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Bon ben voilà, je suis nouveau, je suis tombé sur le site par hasard. Et je voulais juste vous dire que, ben aà présent faudra compter aussi avec moi sur ce forum. Enfin comme mon nom l'indique je suis un russophile de plus qui viens vous embetez ( et qui parle russe, ça peut servir :D, ça serait dommage d'être un russophile en 2eme année de Licence de Russe mais ne sachant pas parler, hihi)... ) Evident j'ai parcouru le forum et vous vous doutez surement que je rejoint les théses des plus fervents russophiles déja présent... Enfin bref, vodka pour vous servir... ( c'est sur que des pseudo comme ça on les retient hein?) on se croisera bientot sur le forum... 8) Allez vous inquietez pas, je vous charie ( du verbe charier, en char??) un peu la

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salut Vodka et bienvenue !

J'aurai aimé avoir l'avis d'un russophile sur cet article de la très sérieuse revue Politique internationale

VIATCHESLAV AVIOUTSKII

LA RUSSIE ET L'ISLAM

Au cours de ces derniers mois, deux dossiers ont particulièrement empoisonné les relations russo-américaines et russo-européennes. Ces sources de discorde portent sur deux pays musulmans : la Syrie et l'Iran. Le 16 février, les autorités russes ont annoncé qu'elles conduisaient avec Damas des négociations au sujet d'une éventuelle livraison de missiles antiaériens Strelets - une nouvelle qui a provoqué la colère des Israéliens et suscité la préoccupation des Américains et des Européens. Deux jours plus tard, le président Vladimir Poutine a reçu au Kremlin le chef du Conseil national de sécurité iranien, Hassan Rohani. Lors de cette entrevue, Poutine a promis que la Russie allait " poursuivre sa coopération avec l'Iran dans tous les domaines, y compris celui de l'énergie atomique ".

Ces deux événements ont mis en évidence la volonté de Moscou de reprendre pied au Moyen-Orient et, plus globalement, dans le monde musulman. Faut-il y voir les signes d'une nouvelle orientation de Vladimir Poutine, qui serait prêt à sacrifier le partenariat stratégique russo-américain au profit d'un rapprochement avec les pays musulmans ? En tout cas, cette tendance n'est pas nouvelle. Elle date d'il y a presque deux ans.

Il faut revenir au 16 octobre 2003 pour comprendre ce tournant majeur de la géopolitique russe qui marquera l'Histoire. Ce jour-là, Vladimir Poutine, invité à un congrès de l'Organisation de la conférence islamique (OCI) tenu à Putradjaya, en Malaisie, a prononcé un vibrant plaidoyer pour un partenariat entre la Russie et le monde musulman.

La présence du président russe à cette réunion était en elle-même un événement exceptionnel. C'était, tout simplement, la première fois que le chef d'une grande puissance européenne était convié à participer aux travaux de ce forum musulman international. Vladimir Poutine ne laissa pas passer l'occasion : jamais, auparavant, un dirigeant russe n'avait aussi franchement tendu la main à la communauté islamique mondiale.

Interprétée comme une preuve de pragmatisme par les uns, comme une action médiatique soigneusement calculée par les autres, cette visite fut généralement considérée par les médias occidentaux comme une nouvelle extravagance du résident du Kremlin. Pour la majorité des observateurs, une chose était sûre : il serait incompatible de poursuivre la guerre contre les Tchétchènes tout en ouvrant la Russie sur le monde musulman. Et, comme il était très peu probable que Poutine lâche du lest sur la question de la petite république frondeuse, son discours de Putradjaya ne fut pas réellement pris au sérieux.

Rares étaient ceux qui avaient compris qu'il s'agissait là, pour la Russie, d'un virage stratégique de tout premier ordre. Qui, en effet, aurait pu penser qu'un homme comme Vladimir Poutine, souvent voué aux gémonies par les musulmans de la planète entière pour sa brutalité dans l'affaire tchétchène, pouvait orienter son pays vers une alliance avec l'aire islamique ? Pourtant, on aurait tort de voir en Poutine un anti-musulman primaire. Avant même son allocution devant les membres de l'OCI, le président avait rompu avec la vision de l'islam professée par ses prédécesseurs au Kremlin : alors que ceux-ci toisaient généralement les disciples de Mahomet avec suspicion et hostilité, Poutine, lui, a souhaité s'appuyer sur la communauté musulmane russe et tisser des liens forts avec les pays musulmans, tout en combattant sans relâche l'islamisme fondamentaliste.

Il convient de rappeler que, au temps de l'URSS comme sous la présidence de Boris Eltsine (1991-1999), les musulmans ont été systématiquement sous-représentés au sommet du pouvoir et de l'armée. Cet ostracisme était dû, en grande partie, à la méfiance traditionnelle des autorités de Moscou à l'égard du monde musulman. Aux yeux du Kremlin, l'islam a toujours été perçu avant tout comme une idéologie dangereuse dont il fallait circonscrire l'influence. L'invasion de l'Afghanistan par l'Armée rouge (1979), le soutien de Leonid Brejnev à Saddam Hussein lors de la guerre Iran-Irak (1980-1988), les affrontements entre les troupes russes et les islamistes du Tadjikistan (1992-1996), les deux guerres de Tchétchénie (1994-1996 et 2000-2004), ainsi que le soutien accordé par Moscou aux Américains dans leur lutte contre le régime des Talibans en place à Kaboul (automne 2001) procèdent tous, à divers degrés, de cette volonté d'endiguement.

Mais en mars 2000, le président Poutine rompt avec la politique d'endiguement actif de l'islam conduite par ses prédécesseurs. D'abord, il entame un dialogue constructif avec la minorité musulmane de Russie en prenant soin de toujours dissocier l'islam " traditionnel " de l'islamisme. Ensuite, il renforce les liens de la Russie avec plusieurs pays musulmans, y compris le régime wahhabite de Riyad. Enfin, il propose, dans le cadre de ce sommet de l'OCI en Malaisie que nous venons d'évoquer, un partenariat global Russie-monde musulman qui doit permettre à Moscou de peser encore plus lourd dans l'arène internationale.

Le respect affiché par Vladimir Poutine pour l'" islam traditionnel " indique-t-il qu'une place plus importante sera donnée à l'avenir aux musulmans russes dans leur pays ? Au niveau international, le rapprochement entre la Russie et les Etats professant l'islam conduit-il à l'émergence d'un bloc islamo-orthodoxe qui, s'il venait à voir effectivement le jour, s'imposerait sans doute comme une nouvelle donne déterminante de la géopolitique mondiale ? En tout cas, une chose est sûre : sous l'impulsion de Vladimir Poutine - aussi paradoxal que cela puisse paraître -, les relations entre la Russie et les musulmans connaissent un réchauffement sans précédent.

La Russie et ses musulmans

Avant d'aborder la question du poids des musulmans dans la Russie de Poutine, il est indispensable de revenir en arrière pour comprendre à quel point les adeptes de l'islam ont historiquement été marginalisés par le pouvoir de Moscou.

Les communistes face à l'islam

Le régime des tsars a laissé un héritage lourd en matière de relations avec les musulmans : en moins de trois siècles, la Russie a livré onze guerres au seul Empire ottoman. Au Caucase, l'armée impériale fut engagée, de 1816 à 1859, dans un interminable conflit armé contre l'imamat avaro-tchétchène de Chamil. Plus généralement, les peuples musulmans conquis au cours du XIXe siècle ont toujours été perçus par les tsars comme des sujets rebelles qui devaient être soigneusement surveillés.

A leur arrivée au pouvoir, les bolcheviks tentèrent de monter, principalement dans les pays tatar et bachkir, mais aussi en Asie centrale et, plus largement, au Moyen-Orient, une version musulmane de la révolution socialiste. Ce fut un échec complet. Quelques années plus tard, le promoteur de ce projet, Mirsaïd Soultangaliev (1892-1940), adjoint de Staline au Commissariat des nationalités, fut lui-même victime de la politique de purges du " petit père des peuples ". Depuis les années 1920, l'URSS n'a plus jamais cherché à faire une vraie place à l'islam et à des dirigeants issus des six Républiques musulmanes du pays (les cinq Républiques d'Asie centrale et l'Azerbaïdjan). Pendant des décennies, l'activisme anti-religieux érigé en dogme en URSS et la prégnance des Russes dans les structures du pouvoir allaient laisser les musulmans aux marges du système.

Dans les années 1930, les bolcheviks fermèrent la plupart des mosquées et envoyèrent la plus grande partie du clergé au goulag. En 1943-1944, Staline fit déporter plusieurs peuples musulmans - spécialement les Tchétchènes et les Tatars de Crimée - qu'il accusait d'avoir collaboré avec les nazis. Il est également à noter qu'on ne compta aucun musulman parmi les membres (ou même les membres suppléants) du Politburo dans la période allant de 1917 à la mort de Staline, en 1953. Cependant, après la disparition du tyran, les cadres d'origine musulmane commencèrent à participer de plus en plus à la direction soviétique.

Les secrétaires généraux du PCUS qui succédèrent à l'" homme d'acier " s'appuyèrent assez largement sur les dirigeants des Républiques musulmanes et, en particulier, sur les responsables ouzbeks. Khrouchtchev (au pouvoir de 1954 à 1964) établit un " lien privilégié ", équivalant en fait à une sorte de patronage, d'abord avec le premier secrétaire de la république socialiste d'Ouzbékistan, Nouriddine Mouhitdinov, puis avec son successeur, Charaf Rachidov. Ce dernier sut maintenir une relation étroite avec Leonid Brejnev (1964-1982). Mais les dirigeants d'origine musulmane restèrent tout de même systématiquement sous-représentés au Politburo. Sous Khrouchtchev, seul Mouhitdinov fit partie de l'instance suprême du PCUS - qui comptait alors quinze membres -, entre 1957 et 1961. Cas unique pour un dirigeant musulman, il fut également élu secrétaire du Comité central. De 1966 à 1987, il n'y eut que deux membres du Politburo (Dinmuhammad Kounaev et Geïdar Aliev) et un membre suppléant (Charaf Rachidov) de confession musulmane. Le Kazakhstanais Kounaev appartint au Politburo de 1971 à 1987. L'Azerbaïdjanais Aliev, lui, y accéda après l'arrivée au pouvoir de Youri Andropov, en 1982.

Mais Andropov, ancien chef du KGB, ne restera pas dans l'Histoire comme un grand protecteur des dirigeants musulmans. Dès son intronisation, il s'attaqua aux élites de l'Ouzbékistan en lançant une enquête spectaculaire connue sous la dénomination d'" affaire du coton ". La direction ouzbek fut accusée d'avoir systématiquement dissimulé depuis des années les chiffres réels des récoltes et de commercialiser les surplus hors du circuit d'Etat. Le N°1 ouzbek, Charaf Rachidov, membre suppléant du Politburo depuis 1966, se suicida en octobre 1983. La presse soviétique se déchaîna alors contre les clans ouzbeks, présentés comme une dangereuse mafia coupable d'avoir gangrené toute la société. Les lecteurs attentifs de ces révélations aussi retentissantes qu'inhabituelles ne manquèrent pas de tracer un parallèle entre l'" affaire du coton ", qui marqua une rapide dégradation des relations entre Moscou et les élites musulmanes soviétiques, et l'engrenage de la guerre d'Afghanistan, dont Youri Andropov fut l'un des promoteurs les plus actifs.

Dans ce contexte, la nomination au Politburo du premier secrétaire du PC d'Azerbaïdjan, Geïdar Aliev (un général du KGB), doit être perçue comme la preuve de la volonté de Youri Andropov de montrer qu'il n'avait rien contre les musulmans, dès lors qu'ils étaient " loyaux ". Aliev intégra le cénacle le 22 novembre 1982. Preuve de confiance supplémentaire, il fut immédiatement nommé au poste de premier adjoint du premier ministre de l'URSS.

Le renouvellement des élites soviétiques impulsé par Mikhaïl Gorbatchev, devenu secrétaire général en 1985, n'allait pas bénéficier aux leaders musulmans. Dinmuhammad Kounaev et Geïdar Aliev furent rapidement écartés. Le remplacement de Kounaev à la tête de la république du Kazakhstan par un Russe, Gennadi Kolbine, provoqua des émeutes anti-russes à Alma-Ata, la capitale. En octobre 1987, Geïdar Aliev fut remercié à son tour. De 1987 à 1990, c'est-à-dire jusqu'à la suppression du rôle dirigeant du Parti, il n'y eut plus aucun dirigeant d'origine musulmane au sein de l'organe suprême du PCUS. Le fragile équilibre entre les élites russes et musulmanes instauré entre 1953 et 1982 fut rompu. Moscou perdit alors le soutien de l'Asie centrale et de l'Azerbaïdjan - un soutien qui lui aurait été indispensable pour espérer prolonger la durée de vie de l'Union soviétique. Sans réelle représentation à Moscou, les leaders centre-asiatiques et azerbaïdjanais allaient désormais s'opposer à une direction plus que jamais dominée par les Russes - et cela, avec d'autant plus de force que, sous l'effet de la glasnost et de la perestroïka, les revendications nationalistes et les récriminations contre le Kremlin allaient croissant dans ces Républiques. Pour ne citer qu'un seul exemple, rappelons que la mise à la retraite d'Aliev coïncida avec le début du conflit arméno-azerbaïdjanais pour le Haut-Karabakh, une enclave peuplée d'Arméniens et située sur le territoire de l'Azerbaïdjan. Par la suite, Bakou ne cessa d'accuser Gorbatchev d'avoir pris le parti d'Erevan en s'entourant de conseillers d'origine arménienne.

Les musulmans dans la Russie post-soviétique

En décembre 1991, l'URSS cesse d'exister. Mais la question de la place réservée à l'islam reste décisive en Russie. Sur les 140 millions d'habitants que compte le pays, 20 millions sont musulmans (principalement répartis au Tatarstan, en Bachkirie et dans le Caucase du Nord). On aurait tort de penser qu'il s'agit de citoyens particulièrement indociles. Malgré la montée en puissance de la religion orthodoxe dans tout le pays - y compris au sommet de l'Etat - et en dépit de l'absence quasi totale de dirigeants musulmans à Moscou, les musulmans de Russie n'ont guère été séduits, depuis quinze ans, par les idées de sécession qu'agitaient certains extrémistes. Le sort de la Tchétchénie, prise dans un étau infernal entre les forces russes et le spectre d'un islam rétrograde, a sans doute refroidi bien des ardeurs indépendantistes...

C'est précisément un Tchétchène qui s'est approché le plus près du sommet du pouvoir russe, au lendemain de la dislocation de l'URSS. En 1992-1993, Rouslan Khasboulatov a livré à Boris Eltsine un bras de fer d'une incroyable intensité. D'abord allié du président russe, qui pesa de tout son poids pour le faire nommer, en 1991, à la tête du Parlement, il s'en éloigna de plus en plus au fur et à mesure qu'Eltsine, assisté de son premier ministre Egor Gaïdar, du très libéral responsable des privatisations Anatoly Tchoubaïs et du ministre des Affaires étrangères Andreï Kozyrev, orientait résolument la Russie vers l'Ouest. Khasboulatov, lui, souhaitait à l'inverse arrimer la Russie au monde asiatique et musulman, pour continuer à proposer un modèle opposé à celui des Etats-Unis. On connaît la fin de l'histoire : en octobre 1993, c'est par les armes que Boris Eltsine vint à bout de la rébellion du Parlement - une révolte que conduisaient Khasboulatov et son allié, le vice-président Alexandre Routskoï, véritable porte-drapeau des nationalistes russes. Soit dit en passant, cette alliance entre le nationalisme russe et l'islam revient à la mode ces temps-ci...

Pendant son bras de fer avec le Kremlin, Khasboulatov croyait sincèrement que les Etats-Unis le soutiendraient face à un Eltsine affaibli et souffrant. C'était une nouvelle erreur de calcul : voir la Russie dirigée par un président musulman n'était nullement dans les intérêts de Washington qui redoutait plus que tout l'association entre un monde islamique soumis à de fortes turbulences et une Russie pourvue d'un arsenal nucléaire gigantesque.

De 1993 à la nomination de Rachid Nourgaliev au poste de ministre de l'Intérieur par Vladimir Poutine en 2004, il n'y aura plus aucun musulman à un poste de très haute responsabilité à Moscou. Il ne faut vraisemblablement pas y voir un simple hasard dans la mesure où ces dix années seront marquées par le sanglant conflit tchétchène. Un conflit dont la violence a encore contribué à augmenter la tension entre Russes musulmans et non musulmans. Et pourtant, répétons-le, malgré les accusations d'islamophobie dont il fait l'objet, Vladimir Poutine, qui s'est toujours montré intraitable sur la question de la Tchétchénie, est tout sauf un ennemi résolu de l'islam en tant que tel.

Le paradoxe Poutine

Vladimir Poutine est souvent considéré comme un farouche ennemi de l'islam, en raison de sa fermeté extrême face aux Tchétchènes et du discours très virulent qui est le sien à l'égard des combattants se réclamant de l'islamisme international. La réalité n'est pas aussi tranchée, loin de là : comme nous allons le voir, depuis son arrivée au pouvoir, l'ancien chef du FSB a toujours fait montre d'un grand pragmatisme à l'égard des musulmans, en Russie comme à l'extérieur.

Il est vrai que, dès sa nomination, en août 1999, au poste de premier ministre en remplacement de Sergueï Stépachine, accusé par Boris Eltsine de mollesse envers les combattants tchétchènes, l'ancien patron des services secrets russes (le FSB) s'est signalé par une rhétorique anti-islamiste très marquée. Il donna le ton en annonçant qu'il n'accepterait pas " que le destin de la Russie puisse être discuté au cours d'une réunion au Pakistan ". Si l'on y ajoute sa décision de reprendre le conflit tchétchène pour venir à bout des rebelles - décision appuyée par sa délicate promesse de " buter les terroristes jusque dans les chiottes " -, on comprend pourquoi nombreux étaient ceux qui s'attendaient à une dégradation immédiate des relations de Moscou avec les musulmans du monde entier.

Pourtant, c'est à la Géorgie (un pays à majorité chrétienne orthodoxe) que Poutine commença par s'en prendre, lui reprochant de soutenir les indépendantistes tchétchènes. L'Azerbaïdjan, musulman, fut relativement épargné. Il est d'ailleurs à signaler que la Tchétchénie ne fut jamais un sujet de discorde entre Moscou et Bakou, et que Poutine parvint à établir une relation de confiance avec le président azerbaïdjanais, Geïdar Aliev, dont nous avons déjà souligné le rôle à l'époque soviétique et qui était, comme lui, issu du KGB. En Tchétchénie même, le résident du Kremlin appliqua avec patience une stratégie de " tchétchénisation " du conflit - une stratégie qui consiste à miser sur un clan tchétchène, en l'occurrence celui d'Akhmad Kadyrov, l'ancien grand mufti de Tchétchénie rallié à Moscou, jugé plus à même de convaincre la population de cesser de soutenir les rebelles qu'un quelconque gouverneur russe. Kadyrov fut propulsé au poste de président de la petite République en septembre 2003. Après son assassinat en mai 2004, c'est son ancien ministre de l'Intérieur, tout aussi pro-russe que lui, Alou Alkhanov, qui lui succéda. Tout en " tchétchénisant " la question, Poutine n'hésita pas à " benladeniser " les indépendantistes, qu'il présentait systématiquement comme des islamistes fous à la solde d'Al-Qaïda. Le discours du président était limpide : non aux islamistes et à tous ceux qui souhaitent remettre en question l'intégrité territoriale de la Russie, oui aux musulmans "loyaux". Un discours comparable, en somme, à celui qu'avait tenu en son temps, nous l'avons mentionné, un autre ancien dirigeant du KGB parvenu au sommet de l'Etat : Youri Andropov...

Pour bien faire comprendre qu'il n'était pas hostile aux musulmans en tant que tels, Poutine n'a pas hésité à faire un geste hautement symbolique : au printemps 2004, il nomme au poste de ministre de l'Intérieur un musulman, Rachid Nourgaliev, originaire du Kazakhstan et probablement d'origine tatare. Cette désignation peut paraître logique étant donné que Nourgaliev occupait auparavant le poste de vice-ministre de l'Intérieur. Il n'en reste pas moins que c'est là une décision d'importance. En effet, les troupes du ministère de l'Intérieur sont toujours stationnées en Tchétchénie ; la lutte contre l'islamisme constitue l'un des dossiers prioritaires du pouvoir ; quant à la police, elle est fortement critiquée pour son inefficacité en matière de lutte antiterroriste - ce qui implique que le pays attend du nouveau promu une détermination sans faille. Bref, dans les conditions actuelles, la nomination à ce poste d'un musulman est un signe très fort. D'autant plus que jamais dans l'histoire de la Russie cette fonction n'avait été occupée par un adepte de l'islam. Il s'agit, en réalité, d'un pas fait par Poutine en direction de la communauté musulmane de Russie.

Le président a, également, pris soin d'établir des relations officielles avec des dignitaires musulmans agissant à l'échelle nationale, comme le président du Conseil des muftis de Russie, Ravil Gaïnoutdine (considéré officieusement par le Kremlin comme le véritable représentant de la communauté musulmane du pays). De la même manière, Poutine tient à montrer l'estime en laquelle il tient les confessions " traditionnelles " du pays, notamment l'Eglise orthodoxe, le bouddhisme et le judaïsme. Systématiquement, le président souligne le " caractère pluriconfessionnel " de la Fédération de Russie.

Le manifeste de Putradjaya

Revenons un instant sur cette allocution programmatique.

S'adressant aux représentants de plus de 50 pays membres de l'OCI, le président russe commence par indiquer que la volonté qu'il avait exprimée en août 2003 d'intégrer l'OCI en tant qu'observateur n'est pas un " simple geste ", mais une " décision stratégiquement orientée ". D'après lui, la participation de la Russie offrira à l'OCI de " nouvelles possibilités ". Elle y apportera " le poids et la voix d'une nombreuse communauté " (les musulmans russes) qui ne se sent plus séparée de l'" islam mondial " et est prête à prendre part à " sa vie spirituelle, culturelle et politique ". Poutine réaffirme que la Russie est un " pays eurasien " qui entretient depuis des siècles des relations naturelles avec l'islam, et que, dans le même temps, des millions de musulmans qui vivent " historiquement " dans la Fédération de Russie la considèrent comme leur patrie.

Le président russe s'attaque ensuite à la thèse du " choc des civilisations " développée par Samuel Huntington. Selon Poutine, l'histoire de la Russie est la preuve qu'un tel choc n'a rien d'inévitable. Il rappelle que l'URSS a aidé de nombreux pays musulmans à obtenir leur indépendance nationale et qu'elle a contribué par la suite à les industrialiser. Moment important qui souligne une nouvelle fois la finesse tactique du personnage : Poutine remercie l'OCI mais aussi la Ligue arabe d'avoir envoyé des observateurs pour le référendum et les élections qu'il vient d'organiser en Tchétchénie. Si même des musulmans adoubent sa " pacification " de la république frondeuse, peut-on encore lui reprocher d'être islamophobe ?

C'est alors qu'il s'arrête sur les relations entre musulmans et non-musulmans au sein de la Fédération de Russie. A l'entendre, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes : tous les Russes considéreraient que leurs compatriotes musulmans constituent une " partie inaliénable " du peuple russe, " multiethnique et multiconfessionnel " par nature. La conclusion que Vladimir Poutine tire de ce postulat optimiste est radieuse : " Les tentatives des terroristes visant à susciter l'islamophobie [en Russie] ont échoué. "

Puis il conclut sur une note internationale : selon lui, la coopération russo-musulmane dans le cadre de l'OCI peut devenir un facteur indispensable pour construire un monde " plus juste et plus sûr ". En tant qu'" unique puissance eurasienne ", la Russie a toujours joué un rôle particulier dans les relations entre l'Orient et l'Occident, rappelle-t-il. Et de souligner, in fine : " L'addition de nos ressources financières, technologiques et humaines peut devenir un facteur de la politique globale et un début de percée dans de nombreux secteurs de l'économie mondiale ".

Si les mots ont un sens, la rhétorique poutinienne indique bien que le maître du Kremlin souhaite rapprocher son pays du monde musulman tant par nécessité que par conviction idéologique. Une conviction très à la mode en Russie où - même si cela peut sembler étonnant de prime abord - les nationalistes, mais aussi l'Eglise orthodoxe comptent parmi les promoteurs les plus actifs de l'idée selon laquelle il est nécessaire de faire une place plus grande à l'islam.

L'islam, un allié naturel de la Russie ?

La synthèse eurasiste

Réapparue comme neuve des ruines de l'URSS en 1991, la Russie n'a cessé, depuis, d'être agitée par de furieux débats portant sur son " idée nationale ". Si les libéraux prônant l'alliance avec l'Occident (spécialement l'architecte des réformes économiques Anatoli Tchoubaïs et le ministre des Affaires étrangères Andreï Kozyrev) semblèrent l'emporter au début de l'ère Eltsine, ils eurent toujours fort à faire avec deux autres groupes idéologiques, parfois alliés : les nationalistes et les eurasistes. Les premiers avaient émergé durant les dernières années de l'Union soviétique et se sont regroupés autour du journal Den (le Jour) rebaptisé, en 1993, Zavtra (Demain). Les seconds se réclament du "géopoliticien" et idéologue Alexandre Douguine, connu en Russie pour sa promotion des idées développées en Occident par la Nouvelle droite d'Alain de Benoist. Les deux mouvances partagent la même répulsion vis-à-vis de l'Occident et la même conviction qu'il existe un complot mondial fomenté contre la Russie par les Américains et les Juifs.

Au cours de ces dernières années, les nationalistes et les eurasistes ont opéré une " réévaluation " tout à fait originale de l'islam. Alexandre Douguine a joué un rôle central dans ce processus intellectuel.

Au début des années 1990, Douguine, philosophe de formation, défend une vision mystique de la Russie remontant à une ancienne " hyperborée ", foyer de purs Aryens nordiques. Après avoir, dans un premier temps, collaboré avec le Parti communiste de Guennadi Ziouganov, il se rapproche de la formation extrémiste de l'extravagant écrivain franco-russe Edouard Limonov (Parti national bolchevique) avant de s'aligner, dès 2000, sur Vladimir Poutine qui a séduit une partie de l'opposition nationaliste par sa fermeté dans la gestion du conflit tchétchène. Le discours simpliste et très idéologisé de Douguine trouve un large écho à l'état-major, à la Douma et au Kremlin. En 2001, Vladimir Poutine lui-même reprend à son compte sa rhétorique en se prononçant en faveur d'une Russie " euro-asiatique " au cours d'un sommet de l'ASEAN tenu à Brunei.

En avril 2001, Alexandre Douguine commence à voler de ses propres ailes. Il fonde le mouvement Evraziïa, considéré aujourd'hui comme un club de réflexion, une sorte de " think-tank " des nationalistes russes chargé de proposer du " contenu idéologique " au président Vladimir Poutine.

Aux yeux des eurasistes, il est primordial d'affirmer le caractère dual de la Russie qui a toujours été à la fois européenne (chrétienne) et asiatique (musulmane). Pour Douguine, l'Eurasie n'est pas une notion géographique mais une civilisation particulière qui diffère à de nombreux égards de l'Occident et de l'Orient : c'est pourquoi elle possède son propre destin géopolitique. Douguine considère que le radicalisme islamique, qui prétend à l'universalisme, est contraire à la doctrine eurasiste puisque celle-ci se prononce en faveur d'un système multipolaire. En revanche, les formes "traditionnelles" de l'islam - les confréries soufies, les chiites et des doctrines respectant les particularités nationales - sont très proches de l'eurasisme. C'est pourquoi Douguine s'attache à distinguer l'islam arabe de l'islam " continental " qu'il dépeint comme une partie intégrante de son système eurasien idéal. Conséquence : il conseille à la Russie de coopérer avec cet islam " continental " - c'est-à-dire avec les anciennes républiques soviétiques musulmanes, la Turquie et l'Iran - et de renforcer ses liens avec les formes " traditionnelles " de l'islam (principalement le soufisme) dans le monde arabe.

Malgré la diversité des opinions exprimées, l'immense majorité des auteurs de la mouvance nationaliste s'accordent à penser qu'il ne faut plus combattre la composante musulmane de la société russe mais collaborer avec elle. Ils ont décidé que, au lieu de considérer les musulmans de Russie comme une sorte de " cinquième colonne ", il était bien plus judicieux de les utiliser en tant que "passerelle" vers le monde musulman extérieur. Une future alliance russo-musulmane serait le meilleur moyen de faire face au véritable ennemi de la Russie : l'Occident corrompu et corrupteur. Mais il ne faut pas s'y tromper : un tel rapprochement se fonde sur des objectifs idéologiques communs - la détestation de l'Occident - et non pas sur des valeurs culturelles communes, ce qui est particulièrement inquiétant.

En effet, qu'une partie de la société russe souhaite s'opposer à un Occident pourtant culturellement plus proche de la Russie que le monde musulman n'est pas nouveau. Ce qui est original, c'est la volonté des nationalistes russes d'utiliser l'islam ou même l'islamisme pour récupérer le statut perdu de puissance mondiale. On pourrait croire que ce désir de conclure une alliance avec l'islam est dicté par la volonté de ses promoteurs de mieux intégrer la communauté musulmane de Russie et de trouver un règlement acceptable en Tchétchénie. Mais c'est un leurre. Car le meilleur moyen d'intégrer réellement les musulmans russes à leur propre pays consiste à démocratiser le système politique et à promouvoir la laïcité (qui, seule, peut garantir l'égalité en droits à toutes les minorités religieuses). Une solution que rejettent les eurasistes et les idéologues musulmans qui partagent leurs vues, comme Geïdar Djemal et Hoj-Ahmed Noukhaev.

Un élément a joué un rôle essentiel dans le succès de la doctrine eurasiste : la position adoptée par l'Eglise orthodoxe de Russie, qui jouit d'une grande autorité auprès de la population. Après la "djihadisation" du conflit tchétchène et la découverte de nombreuses cellules islamistes dans le Caucase du Nord et sur la Volga, certains idéologues nationalistes, tentés par l'islamophobie, avaient tendance à confondre islam et islamisme, et à rejeter les musulmans en bloc. Quant aux penseurs musulmans, ils auraient pu prendre ombrage de la montée en puissance des orthodoxes. Mais l'attitude conciliatrice de l'Eglise a permis aux deux parties en présence de faire un pas l'une vers l'autre.

L'Eglise orthodoxe et l'islam

Alors que les discussions au sujet de la canonisation de soldats tués en Tchétchénie vont bon train (ce qui conduit également les Russes à assimiler cette guerre à une guerre " sainte "), il peut paraître surprenant de voir le Patriarcat de Moscou se rapprocher de l'islam. Pourtant, c'est bel et bien le cas, en grande partie grâce aux efforts des évêques officiant en Asie centrale, dans des pays à majorité islamique. Plusieurs d'entre eux se sont livrés à une profonde relecture de l'histoire russe, traditionnellement présentée comme une lutte continue d'un pays chrétien contre des envahisseurs musulmans. L'apport de l'archevêque de Tachkent et d'Asie centrale, Vladimir (considéré comme l'un des candidats les plus sérieux à la succession du patriarche Alexis), a été particulièrement significatif. En 2001, il a publié un livre dont le titre était emprunté à Alexandre Nevski (un prince russe qui avait fait appel aux envahisseurs tatars pour affronter une incursion des chevaliers teutoniques en 1242) : Renforcer la défense à l'ouest et chercher des amis à l'est. Dans ce véritable pamphlet pro-islamique, Vladimir explique avec patience qu'il faut dissocier l'islam et le terrorisme ; il rappelle que les chrétiens s'étaient vu confier des postes prestigieux dans le Califat et il démontre que l'hostilité entre les musulmans et les chrétiens orthodoxes est due aux croisades conduites au Moyen Age par l'Eglise catholique. " Les musulmans d'Asie centrale, écrit l'archevêque, ont vu le christianisme orthodoxe comme une religion amicale. " Vladimir va jusqu'à prendre la défense du prosélytisme islamique en Occident : il note que " l'Occident d'aujourd'hui s'est déjà trop éloigné de l'Evangile et est devenu païen " en adorant l'argent et les idoles de la concupiscence de la chair. Et il trouve " compréhensible la volonté des musulmans de diriger leur prédication contre les païens et athées occidentaux ". Conclusion : " La religion islamique peut devenir un des piliers de l'Etat russe. " Venant de la part d'un homme qui pourrait un jour diriger l'Eglise orthodoxe, ces paroles ont un poids qu'il convient de ne pas négliger. Surtout à l'heure où la Russie renforce ses liens avec de nombreux pays musulmans...

La Russie et le monde musulman

Les relations de Moscou avec les pays musulmans avaient été très actives tout au cours de la période soviétique, mais il s'agissait alors surtout d'établir un lien idéologique avec des pays clients, considérés comme progressistes et adeptes du socialisme arabe : l'Egypte, la Syrie, l'Algérie, la Libye, le Yémen du Sud, l'Afghanistan et l'Irak. Dans les années 1980, la guerre d'Afghanistan a mis à rude épreuve ces liens qui tendaient de toute façon à disparaître avec l'avènement de la " nouvelle pensée " de Mikhaïl Gorbatchev : à partir de 1987, celui-ci avait coupé le robinet de l'aide russe à la majeure partie de ces pays. La guerre de Tchétchénie a encore davantage nui à l'image de la Russie : dans de nombreux Etats musulmans, du Maroc à l'Indonésie, on vit des manifestations populaires dénoncer les souffrances infligées aux Tchétchènes.

Pourtant, la Russie est parvenue, petit à petit, à améliorer ses relations avec plusieurs grands pays du monde islamique, puis avec l'ensemble de la communauté musulmane. Malgré le conflit tchétchène, quatre pays se sont tout spécialement rapprochés de la Russie : la Turquie, l'Iran, la Malaisie et l'Arabie saoudite.

Turquie : commerce et partenariat énergétique

La coopération économique et les échanges commerciaux entre les deux pays n'ont cessé de progresser tout au long des années 1990 et 2000. Le volume des échanges commerciaux russo-turcs est passé de 500 millions de dollars en 1986 à 2,5 milliards de dollars en 1995, pour atteindre 6,5 milliards en 2003. Si l'on y ajoute l'activité des petits commerçants qui font la navette d'un pays à l'autre (les tchelnoki) et le tourisme, on peut évaluer le total de ces échanges à 12 milliards de dollars. Comme l'a justement indiqué l'ambassadeur de Turquie en Russie, Nabi Shensoy, la coopération économique et commerciale constitue la " locomotive de l'approfondissement des relations russo-turques ".

Le symbole du partenariat énergétique entre les deux pays est sans aucun doute le gazoduc Blue Stream, mis en exploitation en 2003, qui permet à la Russie de livrer son gaz à la Turquie. Sa longueur totale est de 769 kilomètres, dont 396 sont posés sous la mer. Il est vrai que quelques mois seulement après sa mise en exploitation, en novembre 2003, Ankara a dû renégocier le prix du gaz à la baisse, son économie en crise ne permettant pas de consommer un gaz devenu trop cher. Le prix a été modifié à l'amiable par le géant russe Gazprom. Toutefois, la cessation provisoire, survenue en mars 2003, de l'achat par la Turquie du gaz russe montre la fragilité de ce partenariat énergétique, également mis à l'épreuve par la tension née de la construction de l'oléoduc Bakou-Ceyhan qui permet l'évacuation des hydrocarbures de la Caspienne vers l'Ouest via la Turquie mais sans passer par la Russie.

Iran : coopération stratégique

Le gouvernement de Téhéran a toujours limité ses critiques à l'encontre de la politique russe en Tchétchénie. Visiblement, il ne souhaite pas sacrifier son partenariat stratégique avec Moscou sur l'autel du soutien à des indépendantistes incontrôlables, sunnites par surcroît. En janvier 2000, un journal saoudien publié à Londres, Al-Sharq Al-Awsat, est allé jusqu'à accuser l'Iran de " poignarder la Tchétchénie dans le dos " puisque Téhéran acceptait que cette guerre soit considérée comme une affaire intérieure russe. Brenda Shaffer, de l'Université de Harvard, a elle aussi souligné l'extrême passivité de l'Iran dans le dossier tchétchène. Selon elle, le régime des ayatollahs a tout fait pour exclure ce problème des ordres du jour de nombreux forums islamiques. C'est ainsi que l'OCI, présidée en 2000 par l'Iran, n'a pas discuté, sous sa pression, de la situation en Tchétchénie.

Pourquoi tant de prévenance ? D'abord parce que le président Poutine entretient une relation de confiance avec son homologue iranien Mohamed Khatami. Mais surtout parce que les échanges entre les deux pays sont très actifs. Leur volume est passé de 391 millions de dollars en 1996 à plus de 1 milliard en 2003. La coopération est axée sur la construction de la centrale nucléaire de Bouchehr et la création d'un couloir de transport Sud-Nord devant relier l'Iran - via la mer Caspienne et la Russie - au marché occidental. La construction de la centrale a fait couler beaucoup d'encre. Elle constitue même une réelle pomme de discorde entre la Russie et les Etats-Unis, qui accusent Moscou d'avoir transféré sa technologie nucléaire au régime iranien. En tout cas, le Kremlin ne plie pas, signe de l'importance primordiale qu'il accorde à ses bonnes relations avec l'Iran.

Malaisie : coopération militaire

Le complexe militaro-industriel russe considère la Malaisie comme un partenaire de premier ordre. Durant la visite de Vladimir Poutine à Kuala Lumpur, en août 2003, la société Rosoboroneksport a signé avec l'Etat malaisien un accord commercial de 900 millions de dollars portant sur la livraison de 18 chasseurs russes SU-30 MKM. Il s'agit de l'un des plus gros contrats de fourniture d'armement russe conclus depuis plusieurs années. En 1994, la Russie et la Malaisie avaient déjà passé un accord pour 18 MiG-29. Plusieurs projets ambitieux dans le secteur des technologies de pointe et de l'information sont en cours. Le volume des échanges, ici aussi, a connu une hausse importante, passant de 420 millions de dollars en 2001 à 740 millions en 2003.

Arabie saoudite : un acteur clé du dossier tchétchène

Les relations avec l'Arabie saoudite ont longtemps été extrêmement tendues. A plusieurs reprises, Vladimir Poutine a accusé Riyad de permettre à un grand nombre de ses sujets de financer la guérilla en Tchétchénie par le biais de toute une série de fonds caritatifs.

Il est vrai que, dès les premiers signes de faiblesse de l'empire soviétique, les Saoudiens avaient établi des liens étroits avec les Tchétchènes et les Daghestanais. Une délégation de la Ligue islamique mondiale (Rabita al-Alam Al-Islami) - organisation basée à La Mecque - s'est rendue à Grozny en 1990. Depuis, les Saoudiens ont distribué des millions de Corans en Asie centrale, au Caucase et dans le pays de la Volga, financé la construction de nombreuses mosquées et envoyé des prédicateurs ré-islamiser les populations musulmanes restées longtemps coupées du reste de l'Oumma. A partir de 1997, une ONG islamique, Al-Igassa (Secours), s'est implantée en Tchétchénie et au Daghestan. Cette ONG appartient à la Ligue islamique mondiale, qui possède une autre filiale, explicitement nommée "Organisation d'aide et de soutien aux musulmans du Caucase", également basée en Arabie saoudite. D'autres fondations islamiques, comme Ibrahim Al-Ibrahim, sont elles aussi intervenues au Nord-Caucase. Par surcroît, des vétérans du djihad tchétchène sont souvent interviewés par les médias saoudiens. Enfin, au moins plusieurs dizaines de Saoudiens ont participé au djihad en Tchétchénie. Deux sujets saoudiens, Khattab et Abou Waleed, se sont même fait connaître en tant que commandants de la " légion arabe " qui combattait contre les Russes aux côtés des indépendantistes tchétchènes.

Après avoir, au début de son mandat, tenu des propos très durs à l'égard du régime des Saoud, Vladimir Poutine, toujours pragmatique, a décidé, il y a un peu plus de deux ans, de changer son fusil d'épaule. Sans doute a-t-il pris conscience, à la suite du 11 septembre 2001 et des attentats commis par Al-Qaïda en Arabie saoudite, de la différence de nature entre le wahhabisme saoudien et le salafisme d'Al-Qaïda. A présent, il ne s'en prend plus guère à Riyad, mais au pire ennemi de celui-ci : Oussama Ben Laden, présenté comme le grand recruteur et financeur des dijhadistes de Tchétchénie.

Ce rapprochement avec le royaume wahhabite s'explique par deux raisons : premièrement, Poutine a souhaité mettre fin à la guerre des prix du pétrole qui a opposé en 2001-2002 l'Arabie saoudite et la Russie, devenue le plus grand exportateur de brut hors OPEP ; deuxièmement, les deux pays se sont retrouvés dans le même camp anti-guerre au moment où les Etats-Unis préparaient et lançaient leur offensive en Irak. Vladimir Poutine a souhaité profiter de cette conjoncture alors que les Saoudiens, pour leur part, cherchaient de nouveaux appuis sur la scène internationale à la suite du refroidissement de leurs relations avec Washington. Le président russe espère, grâce à cette réconciliation, priver la guérilla tchétchène du soutien accordé par les fonds saoudiens et attirer ces mêmes fonds vers les entreprises russes.

Pour ce qui est de la question énergétique, la Russie et l'Arabie saoudite ont trouvé un terrain d'entente pour coordonner leur volume de production. Plusieurs projets de coopération économique sont en cours, en particulier dans le domaine de l'extraction gazière. Le volume des échanges russo-saoudiens, qui n'avait cessé de baisser dans les années 1990 pour chuter à 86,8 millions de dollars en 1998, est remonté jusqu'à 138,4 millions en 2002, ce qui reste toutefois insuffisant.

Les analystes du journal russe Kommersant ont prédit, en 2003, qu'une coopération russo-saoudienne à grande échelle pourrait atteindre un très haut niveau. Ils estiment que l'Arabie saoudite pourrait investir jusqu'à 200 milliards de dollars dans l'économie russe, notamment dans le complexe militaro-industriel. Sans doute s'agit-il d'une estimation maximaliste. Mais, quel que soit le montant effectif des investissements, il est quasi certain que l'argent saoudien permettra à Moscou de réaliser un énorme bond en avant. Dans l'hypothèse optimiste, les experts pensent que, si la fusion des capacités financières de Riyad et du potentiel russe dans le domaine des hautes technologies se réalise, on peut s'attendre à une reconfiguration majeure de la politique globale. Ils prévoient "l'émergence sur la carte politique de la planète d'un centre de force tout à fait nouveau qui pourrait faire revenir le monde vers un système bipolaire".

En guise de conclusion

Résumons la nouvelle donne " pro-musulmane " initiée par Vladimir Poutine.

Primo, le président russe cherche une solution politique au dossier tchétchène. Il veut visiblement l'"internationaliser", c'est-à-dire trouver dans le monde musulman un interlocuteur crédible capable de servir d'intermédiaire pour un règlement définitif du conflit. Dans cette optique, une médiation saoudienne, turque ou malaisienne se présente comme utile et logique. Dans le même temps, en se réconciliant avec l'islam, Vladimir Poutine espère apaiser, à l'intérieur, les relations entre la majorité chrétienne (80 % de la population) et la minorité musulmane (20 %), relations largement compliquées par la guerre de Tchétchénie.

Secundo, sur le plan électoral, il a besoin de pouvoir compter sur le vote musulman. Rappelons que le mouvement politique musulman Refah avait intégré la liste électorale du parti pro-Poutine Unité aux élections législatives de 1999.

Tertio, le président souhaite également rallier des régions " musulmanes " considérées traditionnellement comme des " zones à problèmes ", notamment le Tatarstan et la Bachkirie (dont les autonomies tendaient à se transformer, sous Eltsine, en un véritable séparatisme économique), mais aussi les républiques du Caucase du Nord, dont la loyauté politique est un peu trop hésitante au goût de Moscou.

Enfin, à l'échelle internationale, depuis 1991, la Russie est en perte de vitesse et largement dépassée par les Etats-Unis. Se rapprochant du monde musulman, elle cherche à modifier en sa faveur le rapport de forces global. Cette volonté peut paraître compréhensible, voire logique, diront certains. Mais, comme nous l'avons vu, ce projet est l'œuvre d'idéologues peu recommandables, adeptes de doctrines obsessionnelles et de théories du complot. Si cette future alliance civilisationnelle se réalise, elle risque de se révéler clairement anti-occidentale. L'émergence d'un grand bloc continental dominé par l'idéologie eurasiste peut bouleverser, à terme, les intérêts de l'Occident. Un Occident qui aurait, alors, tous les risques de se retrouver seul face à un système idéologique opposé et fondé sur des valeurs " traditionnelles ".

Or, pour le moment, l'Occident préfère " ignorer " le rapprochement russo-musulman. Les Américains et les Européens l'interprètent comme une conséquence conjoncturelle de la guerre en Irak, lors de laquelle la Russie s'était rangée aux côtés des pays professant l'islam pour s'opposer à l'intervention anglo-américaine. En réalité, pour les Russes, il s'agit d'un véritable tournant fondé sur une profonde reconsidération de leurs valeurs civilisationnelles. Les leaders occidentaux doivent prendre conscience des mutations idéologiques qui sont à l'œuvre, depuis quelques années, à l'intérieur du volcan géopolitique russe. Au lieu de rejeter la Russie en lui fermant définitivement les portes de l'Union européenne, il serait plus judicieux de lui proposer un partenariat solide (fondé sur les livraisons d'hydrocarbures, comme l'a proposé Romano Prodi). Seul un tel partenariat pourrait arrimer fermement ce pays européen, incontournable pour la stabilité du continent, à la civilisation occidentale.

pi n° 107 - printemps 2005

http://www.politiqueinternationale.com'> http://www.politiqueinternationale.com (taper russie dans l'outil recherche et c'est la 5ème réponse)

ce n'est pas une mise à l'épreuve mais l'auteur pourtant respectable(Chercheur à l'Institut Français de Géopolitique (Université Paris VIII), docteur en géographie. Enseigne la géopolitique à l'École Supérieure de Management en Alternance (ESM-A) de Marne La Vallée et à l'Institut d'Administration des Entreprises de Paris (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne). Auteur notamment de : La Tchétchénie, PUF, Que sais-je ?, 1998.) me paraît y aller un peu fort et ça me semble parfois un peu tiré par les cheveux, alors je voulais connaître la réalité du terrain :lol:

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ça me rappelle un papier de Giesbert ou une révélation du même auteur ou une phrase de son bouquin (il est tard) en bref : Chirac et Boris sont au Kremlin. Ils sont complétement pétés à la Vodka et ils trinquent à l'URSS et à la toute-puissance communiste (le mur était déjà tombé depuis perpette). Ca ne m'étonne pas de Chirac ni de Boris. Les deux derniers bons-vivants sans doute que la politique ait connu. Ceux qui tenaient le plus aussi sans doute (Chirac aime à répéter qu'il est une insulte à la médecine) Dommage que ça soit tombé sur nous diraient les mauvaises langues... :lol: :lol: (j'ai un paquet d'annecdotes sur Jacquo mais ça nuierait à sa crédibilité... Mais c'est un phénomène :lol: )

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Tout d'abord merci pour votre accueil chaleureux... Samson >>> je te repondrais plus tard, surement par message privé car de un, c'est assez long à lire et je ne m'e nsent pas le courage pour l'instant ( mais ça viendra) et secundo il est assez pointilleux de parler de religion sur un forum public c'est pourquoi je prefererais te répondre en privé... Kedith >>> Ca dépend des jours et la puissance de la vodka... Mais en général pour une vodka standart à 40° je tiens les 70 cl avec encore une bri nde lucidité mais a partir du litre je suis en général par terre e ntrai nde dormir avec un bon mal de crane le lendemain... cvs >>> non il n'est pas à coté de moi, tout le monde sait qu'i lest encore à l'hôpital pour faire soigner son foie! Sinon ma préférence se tourne en général vers l'Armée de Terre, cela est peut-être du au fait que mon pére soit sous-officier dans l'Armée de Terre (Française). Et ma vodka préférée parmis celles que j'ai gouté jusqu'à présent c'est la Vodka Matriochka aromatisée au miel ( bouteille en forme de poupée russe).

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  • 2 weeks later...

Et ma vodka préférée parmis celles que j'ai gouté jusqu'à présent c'est la Vodka Matriochka aromatisée au miel ( bouteille en forme de poupée russe).

Tiens il faudra que je la teste cette vodka !!!

Ca rend pas aveugle au moins :lol:

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Kedith >>> Ca dépend des jours et la puissance de la vodka... Mais en général pour une vodka standart à 40° je tiens les 70 cl avec encore une bri nde lucidité mais a partir du litre je suis en général par terre e ntrai nde dormir avec un bon mal de crane le lendemain...

Fichtre :!:

Moi 70cl je suis aussi par terre, mais en train de vomir je pense :lol:

Remarque j'ai connu un allemand qui buvait un demi litre à la bouteille, quasiment sans s'arrêter (si si) :shock:

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Le pere d'un pote bois de l'absynthe comme si c'etait du coca, même pas mal :lol: :lol: :lol:

Je me demande comment il fait pour eviter le coma ethylique :twisted:

Et bien !! surtout que l absynthe c est pas du pastis ,c est vraiment violent :lol: L effet est plus a comparer a de la drogue qu a de l alcool :rolleyes:

Soit le bienvenu Vodka!!(avec du caramel pour moi stp ;) )

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