Rochambeau Posté(e) le 12 juin 2013 Share Posté(e) le 12 juin 2013 Îles, corsaires et pirates dans la Méditerranée médiévale par Pinuccia Franca Simbula Qu’elles soient grandes et dispersées dans la mer Tyrrhénienne, petites, nombreuses et disséminées au Levant, les îles sont des nœuds essentiels des circuits commerciaux médiévaux, des bases économiques et militaires stratégiques, servant à contrôler et protéger les routes de navigation. Leur existence est liée, tout au long de l’histoire de la Méditerranée, à la course et à la piraterie. Forme légale de guerre pour l’une ou brigandage maritime pour l’autre, il était extrêmement difficile de les distinguer au quotidien, tout comme il était difficile d’empêcher les actes de pirateries menés par les navires qui avaient l’autorisation de pratiquer la course (1). La course, progressivement disciplinée, se confond souvent avec la piraterie dont cependant – tout au moins de façon théorique – elle était nettement différenciée, ne serait-ce que parce qu’elle est susceptible d’entraîner des poursuites judiciaires. Au-delà de l’usage des termes, qui se clarifièrent progressivement, le recours à des combattants de métier sur les mers devient une pratique courante mais c’est une arme à double tranchant : contrôler des embarcations munies d’autorisations régulières et faire respecter les limites imposées par les concessions n’est pas toujours simple pour les autorités (2). Navires de la flotte, corsaires privés et armateurs occasionnels sont souvent au centre des enquêtes et des accusations d’actes de piraterie. Plus profondément, l’essor de la piraterie et de la course tient à la politique expansionniste des États en Méditerranée qui font des îles les confins de frontières mouvantes. L’activité des corsaires croît quand le pouvoir politique faiblit ou quand il le légitime en s’appuyant sur des pratiques et des normes guerrières qui, depuis le XIIe siècle, font de la piraterie un moyen de combattre l’ennemi (3). R. S. Lopez rappelle combien le conflit qui opposa Pise à Gênes « fut d’abord une lutte de corsaires », dont les protagonistes furent à la fois des aristocrates et des marchands, des membres de puissantes « consorterie » ou des armateurs autonomes, flanqués d’aventuriers et de mercenaires. La conquête de Bonifacio par les Génois, dans la dernière décennie du XIIe siècle, fut exclusivement « l’initiative, plus ou moins soutenue par l’État, de grands corsaires. » (4) Échappant aux Pisans, Syracuse tomba aux mains d’Alamanno da Costa, un noble génois, qui s’en empara avec l’appui de la République ligure, au nom de laquelle il en prit possession (5). Il s’agit, suivant les textes d’alors, de « pirates. » Jusqu’à la fin du XIIIe siècle, le terme est ambigu, car la distinction entre corsaires et pirates n’est pas encore établie. M. Balard souligne que dans l’Alexiade, Anne Comnène compare les expéditions des républiques maritimes italiennes en Syrie et Palestine à des opérations de piraterie contre l’Empire (6). Au XIIe siècle, des commandants, qualifiés de pirates, se voient confier la défense des territoires byzantins (7). C’est à une figure comme celle d’Enrico Pescatore qu’est inféodée, par le souverain sicilien, l’île de Malte, devenue entre la fin du XIIe et le début du XIIIe siècle, la base d’appui des offensives souabes et génoises. Pirate pour quelques-uns, courageux guerrier pour d’autres, Enrico navigue et combat sur les mers avec une flottille, au service de son roi et de sa patrie, Gênes ; lesquels légitiment ses entreprises, parce qu’elles soutiennent leurs desseins politico-commerciaux. Entre 1206 et 1216, il arrache la Crète aux Vénitiens qui le traitent de terrible pirate. Ses attaques visent à la fois les navires de Pise et de Venise, les cités rivales de Gênes. Son activité assure des bases solides à cette dernière dans la Méditerranée orientale, alors que la Sérénissime, confortée par la IVe croisade, se fait plus menaçante. Les vers du trouvère languedocien Peire Vidal s’opposent cependant aux affirmations vénitiennes ; il décrit Enrico comme : « Larcs es et arditz e cortes, et estela dels Genoes, e fai per terra e per mar tots ses enemichs tremelar » ( 8 ). Ce n’est donc pas un brigand, mais un héros des mers qui inspire la terreur à ses ennemis, un combattant astucieux et valeureux qui est la gloire de Gênes. Ses relations avec la mère-patrie et le royaume de Sicile font de ses faits d’armes une guerre de course, et donc, légale. Lointaines ou proches de la terre, les îles sont aussi des espaces idéaux pour tendre des embuscades aux navires de passage. En 1379, dans les eaux de Rhodes, coram Castro Rubeo, deux galères marseillaises, commandées par Nicolò Clavuoto et Antonio de Jérusalem, de retour de Beyrouth, sont surprises par quinze galères vénitiennes qui les dépouillent de leur précieux chargement de monnaies, de joyaux et de perles (9). La même année, près de Majorque, une coque sur laquelle quelques marchands juifs avaient embarqué des draps, est attaquée par deux galères marseillaises, conduites par Pasquasio Arnion et Pietro Uguet et armées officiellement pour lutter contre les Sarrasins (10). L’île d’Elbe est un repaire excellent pour surprendre les nombreux bateaux sortant de Porto Pisano ; c’est là que le castillan Joan Rossell qui avait loué son embarcation à quelques marchands siennois, résidant à Pise et pour le compte desquels il avait chargé du grain en Sicile, est surpris par Giovanni Grimaldi, Génois à la solde du seigneur de Milan (11). Les îles offrent aussi des refuges : c’est dans les îles de la mer Tyrrhénienne qu’en 1404, le cavalier castillan Petro Niño pourchasse les corsaires de port en port. Parti de Toulon, à l’aube après une nuit de tempête, lui apparurent les îles tyrrhéniennes les plus septentrionales. Une fois reposés à Capraia, les équipages « prirent les rames et les galères et partirent à la recherche des corsaires, par toutes les îles petites. Ils allèrent à l’île de la Gorgone, à l’île de Pianosa et fouillèrent tous les ports dans les bouches de Bonifacio qui est en Corse. Là ils trouvèrent une embarcation aragonaise. Ils revinrent alors en Sardaigne, à Longosardo et à Alghero », d’où ils continuèrent la chasse, explorant l’une après l’autre les côtes de l’île (12). Les fréquentes références, dans les sources documentaires, aux incidents qui se produisent autour des îles sont liées à l’intensité des trafics maritimes qui prennent appui sur elles, à la densité de la circulation des bateaux autour des ports et des passes, offrant aux corsaires et aux pirates les moyens d’agir plus facilement. Souvent cependant, les îles ne sont pas seulement les lieux où se déroulent les assauts, mais aussi ceux où s’arment les navires. La pauvreté de leurs ressources économiques – maintes fois soulignée par l’historiographie – peut expliquer, mais en partie seulement que les îles soient devenues des repaires de corsaires et de pirates, au point d’être souvent décrite comme une disposition naturelle des habitants (13). L’insertion des ports et des escales insulaires dans les circuits maritimes réduit sensiblement la distance entre les îles, les unit par des liens économiques, politiques, militaires et les place au cœur de réseaux d’échanges. La Crète, Chio, Negroponte, les Baléares, la Sardaigne, la Sicile comptent parmi ces îles qui constituent des nœuds commerciaux importants au Moyen Âge (14). En mer comme à terre, les États, d’un côté, imposaient des règles pour éliminer les désordres et les violences ; de l’autre, la nécessité d’avoir à disposition des hommes prêts à combattre, attirés éventuellement par le butin, les obligeait à ne pas appliquer avec zèle les rigides dispositions normatives qu’ils prenaient (15). La navigation commerciale était la plus exposée aux coups de main et aux représailles inévitables lorsque les embarcations armées commettaient des razzie, qui, bien que réprouvées, n’étaient que faiblement condamnées (16). L’absence d’escadre permanente favorisait l’emploi d’aventuriers de diverses origines ; et le recours à la flotte marchande, afin d’affaiblir économiquement l’adversaire, était une des composantes de la guerre : les autorités publiques – dans les mondes ibériques, comme à Gênes, dans la mer Tyrrhénienne ou au Levant – percevaient d’ailleurs des droits sur les prises (17). Les petits spéculateurs, marchands ou armateurs, qui couraient les mers à la recherche de butin, étaient nombreux : les gouverneurs du royaume de Majorque concédaient près de quatre-vingts licences d’armement à leurs sujets, entre 1375 et 1419. L’objectif des attaques est généralement spécifié, lorsqu’il s’agit de combattre les Maures ou des pays avec lesquels Majorque était en guerre. Suivant l’état des relations diplomatiques et pour ne pas compromettre de précaires équilibres, figurent alternativement les Grenadins, des sujets du roi de Fez, du sultan de Babylone, de Bône, de Bougie, de Constantine, de Pise ou de Gênes. Dans les autres royaumes, il en était de même. Des conditions étaient imposées : les sujets du royaume et les alliés – expressément mentionnés – doivent être respectés ; les armateurs devaient verser une caution en raison des dommages que la Couronne pouvait se voir imputer si la capture était irrégulière ; des fidéjusseurs devaient souscrire ; le rayon d’action était parfois défini, pour maintenir les navires armés non loin des côtes qui devaient être protégées efficacement et contrôler les patrons (18). Dans ce panorama complexe, les îles n’eurent pas toutes la même importance comme base d’organisation de la course et de la piraterie. En raison des rivalités politiques, militaires et économiques, elles assurèrent des fonctions diverses. La poussée irrépressible des républiques tyrrhéniennes et des Normands, à l’aube du deuxième millénaire, dilate la frontière maritime de la Chrétienté jusqu’à l’adosser sur les côtes nord-africaines et restreint les zones de confront avec l’Islam aux extrémités de la Méditerranée, vers les mondes ibérique et byzantin. Les îles sont en première ligne, point d’appui de l’avance occidentale et du contrôle des espaces maritimes. Sans solution de continuité, de l’aire tyrrhénienne jusqu’aux eaux du Levant, les différentes puissances, d’abord Pise et Gênes, puis les Vénitiens, les Byzantins, les Normands, les Angevins et les Catalans, élargirent leurs zones d’influence en imposant leur contrôle sur les îles, par le moyen de guerres incessantes et de renversements d’alliances. Dans ce cadre politique complexe, les îles délimitent les sphères d’affirmation sur la mer des différents États, signalent les étapes de l’expansion, offrent des plates-formes à la pénétration en Orient, constituent un glacis défensif aux influences économiques et politiques, un espace de rencontres culturelles et religieuses. Dans cette optique, ce que l’on retient davantage, c’est qu’elles assument une fonction de frontière, entre chrétiens et musulmans et entre puissances chrétiennes en guerre. Sur la mer, la guerre est faite parfois par de grandes expéditions mobilisant des flottes entières mais le plus souvent elle consiste en une multitude de rencontres, parmi lesquels les épisodes de la course sont déterminants (19). C’est un phénomène – tout comme la piraterie – qui concerne la vie des îles comme celle des ports continentaux, ainsi à Monaco et Piombino, sur la côte toscane, ou à Valence et à Alicante qui tirent d’importants profits de leurs positions de confins à l’instar des Baléares (20). Même les ordres militaires, basés à Rhodes, dans les îles de l’Égée et à Malte, qui luttent, sans relâche, contre l’empire ottoman et le sultan d’Égypte, ne renoncent pas à des actes qui parfois s’éloignent même de la course (21). En 1413, Rodrigo de Luna, neveu du pape Benoît XIII, chevalier de l’ordre de Saint-Jean de l’Hôpital de Malte et capitaine général de l’armée pontificale, arme, avec l’assentiment de son illustre parent, deux galères pour combattre les infidèles. Avec son équipage, composé de nombreux compatriotes, il parcourt les eaux nord-africaines et intercepte près de la Tunisie un navire génois, qui avait chargé ses marchandises à Grenade. Nonobstant la trêve en vigueur, il décide de s’emparer, de force, de la cargaison. À la suite d’un violent combat, durant lequel plusieurs marins ligures périrent, il capture l’embarcation et la traîne jusqu’en Sardaigne, dans le port complaisant de Cagliari (22). Source et suite: http://theatrum-belli.org/iles-corsaires-et-pirates-dans-la-mediterranee-medievale-par-pinuccia-franca-simbula/ Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Cricrisius Posté(e) le 13 juin 2013 Share Posté(e) le 13 juin 2013 Article très partiel et tronqué sur les pirates et corsaires en mediterrannée.-Ne parle que du haut Moyen-âge: donc pas des attaquent Vikings, Vandales, Sarrazins, Slaves...-Ne traite que des européens et ne mentionne pas les pirates barbaresques ou des turcs/ottomans.-L'auteur ne s'occupe que des îles (qui semble être le sujet principal), alors que toutes les côtes continentales subissent aussi des attaques pirates/corsaire, ou en sont des points de départ....-Les îles ne sont pas spécialement des frontières ou des lieux d'échange entre la chrétienté et le monde musulman (sauf conflit, les marins commercent "librement" entre les ports d'Europe, d'Afrique ou du proche-orient).-Ne mentionne pas les contre-mesures face à ces attaques: galéasses, muda vénitienne (convois), renouveau de certaines flottes de guerre...-Ne précise pas que ces attaquent pirates/corsaires, bien que relativement nombreuses, n'entravent pas le commerce maritime en plein essor, vers fin du moyen-age.Pour ma part, je ne trouve pas que cet article soit très représentatif des pirates et corsaires méditerranéens au Moyen-age. Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
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