Serge Posté(e) le 8 décembre 2010 Share Posté(e) le 8 décembre 2010 Voici une partie d'un article intéressant: "L'armée de terre : un outil coûteux, marginalisé, en perte d'efficacité ", par le colonel Jérôme Dupont Le colonel Jérôme Dupont, qui a quitté l'uniforme le 2 septembre dernier, nous a fait parvenir cette tribune, que nous publions volontiers. Saint-Cyrien, il a servi dans la Légion étrangère, en terminant sa carrière comme chef de corps du 1er REC. Après avoir suivi les cours de l'Ecole de guerre britannique, il a été quatre ans au cabinet du ministre de la Défense, dans le très discret "bureau réservé". Il a quitté l'institution pour entrer dans une entreprise privée. Voici son texte, un peu long, certes, mais qui a vocation à ouvrir le débat sur ce blog ou ailleurs. (Credit photo : La Provence) "S’adapter sans cesse au marché pour survivre. Voilà la réalité que je découvre en ayant rejoint tout récemment le monde de l’entreprise après vingt-cinq années passées dans l’armée de terre. Il faut scruter l’avenir, explorer le monde extérieur, modifier sans cesse ses structures et ses modes de fonctionnement pour, au mieux, anticiper les tendances de son secteur d’activité et, au moins, rester dans la course. Cette nécessité vitale mobilise les énergies, stimule l’imagination et génère une saine émulation. L’armée de terre doit impérativement conduire cet exercice et s’adapter sans tarder au nouveau contexte opérationnel sous peine d’être balayé par le vent de l’histoire et des restrictions budgétaires. D’aucuns diront pourquoi attendre de quitter le bord pour s’exprimer sur ces questions ? Que chacun se rassure, je n’ai jamais hésité à faire valoir mon point de vue. Pourtant, depuis quelques mois, j’ai ressenti une réduction croissante de la réflexion prospective dans l’armée de terre au profit d’une discipline formelle rendue nécessaire en apparence pour soutenir nos unités engagées en Afghanistan et surtout pour éviter tout débat sur la stupide réforme des bases de défense qui casse les « corps de troupe » de l’armée de terre sans proposer d’alternative. Connaissant l’ardeur des jeunes officiers, mon espoir est que les générations montantes sauront relever le défi et que ce court article suscitera des réflexions et surtout une émulation interne, plus que jamais nécessaire. Il ya un vrai besoin de changement d’état d’esprit dans l’armée de terre, changement qui doit être porté par une dynamique interarmées et un engagement renforcé de la classe politique dans les affaires militaires. Car il faut bien que nos responsables politiques comprennent que les fonctions régaliennes de l’Etat sont les véritables points d’ancrage de leur légitimité, plus que la gesticulation médiatique et partisane. La question centrale est plus que jamais : une armée de terre pour quoi faire ? Or c’est précisément la question qui n’a jamais été réglée sur le fond et qui risque dans un avenir très proche de revenir en boomerang au détriment d’un outil dont un pays comme la France ne saurait se priver. La guerre des effectifs, la préservation des équilibres internes, la sauvegarde des carrières, la reproduction des modèles anciens, les rivalités interarmées et les enjeux autour des contrats d’armement sont autant de combats qui peuvent être nécessaires à court terme mais qui ne devraient jamais stériliser la réflexion de l’armée de terre au point d’en arriver à éluder les questions essentielles par un mécanisme d’autocensure plus que coupable. La prochaine élection présidentielle constituera à n’en pas douter un tournant délicat à négocier pour l’armée de terre, source potentielle d’économies budgétaires, tout aussi vitales à l’avenir de notre pays que l’est la gesticulation diplomatico-militaire. Si l’armée de terre ne construit pas son futur, il lui sera imposé par l’extérieur. Si l’armée de terre ne s’est pas posée les bonnes questions en amont, d’autres, moins compétents et parfois moins légitimes, les poseront et y apporteront des réponses qui ne seront pas nécessairement les bonnes. Même si les temps sont durs, nous devons rester fermement convaincus que l’Armée de terre est un élément constitutif indispensable au rayonnement d’un pays comme la France et qu’au prix d’une adaptation profonde, les militaires ont les moyens de rester au cœur de la confrontation stratégique. Il convient par ailleurs de rappeler que ce type de démarche n’est pas nouveau et que l’outil militaire terrestre a déjà connu des périodes de changement radical qui n’ont pas fondamentalement altéré la pertinence de sa mission au profit de la collectivité nationale. Un constat douloureux - Un outil en perte croissante d’efficacité Au delà de la satisfaction légitime que l’Armée de terre déploie pour souligner la bonne tenue de ses unités en opération, la question de l’efficacité stratégique des engagements terrestres reste posée. Quel a été l’impact réel de l’armée de terre dans la gestion de la crise yougoslave ou de la crise ivoirienne? Notre déploiement libanais a-t-il une influence quelconque sur le cours des événements ? Que pouvons-nous faire face à l’actuelle crise des otages au Niger ? En quoi le sacrifice de nos soldats en Afghanistan va-t-il peser sur le dénouement d’un conflit qui nous dépasse largement ? Autant de questions dont les réponses objectives sont assez peu encourageantes. Même si une partie de la solution appartient au pouvoir politique, l’outil militaire terrestre doit être en mesure de proposer des mesures concrètes pour retrouver enfin « le chemin de la victoire »- ou tout au moins celui d’une efficacité opérationnelle porteuse de sens. Il est essentiel de sortir de la fausse alternative stratégique actuelle qui se résume par « en être ou ne pas être » pour redonner à l’action son caractère décisif pour « gagner ou ne pas perdre ». Car, même s’il faut se réjouir de la longue période de paix qui nous a évité de devoir confier nos destinées à nos soldats, il faut aussi reconnaître que l’armée de terre n’est plus un outil de décision capable de donner au pays, par sa seule action, un avantage stratégique incontestable. - Un outil coûteux A l’heure de la faillite de l’Etat, le rapport coût-efficacité ne peut plus se résoudre à la seule idée d’assurance vie de la Nation. Limiter les dépenses publiques et réduire la dette deviennent en soi des objectifs stratégiques qui conditionnent l’avenir de la France. Dans un contexte peu propice aux investissements somptuaires, le modèle d’une armée de terre nombreuse et bien équipée n’est plus de mise. Il n’est plus possible de dimensionner et de financer un outil en fonction d’un modèle de conflit dont l’occurrence est quasi nulle à moyen terme. Il faut un modèle d’armée qui permette à la Nation d’obtenir un résultat concret pour chaque euro investi. L’ère du strict nécessaire impose de faire des choix qui n’ont jamais été faits jusque là. Pourquoi entretenir un outil militaire ? Quelles missions lui confier ? De quels équipements le doter ? Que rapporte le coût de nos engagements extérieurs à la communauté nationale ? Le combat budgétaire pour défendre le format actuel s’apparente de plus en plus à un combat d’arrière-garde dont on sait qu’ils sont ceux des causes perdues. Inefficace et coûteuse, la tentation est grande de pratiquer des coupes sombres et nul doute que l’échéance présidentielle de 2012 sera l’occasion de nouvelles économies. - Un outil marginalisé Après la présomption de connaissance mutuelle entre l’armée de terre et la nation qui a caractérisé l’ère de la conscription de masse et qui a favorisé une forme d’antimilitariste sournois fondé sur des souvenirs plus ou moins plaisants de la vie de troupier, est venue l’ère de l’indifférence pour une institution qui vit en marge du pays, comme on porte un jugement sur un voisin poli et discret. Contrairement à une idée trop répandue, cette marginalisation n’est le fait ni du statut militaire, ni de la discipline encore moins des valeurs que peut véhiculer l’armée de terre. Il est le fait de l’indifférence des élites vis-à-vis de l’armée et de la marginalisation progressive des officiers qui ne font plus partie de la haute fonction publique. Cette marginalisation est le résultat désastreux de l’inefficacité relative des engagements armés et de la difficulté qu’ont les militaires de s’intégrer aux réseaux de pouvoir en comprenant la dimension éminemment politique de leur action. A cet égard, l’engagement afghan illustre bien le paradoxe de cette marginalisation : en voulant montrer un intérêt de façade envers nos soldats déployés sur la place, nos dirigeants les victimisent alors qu’il faudrait les glorifier et forger de nouveaux héros. - Une rupture stratégique majeure La rupture stratégique actuelle n’est peut-être qu’une péripétie de l’histoire mais elle touche directement le cœur de l’armée de terre. La maîtrise de l’espace maritime et de l’espace aérien justifie l’existence d’une marine et d’une aviation. La maîtrise de l’espace terrestre ne saurait justifier à elle-seule l’existence de l’armée de terre qui se construit directement par rapport à une menace. L’ère des grandes guerres nationales (« ère westphalienne ») avait permis de formaliser un cadre de définition simple qui a, jusqu’à présent, structuré en profondeur l’armée de terre et qui n’a jamais été réellement remis en cause. Ce cadre codifie trois constantes de l’histoire que sont les phénomènes de violence collective, l’existence d’outils dédiés à l’usage de cette violence et les liens étroits qui existent entre entités politiques et violence collective : la guerre comme forme unique d’expression de la violence collective, l’armée comme seul acteur légitime pour employer la force et l’Etat comme ayant le monopole de la décision du recours à la force. Or ce cadre a littéralement volé en éclat. La violence collective s’exprime le plus souvent en dehors du champ étatique et les armées constituées n’en sont plus les uniques acteurs. Vouloir comprendre les conflits actuels avec les grilles de lecture anciennes conduit inévitablement à une impasse. Soit l’armée de terre conserve son ossature héritée du temps passé et elle se condamne elle-même à une obsolescence rapide soit elle comprend la profondeur des changements et elle entame une mutation salutaire pour rester l’outil de gestion de la violence collective dont la France a besoin. (Pour lire la suite, cliquez ici) Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Tancrède Posté(e) le 8 décembre 2010 Share Posté(e) le 8 décembre 2010 Comment s’intégrer dans un environnement multinational ? Quels sont les modes d’action vraiment utiles ? De quels types de forces avons-nous besoins ? Comment optimiser le commandement et le soutien des opérations ? Est-il réellement nécessaire de disposer d’effectifs importants ? De vraies questions, avec quelques impasses, dont la première: y'a t-il encore une action militaire terrestre possible avec une classe dirigeante inculte dans la question de l'usage de la force, une classe qui ne VEUT PAS s'y intéresser, et qui de toute façon est incapable de la moindre volonté suivie en la matière? L'auteur répond par la nécessité pour les officiers d'inverser la logique de marginalisation dont ils sont victimes dans les processus décisionnels, les statuts.... Est-ce encore possible? Il faudrait des mecs d'une sacrée trempe qui osent mettre leur carrière en jeu, s'exposer, mettre le pied en travers de la porte pour arriver à dire et faire savoir ce qui doit l'être. Dans ce domaine, la réponse la plus efficace a été apportée par les forces spéciales qui ont su mettre sur pied des unités resserrées, polyvalentes et autonomes disposant de procédures de travail strictes et correctement formalisées et d’une organisation totalement adaptable avec une chaîne de commandement et de logistique allégée. C’est clairement vers ce modèle que l’armée de terre doit se diriger pour structurer ses unités opérationnelles. On peut identifier aisément trois axes de réflexion pour redessiner les contours d’un outil de combat entièrement projetable dont le volume total pourrait être ramené à moins de 50 000 hommes. L’augmentation de la masse critique et la diversification des unités tactiques de base : les unités élémentaires actuelles (compagnie ou escadron) sont « mono-tâche » et elles ne disposent pas de la taille critique suffisante pour agir efficacement dans la durée ; les structures régimentaires, quant à elles, sont trop volumineuses et trop spécialisées. La nouvelle unité tactique de base (sous-groupement tactique interarmes) devrait pouvoir disposer de 4 pions de manœuvre, d’1 pion de sûreté rapprochée, de 2 à 3 pions de soutien et d’appui et d’équipes spécialisées. D’un volume moyen de 180 à 250 hommes, elle devrait pouvoir disposer d’une structure de commandement capable de gérer des appuis extérieurs. Ces unités de base peuvent ensuite être intégrées à d’autres structures tactiques modulaires dimensionnées en fonction des nécessités propres à la mission. La recherche de la continuité et de la réversibilité dans les modes d’action : les actions dites civilo-militaires ainsi que les actions de coercition non létales et les actions indirectes constituent, avec les actions létales, un continuum désormais indissociable dans toutes les opérations. Chaque unité tactique doit disposer des outils et des savoir-faire lui permettant d’assurer cette continuité tout en conservant une très forte réversibilité pour passer d’un style d’action à un autre sans délais. Réalités impliquées (entre autres): - armée de sergents (le modèle FS) :lol: et tronçonnage violent de la caste des officiers.... Et il faut que ce soit les officiers qui promeuvent ça? Dans quel monde ça arriverait? - Polyvalence des unités de base.... Pas avec la qualité moyenne des personnels actuels: souple, réactif, adaptable, multi-tâche= non seulement une sélection importante (qui suppose un pool de recrutement large, ce qui n'est pas le cas actuellement), mais aussi faite sur de nouveaux critères (à définir), et avec un investissement BIEN PLUS ELEVE dans la formation, ce qui veut dire plus de temps de formation (cher), plus de structures (très cher) et moins de temps dispo de "soldat rentable" à durée de contrat égale. Dur à faire passer De plus, le "non létal/civilo-militaire" implique occupation en statique: la logique des petits effectifs, même très polyvalents, marche moins, et là aussi ça pose problème: - reste le besoin des "boots on the ground" pour l'action dans la durée et qui ne se résume pas à des opérations coup de poing et de la manoeuvre. réduire l'effectif global est à et égard enlever de l'efficacité politique - comprimer les effectifs à ce point implique en outre reposer encore plus sur la logique interalliée.... A ceci près que les alliés qui veulent et peuvent intervenir, ou tout du moins être prêts à le faire, ne sont pas nombreux, n'ont pas forcément beaucoup de forces pour ça, et encore moins d'entre eux sont prêts à bouger sans l'aval des USA. Donc exit la capacité significative d'autonomie politique, sauf pour une opération au Bélize :P Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
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