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L'armée française en 1635


aigle

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Je connais très mal l'histoire militaire du XVIIe siècle et je n'ai jamais compris les revers essuyés par Richelieu après que la France soit entrée dans la guerre de Trente ans (en 1635).

En effet, les espagnols étaient engagés dan sce conflit depuis longtemps : ils étaient certes expérimentés mais n'auraient ils pas du être aussi usés ? d'autre part la France était fraiche (étant restée neutre depuis  1618) et Richelieu avait eu le temps de se préparer (il était Premier ministre depuis 1624 !)...

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Multiples explications.... En vrac:

- la France est encore un peu un bordel à cette époque: lendemains des derniers soubresauts des guerres de religion (Siège de la Rochelle) et du jeu constant et permanent de la féodalité, avec les Grands qui se soulèvent ou font mine de le faire: tout cela coûte cher, soit en armées, soit en négos.

- grande, la France est comme tous les grands Etats d'Europe alors, sous administrée: c'est pas tout d'être grand dans l'absolu, encore faut-il contrôler son territoire, le connaître et le maîtriser réellement, aider à sa mise en valeur.... D'autant plus difficile que même si le pays le plus peuplé d'Europe, la France a de faibles densités de populations vu sa taille. L'agriculture ne produit pas tant de surplus agricoles que ça (majoritairement vivrière comme partout ailleurs), et ils ne sont pas centralisés. Ce que Richelieu tient en main, c'est le jeu politique des Grands, mis au pas depuis l'exécution du dernier vrai connétable (Montmorency) en 1632, pas la France en elle-même. Il n'y a pour ainsi dire pas d'administration permanente autre que centrale (et celle de l'ïle de France): le réseau administratif/de gouvernement, ce sont des charges anoblissantes et vénales qui sont régionalement dans la main et le réseau d'influence des Grands. Seuls les intendants, ces missi dominicis envoyés directs de Paris, essaient de garder une main relative sur les régions.

- l'armée permanente est réduite et a souffert du manque permanent de fonds, des vices de son système de fonctionnement (vénalité des charges d'officiers, cleintélisme, fraudes et triches), même si elle a toujours gardé un noyau d'unités de très haut niveau qui, avec quelques autres unités, s'est encore plus aguerri autour du siège de la Rochelle et de l'affaire de la Valteline. Cependant, le temps de paix voit beaucoup de réductions immédiatement après le dernier coup de feu. Donc la majorité des troupes quand commence une guerre est faite de recrues fraîches, ramenées parfois de force, prenant beaucoup du rebut de la société, peu équipés, peu nourris, peu payés (et irrégulièrement), peu motivés, de qualité aléatoire. Et quand il s'agit d'une guerre majeure, c'est pas 15 ou 20 000h qui sont levés, mais le double ou le triple, accroissant les difficultés de formation, d'équipement, d'entretien et de mise à niveau. Sans compter évidemment l'attribution des commandements, qui dépend du clientélisme nobiliaire, de la vénalité des charges, des jeux politiques (pour les hauts commandements), avec des officiers qui, s'ils sont de vrais guerriers, n'ont pas de formation formelle standardisée: ils se forment sur le tas (donc il faut du temps), les EM aussi, et ils ont avant tout leur esprit de caste et un système hiérarchique reflétant autant, sinon plus, la pyramide des clientèles et rangs nobiliaires que celle des grades formels. Plus l'échelle de l'armée augmente, plus ces problèmes de base sont multipliés dans leurs effets.

Les armées espagnoles, hollandaises et suédoises sont les armées les plus aguerries de ce temps, par leur permanence et des avantages particuliers: le système suédois est sans doute le meilleur, et de loin, pour fournir de la recrue de qualité, motivée, avec esprit de corps, par son système de pré-conscription, par son niveau d'équipement et d'entraînement, mais aussi par l'organisation et la doctrine pendant le règne de Gustave Adolphe (mais ça ne lui survivra pas). Le système hollandais, après quelques 6 décennies de guerre, a donné une armée professionnelle très compétente au moins pour la défense de son territoire. Le système espagnol offre beaucoup de défauts (beaucoup communs avec la France: manque de fonds, système nobiliaire, fraudes....), mais compensé par une guerre permanente ici où là qui a donné un réservoir important de vétérans dans lequel puiser, une partie d'unités permanentes de haut niveau et un volant de chefs compétents. Cependant il ne faut pas trop surestimer l'armée espagnole: la cavalerie n'a rien d'exceptionnel, les grandes unités de manoeuvre un peu durables n'existent qu'en Flandres, et les Tercios de qualité sont limités aux 7 Tercios Viejos (qui coûtent une fortune: la moitié du budget militaire de temps de paix à eux seuls, alors que leurs effectifs sont incomplets).  

La France devra tout improviser à partir de peu, et aura donc besoin d'un temps de montée en puissance, et ce au prix d'un effort sans précédent (depuis Louis XI) sur le pays. Et ce alors qu'elle n'est pas toute fraîche au début du conflit, sortant de ses propres problèmes internes, avec une royauté qui n'a rien de toute puissante, un Etat qui n'a pas des finances très extensibles (bien que fondamentalement, une année de budget français soit équivalente à une année espagnole -or et argent d'Amérique compris). L'armée permanente, aguerrie et efficace, laissée par Henri IV à sa mort, avec de vastes réserves financières, a été gaspillée par la régence de Marie de Médicis, mais même là, elle n'était pas quantitativement énorme (4 "Vieux" Régiments, 6 "Petits Vieux", 2 Régiments de la Maison du Roi faisaient toute l'infanterie permanente).

Voir le sujet "Pike and Shot" sur le point de l'armée française de cette époque: il rappelle de nombreux aspects de cette évolution.

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Le niveau n'était pas mauvais pour les troupes existant AVANT la déclaration de guerre: la cavalerie était la meilleure d'Europe, héritage de longue date particulièrement rétabli sous Henri IV et sa réforme de la cavalerie, et l'artillerie était de bon niveau pour ce qu'elle servait à cette époque de la guerre (pièces trop lourdes pour être bougées une fois placées sur le champ de bataille: elles le sont pour une bataille entière), héritage là aussi du règne d'Henri IV, particulièrement du travail de Sully. Les cadres en étaient permanents et les équipages de servants recrutés en cas de guerre, mais c'était partout pareil, et ce qui était permanent était bon.

Les unités d'infanterie permanentes étaient bonnes, voire très bonnes, mais 12 régiments (dont 2 pas vraiment employables parce que le Roi doit en garder un volant sauf urgence) pour un minimum de 4 fronts (et de préférence une réserve), c'est un peu léger. A noter cependant que jusqu'à une certaine quantité levée, les unités peuvent rester de niveau moyen plutôt bon au regard des standards de l'époque: une partie des régiments permanents (compter un bataillon par régiment environs) est destinée à servir de cadre, de squelette à des régiments fraîchement levés et faits de recrues: doubler la taille de l'infanterie ne diminue pas drastiquement la qualité (en comptant le temps d'entraînement et des préparatifs). Aller plus loin pose plus de problèmes. La cavalerie fonctionne encore plus sur ce système. Et le réservoir de vétérans confirmés est limité, mais il existe. Cependant, il faut pondérer la chose par la désertion, très importante dans les armées de l'époque (Louvois y remédiera en grande partie), surtout en raison des conditions de recrutement, de vie et de paie. Mais c'est pour quasiment toutes les armées pareilles (sauf la suédoise).

C'est l'emploi en grand qui pêche plus que le manque de troupes permanentes: il n'y a pas de corps de manoeuvre permanents, pas de doctrine, un manque d'expérience de la guerre en grand (pas ou peu de guerres contre des adversaires étatiques importants depuis un bail), pas d'EM permanents à aucun niveau (sauf les unités élémentaires, donc un niveau purement tactique), pas d'équipes de travail permanentes, des officiers formés par eux-mêmes (ça veut pas dire mauvais: les écoles militaires n'existent alors nulle part en Europe) et répondant à des logiques de solidarités et clientèles de castes, mais aussi bouffés par la vénalité des charges, une logistique privatisée. Il n'y pas vraiment d'exercices de manoeuvre en grand, pas de logique d'emploi combinée, chose que seule les armées en guerre pratiquent et finissent par mettre au point sur le tas (Gustave Adolphe est ainsi le seul à avoir fait cela avant la guerre, soit établi une doctrine d'emploi très drillée, pour pallier ses effectifs).

Pour la note, les Mousquetaires (nouveau nom des carabins) ne sont qu'une compagnie, à la base venant du régiment des chevau-légers de la Maison du Roi, rejoints par une 2ème (les anciens Gardes du Cardinal): ils sont bons, mais dans la maison du roi, y'en a beaucoup (les chevau-légers dont ils viennent notamment, la "Cornette Blanche" -élite de l'élite sous Henri IV-....).

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Les mousquetaires -d'abord appelés carabins, leur unité "ancêtre"- étaient 1 puis 2 compagnies formées d'hommes sélectionnés par leur capitaine au sein de la noblesse, très capables de combattre à pied et à cheval, individuellement et de manière coordonnée. L'effectif maximal de chaque compagnie a été jusqu'à 200h, soit un effectif démesuré à une époque où une compagnie d'infanterie a un effectif théorique maximal de 80h, plus fréquemment 50 à 60 dans les faits quand les choses se passent bien (la moitié pendant la guerre de 30 ans faite de tensions et rafistolages permanents), dans des bataillons de 10 à 12 compagnies. Une compagnie de cavalerie (entre l'escadron et le peloton, subdivision tactique naturelle de l'escadron, unité de manoeuvre de base) en au maximum 60, plus fréquemment autour de 40. De fait, les compagnies de mousquetaires sont des escadrons renforcés ayant du volant de troupe, et un lieutenant des mousquetaires a de fait sous ses ordres l'équivalent d'une compagnie très fournie, et une autonomie qui fait qu'il est plus souvent employé comme chef autonome. Les mousquetaires sont l'unité de choix de la "Garde du Dehors" (gardent le roi en campagne, pas quand il est dans une résidence ou une ville du territoire), forment des unités d'assaut d'élite ayant préséance lors des sièges, des unités légères de pointe (reco, coups de mains, opérations "spéciales"), forment un vivier "d'hommes de main" du roi....

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  • 2 weeks later...

Un petit rappel pour un panorama de l'armée en 1635.

Les effectifs globaux permanents affichent des totaux de 100 000h, mais avec un effectif réel de 60 000. Une partie est faite de milices locales de valeur faible à mobilisation par roulement, et une autre des compagnies de garnisons permanentes (les compagnies encore appelées "de Morte Payes"), faites de vétérans âgés, d'invalides légers, mais aussi d'une majorité de soldats méritants en attente d'une guerre, qui étaient envoyés dans les régiments à ce moment (les milices locales les remplaçant pour la garnison). L'amée "mobile" permanente est plus restreinte.

C'est une armée qui est encore en cours de recomposition, l'excellent outil laissé par Henri IV à sa mort ayant été débandé et dilapidé par la régence de Marie de Médicis.

Cavalerie

Elle vient d'être rassemblée en 12 régiments permanents qui groupent les escadrons (à 2 compagnies de 50h) existants. Ces 12 régiments sont homogènes dans leur qualité, désormais et sont astreints aux mêmes obligations.

Il n'y a que de la cavalerie de choc et de manoeuvre dans ces unités permanentes: la cavalerie légère n'est recrutée qu'en temps de guerre, généralement des mercenaires étrangers (hussards hongrois et estradiots grecs et albanais pour l'essentiel), qui doublent de fait la taille de la cavalerie. La spéficité de la cavalerie lourde est qu'elle est aussi bien une arme de mêlée qu'une arme de tir: à cette époque, la cavalerie charge encore en opérant la caracole (feu roulant par rangs) qui réclame une organisation pointue, avant d'y aller à l'arme blanche.

Infanterie

Les régiments permanents sont 19: 2 de Gardes (suisses et françaises), 4 "Vieux" et 6 "Petits Vieux", auxquels s'ajoutent 7 régiments plus récents. Ils groupent en théorie 20 compagnies de 120h (2/3 de mousquetaires, 1/3 de piquiers), mais les effectifs sont rarement atteints. Le coût de ces unités permanentes est très élevé et accessible seulement à la haute aristocratie, celle des Ducs et Pairs et des Princes du Sang.

Régiments temporaires: beaucoup sont levés avant l'entrée en guerre, mais certains étaient restés en place à l'issue du Siège de la Rochelle et de l'affaire de la Valteline. Une partie de ces unités étaient maintenue pour occuper la noblesse en fournissant des postes et charges régimentaires (mestres de camp) et de compagnie (capitaineries et lieutenances). Le propriétaire d'un régiment peut disposer des charges de capitaines et lieutenants, et des affectations d'enseignes, ce qui est pour lui le moyen de tenir sa clientèle. Là, les effectifs sont loin d'être complets, et il est usuel de voir les compagnies n'avoir que 50h. Ces régiments ont par ailleurs 12 compagnies par rapport aux 20 des régiments permanents.

Au total, en 1635, l'infanterie compte 72 régiments, avec 53 temporaires dont les effectifs varient beaucoup, où la fraude est omniprésente, la paie rare, l'entraînement faible. Avantages néanmoins: la petite taille des compagnies rapproche l'officier de la troupe, rend l'unité maniable par rapport aux lourdes formations d'autres pays, et cet usage formera la base de la création et de l'emploi du bataillon comme unité tactique mobile, poussant un cran plus loin la doctrine suédoise.

A cette infanterie de ligne s'ajoutent des compagnies franches (=non rattachées à des régiments), qui graduellement abandonnera toute capacité de ligne, notamment via l'abandon de la pique) pour former une base d'infanterie légère.

Le recrutement d'unités étrangères se fait via des entrepreneurs de guerre chargés de monter un régiment, et il n'y a alors que les Gardes Suisses qui soient permanents. La guerre de Trente Ans offrira une exception en voyant Richelieu passer par un entrepreneur de guerre offrant un service "complet", à savoir une armée entière: ce sera Bernard de Saxe-Weimar.

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