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La communiste (?) Jeannette Jara remporte la primaire de la gauche

https://www.contretemps.eu/chili-victoire-parti-communiste/ (14 juillet 2025)

Le dimanche 29 juin ont eu lieu au Chili les primaires en vue de l’élection présidentielle prévue pour novembre de cette année. Il s’agissait d’une primaire de la coalition gouvernementale à laquelle seuls les partis officiels ont pris part, étant donné que la droite n’est pas parvenue à un accord pour se présenter conjointement ni à s’enregistrer en tant que pacte. C’est un fait crucial : c’est la première fois qu’un seul bloc politique participe à des primaires présidentielles depuis l’instauration du système d’élections primaires en 2012.

Jeannette Jara Román, candidate du Parti Communiste et ancienne ministre du Travail du gouvernement de Boric, s’est imposée avec 60 % des voix — environ 825 000 suffrages — en remportant la victoire dans toutes les régions du pays. L’écrasant pourcentage obtenu par Jara contraste avec le maigre 28 % (385 379 voix) obtenu par Carolina Tohá — ancienne ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique du gouvernement actuel — et candidate de l’alliance Socialisme Démocratique, composée du Parti Pour la Démocratie et du Parti socialiste. La défaite de Tohá, qui selon les sondages avait commencé la course en favorite, vient confirmer le recul déjà amorcé du centre politique incarné par les partis de l’ancienne Concertation.

Pour sa part, Gonzalo Winter, député et militant du Frente Amplio — le parti du président Boric — n’a obtenu que 9 % des voix.

Avec ce résultat, de manière inédite, le Parti Communiste du Chili — pratiquement absent du système politique il y a encore un peu plus de dix ans — prend la tête de la coalition de centre-gauche, reléguant aussi bien les partis qui exerçaient traditionnellement ce leadership que ceux qui l’ont dirigé plus récemment.

Proche des gens, souriante et claire, la campagne de Jeannette Jara s’est principalement appuyée sur l’adhésion et l’enthousiasme suscités par sa personne et son parcours, mettant fortement l’accent sur son histoire personnelle en tant que femme de la classe ouvrière, née dans le quartier populaire d’El Cortijo à Conchalí, ce qui contrastait nettement avec le profil des autres candidats.

Mais il ne s’agissait pas seulement de ses origines. Son long parcours politique — débuté dans les années 1990 comme dirigeante étudiante à la Fédération des Étudiants de l’Université de Santiago — inclut également son engagement comme dirigeante syndicale, sous-secrétaire à la Prévoyance sociale durant le second gouvernement de Michelle Bachelet, et ministre du Travail sous l’administration de Gabriel Boric.

En tant que ministre du Travail, Jeannette Jara a incarné l’efficacité dans la gestion gouvernementale. Dans un contexte de minorité parlementaire, elle est parvenue à réaliser deux des principaux engagements programmatiques du gouvernement : la réduction de la durée légale du travail à 40 heures hebdomadaires et la réforme du système de retraites. Durant la campagne, son cheval de bataille fut justement de mettre en avant cette capacité de gestion, en particulier son aptitude au dialogue avec le patronat et l’opposition, acteurs clés dans la négociation des deux réformes.

Cependant, ces conquêtes ont eu un prix, objet de vives critiques de la part des milieux syndicaux et sociaux. Dans le cas de la réduction du temps de travail, l’accord a impliqué l’intégration de mécanismes de flexibilité défendus par le patronat. Pour la réforme des retraites, la promesse d’améliorer le montant des pensions s’est accompagnée non seulement du maintien du système privé actuel, mais aussi d’une augmentation de près de 50 % de la capitalisation des assureurs, alors même que le programme gouvernemental et le PC eux-mêmes avaient promis d’y mettre fin.

Cela contribue à expliquer, en partie, les tensions qu’a rencontrées la candidature de Jeannette Jara au sein même de son parti. Loin du soutien affiché par la direction historique du PC — clairement encline à soutenir le leadership d’un Daniel Jadue empêtré dans des affaires judiciaires[7]— cette prise de distance a fini par renforcer, plutôt que fragiliser, la portée de sa campagne, en élargissant son socle de soutien au-delà des rangs strictement partisans.

Jeannette Jara a su tirer profit de cette position. Sur des sujets sensibles, comme les questions récurrentes de la presse dominante concernant la situation des droits humains à Cuba et au Venezuela, elle n’a pas hésité à souligner que, au-delà des positions du Parti Communiste, c’est elle — en tant que future cheffe d’État potentielle — qui fixerait la ligne de la politique étrangère du Chili. Dans son discours de victoire, elle a déclaré :

« Je ne veux pas d’un Chili subordonné à des gouvernements étrangers ni à des modèles extérieurs, c’est pourquoi je maintiendrai une politique internationale fondée sur l’indépendance et le multilatéralisme, et qui défendra les droits humains partout dans le monde où ils sont violés. »

Concernant son programme, parmi les principales mesures proposées figurent des initiatives visant à renforcer l’État social, la redistribution et les droits sociaux. Sur le plan économique, elle propose de stimuler la demande intérieure par l’augmentation du salaire minimum, la création d’emplois et le renforcement de la négociation collective.

En matière de sécurité publique, elle envisage de renforcer les forces de police actuelles (carabiniers et police d’investigation), de traquer les circuits financiers du narcotrafic et de lever le secret bancaire pour faciliter ces enquêtes. En matière de santé, elle défend le renforcement du système public, avec un accent particulier sur la réduction des délais d’attente, en précisant qu’il ne s’agit pas de remplacer le secteur privé, mais de renforcer l’offre publique. En matière de retraites, elle propose la fin des AFP (Administradoras de Fondos de Pensiones)[8] et la création d’une assurance sociale solidaire de nature publique.

En matière de genre, le programme inclut un accès garanti à la santé sexuelle et reproductive — y compris l’avortement sans condition —, la mise en place d’une éducation sexuelle intégrale (ESI) et la parité à tous les niveaux de représentation. Sur le plan de la redistribution, il prévoit la création d’un impôt sur les ultra-riches, la rémunération du travail reproductif et de soin, ainsi que la régulation publique des services essentiels pour garantir des tarifs justes, des subventions différenciées pour les populations les plus vulnérables, et l’étude de la création ou du renforcement d’entreprises publiques dans des secteurs stratégiques.

Selon les enquêtes d’opinion, l’intention de vote majoritaire au Chili se concentre actuellement sur les trois principales candidatures de la droite : un véritable triumvirat de « patriotes allemands » composé d’Evelyn Matthei, José Antonio Kast et Johannes Kaiser.

José Antonio Kast, porte-drapeau du Parti Républicain d’extrême droite, a connu une progression constante et caracole aujourd’hui en tête des sondages, apparaissant comme favori pour passer au second tour. Celui qu’on surnomme le « nazi de Paine » — en référence à la zone rurale où sa famille d’origine allemande s’est installée et complice civile des crimes perpétrés par la dictature contre les paysans — avait été, en 2021, le candidat qui avait recueilli le plus de voix au premier tour, s’imposant largement dans 11 des 16 régions du pays. Toutefois, la mobilisation du vote populaire au second tour avait permis d’inverser le résultat en faveur de l’actuel président Gabriel Boric.

Selon le dernier sondage du CADEM, dans un éventuel second tour entre Jara et Kast, le candidat « républicain » obtiendrait 50 % des voix, tandis que la candidate communiste en obtiendrait 30 %.

Le candidat Kaiser a clairement annoncé le contenu anticommuniste de sa campagne. Dans son premier discours après les primaires, il a attribué au PC chilien la responsabilité de plus de « 100 millions de morts » sous le stalinisme et a affirmé que la victoire du Parti communiste représente un danger pour les institutions, que cette élection est un enjeu pour la démocratie et que le Parti Communiste entre dans l’État par la voie électorale pour ne plus jamais en sortir. Il a tenu ces propos en compagnie d’anciens agents de la dictature, dont l’un a été condamné par la justice chilienne pour torture.

Plus modéré, Kast a déclaré que c’était une mauvaise nouvelle pour le pays que quelqu’un de la gauche radicale dirige la coalition au pouvoir, que le gouvernement actuel était un échec et s’est empressé d’affirmer que la stratégie déployée par sa candidature s’affirmait comme la bonne.

De leur côté, les médias dominants relaient l’idée qu’il serait non seulement indésirable – en raison du danger pour la démocratie – mais aussi impossible qu’une militante du Parti Communiste accède à la présidence d’un pays par la voie électorale.

Publié initialement par Jacobin América Latina. Traduit de l’espagnol (Chili) par Christian Dubucq pour Contretemps.

https://nationalinterest.org/feature/will-chile-elect-communist-president (8 août 2025)

Ministre du Travail et figure de proue du Parti communiste chilien, Jara passera très certainement le cap du premier tour des élections générales chiliennes, prévues le 16 novembre. Cependant, malgré sa personnalité attachante et certaines réalisations concrètes à son actif, elle devra mener un combat difficile contre un adversaire conservateur lors du second tour, un mois plus tard.

De nombreux Chiliens considèrent le Parti communiste avec une profonde méfiance, se souvenant à la fois de son rôle dans le gouvernement chaotique de Salvador Allende (1970-1973), qui a été suivi d'un coup d'État militaire et du régime du général Augusto Pinochet. De plus, pendant plusieurs années après le retour à la démocratie en 1990, la branche armée du Parti communiste s'est livrée à des actes de terrorisme répétés. Même aujourd'hui, le Parti communiste chilien est largement dirigé par des marxistes purs et durs, n'ayant jamais subi les réformes qui ont balayé ses partis frères en Europe occidentale dans les années 1970 et 1980.

Mais Jara pourrait tirer profit des divisions entre les partis conservateurs chiliens, qui n'ont pas encore choisi leur porte-drapeau et pourraient désigner une personnalité d'extrême droite qui pourrait déplaire aux électeurs centristes. Elle devra toutefois supporter le poids de l'impopularité de l'actuel président, Gabriel Boric. Son mandat a débuté dans l'enthousiasme pour un nouveau type de politique de « nouvelle gauche », mais il n'a pas réussi à apporter des solutions convaincantes à la stagnation économique et à l'augmentation de la criminalité.

Le Parti communiste chilien a une longue et tumultueuse histoire. Interdit par intermittence, il a développé une base militante parmi les travailleurs syndiqués de l'industrie et des mines, tout en gagnant le soutien des intellectuels chiliens, dont le poète Pablo Neruda, lauréat du prix Nobel. Lorsque Salvador Allende (lui-même membre du Parti socialiste, tantôt partenaire, tantôt rival des communistes) est arrivé au pouvoir de manière démocratique avec l'objectif d'instaurer de profonds changements d'orientation marxiste, le parti a apporté un soutien essentiel à son gouvernement, notamment en l'aidant à nouer des liens avec l'Union soviétique et Cuba.

Après le coup d'État militaire de 1973, qui a porté le général Pinochet au pouvoir, la direction du parti s'est exilée en Union soviétique. Parallèlement, elle a créé le Front patriotique Manuel Rodriguez (FPMR), une organisation clandestine de combat qui a mené des attaques contre des installations gouvernementales et a failli assassiner Pinochet en 1986.

Au départ, le Parti communiste a maintenu sa position selon laquelle seule la lutte armée pouvait renverser le gouvernement militaire et a rejeté les efforts des socialistes et des centristes visant à opérer une transition pacifique du pouvoir. En conséquence, il a refusé de participer aux négociations qui ont conduit à la création d'un gouvernement civil en 1990. Le FPMR a continué à recourir à la violence et, peu après le retour à la démocratie, il a assassiné Jaime Guzmán, juriste constitutionnel qui avait été le principal idéologue du régime Pinochet, et est resté actif jusque dans les années 1990.

Finalement, les communistes ont pris leurs distances par rapport au groupe de guérilla qu'ils avaient créé et ont commencé à participer à la vie politique électorale, remportant un faible pourcentage des voix aux élections présidentielles. Néanmoins, le parti a conservé sa structure et sa vision du monde léninistes. Alors que les gouvernements de centre-gauche et de centre-droit se succédaient au pouvoir, ils ont maintenu une distance critique et sont restés à l'écart des courants réformistes de ce qu'on a appelé « l'eurocommunisme », qui ont influencé les partis d'Europe occidentale.

Le Parti communiste chilien a toutefois gagné en puissance pendant le second mandat de la présidente Michelle Bachelet (2014-2018). Il a soutenu sa candidature, dans l'espoir qu'elle mènerait une politique plus résolument à gauche au cours de son second mandat. Des membres du parti ont occupé des postes au sein du gouvernement et les communistes ont remporté des sièges au Congrès chilien.

La politique chilienne est revenue au centre-droit pendant la présidence de Sebastián Piñera (2018-2022). Cependant, la fin de son mandat a été marquée par plusieurs mois d'« explosion sociale » sous forme de manifestations, dont certaines ont été violentes, qui ont semblé sonner le glas de la politique consensuelle au Chili, malgré des décennies de croissance économique et de réduction de la pauvreté. Une nouvelle politique de gauche a émergé, menée par d'anciens leaders étudiants qui se concentrent sur des questions telles que l'environnement et les droits des femmes, des personnes LGBTQ et des groupes autochtones, plutôt que sur les préoccupations traditionnelles de la gauche concernant les inégalités économiques et la redistribution.

Cela a conduit à l'élection à la présidence de Gabriel Boric, ancien leader étudiant devenu député, sous la bannière d'une coalition de petits partis de gauche nouvellement créés, connue sous le nom de Front large. Les communistes chiliens ont soutenu sa candidature, tout comme les partis de centre-gauche du Chili. Boric a fait appel à des communistes pour plusieurs postes importants, notamment Jara, qu'il a nommée à la tête du ministère du Travail. Elle représentait la nouvelle génération de communistes connue sous le nom de recambio (le remplacement), considérée comme plus à l'aise avec les médias et plus habile politiquement que les anciens dirigeants du parti.

Jara s'est révélée être l'une des figures de proue du gouvernement Boric, projetant une image informelle et sympathique, celle d'une « femme comme les autres », fille de parents ouvriers issus d'un quartier défavorisé de Santiago. Elle s'est montrée une négociatrice habile, ce qui était particulièrement important étant donné que Boric ne disposait pas d'une majorité au Congrès. Elle a contribué à faire adopter une loi qui a augmenté le salaire minimum et réduit la semaine de travail.

Boric (aux côtés de Jara et des communistes) est entrée au gouvernement, exigeant que le système de retraite privatisé du Chili soit remplacé par un système géré par l'État. Finalement, elle a toutefois négocié une réforme qui a maintenu le système privatisé intact, tout en augmentant les prestations et en renforçant la surveillance, ce qui lui a valu les éloges du monde des affaires, au prix d'un certain mécontentement parmi les militants de gauche, tant au sein du Parti communiste qu'à l'extérieur.

La performance de Jara a redoré le blason d'une administration qui a connu dans l'ensemble des moments très difficiles. Élu comme alternative à la « politique habituelle », le cabinet Boric a été secoué par une série de scandales et de faux pas. De plus, l'opinion publique s'est de plus en plus concentrée sur la croissance économique atone et la hausse de la criminalité, des questions qui ont mis l'équipe de Boric sur la défensive.

Kast avait perdu face à Boric au second tour des dernières élections chiliennes, le public ayant été effrayé par certaines de ses positions sur des questions sociales telles que l'avortement, ainsi que par ses commentaires sympathiques à l'égard de l'ère Pinochet. Cependant, il se concentre désormais principalement sur l'économie et la criminalité. S'il devait être le candidat de la droite au second tour, comme cela semble probable à l'heure actuelle, Jara utilisera son bilan pour le dépeindre comme un extrémiste. Et, bien sûr, il fera de même avec elle.

En tant que leader d'une large coalition de gauche, Jara devra trouver un moyen de minimiser, sans pour autant renier, ses liens étroits avec un Parti communiste qui n'a pas évolué. Le chef du parti, Lautaro Carmona, a clairement exprimé son point de vue lors du congrès du parti en janvier : « En tant que parti, nous nous basons sur les principes marxistes-léninistes qui guident notre lutte pour une société juste et équitable fondée sur le remplacement du capitalisme par le socialisme et, en dernier ressort, par le communisme. »

La politique étrangère ne devrait pas occuper une place prépondérante dans la campagne, à l'exception des opinions des candidats sur le Venezuela, le Nicaragua et Cuba. Boric, dans le cadre de son soutien général aux droits de l'homme, s'est montré assez sévère à l'égard du Venezuela et du Nicaragua dans les forums internationaux, mais a évité de critiquer Cuba par égard pour ses partenaires communistes de la coalition, qui entretiennent depuis longtemps des relations étroites avec le régime de La Havane.

Jara a généralement suivi cette approche. Cependant, elle s'est attiré des ennuis après avoir décrit Cuba comme un « système démocratique différent du nôtre ». Par la suite, elle a déclaré qu'elle était d'accord avec les rapports des Nations unies détaillant les violations des droits humains à Cuba. Dans l'ensemble, elle insiste sur le fait que ces questions détournent l'attention des problèmes propres au Chili, mais la réalité est que quoi qu'elle dise, cela risque de mécontenter l'un ou l'autre camp du spectre politique.

Richard M. Sanders est chercheur principal pour l'hémisphère occidental au Center for the National Interest. Ancien membre du service diplomatique supérieur du département d'État américain, il a travaillé à l'ambassade des États-Unis au Chili de 1991 à 1994 et a occupé le poste de directeur du Bureau des affaires brésiliennes et du Cône Sud de 2010 à 2013.

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