Tancrède Posté(e) le 28 décembre 2012 Share Posté(e) le 28 décembre 2012 Si j'ai du courage, ça peut devenir une série de sujets.... "Et ailleurs" renvoie à notre occidentalocentrisme inné :lol:, et vise à se demander, de façon plus générale/transversale, à quoi ressemblaient les armées (les importantes), et plus encore la réflexion et l'organisation militaire dans D'AUTRES endroits que notre occident chéri où on a tendance à considérer que l'on a toujours été la pointe, ou au moins à la pointe, de l'art militaire à toutes les époques qui furent, sont et seront. C'est pas toujours faux, mais c'est loin d'être toujours vrai :lol:, et plus encore quand on parle de ce vaste "trou" historique de 1000 ans qu'on qualifie de Moyen Age comme si c'était une époque avec une cohérence, un début et une fin, alors que c'est plutôt une longue "non époque", très diverse, très changeante, dont peu de grandes caractéristiques unifiantes, sinon aucune, peuvent être trouvées. Mais sans digresser dans les considérations historiographiques, j'entends ici cercler plus précisément une période plus courte, on va dire le dernier quart du Moyen Age, soit une période allant grosso merdo, sans borne trop rigoureuse, du XIIIème au XVème siècle (voire un peu de XVIème), en ce qu'elle rejoint et recouvre cette vaste période de transition qui semble revenir un peu à la mode en Histoire, et surtout en Histoire Militaire, et qu'on semble voir de plus en plus comme l'antichambre et la période essentielle de ce qui est considéré comme la grande révolution militaire de l'Histoire (ou l'une des vraiment grandes), celle qui réamène l'Etat central, l'armée permanente, l'infanterie, un vrai commandement, la discipline, une cavalerie remise à sa place, et apporte en plus l'artillerie. Et c'est là que l'occidentalocentrisme frappe souvent, tant on a tendance à penser que ce qui compte s'est passé uniquement à l'ouest, ce qui est le plus tip top s'est passé à l'ouest, ce qui est le plus historiquement déterminant s'est passé à l'ouest, inspirateur et révélateur, inventeur et moteur.... Hé ben non; l'ouest a apporté sa pierre, a contribué sur certains plans à des avances authentiquement essentielles et inconstestablement déterminantes, mais il est loin d'être seul.... Et si on faisait un tableau des armées les plus puissantes à une période donnée, on s'étonnerait du résultat, par exemple. De même si on regardait les unités les plus efficaces, les combattants les plus terribles/adaptés à leur temps, les tactiques, doctrines, organisations et "combinaisons d'armes" (coordination interarme dirait-on) les plus inventives et/ou efficaces, on serait encore plus surpris, même en tenant compte du facteur universel de l'adaptation au terrain dans chaque coin....Qui connaît:- les guerres hussites en Bohême, et l'émergence temporaire d'un étonnant modèle militaire (très efficace) fondé sur des convois de chariots blindés (Wagenburg) coordonné avec des fantassins et de l'artillerie légère, modèle qui fit école en Russie (notamment dans l'usage de fortifications mobiles), en Hongrie, en Pologne, chez les Cosaques et ailleurs?- l'armée médiévale serbe, particulièrement au XIVème siècle, qui fit de la Serbie une superpuissance orientale pendant un temps (et l'endroit d'où viennent les Hussards initialement)?- la soi-disant "armée noire" de Hongrie, liée à la brève dynastie Hunyadi-Corvinus, modèle très original, permanent, semi-féodal et professionnel (comparable favorablement aux armées de transition de la guerre de Cent Ans), et dont la puissance fut réellement sans équivalent en Europe? - l'armée ottomane, dont on sait souvent qu'elle était puissante, mais dont on ignore beaucoup de choses en occident, surtout sur la période des XIVème-XVème siècle qui furent pourtant le moment de sa plus grande prééminence doctrinale et organisationnelle comme le montre la bataille de Nicopolis (où se trouvait un fort contingent occidental venu de Bourgogne, surtout, et de France) en 1396? Et au même moment, on peut aussi parler de l'armée mongole, surtout celle de l'Etat timuride (de Tamerlan), quoiqu'elle ne soit pas techniquement une armée ouvrant la voie à une révolution militaire moderne (même si elle a poutré les Ottomans en 1402), ou encore l'armée chinoise et l'armée japonaise (enfin les armées féodales japonaises) et coréenne? Que savez-vous de ces périodes et régions? Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Akhilleus Posté(e) le 28 décembre 2012 Share Posté(e) le 28 décembre 2012 Tu peux y aller plus large (en plus je suis curieux mes connaissances étant limitées sur ces sujets et notamment parceque y'a nib de sources) Ajoute dans le panier de la mariée : *les armées Khmers et Thais (ca poutrait pas mal à l'epoque dans la zone Birmanie-Thailande-Cambodge) * les armées africaines Songhais,, l'Empire du Kanem, les armées/levées de pasteurs Massais * les armées précolombiennes (plus de sources mais rares pour le lointain pré-colombien) Toltèques, Chimu, Chibchas .... l'armée médiévale serbe, particulièrement au XIVème siècle, qui fit de la Serbie une superpuissance orientale pendant un temps (et l'endroit d'où viennent les Hussards initialement)? moi, moi, moi !!! Enfin surtout post cette periode via les sources ottomanes lorsque certains fedoaux serbes sont devenus vassaux de la grande porte (notamment y'a u un fort contingent de cavalerie lourde serbe dans la garde de Bayezid lors de la bataille d'Ankara contre Tamerlan Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Tancrède Posté(e) le 28 décembre 2012 Auteur Share Posté(e) le 28 décembre 2012 Tu peux y aller plus large (en plus je suis curieux mes connaissances étant limitées sur ces sujets et notamment parceque y'a nib de sources) Ajoute dans le panier de la mariée : Moi aussi: je commence seulement, ce qui fait que si j'ai acquis des connaissances sur certaines de ces armées à ces périodes, je suis loin d'avoir un tableau complet, et surtout critique, en ce que j'ai encore lu peu de travaux divers (et surtout contradictoires) sur une armée ou un sujet donné.... Beaucoup de sources uniques, donc. Je peux quand même remercier Wikipedia qui m'a fourni le premier "tableau/panorama" complet, une base de départ sur certains sujets, et surtout une première bibliographie; il faut bien un point de départ :-X. Ce qui me frappe en fait dans beaucoup de ces cas, c'est en fait le degré d'avancement politique/étatique par rapport à l'occident: la centralisation est souvent plus forte, de même qu'un certain niveau de permanence de l'Etat, même si pour l'Europe orientale, c'est encore comme en occident, souvent lié à un seul souverain très fort, ou au maximum à lui et son ou ses successeurs immédiats, sans ancrage réellement permanent qui permette à l'Etat de rester fort même en cas de souverain faible ou de période de transition (régence contestée, vassaux coalisés, invasion étrangère au moins un peu réussie, transition dynastique....). Evidemment, ce problème concerne moins l'empire ottoman qui a connu une construction étatique réussie (qui survit bien mieux aux querelles de pouvoir au sommet) beaucoup plus tôt qu'en Europe. Pour l'Afrique, l'Amérique précolombienne et le Sud Est asiatique, je suis à la ramasse :-[. Pour le Japon et la Corée, je progresse lentement (je connais mieux le XVIème siècle). La Hongrie offre néanmoins un excellent exemple européen, très utile en plus en ce qu'il s'agit vraiment d'un pays, on pourrait dire le "seul" pays d'Europe centrale avec une stabilité en terme d'existence et de continuité, contrairement à un monde germanique beaucoup plus bordélique et changeant après la fin des Hohenstaufen. La Pologne est alors pleinement un pays d'Europe orientale, concerné par l'Europe orientale (c'est le moment où ils entament le processus toujours plus poussé de rapprochement avec la Lithuanie -qui inclue une énorme portion de Biélorussie, Russie et Ukraine- qui débouchera sur une union structurelle aux XVIème-XVIIème siècles), et la Serbie "sort" réellement de l'Histoire en tant qu'Etat réellement indépendant et puissant après sa période de gloire, entrant dans l'orbite ottomane. Et à cette époque, les vrais modèles militaires ne peuvent plus émaner pour l'essentiel que d'Etats solides et durables: la révolution militaire qui commence, ou bâtit ses fondations, est indissociable du processus de construction étatique moderne. On peut trouver des régions ou entités sub-étatiques ayant eu des unités/types de troupes/systèmes d'armes efficaces, voire révolutionnaires (et qui ont ou non fait école), mais pas de "modèle militaire" complet et surtout assez importants à tous égards pour avoir pu peser sur le cours de l'Histoire (l'épisode hussite a été à la charnière, passant pas loin de réussir ce coup là). A cet égard, les Mongols offrent l'exemple d'un système militaire spécifique qui a eu un succès retentissant, mais n'a pas réellement pu s'inscrire dans un processus de construction étatique (dont il était antinomique: l'incompatibilité fondamentale entre nomades et sédentaires) et amorcer une évolution vers un autre modèle. Il a vécu et est mort en tant que modèle "de la steppe". A l'inverse, les Ottomans, aussi un peuple nomade de la steppe fondé sur le cavalier-archer à l'origine, ont réussi la transition vers le modèle sédentaire, et évolué vers une armée moderne et complète. Pour l'instant, c'est via ces considérations que je me suis surtout penché en particulier sur la Hongrie qui a opéré une transition rapide de l'armée/Host médiéval (qui a mieux gardé les pieds sur terre qu'en France, notamment sous les Anjou de Naples/Hongrie au XIVème siècle) vers une armée professionnelle moderne (qui a ensuite connu une mort prématurée suite à un changement dynastique), "l'armée noire" du XVème siècle, un modèle militaire réellement terrible et éminemment lié aux personnalités du roi Jean Hunyadi et plus encore de son fils, Mathias Corvinus. C'est le moment historique où l'empire ottoman aurait pu être bouté hors d'Europe, tant ces deux chefs exceptionnels avaient bâti un outil et mené une politique leur donnant réellement cette occasion, malgré toute la force de l'entité ottomane de cette époque; ce n'est qu'au XVIème siècle que les Turcs parviendront à réellement mettre à bas la menace hongroise. Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Tancrède Posté(e) le 28 décembre 2012 Auteur Share Posté(e) le 28 décembre 2012 Pour commencer avec les cas spécifiques, je voudrais évoquer l'usage, en Europe de l'est, du Wagenburg (ou Laager, ou Tabor), un système tactique qui, du XVème siècle jusqu'à la fin du XVIIème, n'a jamais réellement trouvé de parade technique en face de lui comme système d'arme, et dont les défaites n'ont été dues qu'à des parades tactiques rarement faciles à mettre en oeuvre, et donc nécessitant forcément de la chance et/ou des commandements et troupes qualitativement très déséquilibrés (difficile en effet d'établir l'obsolescence d'un système d'armes en ne comptant que sur des tactiques incitant un adversaire à commettre une faute). Possible, mais pas de manière structurelle. Seule l'arrivée de pièces d'artillerie réellement mobiles (ce qui n'entre en nombre un peu significatif qu'à la fin du XVIIème siècle, et réellement vers le milieu du XVIIIème) consacre l'obsolescence du système. Il s'agit en fait de fortifications mobiles: un Wagenburg est une armée en mouvement centrée sur son train de chariot, essentiellement des chariots de ferme convertis en chariots de guerre, soit de manière structurelle, soit en emportant comme chargement les pièces servant à les "blinder" au moment de la bataille. Quand celle-ci est inévitable, les chariots, manoeuvrant en formation aussi serrée que possibles, sont soit organisés en une grande "forteresse" de campagne (érigée de toute façon tous les soirs pour passer la nuit), soit en séries de carrés à portée les uns des autres, représentant un "damier", ou une ligne plus ou moins continue. Quoiqu'il en soit, un dispositif de chariots en bataille consiste en un enclos de chariots présentant une face "blindée" (rarement les 2 pour des questions de poids emporté, de fatigue des chevaux ou boeufs, et de mobilité) et un espace protégé, reliés entre eux par des chaînes rapidement montées. Si l'usage du wagenburg comme fortification mobile est ancien (grandes invasions, train des armées un peu partout, migrations des peuples roms....), les Hussites ont raffiné l'usage de ce système pour en faire un vrai dispositif militaire et une "doctrine". Une armée hussite (et celles qui les ont émulées après) implique généralement une vingtaine de soldats pour un chariot armé (qu'il peut vraisemblablement tous porter), ainsi qu'une artillerie primitive reposant sur le tir parabolique (des proto-obusiers en somme), avec une tactique fondée avant tout sur forte puissance de feu. Sur cette vingtaine de soldats, qu'on peut considérer comme l'unité organisationnelle essentielle, on trouve environs une moitié, ou une petite moitié, de tireurs (environs 2 armes à feu portables pour 6-8 arbalètes), 6 à 8 fantassins de contact (proportion inconnue pour les piquiers et porteurs d'armes d'hast), 2 conducteurs et 2 pavesiers (porteurs de pavois, grands boucliers "à deux place" :lol:) qui doivent être d'une manière générale des "servants" d'arme, des tringlots, des recrues en formation ou des "hommes à tout faire". Une fois le dispositif de chariot érigé, l'idée est de massacrer l'adversaire à coup d'artillerie, soit pour le faire fuir, soit pour l'inciter à attaquer, auquel cas, quand il arrive à portée, se déchaîne alors la vraie puissance de feu du dispositif, faite d'arbalètes et d'armes à feu portatives, tandis que tout le monde reste à l'abri du blindage (lui même "haut" puisque porté par un chariot) augmenté des piques pointées depuis les chariots et entre les interstices qui les séparent. Les soldats ont en plus coutume de disposer de sacs de pierre et autres projectiles pour "occuper" les fantassins avant leurs contre attaques et pour suppléer les armes à feu à court de munitions. L'arc ne semble pas avoir été en grand usage, sans doute parce que l'artillerie a pu y suppléer pour les tirs longs et pour favoriser le tir direct à fort impact (arbalètes et armes à feu) depuis une position protégée. D'autant plus qu'au XVème siècle, les armures surtout nobiliaires sont désormais capables d'encaisser une bonne partie des tirs même d'arcs puissants (longbow et composites). Le dispositif a été initialement calculé contre la cavalerie prédominante dans les espaces d'Europe de l'est: cavalerie lourde nobiliaire, augmentée de cavalerie légère alors très répandue dans ces régions (troupes professionnelles à la solde des potentats locaux, cosaques, mercenaires des Balkans....). Mais au fur et à mesure de l'aguerrissement des Hussites, le dispositif est devenu très polyvalent et professionnel, acquérant surtout très vite une grande capacité de manoeuvre et de coordination pour faire campagne (ordre de marche, discipline, mise en formation pour la nuit, plans de campagne) et, au niveau tactique, opérer de façon concertée et pertinente, et plus encore adopter rapidement les dispositifs de bataille. Parce que le dispositif n'est pas que défensif au niveau tactique: il est aussi très contre-offensif. Quasiment invulnérable à la cavalerie et très résistant contre une infanterie même rôdée, il peut briser les assauts; mais une fois l'élan adverse brisé, la contre-attaque vient, et elle aussi est "professionnelle": des petites contre-attaques "d'opportunité" restant proches du "fort" ont lieu régulièrement, localement ou sur toute la périphérie du camp (donc coordonnant le contact et l'appui-feu depuis les chariots), et les chefs hussites apprennent rapidement à "voir" le cours de la bataille pour savoir quand lancer de plus grandes contre-offensives, donc concentrer un effectif à un endroit, et le lancer dans une percée d'infanterie coordonnantdes formations de piquiers et de fantassins d'assaut (avec harmes d'hast: hallebardes, fléaux, haches essentiellement) qui ne sont pas sans beaucoup de similarités avec les Suisses à la même époque. On remarque quand même la proportion de troupes de tir et de mêlée: quasiment équivalente, avec un léger surplus pour les tireurs: on ne retrouve une majorité de tireurs que dans les armées anglaises de la guerre de Cent Ans -qui reposent sur le même principe statique de fortification et tir massif-, mais surtout dans les armées ouest européennes de la fin du XVIème siècle à la guerre de Trente Ans, où le piquier devient minoritaire face au tireur. Les contre offensives importantes sont appuyées par une petite cavalerie, essentiellement légère, qui doit servir à poursuivre l'action aussi loin que possible (trucider les fuyards, les empêcher de se reformer) et maintenir le désordre dans une unité adverse dont l'assaut a été brisé. Initialement née dans un mouvement de contestation, donc pas un Etat ou une institution proto-étatique fixe, ce système a eu suffisamment de succès (donc changeant le cours de l'histoire régionale) pour devenir un modèle militaire qui a fait flores un peu partout et a plus que survécu à la révolte dont il était issu (qui elle a finit par rentrer dans le rang suite à une querelle interne). Difficile de voir quelle armée de cette époque aurait pu trouver une parade satisfaisante à cet ordre de bataille; les seules fois où un wagenburg a été défait ont eu lieu quand l'adversaire a pu feindre suffisamment pour inciter à une contre-attaque prématurée (pas facile à jouer quand on a affaire à un chef compétent et/ou des troupes aguerries), ou quand, encore plus rare, un wagenburg a pu être surpris en ordre de marche sans avoir le temps de se mettre en ordre de bataille (ça ne prenait pas longtemps); ce dernier cas de figure implique un excellent renseignement de campagne, une bonne dissimulation (généralement, ça implique d'être pas loin de l'adversaire, de savoir où il est et qu'il ne sache pas où vous êtes: pas facile) et plus encore une très grande mobilité et une courte boucle "renseignement-décision-action". Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
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