Kiriyama Posté(e) le 15 décembre 2013 Share Posté(e) le 15 décembre 2013 (modifié) La fréquence UVB76 Par Kevin Limonier Connaissez-vous UVB76, cette mystérieuse fréquence militaire russe qui émet depuis les années 1970 sans que l’on sache pourquoi ? Dans le cadre de mes travaux consacrés aux représentations de la puissance technologique de la Russie, voici un petit texte sans prétention aucune à ce sujet. Il revient sur cette anecdote aussi amusante qu’évocatrice de l’image particulière dont la Russie et son complexe technologique continuent de bénéficier 20 ans après la fin de la guerre froide – entre fascination et culte du mystère. Une nuit de janvier 1983, Ary Boender, banquier à Rotterdam et opérateur radio amateur, était assis comme souvent devant le poste à ondes courtes qu’il avait installé dans son garage. Là, dans la pénombre, il écoutait le bruit du monde. Les ondes courtes, en se réfléchissant sur la ionosphère, permettent de propager très loin les signaux radios. A cette époque où Internet n’existait pas, ils étaient nombreux à bricoler leur poste pour surfer d’une fréquence à l’autre : un bulletin marine provenant du Pacifique sud, un signal en morse émis depuis le Sahara à l’aide d’un générateur diesel, une conversations de pilotes d’hélicoptères sur la côte ouest des Etats-Unis … Un véritable foutoir de voix, de musiques et de signaux provenant des quarte coins du monde, émis dans des environnements extrêmement divers. Rien de mieux pour stimuler l’imagination, surtout lorsque vous êtes assis dans votre garage, vers trois heures du matin, et que vous venez de terminer la dernière cigarette de votre paquet. Alors lorsque soudain vous tombez, comme Ary Boender, sur une fréquence qui diffuse en continue des bips énigmatiques à raison de 25 par minutes, vous voulez au moins savoir qui diffuse cela, depuis où, et surtout dans quel but. Pendant une quinzaine d’années, un petit groupe d’opérateurs radios amateur qui avait remarqué l’étrange « buzz » sur la fréquence 4625khz a tenté de répondre à ces trois questions, en vain. Tout ce que l’on savait, grâce à la triangulation du signal, c’est que cela provenait de quelque part en Union Soviétique, et que le son était inhabituel. L’utilité du signal demeurait quant à elle un mystère. Il n’en fallut pas plus pour exciter les imaginations. Certains avancèrent que le « bip » était un code, destiné soit au réseau diplomatique soviétique, soit à des agents en couverture à l’étranger. Mais d’autres leur rétorquèrent que cela ne pouvait pas être un code, en raison de l’absence de variation des intervales entre les bips. Alors d’autres encore supposèrent que cette fréquence énigmatique faisait partie du système Dead Hand, un protocole dont l’existence n’a jamais été véritablement prouvée, et qui serait programmé pour que l’arsenal nucléaire de l’URSS puisse riposter automatiquement à toute frappe atomique sur son territoire, même si les centres de commandements avaient été détruits (Il est à l’honneur, notamment dans Docteur Folamour de Kubrick). Le « buzz » de la fréquence 4625khz serait alors une sorte de système d’alarme, le pendule de l’apocalypse nucléaire. Enfin, quelques personnes à l’imagination fertile supposèrent que le fréquence permettait de dialoguer avec des races extraterrestres … Et puis virent la Perestroïka, la glasnost’, la chute de l’URSS … La mystérieuse fréquence 4625khz continuait d’émettre son « bip », imperturbable aux bouleversements géopolitiques. Bien sur, on l’écoutait moins : l’ennemi était vaincu, et le petit frisson que ressentaient de nombreux radios amateurs en « switchant » sur le « buzz » avait disparu en même temps que les derniers fantasmes sur la puissance militaire de l’URSS s’étaient envolés. Mais en 1997, quelque chose se produisisit. Le buzz régulier avait cessé. Il fut brusquement remplacé par une série de de sons sans aucun rapport apparent entre eux : un morceau du Lac des Cygnes passait en boucle, avant qu’une voix féminine, lointaine et cachée sous une bonne dose de « friture » (c’est à dire le parasitage d’un signal en raison des perturbations atmosphériques), ne se mette à réciter des comptes à rebours et que des points d’interrogation ne soient transmis en morse. La fréquence rentrait en action, sans aucune raison ni logique apparente, avant de sombrer à nouveau dans la léthargie de son « buzz » régulier. A partir de d’octobre 2010, il semblerait que la source d’émission se soit déplacée. Depuis lors, le signal des émissions a lui aussi évolué. Exit le Lac des Cygnes. La mystérieuse voix féminine récitait désormais – de plus en plus régulièrement – des séries de prénoms russes et de chiffres, sur ce modèle : “Ya UVB-76, Ya UVB-76. 180 08 BROMAL 74 27 99 14. Boris, Roman, Olga, Mikhail, Anna, Larisa. 7 4 2 7 9 9 1 4”. En parallèle de ces changements, le développement de l’Internet et la retransmission du signal en ligne par un ingénieur estonien passionné par le mystère de cette fréquence désormais nommée UVB76, contribua à un fort regain d’intérêt pour celle-ci. Des forums lui furent dédiés, les théories les plus farfelues fleurirent à nouveau, cette fois-ci dans les recoins du Web. Le soir du 20 décembre 2012, pour la première fois depuis que le signal a été découvert, UVB76 cessa d’émettre complètement pendant quelques heures. Les forums s’affolèrent. Certains avancèrent qu’UVB était bien le minuteur du système Dead Hand : le lendemain devait être la soi-disant fin du monde selon le calendrier Maya. Le lendemain, la fréquence reprit comme si de rien n’était. Je ne peux m’empêcher de penser que l’opérateur en charge, quel que soit le but de sa fréquence, ait eu vent de sa notoriété en ligne et décider de faire une petite surprise à ses fans. Nous savons aujourd’hui encore peu de choses sur le signal. Si ce n’est qu’n 2010, la localisation de celui-ci a changé, et qu’une équipe de fans a pu pénétrer dans une petite caserne de Povarovo, une voenny gorodok (village militaire fermé) dans la région de Moscou, d’où il était anciennement émis. Outre un passionnant reportage photo, les « fans » ont découvert sur place un bunker abandonné, ainsi qu’un certain nombre de documents militaires malheureusement muets sur les buts de la fréquence. Selon les habitants du petit bourg, les soldats seraient partis précipitamment après un orage, ils auraient évacué les lieux en à peine 90 minutes. Désormais, le signal émet depuis l’oblast’ de Pskov, et certains avancent que la fréquence sert en réalité à mesurer les évolutions de la ionosphère. Alors, horloge de l’apocalypse, fréquence pour les agents « en couverture », ou simple instrument scientifique ? Quel que soit son but, UVB est un exemple qui a l’avantage de lier l’utile à l’agréable pour évoquer le « fantasme » qu’éveille aujourd’hui encore dans la culture populaire les sciences et techniques russes. Marquées dès Staline par la démesure et une volonté démiurgique de transformation de la nature, la technique soviétique a vite suscité à l’Ouest des représentations qu’alimentaient aussi bien la peur de l’ennemi que son caractère mystérieux et lointain. Véritable source d’inspiration pour de nombreuses œuvres de la « mass culture » des années 1950-1990, la puissance technologique de l’URSS continue d’irradier sur celle d’une Russie qui entend en préserver et valoriser les héritages matériels. UVB76 est un point parfaitement anecdotique dans tout cela, une brève de comptoir que l’on évoque entre deux verres avant de l’oublier aussitôt. Mais une chose est sûre : si UVB76 avait été une fréquence des forces armées du Luxembourg, il y a fort à parier qu’elle n’eut jamais suscité le même engouement passionné … Vous pouvez écouter le signal ici. Ou le suivre en temps réel ici. Modifié le 18 décembre 2013 par Kiriyama 4 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Conan le Barbare Posté(e) le 15 décembre 2013 Share Posté(e) le 15 décembre 2013 trop cool ! Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Drakene Posté(e) le 15 décembre 2013 Share Posté(e) le 15 décembre 2013 Effectivement plutôt insolite ^_^ Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Tomcat Posté(e) le 15 décembre 2013 Share Posté(e) le 15 décembre 2013 Je ne connaissais pas l'existence de cette fréquence. Un boulevard pour les complotistes en herbe. Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Sovngard Posté(e) le 15 décembre 2013 Share Posté(e) le 15 décembre 2013 Dimitri a encore oublié de couper sa vieille station de nombres. Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Divos Posté(e) le 18 décembre 2013 Share Posté(e) le 18 décembre 2013 (modifié) Amusant, vous avez peut-être entendu parler de ile bell, il y aurait eu une sorte d'éclaire =) http://www.dailymotion.com/video/x96fv2_iem-phenomene-de-l-ile-bell-4-extra_news Modifié le 18 décembre 2013 par Divos Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
collectionneur Posté(e) le 18 décembre 2013 Share Posté(e) le 18 décembre 2013 Sait on quel unité occupait la caserne abandonné ? Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
actyon Posté(e) le 28 décembre 2013 Share Posté(e) le 28 décembre 2013 Je ne sais pas es une imagination ou une realite en tous les cas c'est bon de savoir et merci Kiriyame pour le partage Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
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