voici un article :
L’Algérie va dépenser une dizaine de milliards de dollars les cinq années qui viennent afin de moderniser ses différents systèmes d’armes, sa couverture radar et sa défense aérienne.
Les contrats qui se profilent à l’horizon notamment pour renouveler la chasse militaire, mais pas seulement, mériteraient la plus grande attention des élus du peuple, des médias et de l’opinion. Une tradition héritée de la période la plus stricte de la dictature militaire fait des contrats d’armement un domaine d’exclusion de la curiosité citoyenne. Secret défense. La restriction pour cette raison a le dos large. Le contrat d’aménagement d’un quai de port militaire, ou de réfection de piste d’aviation est considéré tout aussi « stratégique » que l’identité du fournisseur du système de missile sol-air et le montant du contrat. L’assemblée nationale qui a constitutionnellement la possibilité de regarder de plus près ce qui advient du budget de l’ANP ne s’est jamais aventurée à le faire au nom d’un sacro-saint silence dans l’intérêt « supérieur du pays ». Il y va pourtant de montants colossaux qu’aucun contrat dans le civil, mis à part, peut-être, les achats d’avions d’Air Algérie, autre transaction dans un brouillard de marais, n’approche à la cheville. L’argent public est en jeu. Mais pas seulement. Les choix d’équipement militaire n’ont pas que des incidences financières directes sur le Trésor public, ils sont souvent un élément méconnu de politique économique pour les pays qui décident de développer une branche d’industrielle d’armement. Il y a peu à attendre dans le transfert de technologie pour l’achat d’un intercepteur de dernière génération chez Mig ou chez Dassault. Il en est déjà différent de l’armement de l’infanterie ou même des blindés. L’Afrique du Sud, Israël, le Brésil ou Taiwan ont construit des filières d’armement en partant du statut de client. Le huit clos perpétuel autour de la politique de fourniture d’armes à l’Algérie ne produit pas seulement des contrats hors de contrôle citoyen mais aussi un désert « stratégique » en termes de sous-traitance et d’industrialisation des maintenances militaires. Bref, les armes échappent à l’économie nationale comme s’il s’agissait d’un secteur informel. La visite éclair à Alger du secrétaire américain à la Défense Donald Rumsfeld est la plus sinistre illustration de cette mentalité. Dix jours après, elle n’a rien révélé sur sa teneur commerciale. La donne est cependant facile à cerner, l’Algérie est un champ de pétrole et de gaz qui doit se protéger militairement. Un client d’armement d’autant plus solvable qu’il est devenu politiquement « l’ami » de Washington. Vue du côté américain, l’approche sécurité - business marche sur ces deux pieds. Les Etats-Unis vont vendre des armes à un nouvel allié local qui leur offre un accès privilégié - loi sur les hydrocarbures - au pétrole et qui s’engage à confiner chez lui le terrorisme « finissant » du GSPC à défaut de pouvoir l’anéantir. Le partenariat « stratégique » avec les Etats-Unis devient plus difficile à comprendre lorsqu’il est abordé du côté algérien. Passons sur la moralité politique d’être l’allié de la puissance la plus honnie des masses arabes et musulmanes : quel intérêt industriel et économique de faire des Etats-Unis un nouveau grand fournisseur d’armes dans une liste déjà longue de plus de dix pays ? Il est vrai que l’Europe cherche à diversifier ses approvisionnements en gaz naturel, mais toutes les diversifications ont-elles le même sens ? Cela mérite autant le débat que la loi contre la corruption...
El Kadi Ihsane, El-Watan 27/02/2006