DMZ Posté(e) le 6 janvier 2024 Share Posté(e) le 6 janvier 2024 (modifié) @Benoitleg Les chars d'avant 1935 ne sont pas une réussite. S'ils sont commandés en masse, ils risquent de conforter le haut commandement sur la doctrine du char d'accompagnement de l'infanterie au détriment de la mobilité et de la rapidité, ça ne va pas faire avancer le schmilblick. Il y avait autant de chars modernes des deux côtés en mai 1940, ce n'est pas ça qui a affaibli l'arme blindée française mais les monstrueuses pertes du GA1 en Belgique, impossibles à compenser et surtout pas avec des D1. Je ne suis pas contre le recouvrement pour conserver une masse "up to date" de matériel en attendant la génération suivante mais alors il vaut mieux rationaliser. Et si c'est une question de budget ou de capacité industrielle, le B1 coûtait deux fois le prix d'un S35 et mobilisait bien plus de ressources pour être fabriqué. Pour ce que ça vaut, je reste persuadé que, côté armée de terre, une force de manœuvre uniquement à base de DLM et de DIM dans leur format de l'époque tout juste renforcées en DCA et avec des Lorraine 1939 VBCP pour les dragons portés dans les DLM et un bataillon de chars légers pour les DIM aurait été un bien meilleur investissement à tous points de vue que de créer des DCR. Modifié le 6 janvier 2024 par DMZ 1 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Ppblouin21 Posté(e) le 10 janvier 2024 Share Posté(e) le 10 janvier 2024 D'accord sur les chars d'avant 35, pas genial, donc influencer sur un char de 16 tonnes , cela donnera peut être, avec du travail et de la concurrence etcune evolution favorable, un modèle fiable et apte à combattre les panzer 3, imaginons un H39 20% plus gros, avec une tourelle a 2 hommes et un 47mm...je garde aussi l'AMR 35 surtout la version casemate, s'il pouvait être egalement un peu plus gros avec la tourelle de l'AMC 35....bon là, je suis un peu gourmand.... 1 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
DMZ Posté(e) le 11 janvier 2024 Share Posté(e) le 11 janvier 2024 Le 10/01/2024 à 11:16, Ppblouin21 a dit : D'accord sur les chars d'avant 35, pas genial, donc influencer sur un char de 16 tonnes , cela donnera peut être, avec du travail et de la concurrence etcune evolution favorable, un modèle fiable et apte à combattre les panzer 3, imaginons un H39 20% plus gros, avec une tourelle a 2 hommes et un 47mm...je garde aussi l'AMR 35 surtout la version casemate, s'il pouvait être egalement un peu plus gros avec la tourelle de l'AMC 35....bon là, je suis un peu gourmand.... Ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est pourquoi tu veux à tout prix créer une nouvelle machine alors qu'il existe dès 1935 le Somua qui était prévu à l'origine avec une tourelle biplace mais finalement construit avec une monoplace pour respecter le devis de poids. Il est tellement plus simple de partir sur des engins existants pour gagner du temps et de l'argent. L'idéal étant même de décréter en 1936 qu'on ne construit plus aucun autre char et que tous les constructeurs se concentre sur le S35 "bis" à tourelle biplace. L'AMR 35 ZT2 à canon de 25 mm restant en production pour la reconnaissance en complément, sur laquelle on aura remplacé la tourelle APX 5 monoplace par l'APX 3 biplace, celle de l'AMD 178 Panhard qui, elle aussi, doit faire l'objet d'une production de masse. On peut, bien entendu, suggérer des améliorations mais sans que ça doivent impacter la production initiale. Il faut se souvenir que la commande initiale de S35 en 1936 était de 600 exemplaires avant qu'elle soit réduite et seuls 450 seront livrés, rien que ça fait un POD intéressant avec au moins 6 DLM opérationnelles en septembre 1939 et probablement 8 en mai 1940. Même sans rien changer aux caractéristiques des blindés français, le résultat peut être impressionnant avec trois ou quatre DLM en réserve vers Laon et Mourmelon... 1 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Ppblouin21 Posté(e) le 12 janvier 2024 Share Posté(e) le 12 janvier 2024 Il y a 15 heures, DMZ a dit : Ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est pourquoi tu veux à tout prix créer une nouvelle machine alors qu'il existe dès 1935 le Somua qui était prévu à l'origine avec une tourelle biplace mais finalement construit avec une monoplace pour respecter le devis de poids. Il est tellement plus simple de partir sur des engins existants pour gagner du temps et de l'argent. L'idéal étant même de décréter en 1936 qu'on ne construit plus aucun autre char et que tous les constructeurs se concentre sur le S35 "bis" à tourelle biplace. L'AMR 35 ZT2 à canon de 25 mm restant en production pour la reconnaissance en complément, sur laquelle on aura remplacé la tourelle APX 5 monoplace par l'APX 3 biplace, celle de l'AMD 178 Panhard qui, elle aussi, doit faire l'objet d'une production de masse. On peut, bien entendu, suggérer des améliorations mais sans que ça doivent impacter la production initiale. Il faut se souvenir que la commande initiale de S35 en 1936 était de 600 exemplaires avant qu'elle soit réduite et seuls 450 seront livrés, rien que ça fait un POD intéressant avec au moins 6 DLM opérationnelles en septembre 1939 et probablement 8 en mai 1940. Même sans rien changer aux caractéristiques des blindés français, le résultat peut être impressionnant avec trois ou quatre DLM en réserve vers Laon et Mourmelon... Entièrement d'accord avec toi en particulier la tourelle du panhard 178 sur l'AMR 35, il sera sans doute un peu plus long et se rapprochera de l'AMC 35 , 5 roues au lieu de 4 , j'insiste pour le char léger de 16 tonnes car il sera plus facile de modifier les termes du concours de char léger a venir, que d'imposer un unique S35 même si on sait qu'il est le meilleur. C'est une stratégie de secours pour éviter d'avoir 2000 chars de 10/12 tonnes en mai 40 et seulement 450 chars (S35 et D2) moyens hors B1. De plus il y a une vertu dans un concours c'est la pluralité des propositions qui permet de mettre a jour des idées innovantes comme le moteur diesel du FCM 36 ansi que sa forme generale, blindage avec pente. Le progrès serait d'aller vers plus de soudage et d'utiliser un train de roulement plus facile à réparer dans la bataille. Après , évidemment il faudra sélectionner les modèles a produire en introduisant les propositions innovantes des concurrents dans un modèle bis. 1 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
DMZ Posté(e) le 1 janvier Share Posté(e) le 1 janvier Pour la nouvelle année et suite à certains commentaires (@judi et @ARPA en particulier), il semble intéressant de développer cette uchronie avec une personne n'ayant pas de connaissance spécifique sur la seconde guerre mondiale, un monsieur lambda en âge de porter les armes qui va avoir plus de mal à tirer son épingle du jeu. Monsieur Lambda Premier jour - Huit heures du matin - Le Clair Bois, Anjeux Ouf, quel étourdissement ! Que m'est-il arrivé ? Bon, ça va mieux, je vais rentrer tranquillement à la maison et me prendre une bonne douche. Fini pour aujourd'hui, le footing. Mais qu'est-ce que c'est que ce vacarme ? On se croirait dans un reportage en Ukraine ! Merde, c'est quoi ce bonhomme en uniforme de de 14-18 ? On tourne un film ? Je n'ai rien vu aux infos. Ouark ! Il a le bras à moitié arraché, c'est trop réaliste, ça donne envie de vomir. Merde, merde, merde, merde, c'est un vrai mec et il est réellement mort ! Ça y est, je vomis... On a dit qu'on ne paniquait pas. JE NE PANIQUE PAS !!!! On se calme, on se pose, on réfléchit. Que peut-il bien se passer ? J'ai regardé trop de séries de science-fiction et je fais un cauchemar ? Je suis tombé et j'ai heurté une souche ? Ce n'est pas possible, je vais me réveiller ! Ou bien le « trou de vers » n'est pas une invention de scénariste fou et je ne suis plus dans la même trame temporelle ? Non, tout est trop réel, on va faire comme si c'était vrai. Ces chenilles qui se rapprochent, faut se planquer, on avisera plus tard. Allez, au fond des buissons et tant pis pour mes vêtements, c'est que du Décath'. Un coup d’œil à mon smartphone... ah, c'est vrai, je l'ai laissé à la maison tout à l'heure. Je suis en bordure du bois et la D 417 - tiens, c'est une nationale à l'époque - offre le spectacle désolant de véhicules abandonnés plus ou moins endommagés. Des camions passent, ce sont bien des Allemands, et si ce sont des figurants, c'est sacrément bien fait, va falloir rester prudent. Le soldat a un journal dans sa poche : « Le Temps - Jeudi 13 juin 1940 », « LA BATAILLE POUR PARIS ET POUR REIMS continue avec la même violence - Déclaration du Président Roosevelt ». Bon, si nous sommes pendant la seconde guerre mondiale, je ne connais pas grand chose à cette époque. Que vais-je devenir ? Récapitulons mes connaissances : la guerre de 39-45 a commencé avec l'invasion de la Pologne, la France a perdu en 1940 et Pétain s'installe à Vichy avec Laval après l'armistice, la France coupée en deux, collaboration et STO. De Gaulle va à Londres, lance l'Appel du 18 juin et continue à se battre avec la Résistance. Hitler envahit la Russie, les Américains débarquent en Normandie... Ah oui ! Il y a Pearl Harbor aussi. Et puis la bombe atomique. Et le massacre des Juifs. Qu'est-ce que je vais faire de tout ça ? Ma fréquence cardiaque est au plus haut et ce ne sont pas les quelques kilomètres courus qui m'y ont envoyé ! À combien suis-je ? Je n'ai pas de montre, ce me serait pourtant utile. Le soldat en a peut-être une. Merde, merde, merde ! Je la vois, elle est sur le bras qui pend à côté de lui... Je la prends avec dégoût et la mets au poignet, elle a une trotteuse, je suis encore à 120 ! Faut que je me pose avant toute chose. Je m'éveille en sursaut. J'ai rêvé ? Non, rien n'a changé aux alentours. Un coup d'œil à ma nouvelle montre, il est maintenant bientôt midi. J'ai dormi, ça n'est pas plus mal, ça semble s'être calmé à côté, je peux enfin réfléchir. Je reprends le journal pour me mettre un peu au courant des événements. Il doit déjà avoir plusieurs jours car la situation décrite fait état de combats en direction de Reims or il est clair que cette ville a été largement dépassée puisque les Allemands sont ici. Je vais devoir discrètement me renseigner sur la date mais ce n'est pas encore important. « La traîtrise du Duce », l'Italie est en guerre aussi. « Le gouvernement a quitté Paris », « Évacués », c'est vrai, il y a l'exode, je vais pouvoir essayer de me fondre dans la masse des déplacés. « Les jeunes gens non encore mobilisables sont invités à quitter Paris » Zut, zut, zut et re-zut ! J'ai trente ans, je devrais être mobilisé ! Comment expliquer ma situation ? Il me faut impérativement une explication qui se tienne. Le journal fait seulement deux pages ! Pénurie de papier ? De journalistes ? Censure ? Je ne sais vraiment pas comment je vais m'adapter à l'époque. J'établis une première liste de priorité : 1) Rester en vie. Faut pas se faire descendre par erreur ou accident. Je vais me planquer dans le petit bois, même s'il a changé en 70 ans, je le connais et, s'il n'y a personne, j'y serai à l'abri pour établir mon plan d'action. 2) Trouver de quoi survivre. Je vais commencer par le pain trouvé sur le soldat, sa gourde, je les planquerai dans un premier temps pour ne pas me faire reprocher de détrousser les morts (encore que je ne pense pas que ce soit ce qui préoccupe le plus les gens -"amis" ou "ennemis"- en ce moment et puis je ne prends aucun effet personnel ! Enfin si, la montre mais j'en ai besoin). Ensuite je sais que je peux tenir une semaine sans boire et un mois sans manger. J'ai le temps de voir d'autant que chaque village a sa fontaine. 3) Se fondre dans la masse. Il me faut des habits de l'époque, une identité plausible et une explication pour mon statut de civil. Une chemise et un pantalon pour cacher mon survêt. Des chaussures aussi car pieds nus, je vais vite passer pour un déserteur. C'est peut-être la solution, je vais prendre quelques effets d'uniforme et demander à un fermier ou un villageois s'il peut me donner des vêtements civils pour échapper à la capture. Mais déshabiller un mort, je ne sais pas si je pourrai le faire... Non, je vais tenter ma chance comme ça, je ne pense pas que mon étrange accoutrement choque plus les habitants du coin que le désastre en cours. Bon, c'est bien, je peux me poser et continuer ma liste 4) S'extraire de la zone des combats. Il va bientôt y avoir l'armistice, je ne sais pas quand, et ils vont alors cesser. Faut juste rester prudent jusque là. 5) Rejoindre la future zone libre ou passer en Angleterre. Après... on avisera. Je suis en bordure du bois et la D 417 - tiens, c'est une nationale à l'époque - offre le spectacle désolant de véhicules abandonnés plus ou moins endommagés que des convois allemands dépassent. Je tombe sur une capote qui va cacher un peu mon maillot fluo, je pourrai toujours dire, sans même avoir à mentir, que je l'ai prise parce que je manque de tout. Allez, je prends quand même les chaussures du mort, ça n'est pas trop dégradant pour lui. Je relève son identité sur son livret militaire pour pouvoir éventuellement remercier sa famille et lui rendre sa montre, ça me soulage un peu la conscience. Je suis en bonne santé, je devrais donc être en train de me battre. Sauf si... oui, c'est ça, je suis belge et je suis parti à pieds quand l'attaque a débuté. Je connais un peu la région de Nieuport, sur la Mer du Nord, peu de chances que je rencontre quelqu'un qui en vienne [1]. On va débuter comme ça. En route donc. Première étape : Girefontaine qui n'est qu'à un ou deux kilomètres par le chemin le long du bois. Il est beaucoup plus petit et défoncé qu'à mon époque, très bien, je ne devrais pas y faire de mauvaise rencontre. En fin de journée, je frappe à quelques portes, une vieille femme finit par m'ouvrir. Je lui explique que j'ai besoin d'habits civils pour ne pas être capturé par les Allemands. Son mari a été prisonnier pendant la Grande guerre, elle ne me le souhaite pas, m'explique-t-elle en me donnant un pantalon et une chemise de son fils soldat. Je la remercie chaudement et m'éclipse, je suis bien tenté de m'imposer à dîner, ou plutôt à souper comme on le dit à l'époque, mais j'ai scrupule à trop profiter d'elle. Je sens un soulagement, peut-être mêlé d'un peu de pitié, quand je la quitte. Je cherche une grange où m'installer pour la nuit et mange la miche de pain du soldat. À chaque jour suffit sa peine et celui-là en a été bien pourvu. [1] Vous pouvez transposer avec la Suisse, le Luxembourg, la Belgique en fonction de vos connaissances, voire même le Québec, l'Irlande ou les USA mais il faut vous trouver une bonne raison d'être ici à ce moment. Si vous avez une connaissance d'une langue d'Europe centrale (sauf le polonais ou le tchèque, bien sûr), ça peut le faire aussi. L'espagnol est un bon plan car vous pouvez vous déclarer républicain et, au pire, vous vous retrouverez dans un camps d'internement (ce qui ne sera pas la joie). Pour les pays neutres, il y a tout de même un gros risque d'être démasqué si vous êtes raccompagné au consulat le plus proche. 1 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
DMZ Posté(e) le 1 janvier Share Posté(e) le 1 janvier Monsieur Lambda Deuxième jour - Premiers contacts Réveillé par le chant du coq avec les poules qui sont plus nombreuses qu'à mon époque, semble-t-il. J'ai eu une nuit agitée et je constate avec dépit que je suis toujours enroulé dans une capote crasseuse en gros drap qui n'est à l'évidence pas du début du XXIe siècle... Ce n'était pas un cauchemar. Quand je pense que j'ai dormi dans ce qui deviendra un Bed & Breakfast... Le service laisse à désirer. Bien, le sens de l'humour revient un peu. On se secoue et on arrête de s'apitoyer. Ce matin, il faut dresser un plan d'action pour les jours à venir. Dressons un petit tableau de la situation : - je suis à une époque que je ne connais pas ; - sans aucune connaissance (pas question d'aller voir mes arrières grand parents, je ne suis même pas sûr de l'endroit où ils habitaient pendant la guerre) ; - je n'ai pas de logement ; - pas de moyen de subsistance ; - pas d'identité. Points positifs : - je parle la langue et même l'anglais ; - je connais, dans les très grandes lignes, le futur. Question du logement et de la subsistance : il y a des millions de réfugiés et j'en suis un comme les autres, on va aller toquer aux mairies. L'identité : puisque je suis belge, je serai Monsieur Georges Rémi (il ne devrait pas y avoir beaucoup de lecteur du Petit Vingtième dans le coin), né en (1940 moins 30 font...) 1910 à Nieuport. Avec les combats dans la région pendant toute la dernière guerre (enfin la dernière guerre en date à ce jour, si vous voyez ce que je veux dire), beaucoup d'archives ont dû se perdre et avant qu'une vérification soit faite... Il faut quand même que je me fabrique quelques souvenirs si je veux avoir l'air un tant soit peu crédible. Ou peut-être pas, après tout je suis sur les routes depuis... depuis combien de temps d'ailleurs, il faut que je vérifie quand a commencé l'attaque allemande. Et mon métier est... non, pas Web designer, ça ne va pas le faire. Qu'est-ce que je pourrais bien être ? Ou plutôt, qu'est-ce que je sais faire d'autre ? Heu, rien de bien utile. Employé aux écriture dans une entreprise ? Ça me dit quelque chose, « employé aux écritures », ça a l'air d'être un boulot aussi productif que Web designer. Ça expliquera que je ne sais pas faire grand chose de mes dix doigts. Je fais (faisais ?) quand même du jardinage et on avait quelques tomates tous les ans, pourquoi ne pas dire que je suis maraîcher ? Ça peux m'ouvrir des opportunités à la campagne, meilleur endroit pour se cacher et pour survivre. On va faire ça. OK, reste à savoir où aller dans un premier temps. Luxeuil est la plus proche ville, elle ne doit pas être bien grosse à présent. Vesoul est un peu plus loin au Sud. Mais je ne sais pas où sont les combats, je vais attendre quelques jours dans le coin que je connais bien, même s'il ne faut pas que ça transparaisse. J'en profiterai pour me renseigner le plus possible, si je pouvais avoir des journaux... Saint-Loup-sur-Semouse n'est qu'à quelques kilomètres et je sais y aller par les petits chemins. Si les combats se sont éloignés, je vais pouvoir y glaner quelques nouvelles et, peut-être, un peu de nourriture. C'est parti. La petite route le long du cimetière n'est qu'un chemin de terre, ça m'arrange. En moins de deux heures, je suis à Bouligney. Il va falloir traverser la nationale, première embûche. Je préfère couper par les champs et les bois avant d'arriver au village et avant que sonne midi, j'arrive à Saint-Loup sans avoir approché la grand'route sur laquelle je vois passer au loin des convois allemands. Bonne pioche ! Le bourg ne semble pas avoir souffert des combats, il n'a pas dû y en avoir beaucoup dans le coin. Les Allemands sont là et bien là. Passage par l'église qui est sur la même rive. Elle est quasiment vide, nous ne sommes donc pas dimanche. Je m'enquière : « Excusez-moi, mon père, je marche depuis tant de temps sur les routes que j'en ai perdu la notion. Quel jour sommes-nous ? - Vendredi 21, mon fils. D'où venez-vous ? - De Belgique, je ne sais où aller et je n'ai plus rien à manger depuis hier. - Allez à la mairie, ils pourront peut-être vous aider. » Il me donne un petit morceau de pain et m'indique la direction à prendre. Je le remercie et sort. Je ne le lui ai bien entendu pas dit mais je préfère passer par la passerelle que par le pont principal où il y a trop d'uniformes verts à mon goût. Je prends le quai Mace et arrive à la rue Henry Guy où se trouve la Mairie. Au passage, la rue de la Place des Fusillés ne s'appelle encore que rue de la Place... Ça fait froid dans le dos. Quelques soldats à la mairie mais le maire est là où des réfugiés se pressent déjà. Albert Jacquey, je l'apprendrai plus tard, est un syndicaliste très engagé dans les mouvements sociaux. Il fait ce qu'il peut pour nous aider. Ayant bénéficié ici aussi d'un peu de pain, je l'informe que j'ai travaillé dans le maraîchage et que je suis prêt à aider là où on en a besoin, il m'indique une ferme où il sait que je pourrai m'employer. J'en profite pour lui demander s'il n'y aurait pas quelques journaux de ces derniers temps, je n'ai eu à peu près aucune nouvelle sur la route. Il me répond qu'il me donnera les siens et m'informe rapidement que l'armistice a été demandé mais que les combats n'ont pas cessé partout, ce qui semble toutefois être le cas dans la région. Il ne semble pas particulièrement satisfait du discours du Maréchal. Je le remercie, lui dit que je repasserai pour les journaux et prends la route pour la ferme où on me met tout de suite au travail. Ce soir, après une journée chargée, un bol de soupe et encore un lit de paille mais je m'y endors plus sereinement. J'ai l'impression de n'avoir jamais encore connu un tel luxe. https://remonterletemps.ign.fr/comparer/?lon=6.231427&lat=47.886662&z=12.9&layer1=1&layer2=7&mode=dub 1 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
collectionneur Posté(e) le 1 janvier Share Posté(e) le 1 janvier @DMZ Merci et bonne année2025 - dans notre continuum espace temps - ;) 1 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
DMZ Posté(e) le 2 janvier Share Posté(e) le 2 janvier (modifié) Monsieur Lambda Troisième jour - Samedi 22 juin - Projets Nouveau lever aux aurores. Je ne traîne pas, on a toujours commencé tôt à la campagne et je suis même le dernier à table au déjeuner mais ça a l'air de passer. Rapide nettoyage à la pompe dans la cour. Pas de brosse à dents, l'hygiène va être sommaire, il faut que je fasse attention à tout un tas de choses. C'est un point intéressant, ça, je vais essayer de stimuler la recherche médicale avec les antibiotiques pour commencer. Je n'ai pas de connaissances hormis mon brevet de secouriste mais je sais que la pénicilline va bientôt arriver aux USA. Voilà une première idée, après tout, j'ai une formation scientifique au départ, je vais éplucher les publications de l'époque et proposer des axes de recherche. Les travaux de la ferme n'attendent pas, je penserai à tout cela demain. Quatrième jour - Dimanche 23 - L'Assommoir Départ en groupe pour la messe, je n'y suis jamais allé, je n'ai même aucune formation religieuse quelle qu'elle soit mais j'ai quand même un peu de culture générale, ça va passer. Au pire, je me définirai comme étant d'origine huguenote pour expliquer mon manque de savoir. Sur le parvis de l'église, grosse cohue, les gens sont partagés entre abattement et soulagement : l'armistice a été signé hier soir mais les combats continuent car il n'entrera en vigueur qu'après signature avec l'Italie. Bien que non croyant, je dois reconnaître qu'il y a une réelle communion durant la messe pour tous ces gens qui vivent cette catastrophe. J'en profite pour évaluer un peu les participants qui m'entourent. Rien de bien net s'en dégage, ils sont tous captivés par la célébration. Je vois tout de même deux ou trois vieux difficilement retenir des larmes. Je pars à la recherche du maire, il est toujours à la mairie à s'occuper de nouveaux arrivants. Je lui propose mon aide en ce dimanche, il me remercie mais il gère la situation, il n'y a pas beaucoup de déplacés dans la région, ce sont surtout les problèmes du fait des départs qui le préoccupe, des boulangers sont partis, on ne sais s'il y aura assez de farine pour les autres. Je glane quelques informations sur la ville à cette époque, petite cité industrielle avec des fabriques de meubles « Parisot » (un lien avec Laurence Parisot ? [1]), « Usines Réunies » ou la coopérative ouvrière « L'Avenir » et quelques autres de moindre importance : clouterie... L'ensemble tourne au ralenti depuis la mobilisation par manque de main-d'œuvre et de débouchés. Ça me donne quelques idées : les pénuries de toutes sortes à venir vont créer des opportunités, je me souviens de films ou de documentaires où on voit les vélo-taxi à Paris ou bien un écrivain s'étant fait construire une mini pièce de travail pour n'avoir à chauffer qu'un espace restreint. Je vais suggérer des véhicules légers en bois à propulsion musculaire et de l'isolation thermique, il doit y avoir tout ce qu'il faut pour fabriquer ça et on utilisera de la main-d'œuvre féminine. Si ça peut me donner une légitimité et un ancrage dans la région en plus d'un revenu, ce sera tout bénéfice. De plus, avec un statut de commercial, je pourrais facilement voyager dans toute la France, peut-être même en zone non occupée, il y aura moyen de réfléchir au moyen de collecter des informations ou de créer des réseaux de manière discrète. J'évoque ces possibilités, sans parler encore de résistance, avec Albert Jacquey qui se montre fort intéressé et m'invite chez lui à dîner à midi et pour consulter ses journaux. Après un bon repas où j'apprends qu'Albert Jacquey a été marchand de vin (c'est vrai qu'on a bu un rouge très correct) après s'être fait licencier en 1909 de la société des « Usines réunies » où il était sculpteur sur bois et que le syndicat ait été détruit suite à une dure grève, je m'ouvre à lui de ma « situation ». Je lui raconte qu'ayant reçu ma feuille de route alors que j'étais à Bouillon, proche de la frontière française, je n'ai pu rejoindre le centre de mobilisation du fait de l'avance allemande et que j'ai fui, comme tant d'autre, vers le Sud où les combats m'ont rattrapé à quelques kilomètres d'ici. Pourrait-il m'aider à régulariser une situation précaire ? Il ne sais pas encore comment mais m'assure qu'il va faire son possible. Les journaux (« Le Temps » et « Le Petit Parisien ») sont très instructifs même si j'y décerne un lot de propagande bien trop optimiste quand on voit la suite des événements. Résumons : Crises ministérielles à Paris et à Londres le 10 mai, si Reynaud reste Président du Conseil, Churchill remplace Chamberlain au « 10 ». Le même jour, les Allemands attaquent aux Pays-Bas (c'est toujours la Hollande pour les Français à l'époque), Belgique, Luxembourg. La C. G. T. appelle à la défense du pays. La Suisse mobilise. La guerre continue en Chine contre le Japon. Roosevelt est tout proche de se voir désigner à nouveau comme candidat démocrate. Discussions commerciales entre le Royaume-Uni et l'Union Soviétique. Tiens ? Malgré le pacte germano-soviétique et l'agression de la Pologne, les liens ne sont pas rompus... Rationnement du charbon, ça a donc commencé bien avant la défaite. Petites annonces : villa à louer, pension de famille, c'est vrai que trouver des pieds-à-terre à droite, à gauche pourrait être intéressant mais les moyens de se les payer ? Demande d'emploi : Diplômé H. E. C., langues anglais, allemand, poste importants et missions difficiles U. S. A. Orient, Europe... Hautes relations... Qui cela peut-il bien être ? Notons les coordonnées. Suivre les petites annonces, ça peut donner des idées. Le dollar est à 52 francs et la livre sterling à 176 francs, donc la livre à un peu moins de 3,4 dollars, je ne sais pas si ça va me servir mais gardons ça en tête. [1] Oui, Laurence Parisot est l'héritière du groupe. Sources : https://maitron.fr/spip.php?article87701 « Le Temps » - 11 mai « Le Petit Parisien » - 11 mai Deux autres quotidiens qui auraient eu plus de chances de se trouver chez Albert Jacquey mais il se sont pas sur Gallica à cette date. Arrêt de parution dû à la guerre ? « Le Populaire » - 31 décembre 1939 « L'Homme Libre » - 10 octobre 1939 Modifié le 2 janvier par DMZ corrections mineures 1 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
DMZ Posté(e) le 3 janvier Share Posté(e) le 3 janvier Monsieur Lambda Dimanche 23 juin - Durer Après avoir passé en revue quelques journaux, je reprends la discussion avec Albert Jacquey : « Merci beaucoup pour ces lectures, j'ai une vision un peu plus claire de la triste situation dans laquelle nous sommes. - Si tant est que nous puissions avoir des nouvelles valables, la censure est passée par là et les journaux font la girouette. Nous aurions eu plus d'informations avec Le Populaire. » Le bougre n'a pas tort, entre les déclarations triomphantes du début des combats et le suivisme actuel de Pétain, la crédibilité des journalistes de l'époque n'est pas bien grande. « Mais je voudrais revenir sur mes problèmes à court terme, je ne sais si je vais pouvoir rentrer de sitôt en Belgique et il me faut songer à m'établir au moins temporairement dans la région. De plus, cela me permettra de voir si je peux aider à la remise en route des usines dont je vous ai parlé hier. J'ai déjà le gîte et le couvert assuré pour le moment mais je ne sais pour combien de temps. Sauriez-vous s'il serait possible d'avoir un petit lopin pour cultiver quelques légumes, de manière à assurer ma subsistance ? - Ah, ça ! Ce n'est malheureusement pas les jardins en friche qui manquent ! Il y a trop d'hommes qui sont partis au front et trop de gens qui ont fuit depuis le 10 mai. Mais j'escompte bien que les uns et les autres reviennent sous peu avec l'armistice signé. » Il semble me souvenir que les prisonniers le sont restés jusqu'à la fin de la guerre et qu'il se fasse de grosses illusions. « Je l'espère de tout cœur pour vous et pour eux mais si je peux faire quelque chose en attendant leurs retours, ça peut peut-être éviter de perdre une récolte. Je pourrais y travailler une ou deux heures par jour en sus de mon travail à la ferme. - Vous avez raison, je vais vous indiquer un lieu que vous pourrez occuper jusqu'au retour du propriétaire, c'est un ami, ça ne posera pas de problème, au contraire, si vous vous le le mettez en valeur dans l'intervalle. Ce sera un fermage, vous le payerez avec une partie de la récolte. - Ça me semble tout-à-fait raisonnable. Il me faudrait, bien entendu, quelques outils et semences que je n'ai pas les moyens d'acheter actuellement. - Ce ne sera pas un problème, je m'occuperai de tout cela demain. - Pour les projets industriels, j'aimerais vous proposer quelques idées dont vous pourrez me dire si elles sont réalisables ou non. Je pense au transport, nous sommes rationnés en essence et je doute que ça s'arrange rapidement, des véhicules légers, tricycles ou quadricycles, à propulsion humaine trouveraient facilement preneurs sur le marché. - Je pense que vous avez raison mais nous ne fabriquons pas de tels engins. Est-ce réalisable dans nos usines ? Je vais demander aux contremaîtres encore en place. - Il y a aussi le problème du chauffage. Le charbon est rationné, nous devons l'économiser. Si nous isolons les maisons, les besoins vont beaucoup diminuer. - Qu'entendez-vous par isoler les maisons ? - Par les toits, les portes et les fenêtres, beaucoup de chaleur se perd. Si nous installons des huisseries plus efficaces, cette déperdition peut être fortement réduite. Un kilo de charbon ou une bûche dureront plus longtemps pour offrir la même température et donc il en faudra moins pour passer l'hiver. - Une idée intéressante mais, dites-moi, vous êtes sûr d'être paysan ? Vous avez bien des connaissances... - J'ai en effet un aveu à vous faire, je suis un peu autre chose et je n'ai jamais cultivé que pour mon plaisir. J'ai une formation technique et je suis curieux. Ma situation est assez compliquée. - Je n'ai pas besoin d'en savoir plus. Vous m'avez l'air d'un brave homme et si vous pouvez nous aider dans ces temps difficiles, je serai bien bête de ne pas en profiter. Vous n'avez rien fait de répréhensible, rassurez-moi ? - Non, non. Je vous l'assure. Je vous raconterai tout cela un jour mais il faudra un peu de temps. - Bien, restons-en là sur ce point. J'ai bien noté vos demandes et je vais voir comment y répondre. - Pourriez-vous me procurer quelques feuilles de papier et des crayons que je puisse y détailler ces premières idées ? - Bien entendu. Je vais vous chercher cela. » Je rentre à la ferme en fin d'après-midi en croisant nombre de soldats allemands, je ne suis pas très fier, il ne faudrait pas qu'il me croient soldat défroqué. Heureusement, Jacquey m'accompagne un bout de chemin et me sert de caution. Je me mets rapidement au travail pour élaborer quelques projets. Bien que n'étant pas ingénieur, j'ai conscience que la fabrication de véhicules va se heurter à des difficultés liées à la fourniture d'accessoires tels que roues, pneus ou chaînes. Il en sera de même pour les fenêtres à double vitrage que j'aimerais voir produites. Les techniciens des usines du coin saurons dire ce qu'il est possible de faire et d'obtenir ou non. Premier projet donc, un tricycle "pousse-pousse" pour faire du vélo-taxi tel qu'on en voit (verra, j'ai toujours du mal à m'y faire) dans les grandes villes autour des gares et dans les zones touristiques : un conducteur qui pédale devant et une banquette pour deux personnes derrière. À compléter avec un petit quadricycle biplace pour particuliers. Prévoir des carrosseries couvertes ou des capotes pour les jours d'intempéries. Pour les fenêtres, c'est beaucoup plus simple, les modifications sont mineures par rapport à la technologie de l'époque et le seul point délicat sera de se procurer des vitres. Quelles disponibilités dans un pays dévasté et soumis au réquisitions allemandes et au blocus britannique ? Il faut recenser les verreries et c'est l'occasion de faire des premiers voyages en France sous cette couverture. L'isolation des maisons peut être faite avec des copeaux de bois agglomérés. Il faudra trouver des spécialistes du bois, ce ne sera pas difficile dans cette région, et peut-être des chimistes pour produire de la colle et des joints d'isolation. Encore une bonne raison de se déplacer. Continuons dans les économies d'énergies, les chauffe-eau solaires sont de technologie assez simple, si on peut avoir un peu de métal et, ici aussi, quelques vitres, l'affaire est faite. Après tout, il y eut bien production de gazogènes pour les voitures. Et toujours du verre pour construire des serres, ce qui permettra de prolonger la production de légumes tardifs. Compte tenu des capacités industrielles du coin, je crois qu'il y a là déjà assez pour faire tourner les usines et les ouvriers qui restent. 1 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
collectionneur Posté(e) le 3 janvier Share Posté(e) le 3 janvier Attention, la préfecture risque de s'intéresser à lui s'il prend trop d'ampleur au delà du canton. Se faire passer pour belge risque de ne pas tenir longtemps. Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
DMZ Posté(e) le 3 janvier Share Posté(e) le 3 janvier (modifié) Pourquoi un entrepreneur cherchant à résoudre les problèmes de l'heure attirerait-il plus l'attention des autorités, et surtout en mal, que les étudiants qui vont manifester le 11 novembre ou les réfugiés et les sans-abri qu'il faut loger, nourrir, contrôler, rapatrier le cas échéant ? En AFN, OTL, un officier polonais a monté une société de meunerie qui lui a permis (outre bien gagner sa vie) de voyager librement de la Tunisie au Maroc et de collecter des renseignements pour les Anglo-américains pendant deux ans sur les défenses côtières, leur permettant de tellement bien préparer le débarquement que, de l'avis d'un historien (je n'ai plus la référence du documentaire sur cet officier), ce fut une des raisons les ayant amenés à choisir ce théâtre plutôt que la France métropolitaine ou les Balkans. Non, je ne suis pas plus inquiet que ça, d'autant que... mais ne dévoilons pas la suite ! Édition : Il s'agit de Mieczysław Słowikowski : https://fr.wikipedia.org/wiki/Mieczysław_Słowikowski Citation Sa couverture en tant qu'entrepreneur de la fabrique d'avoine Floc-Av lui conférait un statut d'élite sociale et un accès facile aux informations circulant parmi les personnes d'un rang social élevé. En tant que propriétaire d'une entreprise extrêmement rentable, il pouvait ainsi voyager librement, sans être soupçonné et pour des raisons professionnelles, dans la zone de surveillance. La demande de farine de blé est énorme dans cette région : les militaires en ont besoin, et elle est même acheminée vers les camps de prisonniers de guerre français dans le Reich. Wikipedia pl - Traduit avec DeepL.com (version gratuite) Modifié le 3 janvier par DMZ Mieczysław Słowikowski 1 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
DMZ Posté(e) le 4 janvier Share Posté(e) le 4 janvier Monsieur Lambda Cinquième jour - Lundi 24 juin - On s'organise Les travaux à la ferme m'occupent tout le jour mais Jacquey vient nous rendre visite pour me confirmer la disponibilité du jardin et expliquer aux paysans qui m'emploient mon projet. Ils tiquent un peu à cause des moissons mais l'autorité du maire finit par l'emporter avec mon engagement à ne pas passer plus de deux heures par jour pour moi. Comme de toutes manières je ne suis pas payé, ils n'ont pas beaucoup d'alternatives et acceptent de mauvais gré. Je sens un sourd ressentiment monter et je vais devoir m'appliquer à le désamorcer si je veux rester là dans des conditions correctes. Si ça ne marche pas, il faudra asseoir mon activité de conseil pour m'émanciper mais j'ai tout intérêt à continuer à profiter des avantages matériels de ma situation à l'heure actuelle. La ville grouillant toujours d'uniformes vert-de-gris, j'évite d'y aller et nous convenons d'attendre un peu que les choses se tassent et que j'ai des papiers, ce dont Jacquey s'occupe déjà. Sixième jour - Mardi 25 juin - Alea Jacta Est L'armistice a été signé avec les Italiens et est entré en vigueur cette nuit. Les combats sont bel et bien terminés en France. Je rejoins Jacquey en fin de journée en ville non sans quelques frayeurs car les Allemands continuent leur chasse aux soldats "démobilisés". Je suis sauvé in-extremis par Jacquey qui certifie que je suis un réfugié belge. Il faudra être beaucoup plus prudent. Jacquey me fait découvrir le lieu promis. Ça doit faire trois cent mètres carrés, juste la bonne taille, il me faudra déjà un certain temps pour l'exploiter pleinement avec le peu de temps que j'aurai à lui consacrer. C'est bien exposé et les maisons avoisinantes doivent le protéger des rigueurs de l'hiver, bon point. Il y a tous les outils nécessaires, des pots sous l'appentis et de l'eau à volonté. Je reconnais le quartier, même s'il semble maintenant beaucoup plus ouvrier que résidentiel, mais je n'y ai plus aucune connaissance... Je passe à mon bienfaiteur quelques informations et croquis issus de mes cogitations. Il a déjà pris contact avec ses anciens compagnons d'usine et me promet de leur montrer tout cela demain. Il n'a pas de réponses à mes interrogations mais est persuadé qu'eux en auront. Retour à la ferme après l'heure du souper. Un bol de soupe m'attend, ça devrait bien se passer finalement. Il me faudra un vélo si je ne veux pas perdre trop de temps en chemin, j'en toucherai deux mots à Jacquey, j'espère ne pas trop le braquer avec mes demandes incessantes mais je dois aller vite pour m'établir avant l'hiver. Profitons-en pour réfléchir à mes besoins. Un logement si je dois quitter la ferme, des vêtement corrects si je dois me déplacer, un véhicule à moteur ne serait pas du luxe mais je n'y crois pas trop, des papiers, bien sûr, et un petit pécule pour pallier aux imprévus. Septième jour - Mercredi 26 juin - On avance Premiers travaux au jardin, défricher. J'y passe deux heures avant de discuter avec le responsable de la fabrication de « L'Avenir ». Il est confiant sur la faisabilité sous réserve de pouvoir se procurer les matériaux et équipement nécessaires, ce qui n'est pas gagné. Le plus simple est, pour lui, les chauffe-eaux solaires. Avec Jacquey, ils savent déjà où acheter des feuilles d'acier doux et le réseau de distribution peut être mis à profit pour démarcher des clients potentiels. Pour les fenêtres, aucun problème non plus, les acheteurs vont sonner aux portes des verriers. J'insiste pour demander s'il est possible d'avoir du verre épais qui sera encore plus isolant. Les panneaux de bois aggloméré suscitent aussi l'intérêt, il faudra avoir une presse mais ça ne semble pas poser de problème majeur. Par contre, les roues ne seront pas faciles à fabriquer et on ne sait pas si elles seront disponibles, il vaut mieux garder ce projet pour un peu plus tard. Le point noir est le personnel : les usines tournent au ralenti depuis le début de la guerre faute d'ouvriers partis au front. « Et le travail des femmes ? Proposé-je. - Oui, c'est vrai qu'elles furent nombreuses lors de la Grande guerre. - Mais elles sont aux champs qui en ont bien besoin, rétorque notre interlocuteur. - Pas toutes, les femmes d'ouvriers sont souvent sans emploi même si elles ont parfois un petit jardin. Elles seront certainement heureuses d'avoir un gagne-pain. Au surplus, elles pourront faire une matinée aux champs et l'après-midi à l'usine. Et puis les travaux des champs vont diminuer avec l'hiver. » C'est dit et l'organisation se dessine peu à peu. Les quarante heures sont loin... Je rentre éreinté avec la promesse d'une bicyclette pour le lendemain. L'après-midi se termine et je ne voudrais pas attirer l'attention à la nuit tombée, il va falloir éviter les réunions trop tardives. Ou bien avoir un pied-à-terre en ville et partir au petit matin, ce sera moins suspect, les travaux de la ferme me donnant le motif de mon déplacement au saut du lit. Mais alors adieu aux déjeuners et soupers, à éviter pour l'instant, j'en ai trop besoin. 1 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
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