Seconde Guerre mondiale, le second est né de la fin de la guerre froide[7]. Ce dernier moment unipolaire est d’autant plus exceptionnel qu’il laissait les Etats-Unis sans ennemi sur la scène internationale. Et c’est sans doute ce qui explique la caractéristique principale de la politique extérieure américaine sur cette période : un interventionnisme militaire historiquement élevé, même pour les Etats-Unis, et une utilisation de plus en plus systématique de l’outil militaire pour régler tous les problèmes internationaux[8].

Rappelons que la fin de la guerre froide a été vue par les Américains comme une victoire de leur stratégie de containment face à l’Union soviétique. La période qui s’ouvre alors va être caractérisée par la recherche d’une autre « grande stratégie » pour la nouvelle ère en train d’émerger. Ce sera d’abord le « nouvel ordre mondial » rêvé par le président George H.W. Bush (père), qui voit dans la fin de la guerre froide une opportunité pour la communauté internationale et l’ONU, sous leadership américain et libérée du carcan paralysant de la bipolarité. En réalité, et malgré une tentative de mise en œuvre au moment de la première guerre du Golfe, 1991 va ouvrir une période de flou sur la stratégie à adopter en l’absence de l’ennemi communiste, mais aussi, vu l’ampleur des moyens de la puissance américaine, sur la définition plus ou moins large des intérêts des Etats-Unis, pour guider le choix des interventions américaines dans le monde.

L’élection du démocrate Bill Clinton en 1992 ouvre à Washington la décennie des « faucons de gauche », ou interventionnistes « humanitaires ». C’est l’époque de l’Amérique « nation indispensable ». Bosnie, Haïti, Kosovo, en seront les jalons les plus marquants, symboles d’une Amérique qui semble parfois embarrassée de sa propre puissance et lui cherche une utilisation.

Avec les attentats du 11 septembre 2001, les Etats-Unis retrouvent des repères, ou plutôt un nouvel ennemi, le terrorisme d’Al Qaïda. Les néoconservateurs de l’entourage du président américain George W. Bush en profitent pour imposer leur lecture et leur agenda à la faveur du choc créé par les attentats : de là est née la « révolution Bush en politique étrangère », pour reprendre l’expression de Ivo Daalder et James Lindsay[9], définie par la guerre unilatérale américaine déclarée « à la terreur », et précisée par cette admonestation de Bush au reste du monde : « vous êtes avec nous ou contre nous ». La nouvelle doctrine signe également le retour à une vision bipolaire du monde, matinée d’un messianisme (le « grand dessein » des néoconservateurs de démocratisation du Moyen-Orient) particulièrement agressif (la guerre préventive de la National Security Strategy de 2002). Concrètement, le 11 septembre 2001 va provoquer un déferlement de puissance militaire américaine unilatérale sur le monde.

Aujourd’hui les Etats-Unis semblent parvenus aux limites de cet interventionnisme tout azimut, limites symbolisées par les difficultés des guerres en Irak, puis en Afghanistan. Ces difficultés ont contribué à accélérer la fin du moment unipolaire, par leur coût en hommes et en trésor. Ce dernier point est essentiel car il explique en partie la seconde dimension du déclin relatif américain, dimension intérieure liée à la santé du modèle américain et de son économie. C’est la combinaison de ces chocs à l’extérieur et à l’intérieur des Etats-Unis qui explique la volonté de Barack Obama de tourner la page des années Bush pour revenir à une définition plus modeste de l’action américaine dans le monde. Obama introduit donc une réflexion sur le smart power ou puissance intelligente, notion qui se veut une réflexion sur ce que doit être la stratégie de puissance des Etats-Unis dans le monde contemporain : elle se veut une rupture avec Bush mais s’inscrit aussi dans une analyse des relations internationales qui prend acte du déplacement du centre de gravité du monde vers l’Asie, et des conséquences de la décennie 2000 avec la fin de l’hyperpuissance américaine et l’évolution du système international vers un monde multipolaire.

2. Obama, une nouvelle stratégie de puissance américaine ? et quel bilan ?

La notion de puissance et son évolution

La notion de puissance occupe une place centrale dans l’analyse des relations internationales, aussi bien sur le plan théorique que politique. C’est l’une des notions clés autour desquelles s’articulent la lecture et l’analyse des évolutions du système international. Mais ses définitions ont évolué dans le temps en se diversifiant selon les points de vue et en se complexifiant avec l’évolution du système international.

Les définitions de la notion de puissance sont nombreuses, mais se rejoignent généralement autour d’un noyau de définition commun que l’on pourrait résumer par « la capacité des acteurs internationaux », avec deux grandes catégories : la puissance comme capacité d’action et marge de manœuvre, et la puissance comme capacité à structurer l’environnement international.

OR Le système international est multidimensionnel aujourd’hui : Le politologue américain Joseph Nye expliquait en 2009[10] : « la politique internationale aujourd’hui ressemble a un jeu d’échecs en trois dimensions. Au sommet se trouve la dimension militaire, et sa répartition mondiale est encore unipolaire (suprématie américaine) ; au milieu, les relations économiques interétatiques : il s’agit d’une monde multipolaire, et c’est le cas depuis presque deux décennies ; en bas, le monde des acteurs transnationaux et des grandes questions transnationales, du changement climatique aux trafics en tous genres et au terrorisme : là le puissance est distribuée de manière diffuse et les acteurs non-étatiques règnent le plus souvent ».

Et donc la puissance est nécessairement aussi multidimensionnelle : Tout le problème dans chaque cas est celui des rapports entre ses différentes dimensions : s’additionnent-elles ? Ont-elles un effet multiplicateur ? Ou, au contraire, peuvent-elles se nuire entre elles, voire entrer en contradiction ? Ces interrogations sont au cœur de la réflexion introduite par Obama avec la notion de smart power.

Qu’est-ce que le Smart power ? Rééquilibrage des outils et dimensions de la puissance

Renouveler le leadership américain, la stratégie de puissance américaine, c’était la vision du candidat Obama en 2007 telle que décrite dans sa profession de foi publiée comme il se doit dans le magazine Foreign Affairs. L’idée directrice étant de s’adapter aux crises du 21e siècle, aux nouvelles menaces et aux défis d’un « monde multipolaire »[11].

La réponse est donc dans le smart power, concept qui va d’abord caractériser l’administration Obama, et est défendu dès sa prise de fonction par Hillary Clinton : idée d’une nouvelle et plus habile ou intelligente combinaison du hard et du soft power, qui doit assurer à l’Amérique la restauration et le maintien de son leadership.

Concrètement, cette adaptation va se décliner à travers une révision et un rééquilibrage des différents outils de la puissance – militaires, diplomatiques, économiques, mais aussi commerciaux ou énergétiques ;

révision des outils et emploi de la force :

D’emblée le président Obama redéfinit le combat de la « guerre globale contre la terreur » à une « guerre contre Al Qaeda ». Si la page de Bush est tournée, c’est donc dans cette réduction visible et rapide de la présence militaire américaine sur les deux principaux théâtres de la « guerre globale contre le terrorisme ». Mais l’administration Bush avait aussi posé les fondations d’une guerre parallèle, menée par les forces spéciales et les drones armés. Obama, qui hérite de ces nouvelles armes et d’un commandement des forces spéciales aux ressources décuplées, va y voir une alternative aux grandes opérations terrestres des années 2000. Cette évolution met en avant un usage plus sélectif de la force et va donner lieu à une augmentation sans précédent des assassinats ciblés, qui deviennent la principale tactique de la lutte des Etats-Unis contre les terroristes où qu’ils soient et dont l’utilisation est étendue géographiquement.

nouvelles relations avec le reste du monde càd transformer les relations avec les différentes régions du monde :

Le président démocrate a surtout cherché à transformer la relation des Etats-Unis avec le reste du monde (le fameux pivot vers l’Asie), et tout particulièrement avec le Moyen-Orient, l’Europe et l’Asie. Il s’agit d’adapter la posture et l’engagement international américain à un monde en pleine recomposition, en transition, vers ce que le journaliste Fareed Zakaria a appelé le monde post-américain. L’Asie étant l’avenir, Obama a voulu mettre à distance le Moyen-Orient et l’Europe, qui ont eu une fâcheuse tendance à le refuser, j’y reviendrai.

accent sur politique économique et énergétique :

Les Etats-Unis (à nouveau) puissance énergétique : Ce que l’on appelle communément la « révolution du schiste » a fait des Etats-Unis la zone de production de gaz naturel et de pétrole à la croissance la plus rapide du monde. Cette révolution issue des avancées technologiques dans les techniques d’extraction onshore et offshore a permis d’accéder à d’immenses réserves d’hydrocarbures « non-conventionnels » (gaz de schiste, gaz de houille, huile de schiste, schistes bitumineux…) et représente une nouvelle manne économique pour le pays, avec des impacts géopolitiques également. Même si cette révolution ne change pas l’importance de la région du Golfe par exemple dans la géopolitique mondiale et donc pour les Etats-Unis, cela change leur position de force relative. Cela explique aussi que Washington demande désormais aux principaux intéressés ET à d’autres grands pays importateurs de pétrole de prendre plus de responsabilités dans la sécurité régionale. Au-delà, le retour de l’Amérique comme puissance énergétique a également un impact psychologique dans le pays en termes de confiance retrouvée, de moindre vulnérabilité (que l’Europe vis-à-vis de la Russie par exemple).

La présidence Obama a-t-elle affaibli les Etats-Unis sur la scène internationale ?

A écouter la conversation médiatique dominante (fortement influencée par les médias américains), la réponse semble être un oui évident. Mais il faut bien souligner qu’il est compliqué de répondre à cette question aujourd’hui, car l’exercice demande de la perspective et le bilan Obama ne pourra être évalué réellement que sur le long terme. A ce propos, on compare souvent Obama à Nixon, mais le climat actuel évoque aussi la fin de la présidence Carter en 1979, autre président démocrate accusé de faiblesse face à la « puissance russe » symbolisée alors par l’invasion de l’Afghanistan, Carter qui parvenait pourtant la même année au succès diplomatique des accords de Camp David entre l’Egypte et Israël.

La difficulté vient de ce que l’on pourrait appeler le « paradoxe Obama » en politique étrangère : élu pour tourner la page des guerres de Bush et ne pas engager le pays dans de nouvelles guerres, il en a obtenu peu de reconnaissance, illustrant bien le paradoxe de la prévention : il est toujours difficile d’obtenir du crédit pour ne pas avoir fait quelque chose, en l’occurrence impliqué les Etats-Unis dans de nouvelles guerres en Syrie, Iran ou Ukraine, par exemple, comme l’auraient fait certains des candidats républicains à la présidentielle s’il faut croire leurs déclarations actuelles (ce qui n’est pas certain). Mais c’est bien la base de l’approche Obama en politique étrangère, comme il le déclarait encore lors de son discours à l’académie militaire de West Point en 2014 : depuis 1945, les plus grandes erreurs des Etats-Unis sont le résultat non de leur retenue (restraint) mais de leur aventurisme militaire.

Au-delà, nombre de critiques actuelles illustrent le refus d’une partie des Américains et de l’establishment de politique étrangère à Washington (bien au-delà des seuls républicains même s’ils sont les plus virulents) d’accepter que leur pays n’est plus aussi puissant que par le passé et qu’il y a donc des limites à la puissance et à l’action américaines, limites qu’Obama a intégrées dans son analyse et exposées dans ses grands discours (hors des Etats-Unis, les critiques du même ordre sont plus ambigües, car venant parfois des mêmes qui dénonçaient l’hyperpuissance américaine, qu’elles semblent aujourd’hui regretter).

En forme de bilan, forcément provisoire, de cette stratégie ou approche Obama en politique étrangère, que peut-on dire ? Sachant que cette interrogation sur la puissance pose la question à la fois de la capacité d’action immédiate des Etats-Unis, exercice à court terme consistant à faire face au mieux aux crises actuelles, et de leur capacité à plus long terme à structurer l’environnement international, ou à garantir la pérennité de l’architecture actuelle. Dans le premier cas, on pense au Moyen-Orient, à la relation avec l’Iran ou la Russie ; dans le second cas, la question concerne en particulier la relation avec la Chine.

Le retour sous Obama à une forme de réalisme en politique étrangère après les excès idéologiques de l’administration Bush a permis une approche plus nuancée des problèmes actuels, et en particulier un dialogue renoué, n’excluant pas la fermeté, essentiel dans un monde caractérisé par des conflits plus complexes et des relations plus fluides entre des pays qui peuvent être tour à tour adversaires sur certains dossiers et partenaires sur d’autres (Russie, Iran, Chine…). Mais Obama s’est également heurté aux limites de la diplomatie, et à ses propres limites : il a été dans un sens victime de ses qualités : excellent analyste, il a parfois peiné à agir (trop « savant », pas assez « politique », pour reprendre Max Weber).

La reprise de relations avec l’Iran et Cuba resteront des succès historiques pour l’administration Obama, avec des conséquences importantes pour le Moyen-Orient et les Amériques.

Au Moyen-Orient, la diplomatie est indispensable notamment face à la plus grande force déstabilisatrice aujourd’hui dans la zone, l’Etat Islamique, menace qui réunit à la fois les Etats-Unis et l’Iran, mais aussi de plus en plus l’Arabie Saoudite, les pays du Golfe et les pays européens. Seul le dialogue et la discussion peuvent permettre la mise en place de solutions non militaires (la réponse seulement militaire ayant montré ses limites) au défi posé par l’EI. A contrario, l’ascension de l’EI met en lumière ce qui constitue sans doute le plus grand échec d’Obama, après avoir semblé être son plus grand succès au moment de sa réélection en 2012, la politique anti-terroriste. Que ce soit en Afghanistan, en Irak ou encore au Yémen, pourtant présenté comme un succès et un modèle jusqu’en 2014, la stratégie a pour l’instant échoué spectaculairement, y compris à affaiblir Al-Qaïda. En Libye, bien qu’Obama ait pris soin de mener un « leadership en retrait », il a reproduit, avec ses partenaires européens, les erreurs de l’invasion irakienne en refusant d’envisager l’après-Kadhafi.

En Europe, Obama a péché par un excès d’optimisme qui s’explique peut-être par sa méconnaissance du continent européen, où il n’avait pas d’expérience personnelle contrairement à quasiment tous ses prédécesseurs à la présidence des Etats-Unis. Considérer la sécurité du continent européen comme acquise était clairement une erreur, de même que croire que Poutine allait accepter de cantonner la Russie au rang de puissance régionale gérable qu’Obama lui avait attribué. Pour autant, l’intervention russe en Ukraine ne peut être réduite à une réaction à la « faiblesse » d’Obama : les Européens ont une responsabilité essentielle – Obama leur avait délégué le cas ukrainien au départ ; et la situation interne russe ainsi que la situation politique en Ukraine ont été les premiers déterminants de l’action de Moscou.

L’Asie a été dès le premier mandat la priorité affichée de l’administration Obama, le « pivot » constituant la première priorité de la politique étrangère, justifiant le désengagement relatif américain du Moyen-Orient et d’Europe, une réorientation envisagée sur le long terme, notamment pour le Pentagone. Car dans l’esprit du président américain, la Chine est le seul adversaire à la mesure des Etats-Unis, n’en déplaise à Poutine (et cela lui a clairement déplu), même s’il s’agit là d’une perspective à plus long terme. Obama a su à la fois approfondir les liens avec les alliés américains en Asie du Nord-Est comme du Sud-Est (Vietnam, Philippines, Japon), et faire preuve de fermeté face à Pékin en mer de Chine méridionale comme orientale (on se souvient de l’épisode de l’ADIZ en mer de Chine orientale fin 2013, où le Pentagone avait immédiatement envoyer deux bombardiers survoler la zone pour bien montrer que Washington ne se sentait pas concerné par la nouvelle mesure chinoise). Avec l’arrivée du président Xi Jinping aux commandes, la Chine revendique désormais son statut de grande puissance et semble beaucoup moins réticente à l’idée d’un directoire américano-chinois sur le monde, qui a déjà porté ses fruits dans le domaine du climat. Pour autant, la domination américaine dans le Pacifique est sans doute comptée et la compétition entre les deux géants est appelée à s’accentuer, même si leur affrontement direct reste pour l’instant limité aux domaines du cyber et du spatial.

Enfin, Obama a également mis l’accent sur une politique commerciale, encore inaboutie, au service des intérêts stratégiques, avec en particulier les deux projets de méga-accords de libre-échange transpacifique (TPP) et transatlantique (TTIP), qui veulent mettre les Etats-Unis au cœur des deux plus vastes zones d’échanges commerciaux. Le paradoxe de ces accords régionaux est qu’ils constituent pour les Etats-Unis un retrait par rapport à la logique de gouvernance mondiale qu’ils avaient promue depuis 1945 – là encore, résultant du constat d’une puissance en déclin relatif face à l’ascension de nouveaux acteurs économiques. Il n’est de toute façon pas certain que ces accords se concrétisent.

En résumé, on peut faire le constat d’un mouvement cyclique de désengagement américain, en partie attendu car traditionnel dans la politique étrangère américaine depuis 70 ans (après la surexpansion, un certain retrait, jusqu’au cycle suivant). Ce désengagement ponctuel, sous fond de tendance lourde à une baisse relative de la puissance américaine, a aggravé la conflictualité de certaines régions (Moyen-Orient, Europe) et créé un certain vide que d’autres pays se sont empressés de remplir, à commencer par la Russie. Peut-on dire pour autant que l’intervention russe en Syrie par exemple affaiblisse les Etats-Unis ? Cela reste à prouver sur le long terme. De la même manière, l’annexion de la Crimée et l’invasion russe en Ukraine ont plutôt renforcé l’attrait de l’OTAN et la demande de présence américaine au moins dans une partie de l’Europe. Sur le long terme, on peut légitimement se demander si la présidence Poutine aura affaibli ou renforcé la Russie.

Avant d’aborder la troisième et dernière partie, je voudrais revenir plus en détail sur la politique américaine au Moyen-Orient et évoquer l’Afrique.

La politique américaine au Moyen-Orient

L’influence et l’engagement des Etats-Unis au Moyen-Orient sont certainement historiquement faible, peut-être au point le plus bas depuis 1945. C’est une conséquence des choix stratégiques d’Obama, résultant à la fois de la priorité à l’Asie et de l’analyse (on pourrait dire du traumatisme) de la guerre d’Irak (un traumatisme qui s’explique puisque la guerre a coûté aux US 1600 milliards de dollars et fait 6900 morts militaires américains).

Obama a donc tenté de désengager les Etats-Unis de la région, de « mettre à distance » le Moyen-Orient selon les propres termes de la revue stratégique de son Conseil national de Sécurité, qui avait été exposée par Susan Rice en 2013. Cette notion impliquait aussi que Washington acceptait un plus haut degré de volatilité et de conflictualité dans la région, et un moindre contrôle sur ses partenaires et sur les événements en général. Il est indéniable aujourd’hui que ce désengagement américain a créé un vide qui a été comblé notamment par l’Iran et la Russie mais aussi par le groupe Etat Islamique, et par l’Arabie Saoudite et les émirats (Yémen).

Pour autant il faut quand même rappeler que la présence militaire US dans la région reste très forte (45 000 hommes pour l’ensemble du Moyen-Orient, dont 35 000 hommes dans le Golfe, 40 navires de guerre, les équipements les plus récents) et des liens qui restent étroits avec plusieurs services de renseignement dans la région, du Maroc à Israël. Donc parler de retrait est excessif.

Mais il est clair qu’il y a un manque de confiance vis-à-vis d’Obama, lié notamment au sentiment que les Etats-Unis peuvent à tout moment lâcher leurs alliés (c’est le trauma Mubarak en Egypte) et que ce président américain ne veut pas prendre de risques (trauma Syrie ligne rouge de l’été 2013).

En réalité, il faut rappeler encore une fois que Obama a été élu pour mettre fin aux guerres de Bush d’où le retrait précipité (très critiqué aujourd’hui) d’Irak fin 2011 – retrait dont les conditions avaient été négociées par Bush, rappelons-le. Depuis 2014 Obama a certes réinvesti militairement les Etats-Unis dans plusieurs zones de conflits de la région, mais de manière volontairement limitée : pour aider les Kurdes d’Irak, alliés des Américains depuis 1991 (empêcher la chute d’Erbil en août 2014), puis en réaction aux décapitations des journalistes américains (en septembre 2014), enfin tout récemment pour réagir aux opérations russes (50 forces spéciales en Syrie). Mais il est toujours resté fidèle à sa ligne directrice càd une intervention américaine en coalition, sans troupes américaines combattantes au sol (ou en tout cas pas trop, le maître-mot étant « discrétion »), sans leadership trop apparent (les mauvaises langues diraient sans leadership tout court) ; et en privilégiant une approche par procuration, avec donc surtout les Kurdes (d’Irak et Syrie), et quelques rebelles syriens (plutôt entraînés par la CIA car le programme du Pentagone n’a pas eu les résultats escomptés, c’est le moins qu’on puisse dire).

Cette stratégie Obama est très critiquée, aux Etats-Unis, au Moyen-Orient mais aussi ailleurs (en France), pour autant il faut reconnaître que le président américain n’a pas dévié de sa ligne malgré la férocité des critiques. Le principal problème est venu du décalage entre ses paroles (le discours du Caire, les propos sur la ligne rouge en Syrie) et les actes. Mais il a tenu sa stratégie de désinvestissement américain de la région envers et contre tous. Cette approche résulte de sa conviction forte qu’il n’y a pas de solution purement militaire face à l’Etat islamique par exemple, conviction qui, il faut le souligner, est partagée par les spécialistes de la zone et du jihadisme : l’EI prospère sur le champ de ruine d’Etats faillis, Syrie, Irak, ce qui représente une menace pour toute la zone où le risque est grand de voir les déçus des printemps arabes se tourner vers l’EI. Ce n’est pas un hasard si le groupe propose un projet étatique justement. C’est donc là qu’il faut le combattre.

Je rappellerai d’ailleurs que les analyses (intelligentes) du succès du surge américain en Irak en 2007 démontrent que ce n’est pas seulement l’augmentation des soldats américains sur place qui a fait la différence, mais surtout leur alliance avec les tribus sunnites irakiennes (mouvement du réveil) qui ont collaboré avec les Américains contre les jihadites étrangers. Succès qui fut annihilé ensuite en raison notamment de la politique anti-sunnite désastreuse de Maliki, désastre accentué par le départ des Américains (qui par leur seule présence avaient freiné Bagdad jusque-là).

A priori il n’y a pas de raison qu’Obama dévie de sa ligne de conduite d’autant que le retrait total d’Afghanistan est désormais remis en cause, au vu de l’évolution de l’Irak et de la dégradation de la situation en Afghanistan également, avec une présence avérée de l’EI. Cela dit, tout dépend de l’évolution des événements – il est certain qu’un nouvel attentat spectaculaire sur le sol américain pourrait conduire à un réengagement plus marqué des Etats-Unis.

Washington et l’Afrique

L’Afrique ne figure pas au premier rang des priorités stratégiques des Etats-Unis mais son importance a été revue à la hausse par Washington comme théâtre de la lutte anti-terroriste. En témoigne la visibilité accrue des références à des régions et pays africains dans plusieurs discours récents du président Obama sur la politique étrangère, en mai 2014 à Westpoint, ou encore en septembre 2014 vis-à-vis de l’Etat Islamique, où Obama citait en référence la stratégie mise en œuvre depuis plusieurs années en Somalie et au Yémen. Il y a bien une montée en puissance de la présence de l’Afrique dans les intérêts américains liée à une évaluation en hausse de la menace terroriste venue du continent. Par ailleurs, le continent africain constitue le laboratoire de la nouvelle approche dite d’empreinte légère (light footprint) et de leadership en retrait définie dans le document stratégique du Pentagone de janvier 2012 par « des approches innovantes et à faible coût ». Elles reposent en particulier sur l’usage des drones, des forces spéciales et autres modalités discrètes d’intervention, l’importance de la surveillance, enfin l’appui sur les partenariats – toutes choses symptomatiques d’une approche ou même « doctrine » Obama que j’ai déjà évoquée.

D’autre part l’Afrique nous intéresse car elle est aussi le terrain d’une collaboration franco-américaine resserrée et inédite dans la région sahélo-saharienne. À cet égard, 2014 a été une année de transition pour un partenariat renouvelé depuis le début de la décennie 2010, confirmé par de nouvelles sommes allouées par Washington (10 millions de dollars supplémentaires en août 2014) et une présence américaine aux côtés des Français dans plusieurs installations et bases militaires de la zone. La revue du centre contre-terroriste de l’Académie militaire de Westpoint publiait d’ailleurs début 2014 un numéro spécial sur l’avenir des opérations contre-terroristes américaines en Afrique, qui présentait notamment l’opération Serval menée par la France au Mali en 2013 comme une « matrice pour les futurs engagements dans la région dans le cadre du contre-terrorisme ».

L’opération Serval a fait beaucoup : elle a impressionné les Américains, qui à leur tour ont joué un rôle essentiel de soutien à l’opération française. Les intérêts américains au Sahel proprement dit sont marginaux pour l’instant, mais la région requiert davantage d’attention car elle est au cœur de l’arc d’instabilité qui va de Mauritanie au Nigeria et à la Corne de l’Afrique. Et des partenaires proches des États-Unis, notamment la France et le Maroc (le Nigeria également), y ont des intérêts stratégiques et réclament un soutien américain. D’où cette idée que le scénario malien est une matrice utile pour répondre à de futurs défis jihadistes en Afrique de l’Ouest ou ailleurs – scénario qui ne fait que reprendre l’idée de leadership en retrait d’abord présenté par Obama au moment de l’intervention libyenne de 2011.

Plus globalement, on constate la montée des pays africains dans le top 10 des pays bénéficiaires de l’aide américaine depuis quelques années, notamment le Nigeria, qui passe devant l’Irak dans la requête 2014, ainsi que le Kenya et la Tanzanie. Cette évolution est tout particulièrement flagrante si l’on considère uniquement l’assistance militaire, avec le Soudan, l’Éthiopie, l’Afrique du Sud figurant parmi les grands bénéficiaires, mais aussi la Somalie, la Mauritanie et le Tchad (dans ces derniers cas, les chiffres absolus sont beaucoup moins élevés, mais il faut rapporter à la taille des pays). De même, pour les programmes d’entraînement et formation, il faut garder en tête la taille des pays et de leurs forces armées : il faut alors ajouter parmi les bénéficiaires importants le Burundi, l’Ouganda, le Ghana et la Sierra Leone.

Cette évolution n’est pas sans risques. Les Etats-Unis sont en effet en train de nouer des partenariats de plus en plus étroitement (et essentiellement) sécuritaires avec la plupart des pays d’Afrique. Le risque est de se trouver entraînés du soutien sécuritaire au soutien politique, et loin des objectifs affichés en termes de défense des libertés politiques et religieuses et de promotion des institutions démocratiques, au vu de l’évolution de la situation dans plusieurs pays du continent. Et de refaire les mêmes erreurs qu’au Moyen-Orient par exemple (soutenir des dictateurs pour contrer un danger terroriste plus ou moins aigu), avec des conséquences qui peuvent être dramatiques voire contre-productives sur le long terme.

3. Le monde de demain : post-américain, post-occidental, chinois ?

La résilience des Etats-Unis

Les évolutions internationales et les problèmes économiques intérieurs ne doivent pas cacher les atouts américains persistants, ni faire oublier la capacité de la société américaine à absorber les chocs et à se rétablir, sa « résilience », dont les Etats-Unis ont maintes fois fait preuve à travers leur histoire.

L’Amérique dispose toujours d’atouts de taille : la puissance économique américaine en premier lieu, puisque la part des Etats-Unis dans l’économie mondiale demeure plus ou moins constante à 20-22% du PIB mondial depuis trois décennies – en dépit de l’augmentation rapide et constante de la part chinoise (le PIB en parité pouvoir d’achat donne des chiffres un peu différents – part US 17% – et avec cette mesure la Chine a dépassé les Etats-Unis pour la première fois en 2014). Le potentiel d’innovation de l’Amérique est toujours là, avec un système d’enseignement supérieur qui reste attractif pour les étudiants du monde entier. La révolution énergétique des dernières années a par ailleurs replacé le pays parmi les premiers producteurs mondiaux de gaz et de pétrole. Autres atouts, une pyramide des âges favorable et une immigration de qualité, sans parler de la géographie avec une position centrale et « insulaire » entre deux océans[12].

Enfin, la puissance militaire américaine, relative au reste du monde, demeure l’un des atouts-maîtres des Etats-Unis. Par le montant global des dépenses d’abord, et il faut rappeler ici que le budget militaire américain a presque doublé pendant la décennie 2000 (après les attentats du 11 septembre 2001). Par conséquent, même si le budget du Pentagone a entamé l’un de ses cycles décennaux de décroissance (mais déjà remis en cause par le dernier accord budgétaire d’octobre 2015 entre la Maison Blanche et le Congrès), la baisse, de l’ordre de 20% reste d’un ordre de grandeur comparable aux précédentes fins de guerres américaines (Vietnam, Corée). Au regard de la richesse du pays, le budget de défense américain, inférieur à 4% du PIB, demeure abordable et faible historiquement.

Comparée aux dépenses militaires du reste du monde (en augmentation), le déclin relatif de la part américaine est plus frappant. On citait souvent pour illustrer l’hyperpuissance de la période post-guerre froide le fait que le budget militaire américain était supérieur à la somme des 10 budgets militaires suivants. Ce n’est plus vrai depuis 2014, comme l’a titré le magazine de défense Jane, qui considère cette étape comme décisive et un signe du déclin de la surpuissance militaire américaine (en 2014, la somme des 9 suivants est supérieure au budget américain). Et Jane considère que cette tendance est appelée à s’accélérer si la décroissance américaine se poursuit et projette qu’en 2020 le budget militaire américain ne représentera plus que la somme des 5 budgets suivants. La Chine est en tête des pays en croissance, avec un budget militaire en hausse constante et rapide, notamment depuis le début de la décennie 2000 : le budget militaire chinois est officiellement de 132 milliards de dollars en 2014 (mais certains l’évaluent à près du double), à comparer au budget américain de près de 600 milliards pour 2014 (stable par rapport à 2013). Plus largement, la part de l’Asie augmente dans les dépenses militaires mondiales, et a dépassé pour la première fois en 2011 les dépenses européennes, autre signe des temps.

Enfin, la défense américaine est à la pointe de la dernière « révolution dans les affaires militaires » en date, en particulier dans le domaine de la robotisation de la guerre, dont les drones constituent l’exemple le plus connu et désormais largement partagé dans le monde. Robotisation de la guerre qui a des conséquences, puisqu’il devient moins nécessaire d’obtenir le soutien de la population américaine, indispensable lorsqu’il s’agit d’envoyer des soldats sur le terrain.

Sur ce sujet, on notera cependant l’érosion de l’avance technologique américaine, aux dépens de Pékin, érosion due en grande partie à la performance aussi bien de l’espionnage que de l’industrie militaire de la Chine. Ainsi, Pékin a présenté une version chinoise du F-35, qui inquiète les Américains.

Au-delà du budget et de l’avance technologique, la puissance militaire américaine bénéficie aussi de l’empreinte globale des Etats-Unis, symbolisée par l’organisation en commandements militaires régionaux couvrant l’ensemble du globe. Il y a des soldats américains dans 148 pays différents et les Etats-Unis disposent d’un réseau de plusieurs centaines de bases (de toutes tailles) qui couvre le monde entier. Les Etats-Unis demeurent d’ailleurs le seul pays à disposer de capacités d’intervention globales, ce qui selon certains auteurs (Monteiro) suffit pour continuer à qualifier le système international actuel de toujours unipolaire (les Etats-Unis demeurant l’hegemon, ce que Védrine avait qualifié d’hyperpuissance). Enfin, Washington dispose d’un réseau d’alliances inégalé, structuré notamment autour de l’OTAN, avec des pays associés et de multiples formes de partenariat, de l’Europe à l’Asie en passant par le Golfe. Les Etats-Unis ont plus de 50 alliés formels.

Pour autant, là encore il faut nuancer ce constat au regard de la situation actuelle, qui montre bien que la puissance militaire n’est rien sans la volonté politique, on le voit avec un président américain qui ne dévie pas, en dépit des critiques, de sa « stratégie » de désengagement des Etats-Unis.

Etats-Unis/Chine, une nouvelle bipolarité ?

Tous ces éléments montrent que l’annonce d’une « nouvelle bipolarité » entre les Etats-Unis et la Chine demeure prématurée. La puissance de la Chine vis-à-vis de l’Amérique est pour l’instant plus économique que militaire – par le poids croissant de la Chine dans l’économie mondiale et par le montant de la dette américaine détenue par les Chinois (1200 milliards de dollars, soit un peu plus du quart de la dette extérieure totale des Etats-Unis). C’est aussi ce pouvoir économique qui permet à Pékin de ne pas se laisser intimider par la puissance militaire américaine.

Par ailleurs, je l’ai dit, Pékin se montre pour l’instant réticent à prendre en charge les responsabilités globales que Washington dit vouloir lui confier et semble accepter de s’insérer dans le système international existant – on revient à la notion de puissance comme capacité à structurer l’ordre international et changer les règles du jeu. Cependant, cet aspect évolue depuis l’arrivée du président Xi Jinping au pouvoir, avec une nouvelle affirmation de la Chine sur la scène internationale et plus précisément (pour l’instant) asiatique (Asie Pacifique). On a noté par ailleurs l’implication nouvelle de la Chine dans des opérations de l’ONU, l’intérêt pour l’expérience française en Afrique, ou encore le rapprochement avec Poutine sur certains dossiers.

En somme, il faut se souvenir que les Etats-Unis aussi avaient attendu 1941 pour assumer un rôle international à la mesure de leur prépondérance commerciale et économique (établie depuis la fin du XIXe siècle) – et 1945 pour changer les règles du jeu mondial.

Dysfonctionnement politique interne, la plus grande menace ?

Enfin, pour certains observateurs, la plus grande menace à la puissance américaine viendrait plutôt du dysfonctionnement croissant des institutions américaines, et des difficultés qui en résultent pour résoudre les problèmes de fond, notamment économiques (ce que disait le CEMA Mullen). Or la présidence Obama n’a pas permis de progrès sur ce plan, au contraire, malgré ses ambitions de départ.

Une source d’affaiblissement des Etats-Unis sur la scène internationale résulte directement des dysfonctionnements croissants de leurs institutions politiques, liés au climat ultra-partisan et à l’intransigeance du parti républicain ainsi qu’au poids croissant de l’argent au cœur du système électoral (qui donne à la démocratie américaine des allures de ploutocratie). Cette crise politique a des conséquences néfastes pour l’économie américaine, puisque les républicains du Congrès n’ont pas hésité à mettre (brièvement) le pays en cessation de paiement ; mais aussi pour la capacité de négociation du président américain, puisqu’aucun traité ne peut plus être ratifié aujourd’hui au Congrès (à moins de manœuvres parlementaires compliquées, comme ce fut le cas pour l’accord sur le nucléaire iranien); et plus largement pour l’image des Etats-Unis et leurs relations avec certains de leurs partenaires, alliés ou adversaires. Elle pose la question de la capacité des Etats-Unis à maintenir leur leadership, et donc leur rang de superpuissance mondiale – on se souvient aussi des conséquences de l’absence d’Obama au sommet de l’APEC d’octobre 2013, en raison de la « fermeture du gouvernement fédéral » (shutdown) imposée par la frange la plus radicale du parti républicain.

On rejoint là ce que disait un autre politologue, Christopher Layne, sur les blocages autour du relèvement du plafond de la dette à l’été 2011 (première dégradation de la note américaine) : une superpuissance économique est censée résoudre les crises économiques globales, pas les provoquer » (allusion à la crise de 2008 et au rôle des subprimes et des banques américaines), dans un article au titre révélateur : « la fin de l’unipolarité et de la Pax Americana »[13].

Quoi qu’il en soit, il faut replacer ces réflexions dans le temps long, où la puissance (et a fortiori l’hyperpuissance) n’est jamais figée ni absolue mais toujours relative. Les Etats-Unis, et l’Occident plus largement, ont perdu leur prépondérance, ils sont de plus en plus concurrencés ; la baisse de leur puissance relative est indéniable et inéluctable (car ainsi va l’histoire), tendance lourde déjà décrite par l’historien Paul Kennedy à la fin des années 1980[14]. S’agit-il pour autant de déclin ? Question de définition et de perception.

 

 

https://froggybottomblog.com/2014/05/24/limpossible-consensus-sur-le-role-international-des-etats-unis-la-fin-du-siecle-americain/

Citation

L’impossible consensus sur le rôle international des Etats-Unis: la fin du siècle américain ?

mayakandel / 24 mai 2014

J’ai participé le 23 mai au Congrès annuel des Américanistes (AFEA, Association française d’Etudes Américaines), dont le thème était cette année « Etats-Unis : modèle, contre-modèles… fin des modèles ? ».

J’y ai présenté un volet de mes travaux actuels sur l’évolution du rôle américain dans un système international en pleine mutation, où le leadership des Etats-Unis est de plus en plus bousculé.

Voici la première partie de ma présentation intitulée « L’impossible consensus sur le rôle international des Etats-Unis : la fin du siècle américain ? »; la seconde suivra bientôt.

Cette présentation se veut une interrogation sur l’internationalisme américain inauguré après la Seconde Guerre mondiale et plus précisément sur l’un de ses fondements : le consensus national, au sens de l’appui indispensable du peuple américain (et du Congrès), éléments essentiels du modèle américain en politique étrangère. Cette importance est liée à la particularité du modèle, en ce sens qu’il définit pour les Etats-Unis une posture au monde qui est aussi une définition d’eux-mêmes.

Dans un premier temps j’essaierai de définir plus précisément les origines de ce modèle ainsi que ses fondements et principales caractéristiques, pour pouvoir évaluer dans un second temps les continuités et les ruptures, à partir du constat (définissant cet atelier sur « les Etats-Unis et le monde ») que le leadership américain est de plus en plus bousculé aujourd’hui.

Il s’agit donc d’essayer de comprendre pourquoi et comment, en observant notamment les bases du modèle et ce qui l’a rendu possible depuis 1945. On verra notamment que, si certains fondements du modèle sont devenus structurels (national security state), d’autres, en particulier le soutien de la population américaine, subissent une érosion qui pourrait aboutir à sa remise en cause.

D’où cette question : est-ce la fin du « siècle américain » défini en 1941 par Henry Luce et donc d’un certain modèle de l’activisme des Etats-Unis à l’international ?

Première partie : Qu’est-ce que le modèle américain en politique étrangère ?

En 1945, les Etats-Unis assument (enfin) un rôle international à la mesure de leur prépondérance économique et commerciale (vraie depuis le tournant du siècle), et militaire (établie par la Seconde Guerre mondiale).

Naissance et origines de l’internationalisme américain

L’internationalisme américain est né avec la présidence de Theodore Roosevelt, avec l’expansion vers le Pacifique. Avec TR apparaît la notion d’une Amérique si ce n’est déjà gendarme du monde du moins d’une partie, en partage avec les Européens (DELAHAYE RICARD – voir la bibliographie en fin de texte).

Suit en 1918 l’internationalisme de Wilson, celui des 14 points et de la SDN – mais dont la réalisation devra attendre puisque le sénateur Henry Cabot Lodge y met un coup d’arrêt avec le refus du Congrès de ratifier le Traité de Versailles, inaugurant un désengagement relatif puis la dernière période d’isolationnisme américain dans les années 1930.

En 1945, dans la foulée de la victoire contre l’Axe, l’interventionniste américain est désormais assumé et ouvre le « siècle américain » décrit par Henry Luce, fondateur du magazine Life et ardent promoteur de l’internationalisme américain. C’est la naissance d’un modèle américain « nouveau », sorte de fusion des deux modèles classiques représentés par Theodore Roosevelt et Woodrow Wilson, donc des deux traditions idéaliste (Wilson) et réaliste (TR) en politique étrangère (KISSINGER, HASSNER/VAISSE).

Ce nouveau modèle voit dans la diffusion du modèle libéral politique et économique américain la solution pour un monde stable et prospère : les Etats-Unis vont se faire les architectes d’un Nouvel ordre mondial censé promouvoir la démocratie libérale et ainsi assurer la paix.

L’exportation du modèle politique (démocratie) et économique (capitalisme libéral) américain devient la base de l’internationalisme américain de l’après-1945 : il se décline avec le plan Marshall et l’élaboration de tout un système d’aide extérieure, la pérennisation et l’approfondissement d’un appareil étatique de sécurité national, la création de l’architecture du système international actuel avec l’ONU, la Banque mondiale, le FMI, auxquels les Etats-Unis s’intègrent, et un système d’alliances couvrant une grande partie du globe, dans lequel Washington s’insère également, pour la première fois de l’histoire du pays. C’est donc un modèle qui mêle hard et soft power, pouvoir de contrainte mais aussi d’attraction, le tout sous leadership américain.

Le modèle repose sur une analyse des intérêts américains en y intégrant une dose de messianisme qui transforme le crédo classique « city upon a hill » où la nouvelle nation était un exemple, un modèle mais essentiellement passif, en croisade active, qui s’appuie également sur un nouveau nationalisme américain plus musclé et sûr de lui (MELANDRI).

Pour revenir à cette idée de fusion entre les deux traditions, TR et Wilson, on pourrait caractériser ce modèle comme du réalisme avec un habillage idéaliste nécessaire pour s’assurer le soutien de l’opinion américaine (car le modèle rompt avec certaines traditions issues des Pères fondateurs). Ce consensus va être consciencieusement fabriqué par les élites pour entraîner l’adhésion du peuple américain.

Ce nouveau modèle américain va caractériser non seulement la relation de l’Amérique au monde mais aussi la définition de l’Amérique elle-même pour les Américains et le reste du monde, et le Seconde Guerre mondiale, puis le début de la Guerre froide, jouent un rôle fondateur dans cette évolution.

Principaux paramètres du modèle et importance du consensus national

Le nouveau rôle des Etats-Unis dans le monde repose sur plusieurs bases intérieures : c’est la naissance d’un appareil étatique permanent de sécurité nationale (national security State), avec de nombreuses institutions qui naissent dans les années suivant la fin de la 2nde Guerre mondiale : CIA, NSC, Pentagone avec division du globe en commandements militaires régionaux (conservés des combats de 1939-1945), NSA aussi, et bientôt l’ensemble du complexe militaro-industriel auquel Eisenhower fera référence dans son discours d’adieu en 1960. Principale rupture, en 1945, pour la première fois de leur histoire, les Etats-Unis ne démobilisent pas entièrement comme à chaque fin de guerre précédente, et conservent une armée permanente.

Au-delà, 1945 c’est aussi la naissance d’une véritable « grande stratégie », qui repose sur une action coordonnée entre la diplomatie, la politique économique, la propagande, la posture et les capacités militaires, les actions clandestines (LUTTWAK).

Plus encore, et c’est ce qui fait la spécificité du modèle : il fait un lien entre le rôle américain dans le monde et l’identité américaine, redéfinie et promue à travers de nombreux projets de l’après-guerre, d’origine gouvernementale mais pas seulement (entreprises, académiques, philanthropes). Ces initiatives sont destinées à mobiliser l’opinion pour qu’elle soutienne la nouvelle politique activiste.

Exemple, le « Freedom Train », initiative du Justice Department qui enrôle aussi think tanks, secteur privé et Hollywood : convoi qui va sillonner les Etats-Unis, relayé par les médias, avec des documents d’archives (Mayflower Compact, Bill of Rights, Gettysburg address mais aussi le brouillon des 14 points de Wilson, le drapeau d’Iwo Jima) et crée le lien entre la naissance des Etats-Unis et cette deuxième naissance que constitue le nouveau rôle mondial du pays. Au-delà, on voit bien la volonté de promouvoir le lien entre l’identité américaine et la « croisade pour la liberté dans le monde » inaugurée par Truman, slogan repris par le Freedom Train.

Comme en écho, le monde intellectuel et académique va également porter ce même message, à travers le développement et l’expansion du champ des American studies jusqu’aux relations internationales qui prennent leur essor comme discipline, avec de nombreuses initiatives, parfois financées par la CIA (ce que les promoteurs ne savent pas toujours) qui en assurent la diffusion (Salzburg Seminar program en Europe, bourses Fulbright etc.).

Tout cela participe à la construction et à la solidité du consensus qui va soutenir le rôle international des Etats-Unis (BRINKLEY) – consensus de l’opinion et des élites, reflété également, et c’est essentiel aux Etats-Unis, au Congrès, et consensus où la menace représentée par l’Union soviétique joue bien évidemment un rôle fondateur (AMBROSE BRINKLEY)[1].

Bien sûr, le consensus n’est ni donné ni stable et a dû sans cesse être construit, comme le savent tous les spécialistes de politique étrangère américaine. Tous les présidents américains ont dû batailler avec le Congrès pour imposer leurs politiques interventionnistes – voir notamment les travaux de l’historien américain Julian ZELIZER qui a écrit une histoire de la politique étrangère à travers ce prisme des déterminants intérieurs depuis 1945 (ZELIZER). On pourrait dire, à la limite, que le Congrès américain est lui structurellement isolationniste.

C’est ce que Stephen SESTANOVICH de l’Université Columbia appelle l’alternance entre des phases « maximaliste » et des phases de retrait, constante de la politique étrangère américaine depuis 1945 (SESTANOVICH). Ou encore ce que Justin VAISSE décrit comme une alternance cyclique entre extroversion et introversion dans la politique étrangère américaine (DAVID BALTHAZAR VAISSE). Les phases maximalistes sont notamment caractérisées par des interventions militaires de grande ampleur (Corée, Vietnam, Irak et Afghanistan), et suivies par des périodes de désengagement.

Mais il y a indéniablement un consensus général des élites et de l’opinion (comme le montrent les études du Pew Research Center et du Chicago Council) en faveur de l’activisme international qui définit à partir de 1945 le rapport de l’Amérique au monde.

 

https://froggybottomblog.com/2014/05/29/lexceptionnalisme-comme-politique-etrangere-et-comme-identite-americaine-continuites-et-rupture-de-lapres-guerre-froide/

Citation

L’exceptionnalisme comme politique étrangère et comme identité américaine – continuités et rupture de l’après-Guerre froide

mayakandel / 29 mai 2014

Comme promis, voici la deuxième partie de ma présentation sur l’évolution de la politique étrangère américaine et « la fin du siècle américain » (première partie ici).

La fin de la Guerre froide inaugure une période de flottement aux Etats-Unis et un questionnement sur les intérêts américains après la disparition de l’ennemi soviétique ; la finalité de l’outil militaire américain se pose notamment. Mais en réalité s’il y a flottement c’est que les trois premiers présidents de l’après-Guerre froide, Bush père, Clinton puis Bush fils vont apporter chacun une réponse sensiblement différente à cette question. Pour autant, dans aucun des cas elle n’est une fin du modèle de 1945 : au contraire, la disparition de l’alternative communiste signale aux Etats-Unis la victoire de l’ordre international qu’ils ont promu depuis 1945, et qui semble pouvoir enfin être étendu à l’ensemble de la planète.

C’est bien l’idée de Bush père et son « nouvel ordre mondial », avec une ONU enfin fonctionnelle, pouvant faire respecter le droit international : l’illustration vient avec la grande coalition construite pour chasser les troupes de Saddam Hussein du Koweït.

Avec Clinton, on a une inflexion, liée aussi aux crises qui ont lieu pendant ses deux mandats, avec l’utilisation de la force militaire américaine pour promouvoir l’idée de justice internationale (interventions dans les Balkans, Haïti).

Sous Bush fils, nouvelle inflexion liée à l’influence des néoconservateurs et à la critique qu’ils font des années Clinton : il s’agit cette fois de profiter du moment unipolaire pour remodeler le monde dans un sens favorable aux Etats-Unis, en utilisant leur suprématie militaire : c’est le raisonnement derrière l’invasion irakienne et le projet de grand Moyen-Orient.

Continuités de la période post-Guerre froide : les aspects structurels du modèle

L’idéologie qui sous-tend le rôle international américain sort donc finalement renforcée de la Guerre froide. De fait, l’appareil de sécurité nationale se maintient et se renforce même après les attentats du 11 septembre, sous Bush fils puis sous Obama. De même, les guerres de l’Amérique demeurent des guerres de choix (seule exception peut-être l’Afghanistan, au début), et le Pentagone poursuit sa croissance, notamment dans la décennie 2000 où son budget va presque doubler.

Quant au désengagement américain sous Obama, il est tout à fait relatif : c’est surtout un retrait des deux théâtres principaux de la guerre contre le terrorisme des années 2000, Irak et Afghanistan ; pour le reste, les Etats-Unis demeurent engagés militairement et la guerre contre le terrorisme se poursuit, mais elle se fait plus discrètement et de manière souvent indirecte. On reste dans le cadre cyclique déjà défini, avec un désengagement relatif qui suit une période de guerre, similaire à fin de la Seconde Guerre mondiale, puis Corée, Vietnam… de même, la baisse du budget Pentagone est comparable à celle qui avait suivi la fin de la guerre du Vietnam.

Enfin le complexe militaro-industriel se maintient et grossit même, en raison de la croissance des années 2000. Et le Congrès y est toujours aussi imbriqué ce qui explique d’ailleurs sa pérennité (complexe « militaro-parlementaro-industriel ») (KANDEL – voir la bibliographie pour les références citées).

Ce qui soulève cette question : le modèle américain est-il désormais structurel ?

D’autant que pour être complet, il faudrait ajouter le complexe « militaro-intellectuel » qui lie l’ensemble des centres de décision institutionnels de Washington au monde des think tanks, puisque là encore ces univers sont étroitement imbriqués. Or ils sont pour la plupart interventionnistes et adhèrent au modèle internationaliste de la politique étrangère américaine (à de rares exceptions comme le Cato Institute).

Or s’il y a un changement depuis quelques années, c’est bien le décalage croissant entre ces élites intellectuelles, qui sont aussi à la fois inspiration, source et soutien du modèle, et une opinion américaine de plus en plus réticente et sceptique face au rôle international du pays. Ce décalage entre la population et les élites est particulièrement flagrant dans la dernière étude du Pew Research Center sur l’évolution des attitudes des Américains à l’international.

Ce que pointe cette étude, c’est une érosion de certains des fondements du modèle et en particulier le consensus national qui l’a soutenu aux Etats-Unis. Cette érosion est liée à l’évolution du système international et à la lecture qu’en font à la fois les Américains et le reste du monde.

Erosion du consensus et déclin relatif

J’ai évoqué les continuités indépendamment de la fin de la Guerre froide. Mais l’expérience des deux décennies post-Guerre froide va également montrer à la fois aux Américains et au reste du monde les limites de l’action et du leadership des Etats-Unis.

Chez les Américains, la croyance et le consensus vacillent. Ainsi l’étude déjà citée (ainsi que d’autres également depuis quelques années) montre que les Américains doutent : le scepticisme vis-à-vis de l’action internationale des Etats-Unis est le plus élevé depuis un demi-siècle et plus de la moitié des Américains estime que leur pays en fait trop sur la scène internationale. Cette montée d’un sentiment isolationniste (qui concerne l’interventionnisme militaire et diplomatique, pas la politique commerciale) explique par exemple la montée en puissance de Rand Paul, dont les positions sur la politique étrangère vont à l’encontre du modèle traditionnel. Ces positions sont en train de lui donner une audience bien au-delà des cercles libertariens « traditionnels » qui constituaient la clientèle de son père, Ron Paul.

Les deux décennies post-Guerre froide ont laissé une impression amère aux Américains, en montrant les limites des interventions de type humanitaires (1990s) ou visant à promouvoir la démocratie par les armes (2000s) : comme le dit Pierre HASSNER, les Américains ont appris une leçon que les Européens avaient comprise depuis longtemps.

Cette prise de conscience des limites de la puissance américaine est accentuée par la diminution de leur puissance économique relative et par l’augmentation de la dette américaine.

Or ces aspects économiques accentuent les divisions intérieures et donc l’atteinte au consensus : car les républicains mettent désormais la priorité à la réduction du déficit, avec un renversement très révélateur du rapport de forces au sein du parti entre les faucons du budget et les faucons militaires (budget hawks vs. military hawks) ; tandis que les démocrates veulent de leur côté financer en priorité les dépenses sociales. Et tous veulent réduire l’aide américaine à l’étranger, pourtant nécessaire au « smart power » avancé par l’administration Obama à ses débuts pour restaurer le leadership américain en mettant l’accent sur l’aide plutôt que sur la contrainte. Tous ces éléments remettent donc en cause les moyens nécessaires à la mise en œuvre du modèle.

Rupture de l’équilibre ? évolution des positions de politique étrangère

Surtout, le soutien de l’opinion et l’existence d’un consensus politique en soutien au rôle international sont l’un des fondements du modèle – même si le consensus a toujours dû être construit et qu’il a varié en intensité. Mais justement l’une des caractéristiques de ce consensus pendant et après la Guerre froide était le fait que l’opposition entre internationalistes et isolationnistes ne recoupait pas la division partisane entre républicains et démocrates (SNYDER).

Ainsi pendant la Guerre froide on parle de « centre vital » au Congrès, rassemblant au centre républicains et démocrates favorables. Pendant les deux décennies suivantes, et jusqu’à aujourd’hui, le centre a peu à peu disparu mais il y a toujours eu une coalition de soutien à une politique étrangère activiste dans les lignes du modèle post-1945, réunissant de plus en plus les extrêmes (notamment pour le côté républicain), donnant des coalitions insolites (« strange bedfellows »), comme on l’a vu lors des débats sur la Libye ou la Syrie au Congrès (déjà en germe dans les débats et votes des années 1990 sur les interventions dans les Balkans).

Or la différence aujourd’hui c’est non seulement la disparition du centre mais surtout la montée de ce qu’on a appelé le mouvement Tea Party qui se cristallise pour les positions de politique étrangère autour de Rand Paul, au point qu’on observe (en analysant les votes au Congrès) de plus en plus trois groupes distincts, comme s’il y avait trois partis : démocrates, establishment républicain, républicains Tea Party. Or si l’affrontement sur la politique étrangère et le rôle international américain devenait un affrontement opposant les deux partis (si Rand Paul capturait le parti républicain), on aurait alors une véritable rupture, pouvant mener à la fin du modèle.

Pour l’instant, le consensus internationaliste semble plus solide côté démocrate, mais cet état de fait est peut-être lié à la présidence Obama ; là encore, les choses pourraient évoluer (il faudra observer si Hillary Clinton est candidate et surtout les positions de politique étrangère de ses éventuels challengers aux primaires démocrates).

Les Etats-Unis sont-ils devenus une puissance comme les autres ?

Question qui s’impose étant donné le lien entre le modèle d’activisme à l’international et la vision que l’Amérique a d’elle-même sur lequel il repose. Mais le modèle peut-il survivre sans l’exceptionnalisme sur lequel il repose ?

L’interrogation n’est pas nouvelle et Kissinger l’évoquait déjà en 1969, disant que les Etats-Unis « devenaient une puissance comme les autres ».

Plus récemment, Obama a contesté l’idée même de l’exceptionnalisme américain – et a heurté un tabou comme en témoigne la violence des réactions de tous bords à cette déclaration, qu’il n’a pas rééditée… On pense aussi dans une moindre mesure au tollé suscité par l’expression du « leading from behind », notion trop étrangère à l’ADN américain et à un certain sens de l’identité américaine du moins dans les élites – car les études du Chicago Council sur l’opinion montre que le peuple américain lui n’a rien trouvé à redire au leadership en retrait en Libye, au contraire.

Mais reste une ambivalence, particulièrement flagrante à nouveau récemment concernant l’Ukraine et la Russie. D’un côté, les Américains semblent totalement en phase avec la politique d’Obama de ne pas impliquer le pays dans de nouveaux conflits militaires ; mais en même temps, ils en sont troublés, et une majorité se dit déçue par la politique étrangère d’Obama. Pour le dire autrement, Obama met en oeuvre des politiques populaires (à l’international), et il en devient impopulaire.

Paradoxe ? Contradiction comme le disait Fabius récemment à Washington ? En fait, il y là surtout l’illustration du lien entre modèle américain à l’international et identité américaine (voir la première partie).

Pour rompre avec ce type d’activisme international, il faudrait une nouvelle redéfinition de l’identité américaine. Peut-elle venir de Rand Paul, pourra-t-il être candidat ? Rien n’est moins sûr, comme en témoignent ses difficultés avec les donateurs traditionnels du GOP, tous plutôt internationalistes – on retombe sur l’un des aspects structurels du modèle. Par ailleurs, tous les autres candidats potentiels à la nomination républicaine se placent fermement (cf. discours récents de Rubio, Cruz, Cantor) dans la tradition internationaliste de la politique étrangère américaine. Il semble improbable que Paul remporte les primaires républicaines et soit le candidat du GOP à la présidentielle, en dépit de l’engouement médiatique qu’il suscite, même s’il est encore trop tôt pour en être sûr puisque la prochaine présidentielle aura lieu en novembre 2016. Et les primaires républicaines actuelles (en vue des midterms de novembre 2014 au Congrès) montrent plutôt l’essoufflement du Tea Party avec la victoire de candidats de l’establishment républicain.

Enfin, d’autres facteurs demeurent puissants, en particulier la conviction américaine que le monde ne peut se débrouiller sans eux. Cette croyance était déjà à la base de la pensée de Truman, pour qui un ordre mondial satisfaisant – sécurité, prospérité, démocratie – était impossible sans leadership américain. Chez les décideurs américains, on retrouve cette même conviction aujourd’hui. On peut donc tout à fait s’attendre à un rééquilibrage de la posture américaine à l’international.

 

 

 

Modifié par Gibbs le Cajun
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Un article parlant des problèmes de fonctionnement de l’équipe de conseiller de Trump :

https://www.nytimes.com/2017/02/12/us/politics/national-security-council-turmoil.html?hp&action=click&pgtype=Homepage&clickSource=story-heading&module=first-column-region®ion=top-news&WT.nav=top-news

Le job des conseillers consiste maintenant à lire les Tweets  de Trump et ensuite d’essayer de voir comment  ces Tweets  peuvent devenir politique.

Les  conseillers se plaignent de ne pas être au courant de ce qui ce dit entre Trump et des dirigeants étranger. Et de ne pas savoir ce que Trump a fait comme « executive order » alors qu’ils sont supposés travailler dessus.  

Flynn est sur le sujet d’une enquête : le VP le soupçonne d’avoir menti sur une conversation entre lui et l’ambassadeur de Russie.

Des conseillers installent des messageries sécurisées pour se protéger d’autres d’enquêtes légales.

Mattis a explore l’idée la semaine dernière, l’idée que la NAVY puisse intercepter   un navire Iranien qui pouvait contenir des armes pour le Yemen. Pour respecter une consigne de Trump de lutter contre le terrorisme Iranien. Comme le navire passe par des eaux internationales et au vu de l’échec  de l’intervention de commandos au Yemen, cela a été rejeté.

Contrairement à Obama qui voulait des présentation de plusieurs  pages, Trump , c’est une seule avec un graphhique et une carte.

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Dans un sens qui converge un article d'opinion de l'Observer :

http://observer.com/2017/02/donald-trump-administration-mike-flynn-russian-embassy/

By John R. Schindler •

Citation

Intelligence Community pushes back against a White House it considers leaky, untruthful and penetrated by the Kremlin

On parle de Flynn

Citation

Now those concerns are causing problems much closer to home—in fact, inside the Beltway itself. Our Intelligence Community is so worried by the unprecedented problems of the Trump administration—not only do senior officials possess troubling ties to the Kremlin, there are nagging questions about basic competence regarding Team Trump—that it is beginning to withhold intelligence from a White House which our spies do not trust.

Mais aussi de l'affaire de la "Golden shower" (qui n'aurait pas eu lieu, par contre les petits échanges entre Trump et le Kremlin seraient eux réels.)

Citation

A new report by CNN indicates that important parts of the infamous spy dossier that professed to shed light on President Trump’s shady Moscow ties have been corroborated by communications intercepts. In other words, SIGINT strikes again, providing key evidence that backs up some of the claims made in that 35-page report compiled by Christopher Steele, a former British intelligence official with extensive Russia experience. (...)

That salacious dossier is raw intelligence, an explosive amalgam of fact and fantasy, including some disinformation planted by the Kremlin to obscure this already murky case. Now SIGINT confirms that some of the non-salacious parts of what Steele reported, in particular how senior Russian officials conspired to assist Trump in last year’s election, are substantially based in fact.

Et de la maison blanche qui est visiblement une passoire :
 

Citation

What’s going on was explained lucidly by a senior Pentagon intelligence official, who stated that “since January 20, we’ve assumed that the Kremlin has ears inside the SITROOM,” meaning the White House Situation Room, the 5,500 square-foot conference room in the West Wing where the president and his top staffers get intelligence briefings. “There’s not much the Russians don’t know at this point,” the official added in wry frustration.

 

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http://www.mercurynews.com/2017/02/12/oroville-dam-feds-and-state-officials-ignored-warnings-12-years-ago/ (12 février 2017)

En 2005, quatre groupes environnementaux avaient écrit à la Federal Energy Regulatory Commission pour demander que la licence du barrage d'Oroville ne soit pas renouvelée tant que le déversoir d'urgence ne serait pas renforcé par une protection en béton. La Federal Energy Regulatory Commission avait refusé, arguant d'une directive qui précise que « durant un épisode de crue rare, il est acceptable que le déversoir d'urgence subisse des dommages significatifs ».

http://www.dailymail.co.uk/wires/ap/article-4219048/Nearly-200-000-remain-evacuation-near-California-dam.html (13 février 2017)

L'ingénieur porte-parole du Département des ressources hydriques de Californie, Kevin Dossey, a dit au journal Sacramento Bee que le déversoir d'urgence était prévu pour prendre en charge un débit de 250.000 pieds cubes par seconde, mais qu'il avait commencé à montrer des faiblesses dimanche après que le débit eut atteint un maximum de 12.600 pieds cubes par seconde.

Modifié par Wallaby
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1 hour ago, Wallaby said:

http://www.mercurynews.com/2017/02/12/oroville-dam-feds-and-state-officials-ignored-warnings-12-years-ago/ (12 février 2017)

En 2005, quatre groupes environnementaux avaient écrit à la Federal Energy Regulatory Commission pour demander que la licence du barrage d'Oroville ne soit pas renouvelée tant que le déversoir d'urgence ne serait pas renforcé par une protection en béton. La Federal Energy Regulatory Commission avait refusé, arguant d'une directive qui précise que « durant un épisode de crue rare, il est acceptable que le déversoir d'urgence subisse des dommages significatifs ».

http://www.dailymail.co.uk/wires/ap/article-4219048/Nearly-200-000-remain-evacuation-near-California-dam.html (13 février 2017)

L'ingénieur porte-parole du Département des ressources hydriques de Californie, Kevin Dossey, a dit au journal Sacramento Bee que le déversoir d'urgence était prévu pour prendre en charge un débit de 250.000 pieds cubes par seconde, mais qu'il avait commencé à montrer des faiblesses dimanche après que le débit eut atteint un maximum de 12.600 pieds cubes par seconde.

Il faut aussi garder à l'esprit que le secteur de l'énergie en général aux USA (en général tout court, d'ailleurs), et en particulier en Californie, est TRES corrompu et corrupteur, alignant des masses de fric, d'influence et de positions acquises depuis longtemps auprès de tous les échelons de pouvoir possibles et imaginables: et l'état des lieux du secteur dans l'Etat de Californie est qu'il s'agit d'un panorama très atomisé en opérateurs de taille petite ou moyenne (même s'ils sont des filiales de grands groupes), quasiment chaque centrale opérant sur ses propres fonds et bénéfices, et se retrouvant sans grands moyens pour investir (et évidemment, l'épargne au titre de l'amortissement est une blague comme quasiment partout ailleurs). Ironiquement, le barrage d'Oroville est une des rares infrastructures avec production d'électricité qui soit publique (faisant partie du très vaste et susdécrit California State Water Project), mais subit le contrecoup de deux problèmes lourds: le premier est précisément le secteur énergétique de l'Etat, atomisé en petites entités et incapable de produire de la masse de manoeuvre budgétaire pour les investissements depuis plus de 40 ans, et le second est la patate chaude politique que le CSWP pose depuis sa création, ayant fait l'objet d'âpres batailles au Parlement de Sacramento: conservateurs-démocrates, orthodoxes budgétaires-"investisseurs", agriculteurs-écologistes, sud de l'Etat-nord de l'Etat (d'où vient l'eau).... Si on y ajoute les problèmes budgétaires récurrents et très lourds de la Californie (encore plus créés par les luttes politiques que par une gouvernance dépensière), on se rend compte que cet immense projet de gestions des eaux n'a jamais dépassé 60% de ce qu'il aurait du être, mais surtout que l'entretien du bâti a lui-même été sous-budgété depuis 40 ans, et n'a jamais rapporté ce qu'il aurait du (l'agriculture californienne obtenant par exemple une eau bien trop peu chère, à peine compensée par le tarif élevé des habitants.... Et l'électricité est très chère dans l'Etat, en raison du système décrit plus haut).  

Les décisions mentionnées dans les articles sont donc en grande partie des habillages par des gens qui essaient de maintenir les apparences pour mieux renvoyer d'éventuels doigts pointés dans d'autres directions que leur fion. On "découvre" sur le moment que finalement, le déversoir d'urgence  (en place depuis 68, et ayant déjà vu des crues) ne pourrait pas encaisser ce qu'on pensait (mmmmh, aurait-on voulu faire des économies de bouts de chandelle lors de la construction, et déclaré qu'une crue importante était impossible?).... Ooooooh grand Dieu!! Vite, allez voir 40 ans de paperasse accumulée pour savoir si on le savait :blink:, moi j'ai une urgence à traiter. 

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2 hours ago, Wallaby said:

http://www.mercurynews.com/2017/02/12/oroville-dam-feds-and-state-officials-ignored-warnings-12-years-ago/ (12 février 2017)

En 2005, quatre groupes environnementaux avaient écrit à la Federal Energy Regulatory Commission pour demander que la licence du barrage d'Oroville ne soit pas renouvelée tant que le déversoir d'urgence ne serait pas renforcé par une protection en béton. La Federal Energy Regulatory Commission avait refusé, arguant d'une directive qui précise que « durant un épisode de crue rare, il est acceptable que le déversoir d'urgence subisse des dommages significatifs ».

http://www.dailymail.co.uk/wires/ap/article-4219048/Nearly-200-000-remain-evacuation-near-California-dam.html (13 février 2017)

L'ingénieur porte-parole du Département des ressources hydriques de Californie, Kevin Dossey, a dit au journal Sacramento Bee que le déversoir d'urgence était prévu pour prendre en charge un débit de 250.000 pieds cubes par seconde, mais qu'il avait commencé à montrer des faiblesses dimanche après que le débit eut atteint un maximum de 12.600 pieds cubes par seconde.

Le niveau des commentaires sur ton lien vers Mercury News ...:sinterrogec:

Ça va de il faut évacuer que ceux qui ont voté Trump... à certains qui propose de combler les brèches du barrage avec des immigrés... appelé aliens....

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Il y a 3 heures, Tancrède a dit :

Les décisions mentionnées dans les articles sont donc en grande partie des habillages par des gens qui essaient de maintenir les apparences pour mieux renvoyer d'éventuels doigts pointés dans d'autres directions que leur fion. On "découvre" sur le moment que finalement, le déversoir d'urgence  (en place depuis 68, et ayant déjà vu des crues) ne pourrait pas encaisser ce qu'on pensait (mmmmh, aurait-on voulu faire des économies de bouts de chandelle lors de la construction, et déclaré qu'une crue importante était impossible?).... Ooooooh grand Dieu!! Vite, allez voir 40 ans de paperasse accumulée pour savoir si on le savait :blink:, moi j'ai une urgence à traiter. 

Mais comment ça réagit là bas ? ça dort ça se révolte ça va réformer (mot pour dire se sortir le doigt du cul) dans la bonne direction ça... ?

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38 minutes ago, rendbo said:

Mais comment ça réagit là bas ? ça dort ça se révolte ça va réformer (mot pour dire se sortir le doigt du cul) dans la bonne direction ça... ?

Jerry Brown est un gouverneur (un "re"gouverneur: il l'a été dans les années 70-80, est entré dans la course présidentielle pour se faire battre -litigieusement- par Bill Clinton, a eu un hiatus, puis est revenu récemment et triomphalement) efficace et populaire, mais même lui a du mal à bouleverser tout ce qui doit être bouleversé dans cet Etat, sans doute le plus difficile à gouverner des USA: la politique y est très divisée, mais c'est surtout le plus peuplé, et de loin, des USA, ayant la taille d'un pays moyen (plus de 36 millions d'habitants, 6ème PIB mondial). Les institutions d'un Etat américain "normal" y sont sous-dimensionnées et on trop peu de prérogatives pour gérer cette échelle dans le business, la démographie, la géographie.... Et la force des intérêts contradictoires (publics et privés) qui s'y affrontent trop conséquente pour avoir une gouvernance suffisamment puissante (ce pourquoi certains intérêts oeuvrent à chaque élection pour obtenir une division en 5 ou 6 entités: la proposition reste toujours extrêmement minoritaire, mais le business de la Silicon Valley soutient la chose -pour avoir sa propre baronnie où ils ont toute latitude-, alors elle continue à revenir). 

Donc je doute qu'on voie une solution ou réforme structurelle émerger de cette crise: elle sera gérée ponctuellement, plus ou moins bien, et c'est tout. L'équation budgétaire de l'Etat est de toute façon trop difficile à résoudre pour obtenir beaucoup de marge de manoeuvre, et la fin apparente de la sécheresse doit avoir enlevé des munitions à Brown pour imposer des changements plus vaste (surtout au lobby agricole, tout puissant et hautement vocal pour tout ce qui concerne l'eau). Sans compter que maintenant, la Californie semble avoir une bataille politique avec Washington, autour de la question de l'immigration: la politique (y compris au moins une partie du parti républicain de l'Etat) semble avoir trouvé une forme "d'union sacrée" pour résister à Trump, voire faire, au moins symbolitiquement, de la Californie un "Etat sanctuaire" (par extension des "villes sanctuaires" menacées par Trump) pour les migrants illégaux implantés dans la vie économique (qui en dépend fortement).... Et pour aller dans le sens de la très importante population latino. Avec un Trump qui menace (vainement, il ne peut pas le faire légalement) de couper les flux d'argent public de l'Etat fédéral vers la Californie, le ton monte.... Même si la Californie est un Etat très nettement créditeur (contrairement à l'immense majorité des Etats républicains) au budget national, et de loin le premier contributeur en montants absolus. Quoiqu'il en soit, l'attention semble entièrement tournée vers ce sujet, donc avec elle la majorité du capital politique et des deals internes qui vont devoir être faits. Le reste passe au second plan. C'est pas pour rien non plus que l'arrêt décisif de la politique migratoire de Trump ait été pris dans le 9ème circuit d'appel fédéral (le circuit de tout l'ouest américain); la population soutient activement, et la politique se range derrière. 

Modifié par Tancrède
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Il y a 11 heures, Tancrède a dit :

l'entretien du bâti a lui-même été sous-budgété depuis 40 ans, et n'a jamais rapporté ce qu'il aurait du (l'agriculture californienne obtenant par exemple une eau bien trop peu chère, à peine compensée par le tarif élevé des habitants.... Et l'électricité est très chère dans l'Etat, en raison du système décrit plus haut).  

J'imagine que les pertes pour l'économie locale créées par l'évacuation sont sans commune mesure avec le coût qu'aurait coûté une remise à niveau des équipements du barrage. D'après le Mercury News, ceux qui ont trainé les pieds pour payer sont les principaux clients du barrage qui se répartissent dans toute la Californie depuis la baie de San Francisco jusqu'à Los Angeles.

S'il y a une sorte de rationalité, ce serait dans l'idée que les Californiens du Sud s'occupent de récupérer l'eau du Nord au plus bas prix, et tant pis si les Californiens du nord se retrouvent sans logis à cause de l'évacuation. Ce n'est pas eux, les Californiens du Sud, qui subissent les conséquences de leurs actes. D'une certaine façon la Californie du Sud cannibalise la Californie du Nord. Cela voudrait dire qu'il n'y a pas de "Californie" tout court, il n'y a pas d'État californien en mesure d'empêcher que des Californiens fassent du mal à d'autres Californiens. C'est juste l'état de nature hobbesien avec la lutte de tous contre tous.

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Il y a 14 heures, Tancrède a dit :

l'agriculture californienne obtenant par exemple une eau bien trop peu chère, à peine compensée par le tarif élevé des habitants.... Et l'électricité est très chère dans l'Etat, en raison du système décrit plus haut

Pour ceux que le sujet "la gestion des cours d'eau transfrontalier" intéresse, je recommande le livre "Fleuves frontières - La Guerre de l'eau aura-t-elle lieu ?" de Franck Vogel. C'est un beau gros livre de reportage et d'image (à la base le monsieur est grand reporter) dont le premier tome traite le Brahmapoutre, le Nil, le Colorado et le Jourdain. Le Brahmapoutre est un fleuve frontière entre l'Inde et la Chine, très intéressant pour comprendre comment ce fleuve et ses affluents sont un gros sujet de discorde entre ces deux pays.

Le fleuve qui nous intéresse sur ce fil est le Colorado, seul fleuve au monde qui n'atteint plus la mer/océan/frontière, parce que ces eaux sont captées à outrance par l'agriculture/élevage américains. Les EU m'ont jamais fait rêver, ça c'est pas arrangé...

C'est mon auto cadeau de Noel, je n'ai pas encore eu le temps de tout lire (j'ai eu plein d'autres livres à Noel, et j'essaie de les lire en priorité pour que je puisse les commenter la prochaine fois que je vois la personne qui me l'a offert)

au fait les ref du bouquin : http://www.editionsdelamartiniere.fr/ouvrage/fleuves-frontieres/9782732477237

Modifié par rendbo
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Nouvelles d'Oroville Dam:

- des va et viens d'hélicos continuent à essayer de foutre autant de caillasse que possible dans le déversoir d'urgence (ce qui pour moi, vu le flot d'eau, doit être à peu près aussi utile que pisser dans un violon, ou approvisionner un théâtre d'opérations en missiles et bombes par avion)

- l'érosion accélérée du dit déversoir d'urgence remontait vers la digue bétonnée le surplombant

- 188 000 personnes vivant directement en aval ont été évacuées en urgence: la vie économique de la zone est au point mort

- hier, le niveau du lac a pu être baissé de quelques pieds en ouvrant les vannes des deux déversoirs endommagés (plus ce que le barrage lui-même peut laisser passer, un volume nettement plus réduit)

- de fortes pluies sont de nouveau attendues demain

L'élu au Congrès pour la circonscription d'Oroville a commencé à poser les deux questions qui grattent: pourquoi le déversoir d'urgence n'a t-il jamais été bétonné? La solidité du déversoir principal n'a t-elle jamais été vérifiée? Par ailleurs, le gouverneur Jerry Brown a placé une première requête de fonds d'urgence auprès de la Maison Blanche (on va voir si Trump se sent malin à essayer de "négocier" ces fonds normalement alloués sans discuter, ou essayer de sur-publiciser le fait de les envoyer et de le présenter comme un acte exceptionnel) et une demande que la présidence déclare officiellement qu'il s'agit d'une "situation d'urgence", pour enclencher les mécanismes adéquats. Gageons que vu le fonctionnement de l'administration Trump (on va voir s'il va faire une gestion de crise à la George W Bush circa 2005), la FEMA de Trump pourrait poser problème (avec un peu de bol, y'a pas eu trop de départs, hors de tous les hauts cadres partis le 20 janvier). 

On a parlé d'électricité et de l'eau pour l'agriculture, mais il faut aussi souligner (je ne sais plus si je l'avais fait) l'importance énorme de ce barrage dont vient l'approvisionnement en eau potable de plus de 20 millions de gens en aval, dans la vallée de la Feather, celle du Sacramento et celle de San Joaquin. Ce barrage est l'un des deux dont dépend tout le système de gestion des eaux du centre et du sud de la Californie. D'ores et déjà, l'eau qui coule depuis le début du problème a été souillée par la boue, les gravats et la roche qu'elle charie, posant des problèmes pour les capacités de filtration; des questions ont été soulevées quand à la capacité du système à fournir suffisamment d'eau dans l'année à venir. 

 

 

Pour le cas de Flynn, une info "anecdotique" intéressante, rappelée par plusieurs journalistes hier soir: un des caractères exceptionnels de l'affaire a résidé dans le niveau extrêmement élevé de fuites en provenance du National Security Council lui-même. Même si sous-staffé depuis le 20 janvier, et quasiment vide de la portion d'appointés discrétionnaires, politiques ou non, arrivant avec chaque nouvelle administration (le processus est toujours extrêmement en retard, les départements n'ayant pour la plupart pas de direction ou d'expertise hors des staffs permanents, eux-même sous-staffés), le NSC a quand même encore des effectifs de permanents, composés de fonctionnaires propres à l'organisation (il y a eu pas mal de démissions aussi de ce côté, et pas assez de remplacements) et de personnels en rotation depuis des agences gouvernementales (principalement les agences de renseignement). Ce sont ces personnels permanents (donc en majorité des professionnels du renseignement) qui semblent avoir cafté de façon répétée et fréquente sur Flynn, apparemment effrayés par le personnage, ses méthodes et/ou ses orientations. Une posture hautement inhabituelle, en fait sans précédent dans l'histoire de l'organisation. Flynn est très controversé pour bien des raisons, et il est plus que probable qu'on a là la réaction de professionnels devant un type ayant opéré un virage vers le bizarre depuis plusieurs années (notamment constaté dans un comportement souvent erratique, autoritariste et assez inefficace, voire contre-productif, dans la gestion d'équipes de travail et d'organisations), mais aussi un virage idéologique vers une forme d'extrême. Dans quelle mesure ces fuites vers la presse pourraient-elles aussi être une réaction de "la machine"? C'est-à-dire être un réflexe de l'appareil de renseignement pour garder le cap fondamental de la politique extérieure américaine, contre toute réforme dans ses choix et orientations dominants? En gardant à l'esprit que la plupart des critiques envers Flynn semblent extrêmement justifiées: faut pas en faire le courageux et atypique "non aligné" à la pensée originale qui s'attaque aux ronds-de-cuir flemmards, aux cyniques, aux imbéciles/aveugles et aux corrompus qui constituent un "ordre établi" idiot et inamovible. 

 

 

Modifié par Tancrède
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Le 13/02/2017 à 10:45, Wallaby a dit :

Quand je disais "la rivière en aval" je parlais du cours de la rivière à des dizaines de kilomètres de là, où habitent des populations nombreuses et où il y a des digues de protection contre les crues. Je ne parlais pas de l'état de la rivière juste au pied du barrage à quelques dizaines ou centaines de mètres de distance (et où à ma connaissance il n'y a pas de population qui vit).

J'avais bien compris. Avec les phénomènes d'érosion régressive, qui peuvent se produire à des rythmes accélérés étant donné les masses d'eau injectées dans le réservoir d'urgence, on peut imaginer que ce soit in fine la retenue en amont qui vienne à céder... Il n'est alors pas du tout sûr que les infrastructures en aval soit à même de résister, et si oui pour combien de temps, en cas de rupture de la retenue amont.

PS : Ma remarque était également une réponse à Conan, expliquant que c'est impressionnant, mais pas forcément si grave. En matière d'hydraulique, un détail - parfois un simple méandre au profil modifié - peut avoir des conséquences assez lourdes en amont ou en aval. 

Edit : Et bien, je viens de lire le dernier poste de Tancrède... Ouaip, la retenue est apparemment également menacée. Et là, on va probablement se rendre compte d'un autre aspect assez flagrant en hydraulique : un investissement modeste effectué à temps peut permettre d'économiser des sommes astronomiques. Et, inversement, une intervention inappropriée peut induire des coûts faramineux à terme. On a en France des cas d'endiguement de fleuves ayant contraint quelques années/décennies plus tard à des investissements dépassant le milliard d'euros pour réduire les risques en amont et en aval.

Modifié par Skw
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à l’instant, rendbo a dit :

Pour ceux que le sujet "la gestion des cours d'eau transfrontalier" intéresse, je recommande le livre "Fleuves frontières - La Guerre de l'eau aura-t-elle lieu ?" de Franck Vogel. C'est un beau gros livre de reportage et d'image (à la base le monsieur est grand reporter) dont le premier tome traite le Brahmapoutre, le Nil, le Colorado et le Jourdain. Le Brahmapoutre est un fleuve frontière entre l'Inde et la Chine, très intéressant pour comprendre comment ce fleuve et ses affluents sont un gros sujet de discorde entre ces deux pays.

Le fleuve qui nous intéresse sur ce fil est le Colorado, seul fleuve au monde qui n'atteint plus la mer/océan/frontière, parce que ces eaux sont captées à outrance par l'agriculture/élevage américains. Les EU m'ont jamais fait rêver, ça c'est pas arrangé...

C'est mon auto cadeau de Noel, je n'ai pas encore eu le temps de tout lire (j'ai eu plein d'autres livres à Noel, et j'essaie de les lire en priorité pour que je puisse les commenter la prochaine fois que je vois la personne qui me l'a offert)

au fait les ref du bouquin : http://www.editionsdelamartiniere.fr/ouvrage/fleuves-frontieres/9782732477237

J'adore les beaux livres de la Martinière, j'avais eu le bouquin "Des volcans et des hommes" avec des photos extraordinaires, notamment sur le Mont Saint Helens qui fut la première éruption explosive d'ampleur à être observée avec des moyens modernes. La gestion des évènements, la montée du magma, le gonflement de la montagne et la fameuse question: la montagne va-t-elle exploser? constitueraient une belle trame d'un thriller. Ce fut aussi également une confirmation par l'expérience que la volcanologie était une science pertinente. Las, en 1985 cela n’empêchât pas ensevelissement d'Armero en Colombie.

Le Brahmapoutre n'est autre que la branche d'origine chinoise du Gange qui fusionne avec lui pour former le fameux delta au Bangladesh.

Il me semble que outre le Colorado, le Rio Grande, fleuve frontalier avec le Mexique n'atteint pas non plus la mer.

Pour en revenir dans la gestion de l'eau en Californie, c'est un exemple vivant de la puissance de l'homme et de l'application des préceptes de Descartes. La violence de la contrainte à la nature qui a en Californie est particulièrement forte car objectivement parlant, Imperial Valley, Indian Wells, l'intérieur de la vallée de Los Angeles ne sont pas des coins capable de sustenter de fortes population de façon soutenable. A contrario, le nord de la Californie est beaucoup plus humide, plus favorable aux implantations humaines.

Enfin, si vous voulez des informations sur les temps extrême, ce blog de Wunderground est très impressionnant: https://www.wunderground.com/blog/

La météo américaine est absolument incroyable dans ses extrêmes, surtout que ses moyens sont plus important qu'en Europe (renseignez-vous notamment sur le Peter's Sink, une doline étonnante dans le Utah).

Dernier points avec un point sur les barrages de la zone, les précipitation et des vidéos.

 

https://www.wunderground.com/blog/JeffMasters/more-than-180000-under-evacuation-orders-as-oroville-dam-spillways-co

Modifié par SinopeMT
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il y a 26 minutes, Skw a dit :

J'avais bien compris. Avec les phénomènes d'érosion régressive, qui peuvent se produire à des rythmes accélérés étant donné les masses d'eau injectées dans le réservoir d'urgence, on peut imaginer que ce soit in fine la retenue en amont qui vienne à céder... Il n'est alors pas du tout sûr que les infrastructures en aval soit à même de résister, et si oui pour combien de temps, en cas de rupture de la retenue amont.

PS : Ma remarque était également une réponse à Conan, expliquant que c'est impressionnant, mais pas forcément si grave. En matière d'hydraulique, un détail - parfois un simple méandre au profil modifié - peut avoir des conséquences assez lourdes en amont ou en aval. 

Plouf, plouf :biggrin:

un de mes bréviaire à la fac (instant nostalgie)

 Les cours d'eau: dynamique du système fluvial, Jean-Paul Bravard, François Petit

https://books.google.fr/books?id=bX8AHQAACAAJ&dq=Bravard+les+cours+d'eau&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiavs3v5Y_SAhUItRoKHUW_BwIQ6AEIGjAA

Résumé critique :

https://rge.revues.org/4253

Ou

Le risque inondation

https://books.google.fr/books?id=HUPvAQAAQBAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

Modifié par Benoitleg
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il y a 51 minutes, SinopeMT a dit :

Pour en revenir dans la gestion de l'eau en Californie, c'est un exemple vivant de la puissance de l'homme et de l'application des préceptes de Descartes. La violence de la contrainte à la nature qui a en Californie est particulièrement forte car objectivement parlant, Imperial Valley, Indian Wells, l'intérieur de la vallée de Los Angeles ne sont pas des coins capable de sustenter de fortes population de façon soutenable. A contrario, le nord de la Californie est beaucoup plus humide, plus favorable aux implantations humaines.

L'essentiel de l'eau utilisée, mtho chiffre 70%, sert à l'élevage et la culture. L'un des plus gros consommateurs d'eau est la culture de fourrage qui est ensuite quasiment entièrement exporté. A ce niveau je n'appelle plus ça plié la nature à la volonté de l'homme mais à sa bêtise, pour rester poli...

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à l’instant, rendbo a dit :

L'essentiel de l'eau utilisée, mtho chiffre 70%, sert à l'élevage et la culture. L'un des plus gros consommateurs d'eau est la culture de fourrage qui est ensuite quasiment entièrement exporté. A ce niveau je n'appelle plus ça plié la nature à la volonté de l'homme mais à sa bêtise, pour rester poli...

Oui c'est clair. Pour qui a eu l'occasion de réaliser un road-trip à partir de SF, passer dans les vallées centrales, le long de la Sierra Nevada, puis par la plaine de l'Arizona (où se trouve Monument Valley), les dégâts causés par l'hommes sont impressionnants.

Deux exemples: Le Lac Owens dans la vallée du même nom, à côté du Mt Whitney asséché par les détournements d'eau pour alimenter les cultures d'Imperial Valley

Ensuite Lake Havasu City, qui est une ville de retraités qui vivent dans l'endroit aux plus chauds étés nords-américain (record de 52,5 C!) en Arizona. Cette ville est en croissance forte et constante, et non les résidents ne partent pas tous l'été pour aller passer l'été chez les enfants dans le Maine, le Vermont ou bien fumer de la beuh à Leadville.

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L'une des cultures emblématiques de la Californie est celle des amandes.... Je crois qu'on peut difficilement faire plus consommateur en eau. 

Et le boom résidentiel de la Californie, que cette gigantesque politique d'infrastructure pour la gestion des eaux a accompagné puis multiplié, date, pour beaucoup d'analystes, de la généralisation des systèmes de climatisation individuels (même chose pour le Texas, l'Arizona, le Nevada et le Nouveau Mexique, d'ailleurs): s'il y a un coupable qui a entraîné ce bouleversement de la nature pour gaspiller de l'eau à grande échelle, c'est bien cette invention: la clim. 

Mais d'une manière générale, les USA gaspillent de l'eau comme c'est pas permis: le cas du Rio Grande et de l'agriculture au Texas est emblématique, qui ont entraîné la ruine de l'agriculture au nord du Mexique. Plus largement, on peut voir des trucs hallucinants autour de Las Vegas, dont les besoins en eau (qui ont depuis longtemps dépassé les capacités locales et épuisé les nappes du Nevada) pompent sur un nombre d'Etats délirant, renchérissant le prix du liquide pour tout un tas de secteurs économiques et des individus, et asséchant tout un tas d'endroits. 

Modifié par Tancrède
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à l’instant, Tancrède a dit :

L'une des cultures emblématiques de la Californie est celle des amandes.... Je crois qu'on peut difficilement faire plus consommateur en eau. 

Et le boom résidentiel de la Californie, que cette gigantesque politique d'infrastructure pour la gestion des eaux a accompagné puis multiplié, date, pour beaucoup d'analystes, de la généralisation des systèmes de climatisation individuels (même chose pour le Texas, l'Arizona, le Nevada et le Nouveau Mexique, d'ailleurs): s'il y a un coupable qui a entraîné ce bouleversement de la nature pour gaspiller de l'eau à grande échelle, c'est bien cette invention: la clim. 

Mais d'une manière générale, les USA gaspillent de l'eau comme c'est pas permis: le cas du Rio Grande et de l'agriculture au Texas est emblématique, qui ont entraîné la ruine de l'agriculture au nord du Mexique. Plus largement, on peut voir des trucs hallucinants autour de Las Vegas, dont les besoins en eau (qui ont depuis longtemps dépassé les capacités locales et épuisé les nappes du Nevada) pompent sur un nombre d'Etats délirant, renchérissant le prix du liquide pour tout un tas de secteurs économiques et des individus, et asséchant tout un tas d'endroits. 

La clim n'est pas tant consommatrice d'eau que d'électricité il me semble, et le relief montagneux de la Californie devait certainement favoriser une hydroélectricité abondante et peu coûteuse. La culture américaine - qui est de manière générale bien plus agressive dans la volonté de réaliser ses désirs et satisfaire ses exigences de façon absolue que la notre et celle de l'Asie - les chiffres de consommation d'énergie, d'eau, d'"input" en témoignent, est une coupable plus plausible. L'invention de la climatisation -qui est une conséquence heureuse de cette culture- en est une résultante, sa généralisation à tort et à travers  sa dérive. Réaliser ce que je veux, où je veux, comment je veux sans adaptation aucune. Or, c'est là où le bât blesse: la culture américaine est dans un délire de toute puissance, pensant que sa volonté prévaut en tout lieu et en toute circonstance.

Las Vegas est la dérive absolue, la face hideuse de Janus car tant de puissance est mis au service d'une ville au milieu du désert, dans un endroit inintéressant au possible, au service d'une industrie de l'arnaque, apportant un nombre de corollaires désagréables: prostitution, drogues, violence, déception, désillusion nourrissant un lobby toxique mais surpuissant. Las Vegas est une ville qui donne le haut-le-coeur avec un Strip remplis de bâtiments kitschs, sans valeur "civilisationnel (dans le sens, art, innovation, esthétique, ou bien lieu d'histoire)", et le reste n'est qu'un lotissement géant et morne, autant de pierre tombales scellant les désillusions, résignations, désoeuvrements que cette ville engloutie.

Si vous voulez toucher du doigt ce qui fait la différence entre la France et les US (pour les mauvais aspects des US évidemment), je vous recommande d'emprunter la NV-160 entre Pahrump et Las Vegas un soir d'orage.

Enfin, la seule personne connue issue de Las Vegas est André Agassi. La lecture de son autobiographie est intéressante pour les fans de tennis et pour la horde de personnes en étant fan (moi c'était Sampras mon idole): il écrit noir sur blanc que jusqu'à ce qu'il arrive à choper Steffi Graf, il était un puit d'ignorance et d'absence d'éducation, de la poudre au yeux. A l'image de sa ville en fait :ph34r:.

PS: Je ne dénigre pas les US et je ne suis pas anti-américain primaire, néanmoins, certains de ses traits me sont inconfortables et font que je n'envisage pas d'émigrer là-bas et devenir américain. Je pense que l'Europe Occidentale propose un mode de vie plus équilibré et soutenable qui me convient mieux même si je souhaite que nous nous réformions, la France en particulier qui a pris des trains de retard à mon humble avis.

 

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15 minutes ago, SinopeMT said:

La clim n'est pas tant consommatrice d'eau que d'électricité il me semble, et le relief montagneux de la Californie devait certainement favoriser une hydroélectricité abondante et peu coûteuse. La culture américaine - qui est de manière générale bien plus agressive dans la volonté de réaliser ses désirs et satisfaire ses exigences de façon absolue que la notre et celle de l'Asie - les chiffres de consommation d'énergie, d'eau, d'"input" en témoignent, est une coupable plus plausible. L'invention de la climatisation -qui est une conséquence heureuse de cette culture- en est une résultante, sa généralisation à tort et à travers  sa dérive. Réaliser ce que je veux, où je veux, comment je veux sans adaptation aucune. Or, c'est là où le bât blesse: la culture américaine est dans un délire de toute puissance, pensant que sa volonté prévaut en tout lieu et en toute circonstance.

 

Attention, je ne disais pas que la clim' dépendait de l'eau, désolé si je me suis mal fait comprendre; je signalais que la ruée démographique massive vers la Californie (et les autres Etats chauds et/ou désertiques de la "Sun Belt") DATE de la généralisation de la clim', et que les infrastructures massives de gestion des eaux ont du être faites en grande partie pour accompagner (et accroître) ce brutal accroissement démographique qui n'aurait pas été possible (malgré le développement de certaines industries  attractives plus spécifiques à la Californie) sans cette seule invention qui a bouleversé le paysage (humain, économique, social, physique/écologique) des dits Etats "chauds". Cette ruée massive de l'après-guerre lui est en grande partie due, à une époque où tout le monde voulait vivre au soleil (c'est bien gentil, le Michigan, mais bouef pour le moral). 

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