g4lly Posté(e) le 10 novembre 2010 Share Posté(e) le 10 novembre 2010 Un film documentaire sur le commissariat d'Elboeuf http://www.chrysalis-films.com/commissariat.html En France, un commissariat est le théâtre d’un face à face entre la police et les habitants de la ville. Par le prisme de l’institution policière, COMMISSARIAT fait le portrait d’une ville et de sa population. A travers des récits de vies blessées, il est souvent question d’amour et de manque d’amour. Comment vous êtes-vous retrouvés à tourner un film dans un commissariat ? Nous venions de tourner un premier film dans une école de police, dans laquelle mille jeunes à peine sortis de l’adolescence sont formés chaque année. A la fin des neuf mois d’enseignement théorique, les élèves partent pour un stage de trois mois en commissariat. Nous sommes partis avec eux. Le ministère de l’Intérieur nous a affecté au commissariat d’Elbeuf, pas loin de Rouen où est située l’école. Nous avons passé quelques jours à rencontrer les différents acteurs du lieu et, au delà du suivi des élèves, c’est le commissariat dans son ensemble qui s’est imposé comme sujet de notre film. Comment avez-vous percu la ville ? Au début Elbeuf nous est apparue comme une zone rurale, une ville morne, où les seules affaires concernaient des anecdotes de voisinage… Mais à force de patrouiller avec les flics, nous avons découvert d’autres espaces, plus urbains, avec une forte presence de jeunes. Elbeuf ressemble à un croisement entre une ville de province et une banlieue. C’est une zone frontalière que l’on retrouve dans une multitude de villes françaises du 21ème siècle : des champs à l’abandon au pied de grandes tours, une église au milieu de maisons aux fenêtres murées, une rue commerçante qui traverse la ville, des usines désaffectées recouvertes de tags, des terrains vagues occupés par des campements de gitans, une zone commerciale à l’entrée de l’autoroute… Ce genre de ville est le cadre de vie de millions de français, mais on n’a pas l’habitude de voir ces espaces-là au cinéma. La ville s’est peu à peu imposée comme un des personnages principaux du film. Derrière la chronique de la vie d’un commissariat, on a senti que se dessinait le portait d’une ville. Quel regard les policiers portent-ils sur la population locale ? « Autrefois, Elbeuf était une ville de relégation : c’est là que les anciens bagnards interdits de séjour dans les grandes villes de la région venaient trouver refuge. Avec le temps, ils se sont reproduits entre eux. Aujourd’hui c’est devenu une ville de dégénérés ». Cette légende, c’est une histoire que les flics aiment raconter, un mythe qui en dit long sur la manière dont ils voient les gens de la ville… En vérité, Elbeuf est une ville de France comme une autre, avec tous les problèmes qu’une ville pauvre et désoeuvrée peut connaître. De manière générale, les flics ont une vision hostile et paranoïaque du monde qui les entoure. Ce sont des gens déracinés : ils ne travaillent pas dans la ville où ils ont grandi et ils manquent donc de repères. Ils ont tendance à rester entre eux et à se méfier du monde extérieur. À l’école de police, on leur apprend que le danger est partout, que « n’importe quel citoyen peut dissimuler une arme ». Ce sentiment est renforcé par l’hostilité qu’ils subissent de la part des gens. En même temps, on voit dans le film qu’ils sont aussi à l’écoute et qu’ils font preuve de compassion… C’est le paradoxe : entre les citoyens et les flics, ce sont deux mondes qui s’affrontent, et en même temps qui se ressemblent beaucoup. Les flics viennent la plupart du temps d’un milieu modeste et ils sont confrontés aux mêmes problèmes que ceux qu’ils traitent. Ils vivent dans le même monde que les gens qu’ils sont amenés à côtoyer au commissariat, ils parlent la même langue, ils semblent aussi perdus. Comme des frères ennemis, parfois ils se soutiennent et parfois ils se font la guerre. Mais l’orgueil du flic est celui d’appartenir au « bon côté » de la société. Quelle opinion de la police aviez-vous avant le tournage ? Au départ, nous avions en tête un texte de Pasolini où il se moque des étudiants soixante-huitards qui se battent pour la cause du prolétariat, tout en proclamant « CRS=SS », alors que les vrais « prolos », selon lui, sont justement les CRS en face d’eux. Nous voulions approcher le milieu de la police sans fantasme politique, sans idéologie, en distinguant la parole de l’institution et celle des individus. Nous voulions montrer, derrière la raideur de la posture policière, ce qu’il y a de mystérieux ou de touchant chez certains flics. Et de leur côté, comment vous ont-ils perçus ? Le tournage a été facilité par le fait que nous étions une équipe réduite au minimum : nous deux, les réalisateurs ! Certains flics étaient ravis d’être filmés, probablement parce qu’ils avaient en tête tous les reportages télé qui les montrent comme des héros ou des justiciers. D’autres étaient plus méfiants ; certains, évidemment, ont refusé de participer au film. Pendant les trois mois du tournage, il a fallu parfois se battre pour pouvoir filmer des auditions, suivre les gens dans le fourgon. Beaucoup de temps et d’énergie ont consisté à convaincre les gens de se laisser filmer, leur expliquer nos intentions. De manière générale, plus une personne est à l’aise dans son travail, plus elle se laisse filmer facilement. Certains flics étaient méfiants de l’image que le film donnerait d’eux, craignant des représailles de la hiérarchie. On a parfois l’impression de voir un film de fiction. Comment avez-vous pensé la mise en scène ? Cette impression tient à la personnalité des gens que nous avons filmés. Devant la caméra, ils ont gardé une spontanéité, une franchise, une expression singulière. Patrick James - l’officier que l’on voit auditionner plusieurs personnes -, est fascinant. Avec son charisme et son argot de flic, on dirait un acteur de fiction sorti d’un mauvais polar des années 80. Visuellement, l’idée était de faire un film qui soit une succession de plans séquences : nous voulions réduire au maximum la part de manipulation du montage. Il s’agissait de ne pas détourner ni instrumentaliser la parole des gens filmés. Ensuite nous avons choisi de tourner en plan fixe ce qui permettait de souligner le côté carcéral des lieux et d’épouser la rigidité des postures policières. Nous avons tourné en cherchant pour chaque séquence un axe qui permette de montrer le face-à-face dans un seul cadre, sans avoir à passer par du montage ou du champ/contre champ. Parfois c’est simplement le son, hors-champ, qui établi un dialogue avec la personne filmée. Ces choix de mise en scène permettaient de filmer avec simplicité, transparence, et sans artifice en nous effaçant derrière la situation filmée. Votre film donne l’impression que le commissariat est un lieu propice à la parole, en aviez-vous conscience ? Oui, c’est un lieu où l’on est acculé à répondre, où l’on doit s’expliquer. Mais c’est aussi un lieu où, pour les accusés ou les plaignants, il y a une place et du temps pour l’écoute, où une parole intime peut émerger. Le commissariat peut devenir un lieu où l’on vient demander conseil ; parfois on croirait même assister à une confession. Comme dans un village, les flics ont vu grandir et évoluer certains habitués qu’ils écoutent avec plus de bienveillance qu’ils ne le feraient face à des inconnus. Mais lorsque certains flics commencent à trop s’émouvoir, il y en a toujours un pour rappeler à l’ordre : « On n’est pas des assistantes sociales ! ». Ce que l’on a vu surgir, dans ces moments de parole, ce sont des personnes qui ont presque toutes en commun d’être des individus blessés par leur passé, meurtris par leur solitude et surtout incroyablement en manque d’amour. En cela la chanson de Balavoine, « tous les cris les SOS » qu’un flic chantonne dans sa voiture, pourrait être un hymne commun à tous les personnages du film. La majeure partie du temps, tous ces moments de parole restent un peu vains. Les gens arrêtés ont beau parler, s’expliquer, en dernier lieu l’institution tranche sans compassion. Le commissariat n’est pas un lieu pour guérir les hommes ou résoudre les problèmes de la société. L’Etat demande à la police d’arrêter ceux qui ont enfreint la loi, pas de les comprendre. Et l’on n’enseigne pas la psychologie ou la fraternité à l’école de police. C’est cette sécheresse, cette préférence pour les mesures « musclées » qui s’expriment dans la dernière séquence du film, lorsque les geôles du commissariat sont nettoyées au « karcher », car « le patron, il aime mieux le karcher, ça décape bien ». Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
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