Invité grinch Posté(e) le 11 octobre 2007 Share Posté(e) le 11 octobre 2007 De Tsahal au high-tech Écrit par Eric Le Braz , le 01-10-2006 Si Israël est devenu une puissance high-tech, c’est d’abord parce que Tsahal, l’armée israélienne, transforme ses soldats en capitaines d’industrie et ses technologies militaires en « success stories » civiles. Anatomie d’un modèle économique unique au monde dans un pays en guerre. C ’est une caserne discrète, enclavée dans la banlieue de Tel-Aviv à l’image d’une armée totalement imbriquée dans la société israélienne. Le long de ces baraquements aux faux airs de campus, on croise des dizaines de soldats d’origine yéménite, éthiopienne, russe ou marocaine : un bataillon de Tsahal pourrait ressembler à une pub pour Benetton… sans keffieh. Mais au milieu de tous ces jeunots en kaki qui bavardent dans une sorte de cour de récré, on rencontre aussi d’étranges créatures en civil, réservistes sans uniforme, quasi-obèses avec des barbichettes de trois pouces, trentenaires en jean et tee-shirt… des silhouettes habituelles des nerds de la Silicon Valley. Bienvenue à Ramat Gan, au cœur de la Silicon Vadi (petite vallée en hébreu) sur l’un des sites du Mamram, l’acronyme pour Ordinateur central de Tsahal. Mamram, c’est la matrice des start-up israéliennes, l’école militaire de petits génies de l’informatique, un mix entre Saint-Cyr et Palo Alto. Ici sont passés les inventeurs des premiers « fire-walls » ou des messageries instantanées. Et bien d’autres applications dont on ne connaît pas toujours la traçabilité… La caserne n’est pourtant guère reluisante, et le colonel Shay Basson, chef du département des softwares du Mamram, reçoit dans un bâtiment qui ressemble plus à un collège de banlieue qu’au MIT. Mais les jeunes soldats qui intègrent ce corps ont signé pour six ans et sont tous volontaires : « Quand ils sortiront de l’armée, explique le colonel, ils tripleront leurs soldes, ou intègreront les plus prestigieuses universités américaines qui reconnaissent nos programmes. A moins qu’ils ne créent leur entreprise. La plupart des leaders de l’industrie israélienne sont passés par le Mamram ou la 8-200, les unités high-tech de l’armée. » Le colonel ne rentrera pas dans les détails. Mais tout le monde en Israël connaît les success-stories de Check Point Software ou de Mirabilis, deux fiertés nationales issues des unités high-tech de Tsahal. Gil Shweb, Shlomo Kramer et Marius Nacht, les trois copains qui ont fondé Check Point (sic), le leader mondial de la protection sur le web, ont ainsi appris à programmer des systèmes de sécurisation informatique des réseaux pendant leurs (longs) séjours sous les drapeaux. A l’heure de la quille en 1993, ils ont développé l’un des tout premiers « firewalls » pour le civil. Belle intuition avant l’explosion de l’Internet : aujourd’hui, leur entreprise pèse 400 millions de dollars et emploie 1 200 personnes dans le monde. Des casernes high-tech, pépinières de start-up C’est aussi à la sortie de l’armée que le jeune Arik Vardi a créé, avec trois collègues de régiment, le célèbre ICQ (pour I seek you), le premier système de messagerie instantanée. Sa société, Mirabilis, fondée en 1996, sera rachetée 400 millions de dollars deux ans plus tard par AOL ! En 2005, les systèmes de messageries instantanées dont ICQ est l’ancêtre (AOL Messenger, MSN…) sont utilisés par des centaines de millions d’internautes… Toutes ces belles histoires de soldats millionnaires ont fait fantasmer dans les écoles d’Israël, et aujourd’hui on se presse devant l’entrée des casernes high-tech : « Les principales raisons des succès technologiques d’Israël sont, primo, que les meilleurs élèves veulent entrer à Mamram, secundo, que les meilleurs professeurs y enseignent, et tertio, que lorsqu’ils sortent de l’armée, au lieu d’avoir des années de théorie, ces informaticiens ont près de six ans d’expérience », résume le sergent Ziv Mandl, qui a formé 2 000 personnes chez Mamram… et cinq fois plus dans le civil. Le fondateur de John-Bryce, la plus grosse boîte de formation en informatique en Israël, diffuse chez les cols blancs les méthodes pédagogiques des cols kaki : « Tous les créateurs de start-up sont mes enfants ». Et ces enfants sont légion. Avec plus de 3 500 jeunes entreprises technologiques concentrées sur un littoral à peine plus long que la côte landaise, Israël dispose de la plus forte concentration de start-up du monde. Plus de 100 d’entre elles sont cotées à New York. La Silicon Vadi, c’est la deuxième Silicon Valley de la planète. 15 % des logiciels mondiaux sont produits ici par 35 000 programmateurs qui ont fait leurs classes sous les drapeaux. « Toutes les grandes industries israéliennes sont nées de start-up issues de technologies militaires », estime Daniel Rouach, prof à l’ESCP Paris et au Teknion d’Haïfa (l’école Polytechnique israélienne). Comment en est-on arrivé là ? « C’est grâce à de Gaulle ! », explique sans rire un fin connaisseur de l’économie israélienne, Yehuda Zisapel, président du Rad Binet Group, l’une des holdings high-tech les plus puissantes du pays. « Avant la guerre des Six-Jours, nous étions dépendants de votre technologie et de vos Mirage. Après l’embargo français, nous avons été obligés de développer notre propre industrie high-tech. » Aujourd’hui Israël Aircraft Industries fabrique (et exporte) des systèmes de missiles (Gabriel et Arrow), des radars de combats… mais aussi des avions civils (Astyra et Galaxy) et des drones qui surveillent les feux de forêt en Australie alors qu’ils étaient initialement conçus pour espionner les environs du Golan. L’innovation militaire est toujours un business qui rapporte en Israël. L’armée, le capital, L’Etat : des liens étroits L’Etat hébreu tentera même de fabriquer son propre chasseur 100 % casher, le Lavi, sponsorisé par les USA à hauteur de 400 millions de $ par an. Mais quand l’Amérique subventionne Israël, c’est pour que Tsahal achète des produits made in USA. A peine les essais des premiers protos réussis en 1986, le programme fut donc abandonné, laissant des milliers d’ingénieurs sur le carreau. Ils se sont alors vite empressés de créer des start-up… mais bien peu survécurent. « Faute de fonds propres », analyse Yair Shamir figure de proue du high-tech israélien. En 1988, le fils de l’ancien Premier ministre israélien quitte son poste de colonel de l’Armée de l’air, responsable du département électronique, pour prendre la vice-présidence de Scitex Corporation (systèmes graphiques pour ordinateurs) avant de créer l’une des premières sociétés de capital-risque du pays. « A l’époque nous n’avions que 4 millions de dollars ». Mais ils furent judicieusement placés, notamment dans Mirabilis. L’expérience des start-up mort-nées du Lavi a servi de leçon, et en 1993 le capital-risque explose en Israël grâce au plan « Yozma » (initia-tives en hébreu). Le principe du Yozma ? L’Etat s’engage à financer 40 % des fonds levés à condition qu’un investisseur étranger figure parmi les 60 % restant. Résultats fulgurants : en dix ans, ce sont plus de 8 milliards de dollars que 150 fonds de « venture capital » ont investis dans les start-up israéliennes. En Europe seule le high-tech britannique a levé plus de fonds… Le colonel Shamir est aujourd’hui l’un des principaux acteurs de ce marché qui a survécu à la chute du Nasdaq et à la seconde Intifada. En investisseur entrepreneur éclairé, il a créé Vcon, une entreprise spécialisée dans les technologies de la visioconférence. Là encore, le lien avec Tsahal n’est pas loin : « Les technologies de compression et de décompression d’images que nous utilisons dans nos produits proviennent de l’armée. Sur le terrain, de nombreux soldats doivent transmettre des vidéos des opérations ». Aucune vente de brevet dans ces transferts de technologies : « Les systèmes de compression sont des algorithmes, pas des brevets », explique Yair Shamir. Les formules mathématiques qui sortent de l’armée ne sont donc pas classées top secret : « Les transferts de technologie sont possibles à partir du moment où ils ne compromettent pas la sécurité du pays », souligne Oved Yehezkehel conseiller du ministre de l’Industrie et du commerce. « Of course ». Pour autant, l’armée n’interdit pas des transferts étonnants. Du missile à la capsule Des milliers de Français ont déjà avalé la petite capsule de Given Imaging, sans savoir que grâce à la technologie des missiles de Tsahal on peut aujourd’hui diagnostiquer des cancers de l’intestin ou la maladie de Crohn. C’est un ingénieur d’électro-optique de Rafael, une sorte de CNRS militaire israélien, qui a mis au point cette incroyable caméra miniature qui peut filmer les 7 mètres de l’intestin grêle. Gavriel Iddan est parvenu à miniaturiser dans une capsule de la taille d’un petit cachet poétiquement baptisée MtoA (Mouth to Ass…) les systèmes de transmission d’images et les lampes LED intégrés dans les missiles. Alors que personne ne croyait au projet – « On disait que je me prenais pour Asimov », s’amuse aujourd’hui Gavriel Iddan – Given Imaging est aujourd’hui une success-story exemplaire. Car avant de lever plus de 50 millions de dollars sur le Nasdaq et d’être avalé par 150 000 patients dans le monde, la PillCam (nouveau nom du MtoA), a pu être développée au sein de RDC, Rafael Development Corporation, une société partagée à moitié entre Rafael et Elron, l’une des holdings israéliennes du high-tech. Ce joint-venture original entre la recherche militaire et le business civil possède sept sociétés high-tech comme Galil Medical, un autre transfert de technologie inédit dans le domaine de la cryothérapie. Ce sont les systèmes de refroidissement fonctionnant à l’intérieur des missiles en surchauffe (pour cause de pénétration dans l’air) qui servent aujourd’hui à geler les cellules mali-gnes des cancers de la prostate ! « L’aiguille pénètre les tumeurs et y projette des micro-boules de glaces », résume Michel Habib, chargé du business development chez Elron. Tsahal : une véritable « prépa.» L’armée israélienne est décidément un bon retour sur investissement. Si Tsahal ponctionne 10 % environ du PIB de l’Etat hébreu, le high-tech et ses dérivés représentent aujourd’hui 55 % du PIB israélien. Mais ce complexe militaro-industriel performant provoque aussi des effets pervers inopinés. Si les jeunes Israéliens se bousculent pour entrer dans les unités informatiques ou de communication de Tsahal, ils sont aussi pressés d’en sortir. Il n’y a pas que des chasseurs de tête qui les attendent à la sortie de la caserne, les sociétés privées utilisent aussi les réservistes comme sergents recruteurs. « Aujourd’hui, pour convaincre les meilleurs de rester plusieurs années supplémentaires chez nous, nous proposons de nombreux avantages », avoue le colonel Basson dans les locaux spartiates de Ramat Gan. Une année d’étude = deux ans de service A défaut d’aligner la solde de l’armée sur les stock-options du privé, le colonel a quelques arguments pour les persuader de rempiler : « Par exemple, nous proposons maintenant de leur payer un MBA. Ils signent un contrat à long terme et ils nous doivent deux ans de service pour chaque année d’étude ». Les premiers bénéficiaires de ces facilités n’ont pas encore quitté l’uniforme. Pourtant, on sait déjà qu’à leur sortie, non seulement ils pourront créer des start-up grâce aux technologies militaires, mais en plus ils auront appris à les gérer grâce au programme MBA de l'armée. L’alliance du sabre et du pognon aura rarement atteint de telles proportions. Mais cette capillarité entre Tsahal, la technologie et le business profite aussi au monde civil. Aujourd’hui, on tchate en direct ou on protège son ordi des virus parce que Israël a dû protéger ses systèmes de communication, on visioconfère avec les antipodes parce que les soldats de Tsahal filment leurs opérations, et on guérit certains cancers parce que les missiles israéliens sont équipés de systèmes optiques ultra-performants. La prochaine étape serait que ces transferts de technologies profitent aussi aux Palestiniens qui, pour l’heure, ont une expérience plus douloureuse de Tsahal. Vœux pieux ? Pas tout à fait. Avant même la relance récente du processus de paix, discrètement, un incubateur high-tech abritait et cofinancait, depuis 2002, des projets juifs et arabes à Nazareth. Aux pays des prophètes, on a le droit de croire aux miracles. 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cvs Posté(e) le 12 octobre 2007 Share Posté(e) le 12 octobre 2007 Ouais mais beaucoup d'israéliens fuient vers la silicon valley en quête d'une meilleure vie (meilleure salaire, et surtout éviter la période de réserve annuelle dans l'armée). Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
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