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Le déclin de l'Autriche


Kiriyama

Messages recommandés

Salut !

 

L'Autriche a une histoire extrêmement riche, a été une grande puissance culturelle, militaire et diplomatique mais le pays semble être devenu un "fantôme" sur ces différents aspects.

 

Est-ce que le déclin du pays a commencé avec la fin de la première Guerre mondiale ? 

 

Qu'est-ce qui a participé au déclin autrichien comme grande puissance ?

 

L'absence d'accès à la mer également ?

 

Un tout grand merci ! 

 

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On l'oublie toujours, mais l'Autriche avait un accès à la mer avant 1918, et une marine (pas mauvaise d'ailleurs), même si cette ouverture était sur l'Adriatique, soit une mer un peu fermée, en tout cas sur le plan stratégique: un axe fragile, en somme. Et une ouverture limitée par rapport à la dimension essentiellement continentale de l'Empire, qui a limité son expansion coloniale et/ou commerciale dans un monde où avoir un grand poids sur le continent européen ne suffisait plus. 

 

Après, les vision de "déclin" sont en grande partie subjective, et le seul point de décider si l'Autriche était un pays "décadent", "en déclin" avant 1914, est assez largement ouvert à interprétation. Déclin relatif en termes de puissance, certainement, mais cela est largement du à l'expansion d'autres puissances bien plus qu'au fait de savoir si l'Autriche était un pays par lui-même déclinant: qu'est-ce que ça veut dire? Une économie qui s'effondre? Des finances qui se cassent la gueule? Les métaux précieux qui quittent le pays? Une armée qui perd en qualité et en quantité? Un niveau d'éducation à la traîne? Une société qui se délite? Des élites qui fuient le pays? Si on prend ces critères comme référence, l'Autriche de 1914 n'allait pas mal du tout, même s'il y avait désormais beaucoup de pays plus puissants ou riches. 

Certes, son problème dominant était la question des nationalités à cette époque, et re-certes, ce problème nécessitait un certain usage de l'armée (notamment la disposition de ses garnisons) comme source de stabilité intérieure (que la guerre fera voler en éclats) sans qu'il s'agisse pour autant de répression brutale. Mais ce problème n'était pas vraiment insurmontable, surtout si la question tchèque avait pu trouver une solution avant 1914. 

 

Il est bien entendu qu'à ce stade, il était fragile, avant tout du fait de la guerre qui multipliait ses problèmes internes, et que tous ses territoires n'étaient pas forcément tenables (notamment la Bosnie-Herzégovine, et, dans le cadre de l'après-guerre tel qu'il s'est déroulé, la Galicie), mais l'essentiel l'était, ou aurait pu l'être. 

Son autre grande faiblesse était son système social, aristocratique et de classes, multiplié par le facteur ethnique qui aggravait la faiblesse de l'ascenseur social et de l'accès géographique au développement. Problématique, oui, insurmontable? Sans doute pas vu les évolutions politiques internes. 

La puissance autrichienne est quand même avant tout morte d'un coup extérieur -la guerre- à un moment de grande faiblesse: un coup qui a certes porté sur ses lignes de fracture internes, mais un coup qui a réellement décidé de l'issue, pas précipité un changement qui serait arrivé de toute façon. 

 

Donc la puissance autrichienne a en fait plus connu un déclin relatif dans la 2ème moitié du XIXème siècle: en 1914, c'est une puissance moyenne, moins peuplée que l'Allemagne (environs 52 millions d'habitants, contre plus d'une soixantaine) et moins riche dans les matières stratégiques (charbon, fer: c'est une puissance agraire avant tout, et de ce fait moins urbanisée), sans doute aussi plus inégalement développée, mais pas un "homme malade de l'Europe". 
L'Autriche-Hongrie a juste entrepris une guerre, et par origine une politique extérieure, qu'elle ne pouvait pas se permettre. 

Modifié par Tancrède
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Le problème c'est que tu envisages la puissance autrichienne comme celle de l'état autrichien moderne, comme si il avait simplement été amputé d'une partie de son territoire (la hongrie). En réalité L'Autriche-Hongrie doit être analysée comme un tout, et pas simplement comme un état ayant annexé un autre. Ce n'est pas l'autriche et la hongrie, mais bien l'Autriche-hongrie. C'est le démembrement de cet empire, et non la perte pour l'Autriche de la hongrie (empire qui dépassait d'ailleurs largement le cadre de ces deux seules nationalités) qui entraine la création d'une série de nouveaux pays (dont l'autriche) qui sont effectivement individuellement bien moins puissants que l'entité qu'ils formaient ensemble auparavant. Moins puissant car l'autriche par, rapport à l'autriche-hongrie perd énormément de territoires, de population, son économie est fortement amputée, le pouvoir politique pluriséculaire est brisé, l'armée quasi supprimée etc. Donc oui pour faire simple l'Autriche issue du démembrement de l'empire autro-hongrois subit une nette perte de puissance en comparaison de son entité précédente.

 

Et comme le dit très justement Tancrède l'Autriche de 1914 était encore une grande puissance européenne, qui malgré sa forte dépendance à l'Allemagne, a été un allié indispensable de 1870 à 1918, notamment en 14/18. La disparition de la puissance autrichienne, ou austro-hongroise, peut donc dater de 1918, le conflit lui est fatal.

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Mais est-ce que la perte de la Hongrie a donné le coup de grâce à la "puissance" autrichienne ?

Comme le dit EOA, on parle bien de l'Autriche-Hongrie: la double monarchie est bien une entité reposant sur ces deux pôles pour contrôler le territoire impérial. Ce n'est pas un empire colonial en territoire continu contrôlé depuis une "métropole" que serait le territoire proprement germanique (l'actuelle Autriche, plus quelques zones, notamment l'est de la Bohême, ce qu'on appelait les Sudètes). Et ce surtout avec la révolution industrielle: les industries de la "1ère révolution industrielle" se développent dans cette partie allemande (et la partie tchèque), et celles de la 2nde le font dans la partie hongroise, qui, déjà importante démographiquement, politiquement et financièrement dans l'empire, devient co-dominante économiquement (notamment par un exceptionnel développement agricole et agro-alimentaire). Le compromis qui crée la double monarchie répondait déjà au poids politique en interne de l'entité hongroise, avant même ce développement. 

 

La Hongrie n'est donc pas "perdue", au sens où on parle d'un Empire intégré géo-économiquement: chaque partie est dépendante des autres parties pour ses fournitures et ses débouchés, si bien que l'explosion de l'entité impériale détruit aussi une bonne partie des circuits économiques qui permettaient le développement (monnaie commune, marché unique, circuits commerciaux, filières intégrées....). Les entités qui en résultent doivent, et dans une situation dramatique en plus, essayer de se recomposer économiquement alors même qu'elles essaient de s'inventer politiquement. Si on faisait la somme des PIB des différents Etats et régions de l'ex empire dans les années 20-30, je doute qu'on arriverait à un total approchant même de loin celui du PIB austro-hongrois d'avant 14. 

 

La "puissance autrichienne" est perdue parce que ce qu'on voyait depuis toujours comme "l'Autriche", en tant que camp, entité géopolitique européenne, disparaît; le pays qu'est l'Autriche, qui naît à l'issue de la 1ère GM, n'est qu'une région (assez petite en plus) de cette entité, qui garde juste le nom (parce que ça a toujours été le sien géographiquement/culturellement) et l'ex-capitale (ou l'une des ex-capitale, puisque quand l'Empire est devenu une double monarchie, Budapest est aussi devenue co-capitale). Ce qui a disparu en 1918 et que nous appelons par fainéantise la "puissance autrichienne", nous devrions plutôt l'appeler "l'empire des Habsbourgs", ou "la puissance habsbourgeoise", ce qui serait en fait beaucoup plus juste, en référence à cette entité impériale, voire encore en partie féodale. 

 

Cette entité a connu bien des évolutions à travers son histoire, même si on se fixe plus sur la période où les Habsbourgs ont commencé à monopoliser le trône du St Empire, par la taille de leurs domaines (qu'ils ont aussi ensuite développés grâce à ce monopole) et leur situation particulière, la place qu'ils sont arrivés à se tailler dans le monde germanique/centre européen. Un trône qui leur sert de multiplicateur de puissance. Quand l'héritage bourguignon ET l"héritage espagnol leur tombe dans l'escarcelle, c'est encore une autre période, donc l'idée qu'on se fait de cette "puissance autrichienne/habsbourgeoise" est plutôt celle qui suit, avec la séparation des deux branches décidées par Charles Quint avant sa mort. Les "Habsbourgs d'Autriche" (comme on nous le fait apprendre à l'école) deviennent réellement cette entité que nous avons à l'esprit, et qui disparaît en 1918. 

Quand Napoléon dissout le St Empire, l'entité habsbourg est devenue en propre un très gros morceau territorial, et garde son importance dans le monde germanique, mais avec un concurrent désormais: la Prusse telle qu'issue du Congrès de Vienne. C'est la Prusse qui finit par emporter la domination sur le monde germanique, l'Autriche n'étant sans doute plus apte à imposer au XIXème siècle nationaliste son option d'une "grande Allemagne" impériale, soit avec son empire multi-ethnique (ce qui aurait été un nouveau St Empire, essentiellement). Les révoltes nationalistes et sociales, mais surtout la défaite face à la Prusse, ferment définitivement cette option, et forcent à la recomposition interne de l'empire en créant la double monarchie, consacrant la pluri-ethnicité et le pluriculturalisme des instances dirigeantes (jusqu'alors plutôt allemandes, même si c'était devenu intenable). 

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Je rajoute ceci, qui est une impression personnelle, ou en tout cas personnellement formulée: L'Autriche Hongrie pouvait continuer, et même relativement aisément se stabiliser, telle qu'elle était en 1914, pour peu que la guerre n'arrive pas. Son développement économique était largement suffisant, en fait supérieur à la moyenne européenne, mal récupérée des années de la grande dépression de la fin du XIXème et plus entrée en phase de faible croissance et de financiarisation (avec par là un accroissement des inégalités, contrairement à une phase de développement). Comme l'Allemagne willhelminienne, et même plus qu'elle en fait, elle est encore en phase de primo-développement industriel, avec donc une croissance plus forte (même si fondamentalement plusieurs crans derrière en termes de richesse et de puissance industrielle absolue), ce qui facilite grandement un relatif lissage du territoire en terme de développement, donc un apaisement d'une bonne part des contestations internes, via un accès plus équitable aux infrastructures, aux opportunités, à l'éducation....

Le point délicat aurait été une réforme politique, principalement vis-à-vis du pôle tchèque, dont l'intégration à une autre forme de gouvernance ("triple monarchie"? Parlementarisation du régime? Un certain degré de "self government"?) aurait été, sous une forme ou une autre, inévitable, ce que beaucoup alors à Vienne savaient, même si, deuxième grave problème du régime impérial, la trop grande importance de l'aristocratie, sa forme plutôt gérontocratique, constituait un facteur de blocage non négligeable. 

 

Le développement économique permettait graduellement cependant à l'Empire de sortir d'un certain immobilisme en faisant surgir une nouvelle élite et une classe moyenne, en aidant l'urbanisation, mais aussi en dégageant des marges de manoeuvre pour l'Etat, qui avait besoin de mobiliser une proportion décroissante de moyens pour assurer le maintien de l'ordre dans les parties non centrales. 
C'est ce mécanisme que la guerre a enrayé, puis renvoyé en arrière, mettant le régime en face de ses contradictions de nationalités, mais surtout révélant un état de surextension au regard des moyens disponibles et de la politique étrangère choisie. L'empire en paix avait les moyens de son territoire, et pouvait ce faisant espérer réellement l'intégrer (en tout cas l'essentiel) à terme. L'empire dans une guerre majeure et multi-fronts n'en avait pas les moyens: hors des entités centrales (germanique et hongroise), les morceaux se trouvent moins à l'aise dans l'ensemble habsbourgeois, plus sommés de payer (en hommes et en argent, en opportunités et en développement) sans recevoir et sans qu'on leur demande leur avis, sans qu'on leur reconnaisse le droit d'exprimer leur spécificité. La tutelle devient trop lourde, alors même que développement, organisation, éducation et communications ont permis une prise de conscience collective et laissé entrevoir la perspective d'alternatives acceptables (essentiellement des indépendances, plus qu'un autre patron potentiel). 

 

J'irais jusqu'à dire que l'Empire aurait pu au mieux se payer le luxe d'une guerre avec la Russie, ou avec l'empire ottoman, ou avec l'Italie (voire avec les deux derniers à la fois), ou encore une combinaison de la Serbie et de l'Italie; mais pas une guerre totale et meurtrière de l'échelle de la 1ère GM. Cette guerre demandait trop de moyens, trop de ressources, posait trop de pressions sur la capacité de l'Etat habsbourgeois. 

A leur décharge, on peut dire que les Habsbourgs, comme les autres puissances européennes, n'ont pas pu voir et comprendre ce qu'un affrontement généralisé pouvait donner et coûter en 1914. Personne n'a vu venir l'énormité de la nouvelle guerre moderne et le niveau d'engagement et de mobilisation qu'elle demandait. On peut cependant pointer du doigt leur penchant/tradition pour l'expansionnisme, qui créait une surextension fragilisant leur Etat (en étant consommatrice de moyens et créatrice de lignes de fractures internes nombreuses), à un point certes moins visible en temps de paix (et surtout de croissance), mais perceptiblement sensible en temps de mobilisation importante. Le XIXème siècle et ses instabilités étant passé par là, on peut pointer leur responsabilité à cet égard. 

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En simplifiant à l’extrême je met la cause principale sur l'aveuglement des élites, comme en russie avant la révolution. Incapacité à se remettre en cause, à évoluer, à accorder des libertés aux travailleurs ou à assurer plus de prospérité. La France avait la république et un espoir d'un avenir meilleur pour les enfants. L'Allemagne avait finalement une protection sociale tout à fait honorable pour l'époque. Ce n'était pas le cas de l'Autriche. a force de maltraiter la population, les potentiels éléments prometteurs etc...Le tout lié à une perception par les masses d'une domination d'un groupe sur la majorité... C'est même étonnant que ça ait tenu aussi longtemps.

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Salut !

 

L'Autriche a une histoire extrêmement riche, a été une grande puissance culturelle, militaire et diplomatique mais le pays semble être devenu un "fantôme" sur ces différents aspects.

 

Est-ce que le déclin du pays a commencé avec la fin de la première Guerre mondiale ? 

 

Qu'est-ce qui a participé au déclin autrichien comme grande puissance ?

 

L'absence d'accès à la mer également ?

 

Un tout grand merci ! 

 

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Je ne sais plus quel contemporain de l'empire autrichien disait simplement que cela ne marchait pas car un croate, un italien et un tchèques ne mettent guère d'entrain à se battre pour un empire qui n'est pas le leur.

Comme la majorité des entités et empires multiculturel, il ne survivra pas à la logique ethnique et nationaliste.

Le seul exemple probant à ce jour que je pourrais cité étant la Russie qui par des circonstances multiples, notamment une guerre mondiale, un régime très centralisateur et autoritaire, un pays quasi désert, un majorité ethnique bien définie (ce qui aura surtout manqué à l’Autriche) a réussi ce tour de force.

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En simplifiant à l’extrême je met la cause principale sur l'aveuglement des élites, comme en russie avant la révolution. Incapacité à se remettre en cause, à évoluer, à accorder des libertés aux travailleurs ou à assurer plus de prospérité.

 

Encore que là cela diffère selon ou on ce situe dans l'Autriche-Hongrie, la partie autrichienne avait établi un système d'assurance social pour les travailleurs. La société autrichienne s'embourgeoise et comme dit plus haut connait un développement industriel conséquent (notamment l'axe Vienne-Prague), le PNB connait une progression d'environ 2% chaque année depuis 1870, il n'est pas rare que des gens issue de cette classe bourgeoise soient anobli. Les minorités au début du siècle sont largement représentées au Parlement de Vienne, dont les représentants sont élus au suffrage universel direct. Ajoutons que cette ouverture aux minorités du coté autrichien était animé par le principe de contre carré la politique d'influence pangermanisme des allemands.

 

La vous fait plus référence à la partie hongroise qui reste encore féodale dans sa structure sociale, avec des aristocrates jaloux de leur prérogatives. Mise à part Budapest qui connait aussi un fort développement industriel, la Hongrie est encore globalement rurale. En contre partie la Royaume de Hongrie est exportatrice de produit agricole, notamment la farine ou elle se place parmi les premiers pays exportateur du continent. Ceci dit les choses commencé à changé depuis le début du XXème siècle ou la régions dans les environs des Cartapes se développe un tissu industriel non négligeable.

 

D'ailleurs, à ce titre là je te conseille de lire le livre de Jean Bérenger "L'Empire Austro-Hongrois : 1815-1918", une référence qui commence a daté mais encore de bonne facture.

Modifié par Rochambeau
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