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interview de philippe poulet


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Interview de Philippe Poulet, auteur d'ouvrages photographiques sur les forces spéciales Philippe Poulet est un photographe spécialisé dans le domaine de l'action et du grand reportage de défense, il a répondu à nos questions sur ses ouvrages, son travail et ses relations particulières avec le monde fermé des soldats de l'ombre. - Comment les FS (forces spéciales) et le Commandement perçoivent vos travaux ? Nous travaillons dans un climat de confiance, primordial pour en arriver là ! Depuis maintenant 5/6 ans j’essaye en effet de réaliser des reportages sur des sujets qui n’avaient jamais été traités auparavant ( renseignement militaire, forces spéciales, démineurs, secours en montagne et risque NBCR entre autre). Une rencontre fut décisive avec des responsables de la communication de la Défense. J’amenais un style photographique nouveau et moderne et eux avaient besoin de médiatiser l’armée en lui donnant un « coup de jeune » ! Je suis donc arrivé au bon moment. Aujourd’hui mon travail est connu et reconnu, cela me facilite grandement la tâche lors des premiers contacts. L’important est de fixer les limites avec le commandement et de s’y tenir. Mes derniers sujets sont très sensibles - aucun photographe n’avait pu pénétrer dans l’enceinte de la citadelle du 1er RPIMa par exemple - et il faut donc bien respecter les accords conclus. Le milieu militaire est en fait extrêmement petit, tous les Chefs de Corps se connaissent… une seule erreur et toutes les portes peuvent se fermer… pour longtemps ! Sur le terrain, lors des prises de vues, tout se passe vraiment bien avec les gars. Chacun collabore du mieux qu’il peut et ils sont en fait plutôt contents qu’on les voit enfin, qu’on les sorte un peu de l’ombre ! La préparation du reportage est primordiale car la majorité de mes photos sont complètement montées afin de restituer au mieux, sur une seule image, toutes les composantes de leur action. J’effectue beaucoup de recherches et je soumets ensuite des scénarios d’images probables, à la fois photogéniques mais surtout réalistes par rapport à leur métier. Tout cela n’est bien évidemment réalisable qu’avec une parfaite collaboration de tous. - Pouvez-vous nous expliquer ce qu'est le COS ? Le COS, Commandement des Opérations Spéciales, a été créé en 1992 lorsque la France, suite à la guerre du Golfe, a ressenti un réel besoin de fédérer l’action de ses forces spéciales sous l'autorité d'un commandement opérationnel unique. Les unités travaillant pour le C.O.S proviennent donc des différentes armées : Terre, Air et Marine. Elles constituent une capacité militaire d'action sans pareil car leurs performances sont le fruit d'une sélection rigoureuse et d'entraînements quotidiens. On peut vraiment dire que nos forces spéciales sont réellement composées d’hommes d'élites. Le COS emploie environ 2 500 hommes regroupés dans ce que l’on appelle « le 1er Cercle » : le 1er RPIMa de Bayonne ( qui vient d’être rejoint par le 13ème RDP au sein de la Brigade des Forces Spéciales Terre ), les Commandos Marine dont le fameux Commando Hubert et le Commando Parachutistes de l'Air N° 10. Les moyens aériens sont eux fournis par le DAOS (Détachement ALAT des Opérations Spéciales) et par l’Escadrille des Hélicoptères Spéciaux de l’Armée de l’Air. Un « 2ème Cercle » permet quant à lui de fournir au coup par coup des éléments d’autres unités, en renfort ou pour des missions pouvant s’avérer très spécifiques : démineurs, commandos para ( GCP ), éléments du GSIGN, spécialistes montagne, équipes d’écoutes « légères » etc… Lors des derniers conflits le COS a même fait appel à des officiers de réserve en poste dans le civil pour des rôles d’expertises et de conseil. Les équipes du COS sont amenées ( je cite ) : « à mener des actions ciblées et contrôlées, limitées dans le temps et dans l’espace, sur les centres de gravité de l’adversaire. La réponse doit être adaptée, proportionnelle à chaque situation particulière et doit permettre de pouvoir maîtriser l’usage de la force. L'effet de surprise comptant pour beaucoup.». Les délais d’intervention sont souvent très courts et les risques très élevés cela implique donc un haut niveau technique, suppose un entraînement permanent et une grande disponibilité. Les missions en elles-mêmes sont variées : collecte du renseignement, soutien et assistance à d’autres unités « conventionnelles », assauts dans le cadre de libération d’otages ou de neutralisation d’objectifs, sabotages, arrestations, contre-terrorisme, exfiltration de ressortissants, actions d’influence, guerre psychologique, formations d’unités spéciales étrangères, etc…enfin tout le « classique » des forces spéciales et des commandos. - Il se dit que nous avons en France des techniques, des forces spéciales et certaines unités enviées à travers le monde, par les américains pour ne citer qu'eux, qu'elles sont nos différences ? La « rusticité » semble être un des points les plus importants et bien évidemment la « démerde » à la Française… Un avantage certes, mais aussi un inconvénient… Ils se débrouillent comme ils peuvent pour réussir leurs missions et certaines unités – et oui même les Forces Spéciales ! - manquent encore de moyens qui leur faciliteraient grandement la tâche sur le terrain. Par exemple, les équipes Françaises se retrouvent engagées avec les vieilles P4, au « bout du rouleau », de 75 CV ( pour plus de 2 tonnes en charge…) alors que les américains sont équipés de Hummers tous neufs, les SAS Anglais ont des Land-Rovers spécialement fabriqués selon leurs besoins et les FS suédoises ont des 4x4 sur-préparés… Mais cette situation semble vouloir s’améliorer depuis quelques mois… Pour en revenir aux Américains, un Général, commandant les FS Américaines a « officiellement » reconnu que les Forces Spéciales Françaises étaient parmi les meilleures du monde ! Cocorico !!! Les Américains eux comptent sur leurs gros muscles et leurs satellites… Mais des gros muscles ça pèse lourd et il faut les nourrir…et les satellites, depuis le ciel, confondent des camions agricoles avec des lanceurs de missiles… En face nous proposons un petit « para » tout rachitique mais « inusable », qui portera autant de matériel que son propre poids, mangera des rations de combat pendant cinq semaines, enterré au fond d’un trou mais qui sera capable de fournir un renseignement de terrain efficace et en temps réel… Pour information, la France est le seul pays au monde à maintenir un régiment ( le 13ème RDP, les Dragons Parachutistes ) uniquement dédié au renseignement humain. Certes la haute technologie est utilisée et amène d’autres types de renseignements ( drones, satellites, écoutes etc…) mais les informations collectées par l’œil d’un homme ne seront que difficilement remplacées ! Un autre point important est aussi l’aspect « intégration » et « connaissance du terrain » des pays où les FS travaillent. Depuis le temps – les colonies ! – l’armée Française arrive à cerner et à bien s’adapter aux différents intervenants en tenant compte du contexte humain et surtout culturel. En règle générale ce sont des rapports et des échanges avec les différentes factions rivales qui datent de plusieurs dizaines d’années. Contrairement aux américains, on n’arrive pas en terrain conquit… Actuellement des FS américaines commencent à prendre pied sur le continent Africain ( sous couvert de la lutte contre Al-Quaida ) mais elles vont peiner à rivaliser avec nos équipes qui ont l’avantage du terrain et des relations humaines… Dans d’autres types de domaines militaires « pointus » que je connais bien, les démineurs et les gendarmes du secours en montagne par exemple, nos unités sont aussi les unités de références mondiales en la matière. - "On ne combat pas le terrorisme avec un char d'assaut" disait Daniel Martin (patron du cybercrime institut et ancien commissaire à la DST). Face au combat contre le terrorisme, quel est le rôle de nos FS ? Il faut bien comprendre que les Forces Spéciales Françaises n’interviennent que hors du territoire national et la plupart du temps en complément des unités régulières déjà - ou sur le point - d’être déployées. Ils sont tenus d’agir en uniforme ( normalement…) contrairement au service action de la DGSE – la plupart des anciens des FS d’ailleurs – qui eux sont amenés à effectuer des missions totalement clandestines. Ce ne sont pas des surhommes mais leur entraînement hyper-pointu leur permet donc de remplir des missions très spécifiques, souvent dangereuses et qui ne méritent ni l’improvisation ni surtout l’échec ! Nos FS sont donc plutôt bien utilisées et se retrouvent ainsi présentes un peu partout dans le monde. Bien que cela reste très discret des détachements sont stationnés grosso modo là où est déployée notre armée conventionnelle. Il s’agit pour le commandement Français – et maintenant les commandements internationaux style OTAN - d’avoir sur place des « outils » fiables capables de gérer au mieux un événement très particulier. Un petit groupe d’homme ( une dizaine par exemple ) peut arriver à régler rapidement et surtout discrètement, un problème qu’il ne faudrait surtout pas laisser dégénérer. A la différence des unités classiques, ils dégagent une certaine « sérénité » dans les moments chauds. Leur entraînement, leur sang-froid et le très fort esprit d’équipe leur permettent de gérer au mieux une situation très tendue où de jeunes gars « frais émoulus » d’une école militaire commencerait à « défourailler » de tous côtés. Mais il y a des limites à ne pas dépasser avec eux… Au printemps dernier les rebelles de Bunia ( Opération « Artémis » au Congo en juin 2003 ) en ont fait les frais… Lors d’une classique patrouille, des équipes se sont approchées d’un camp de rebelles. Ils furent immédiatement pris sous un feu nourri… Malheureusement pour les miliciens… ils avaient en face les gars du 1er RPIMa ! L’effet de surprise passé, les équipes ont stratégiquement riposté, mis en place un plan d’attaque et après quelques heures de combats acharnés le camp fut pris et des caches d’armes détruites. En quelques jours la soixante de commandos a ainsi sécurisé la ville face à 300 ou 400 miliciens lourdement armés. J’entends souvent dire dans le public :« les militaires Français passent pour des « charlots », on ne les voit jamais, ils n’interviennent jamais etc.… ». Certes il reste encore une certaine culture du secret au sein des Etat-Majors Français ( La Défense vient juste « d’officialiser » l’accrochage de Bunia.. soit un an après ! ) mais il faut bien voir que lors des derniers conflits « médiatisés » les américains ont bien sût « tirer la couverture » à eux. Ils annoncent fièrement la mise en place sur le terrain de leurs Forces Spéciales, comme si les conflits actuels ne devenaient sérieux que s’il y avait le mot « Forces Spéciales »… A ce faire d’ailleurs elles ne deviennent plus si Spéciales que ça… Aujourd’hui ils sont des dizaines de milliers répartis dans le monde sous une multitude de commandements : Airborne, Air Force, Navy, ainsi que tous ceux dépendants de l’autre multitude d’agences gouvernementales plus ou moins connues. La Défense Américaine et les agences lancent même des campagnes de recrutement pour intégrer directement les FS sans passer par la « case départ » des unités conventionnelles… Tout cela pour en augmenter encore le nombre nécessaire aux prochains « enlisements » prévus mais sûrement au détriment de la qualité du combattant pourtant primordiale pour ce type de mission à hauts risques. La France elle joue la carte de l’ultra spécialisation de ses quelques unités et c’est tant mieux. En dehors des problèmes purement d’ordre politique, je pense que la grande barrière quant à l’utilisation des FS Françaises conjointement aux actions anglo-américaines est avant tout la barrière du langage. Même si les unités des différents pays sont amenées à collaborer ensemble sur certains terrains, dans le feu de l’action la barrière de la langue peut s’avérer vite très problématique. Il est donc plus facile aux américains de faire appel aux SAS Anglais, Australiens ou Néo-zélandais qu’aux Français…. - On a du mal à projeter les FS dans l'avenir et la guerre électronique (electronic warfare), que pouvez-vous nous en dire ? Comme on le voit actuellement, l’avenir des « interventions » semble vouloir s’orienter désormais vers le combat en milieu urbain. Au regard des tous derniers conflits, la majorité des actions décisives se sont déroulées en ville : Beyrouth, Mogadiscio, Sarajevo… Les Russes s’enlisent à Grozny et les Américains à Bagdad… En Irak, progresser dans le désert fut simple et très rapide mais pénétrer dans Nadjaf, Kerbala ou Nassiriah posa de gros problèmes et les pertes furent – et sont d’ailleurs toujours – importantes sur ce terrain « couvert ». Plus généralement, le risque purement terroriste est bien évidemment aussi très ciblé sur les villes. De ses constatations les Forces Spéciales en ont tiré les enseignements et elles travaillent maintenant au développement de techniques, de stratégies et même de matériels spécifiques pour le combat en milieu urbain. Sous le nom de code « projet SHAULA » le 1er RPIMa travaille à la mise en place de toutes ces nouvelles techniques destinées à ce qu’ils appellent la « jungle urbaine ». Dans un avenir sûrement proche, il est probable qu’une nouvelle compagnie voit le jour dans ce régiment, traitant uniquement ce type de combat. Les Commandos de l’Air sont eux entraînés à la prise puis à la remise en état des aéroports et un des Commandos Marine est spécifiquement désigné pour le combat en Milieu Clos. Les cellules de recherche et de développement travaillent elles aussi sur des nouveaux systèmes d’écoutes et de visions « à travers les murs » ainsi qu’au développement de drones miniatures pouvant circuler en ville, voire même à l’intérieur de bâtiments et capables de ramener les renseignements primordiaux avant l’engagement de toute opération humaine. Toujours dans cet ordre d’idée, l’ouverture, il y un an, du Centre de Tir Adapté dans l’enceinte de la Brigade des Forces Spéciales Terre à Pau, permet désormais un entraînement réaliste des unités spéciales à toutes les nouvelles contraintes et impératifs générés par l’intervention en milieu clos. Ce concept innovant est l’aboutissement de plusieurs années de réflexion, de visites et d’études menées par les spécialistes des opérations spéciales. C’est un centre unique en Europe, modélisant des pièces ou des lieux que les unités d’intervention sont amenées à rencontrer en opérations : hall de gare, locaux diplomatiques, comptoirs de banque, appartements, caves, prison, maison, ascenseur, hôtels de toute catégorie, etc… le tout dans un bunker en béton de 100 mètres de long sur 40 mètres de large avec une partie frontale répartie sur 6 étages. Le CTA est en fait un gigantesque stand de tir où les entraînements se font à balles réelles. La toiture du bâtiment peut en être occultée afin d’évoluer dans la nuit complète avec les équipements de vision nocturne. Certaines zones sont modulables afin de pouvoir permettre une mise en situation, une « répétition générale » d’une action en quelque sorte, avant un engagement opérationnel. Les unités peuvent ainsi facilement reproduire à dimension réelle une habitation ou un lieu où elles vont devoir intervenir les jours suivants. Le CTA est lui-même intégré au Centre d’Entraînement Spécialisé ( CES ) de la BFST qui regroupe sur le même site le Centre de Préparation de Mission ( CPM ), surnommé le « frigo », qui permet de rassembler l’unité, de la « couper » du monde extérieur avant sa mission et de préparer ainsi sereinement l’intervention, toujours délicate. Dans un cadre plus général, le développement du « soldat du futur » ( Projet FELIN / ECAD ) fut accès aussi sur ces nouveaux impératifs dont la principale nouveauté est sans conteste le système de visée déportée. Une caméra jour/nuit fait désormais office d’organe de visée, le combattant visionnant son objectif sur un petit écran vidéo placé devant l’œil. Il peut ainsi tirer à « bout de bras », dans l’angle d’un mur par exemple sans avoir à se découvrir. Couplé à un intensificateur de lumière le tir restera précis jusqu'à 600 mètres en pleine nuit ! Les recherches sur les futures armes ( PAPOP entre autre, PolyArme-POlyProjectiles ) portent également sur la possibilité d’atteindre des cibles cachées. Les développements s’orientent donc vers un système de conduite de tir et des munitions « intelligentes » qui seraient à même de « contourner » les obstacles, le « multiprojectile » qui pourrait aussi se programmer et s’adapter à des conditions variables de tir et de pénétration.

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