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Déclaration de guerre


Montaudran

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Bonjour,

Je lisais un article sur la seconde guerre mondiale où il était dit que l'Allemagne a attaqué la Pologne sans déclaration de guerre préalable.

Je me suis alors demandé jusqu'à quelles guerres cette pratique de la déclaration de guerre en bonne et due forme s'est elle perpétuée ?

Lors de la première guerre mondiale je crois bien qu'effectivement la France et l'Angleterre ont déclaré la guerre à l'Allemagne. Mais après la seconde guerre j'ai l'impression que c'est devenu "désuet". 

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C'est un problème de plus en plus important, surtout à mesure que:

- la technique de la guerre peut imposer dans beaucoup de scénaris de reposer sur la surprise, la rapidité des opérations....

- beaucoup des situations de tensions d'Etat à Etat qui existent après la 2ème GM sont souvent non résolues diplomatiquement et juridiquement: l'état de guerre proprement dit, dans beaucoup de cas, demeure la règle et on ne conclue que des cessez-le feu et armistices (cas des 2 Corées par exemple, d'Israël avec les Etats arabes -sauf l'Egypte après Camp David-, cas de l'éventuelle guerre en centre-europe avec une 2ème GM pas légalement terminée pendant des décennies vu qu'il n'y a qu'un armistice....)

- le cadre juridique est devenu très contraignant dans bien des cas, si bien que justement, les Etats ont souvent élaboré une posture juridique donnant dans un autre vocabulaire (opérations de "police"....) limitant la nature des conflits et représentant aussi souvent une contrainte opérationnelle dans les modes d'actions et les buts de guerre (empêchant par ailleurs dans beaucoup de cas une résolution réelle du conflit). Des interventions ponctuelles dans un Etat (récupérer des ressortissants, raid de bombardement sur une infrastructure dangereuse, fermer ou réouvrir un accès maritime, couler un navire....) peuvent aussi se passer de déclaration de guerre et ne pas être suivies de répliques visibles ou d'autres opérations de guerre ni d'un côté ni de l'autre, même si l'Etat "agressé" est pas content, parce qu'une déclaration de guerre peut impliquer, par des traités d'alliance ou la contrainte d'intervention d'organisations internationales, un conflit plus grand dont personne ne veut, ou plus simplement parce que l'Etat "agresseur" peut être une nettement plus grande puissance et que l'agressé sait ne pas pouvoir se payer le coût (économique, militaire, politique) d'une guerre en général ou d'une guerre face à cet agresseur.

- la conflictualité entre Etats a été limitée pendant la Guerre Froide par la polarisation massive de la scène internationale et la nucléarisation des relations entre grands acteurs (ou leurs affiliés importants), ce qui a encouragé les comportements précités

- la croissance de la sphère des mouvements et organisations non étatiques, le plus souvent de nature insurrectionnelle/révolutionnaire/politique à l'intérieur même d'un Etat, a évidemment changé radicalement la donne dominante de la conflictualité. Que ces mouvements triomphent, et ils peuvent ne pas être reconnus officiellement par d'autres pays qui, s'il leur font la guerre, ne peuvent pas la déclarer comme telle (puisque légalement, une "guerre" ne se fait et se déclare que contre un Etat reconnu). Que ces mouvements, même très importants (ressources, territoires contrôlés, populations contrôlées/représentées, soutiens étrangers/extérieurs....), soient en conflit direct avec un intervenant extérieur en plus de leur Etat d'appartenance légale, et ce n'est évidemment pas non plus une guerre au sens légal du terme puisqu'il n'y a pas consensus international sur la reconnaissance du dit mouvement/organisation, certains le soutenant comme mouvement, d'autres le soutenant en le reconnaissant comme gouvernement légitime de l'Etat concerné, d'autres le qualifiant d'organisations terroriste ou maffieuse, d'autre ne reconnaissant pas sa prétention à incarner l'Etat.

- ajoute enfin, de plus en plus, le domaine des cyberattaques qui commence à être mis en législation, notamment avec la position récente des USA sur la chose, faisant de certaines attaques de ce type d'authentiques casus belli pouvant appeler à une réplique militaire pure et dure. Toute la diplomatie risque d'en être bouleversée, et en attendant un cadre un peu défini, ce sera très dangereux.

C'est toute l'ironie de la chose: le cadre juridique international a rendu la "guerre" en bonne et due forme, la guerre clausewitzienne, très difficile, très coûteuse, très dangereuse pour beaucoup de pays à la fois (traités régionaux, traités bilatéraux, alliances, cadres juridiques, ONU et sécurité collective). Et c'était justement le but de ce cadre juridique et de ces organisations, que de diminuer le risque de guerre et de favoriser l'émergence d'une "scène internationale" permanente où les conflits seraient évités et la négociation presque imposée dans la plupart des situations. Ca a d'ailleurs plutôt marché quand on regarde l'évolution de la mortalité par conflit sur le dernier siècle. Ajoute en plus le facteur nucléaire pour bon nombre de grands acteurs et leurs affiliés, et la dangerosité (et l'absence de visibilité, chose que détestent les décideurs) est surmultipliée.

Ceci dit, il y a quand même eu des déclarations de guerre formelles après 45, même si dans beaucoup de cas, on ne "déclare" plus vraiment la guerre comme un défi préalable lancé à la façon -lointaine ancêtre- des "défis" lancés de roi à roi au Moyen Age, mais on déclare plutôt à ses propres instances (parlement, population, pays, gouvernement) qu'on est en "état de guerre" avec un agresseur ou un pays "menaçant" (évidemment, c'est toujours l'autre qui est en tort).

Un autre fait indicateur qui de facto peut être un vide préalable à l'action est la rupture des relations diplomatiques, d'où on peut ultérieurement négocier (si on le peut) une position juridique "tenable" si on s'est passé d'une déclaration de guerre.

Mais bon, faut pas oublier aussi un autre fait: généralement, après un affrontement, y'a un vainqueur et un vaincu, ou un "plutôt vainqueur" et un "plutôt vaincu", et le vainqueur a tendance à établir qu'il était dans son bon droit quelle que soit la situation, et le vaincu à s'écraser ou à voir sa position internationale affaiblie (donc son argument juridique faiblard :-[).

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Merci pour cette perspective. Il y a un effectivement un lien avec "l'honneur" dans la déclaration de guerre, si je ne me trompe pas dans le discours de Roosevelt après l'attaque de Pearl Arbor il y a eu le mot "d'infamie" car il n'existait pas d'état de guerre déclaré (les diplomate japonais étaient je crois en retard...). Cette notion d'honneur n'ayant plus vraiment lieu dans les relations les déclarations de guerre sont peut être devenu superflues.

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Je lisais un article sur la seconde guerre mondiale où il était dit que l'Allemagne a attaqué la Pologne sans déclaration de guerre préalable.

C'est vrai ? Hitler avait pourtant fait monter un incident de frontière pour prétendre à une attaque polonaise, il me semble.
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Ca n'a jamais rien eu à voir avec "l'honneur", l'hypocrisie ayant toujours été de mise entre les Etats. C'est toujours une histoire de s'afficher comme étant celui dans son "bon droit". Les relations internationales actuelles ne sont pas moins "honorables" qu'avant. Il y eut cependant une époque, essentiellement l'époque moderne, où les Etats organisés/solides avaient une prééminence totale sur la scène internationale, et où il n'y avait pas vraiment d'organisation centrale permanente de la diplomatie, la parole des Etats et leurs relations étant la donne majeure. Mais même à cette époque, les déclarations formelles de guerre ne recouvrent qu'une petite partie du nombre de guerres effectivement lancées. Les guerres mondiales, au final, n'offrent pas souvent de différences, l'essentiel des déclarations formelles, si on les examine, survenant après que les hostilités réelles aient commencé.

Quelle que soit l'époque jamais un belligérant n'a compromis sa planification opérationnelle ou sa sûreté (ou celle de ses troupes) en leur imposant une déclaration de guerre comme préalable nécessaire; les seuls fois où les choses se font "dans l'ordre", c'est parce que ça ne gêne pas les opérations ou que des délais sont nécessaires pour qu'elles commencent de toute façon.

"L'infamie" de Pearl Harbour est surtout la rhétorique rooseveltienne, accrue par la victoire américaine sans appel et la postérité dans l'imagerie générale. De fait, l'état des relations entre les 2 pays correspondait de facto à un état de guerre. Le fait qu'un des belligérants lance une action d'envergure avant la déclaration formelle d'un Etat de guerre à l'encontre de l'autre (le Japon étant déjà dans un état de guerre depuis des années avec la Chine, et ailleurs avec les Etats d'Europe occidentale) n'est de toute façon qu'un truc utilisé par les Américains pour se draper dans une apparente pureté.

Mais pour clarifier, il n'y a pas vraiment de protocole particulier où un Etat enverrait à un autre un courrier avec "je vous déclare la guerre" écrit dessus, quoiqu'un message écrit ou oral de la part d'un ambassadeur ordinaire ou extraordinaire puisse à l'occasion être formellement adressé:

- on avertit que si telle chose n'est pas faite ou telle condition pas respectée, des opérations militaires risquent d'être engagées en rétorsion. C'est la déclaration de guerre conditionnelle, la plus pratique parce qu'elle laisse de la marge et compromet généralement peu les opérations tout en se couvrant juridiquement (un fait qui fait de toute façon peu peur vu qu'il n'y a pas de flic international)

- ceux qu'on avertit, en revanche, ce sont les neutres, vu qu'ils risquent d'avoir des ressortissants, propriétés, flux commerciaux et actifs divers menacés par un Etat de guerre, et surtout qu'on les prend à témoin.

- on se déclare soi-même en état de guerre et on rend la chose publique (c'est ce qu'on peut signifier ensuite/en même temps à l'adversaire visé): un discours, une adresse à telle ou telle instance (et/ou à la population) déclare l'état de guerre dans le pays, avec généralement un adversaire au moins, impliquant donc dans ce pays la mise en place des dispositifs prévus pour la guerre et généralement des prérogatives différentes pour ses instances dirigeantes et des obligations différentes pour la population. Cela implique aussi, en tout cas pour les pays signataires des conventions en la matière, de décréter publiquement l'adoption des règles définies pour la guerre entre Etats ("voilà ce qui arrivera à vos navires si les nôtres les croisent"....).

La déclaration de guerre est quelque chose en fait d'assez unilatéral. Seule la rupture des relations diplomatiques régulières et légales (fermeture des ambassades, destruction des correspondances, évacuation du personnel et éventuellement des ressortissants du pays, et signification formelle à l'Etat hôte que la diplomatie est aux abonnés absents pour un moment, si la situation ne change pas: on dit en fait qu'on n'accepte plus de négocier sur les bases du moment, que l'incompatibilité des positions est avérée et que c'est sur un sujet grave) en est le signe institutionnel manifeste avant des opérations militaires dont on n'avertit pas quand elles commenceront (quand même pas déconner non plus). Après ça, on proclame qu'on a été lésé, envahi, trompé.... Devant autant de monde que nécessaire, ou devant peu de monde, de façon formelle et bruyante, solennelle ou pompeuse, ou non, selon ce qu'on estime être la solution pertinente.

Pour les notes "amusantes": formellement, les 2 Corées sont toujours en guerre, la Russie et le Japon sont toujours en guerre, Taïwan et la Chine sont toujours en guerre, la Syrie (du moins la "assadienne") est en guerre avec Israël.... Dans chacun de ces cas, les hostilités peuvent juridiquement reprendre sans avertissement, même dans le cadre actuel étroitement défini des relations internationales. C'est dire si le "droit" s'est décalé de la réalité depuis les premières formalisations de ces processus en 1899: il est pratiquement impossible, ou suicidaire, de déclarer la guerre.... Et on veut croire que ça l'abolit :rolleyes:.

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