muslim Posté(e) le 28 juillet 2006 Auteur Share Posté(e) le 28 juillet 2006 y a t-il une solution juste pour tout le monde dans ce conflit ? Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
tharassboulbah Posté(e) le 28 juillet 2006 Share Posté(e) le 28 juillet 2006 y a t-il une solution juste pour tout le monde dans ce conflit ? oui ,je te pries de m' excuser pour le HS... :oops: Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
muslim Posté(e) le 28 juillet 2006 Auteur Share Posté(e) le 28 juillet 2006 oui ,je te pries de m' excuser pour le HS... :oops: un peu d'humour de temps en temps c'est bien ca aide à faire passer les dures evenements de la vie ;) Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
supernova Posté(e) le 31 juillet 2006 Share Posté(e) le 31 juillet 2006 Voici un article tire d'un blog, alors c'est tres tres long mais je pense que ca merite une lecture attentive (je deduis que si vous etes sur un forum c'est que vous aimez la lecture un peu...) Que vous soyez pro machin ou pro truc cela vous permetra de mieux comprendre ce que veux dire "l'orient complique" applique a la situation politiquo financiere du Liban ...passionant. Loubnan ya Loubnan «Bienvenue sur ces chroniques qui, je l'espère, témoigneront de mon amour pour le Liban et les Libanais. Je signe du pseudonyme Nidal, mais je suis bel et bien Français. Pseudonyme pour protéger mes amis libanais et... moi-même. Merci de votre intérêt.» 31 juillet 2006 Au Liban, une mafiocratie contre son peuple Un des éléments les plus incompréhensibles pour l'«opinion mondiale», pour mes compatriotes français et pour de nombreux libanais, réside dans le fait que les Israéliens et leurs alliés Américains sont en train de détruire un pays dont le gouvernement est notoirement pro-américain; gouvernement dont l'activité politique toute entière était orientée vers l'application de la résolution 1559, au détriment de toute autre question, sociale, politique ou économique au Liban. Dans le billet «Coup d'État au Liban», je rappelle différents documents pour soutenir la thèse d'Uri Avnery qui annonce: L'objectif réel est de changer le régime au Liban et d’y installer un gouvernement fantoche. L'invocation désormais permanente d'un «Nouveau Moyen-Orient» par les Américains démontre encore cette volonté d'un changement de régime, par la force, au Liban. Mais cela est évidemment incompréhensible puisque, justement, c'est l'exemple même du «régime ami» qui était déjà au pouvoir au Liban. Je vous propose donc ici une analyse complétant cette notion de «coup». L'un des effets de l'agression israëlo-américaine, si elle réussit, sera de maintenir au pouvoir à Beyrouth un gouvernement anti-démocratique proche des intérêts américains, français et saoudiens, pouvoir menacé par le jeu de la politique interne libanaise. Évidemment, ce ne sont pas les très rigolos Antoine Sfeir et Antoine Basbous qui vous parleront de l'aspect anti-démocratique de la politique libanaise, tout occupés qu'ils sont à défendre cette oligarchie contre le «joug» imposé par les Syrien et les Iraniens! Ça n'est pas non plus Courrier international (la semaine dernière: «Proche-Orient, après les bombes, quoi?»), qui résume la presse libanaise à L'Orient-Le Jour (quotidien francophone de la bourgeoisie chrétienne) et An Nahar (dans lequel le groupe Hariri a d'importantes participations financières), qui vous éclairera sur la nature de la «démocratie» libanaise. (Cette semaine, Courrier international consacre l'intégralité de son point de vue à «La guerre vue par Israël», ce qui enrichit drôlement la diversité des opinions.) I. UNE OLIGARCHIE, UNE MAFIOCRATIE Depuis Taëf, le jeu politique libanais ne se joue pas, comme le prétendent nos médias, entre pro-syriens et anti-syriens, mais simplement entre une oligarchie organisée autour du clan Hariri, et les autres (principalement le Hezbollah). Depuis le «printemps» de Beyrouth, c'est cette oligarchie, déjà au pouvoir auparavant, qui dirige toujours les affaires. «Oligarchie», c'est le terme employé par Georges Corm dans son ouvrage de référence, Le Liban contemporain, histoire et société. Intellectuel et homme politique respecté, il passe par la citation d'un lecteur de L'Orient-Le Jour pour mettre en avant ce commentaire: «La montagne d'optimisme du 14 mars a donc accouché d'une souris. Tout cela n'empêchera pas les représentants du condominium américano-franco-saoudien qui assure aujourd'hui la gérance de notre pays de nous adresser leurs plus vives félicitations pour ces élections «démocratiques et transparentes». Ne nous y laissons pas prendre. Déparé de sa très folklorique vitrine «démocratique», le Liban d'aujourd'hui n'est pas une démocratie mais une oligarchie, c'est-à-dire un système dans lequel le pouvoir réel est détenu non pas par le peuple souverain mais par un groupe très restreint de personnes, cinq ou six dans le cas libanais: leaders communautaires, féodaux, anciens chefs de milice ou héritiers politiques fortunés...» En juin 2005 (contemporain du commentaire précédent), en France, Alain Gresh semble le seul, pour le Monde diplomatique («Les vieux parrains du nouveau Liban»), à écrire autre chose que la bouillie générale célébrant la nouvelle «démocratie» libanaise: Pourtant, l’observateur ne peut qu’être frappé par ce fait : les mêmes dirigeants responsables de la guerre civile, dont la plupart ont collaboré avec la Syrie avant de retourner leur veste, se maintiennent sur le devant de la scène. Pas une figure politique nouvelle n’est apparue ces derniers mois, et les Gemayel, Joumblatt, Hariri, Frangié, Chamoun, etc., continuent de dominer le jeu. Aucun d’entre eux n’avance la moindre proposition pour réformer un système politique fondé sur le confessionnalisme, le clanisme et la corruption. Pour ma part, je pense qu'on peut utiliser le terme de mafiocratie. Le pouvoir libanais n'est pas que la (très classique) confiscation du pouvoir par les classes les plus aisées, c'est avant tout un système de corruption généralisé, de destruction de l'État au profit des fortunes privées, c'est la création ab initio d'une «dette odieuse» qui enrichit considérablement les membres de ce pouvoir, etc.; c'est donc par dessus tout un pouvoir criminel organisant et protégeant des activités illégales. Le choix du terme «vieux parrains» dans le Monde diplomatique n'est pas anodin. Un parrain n'est pas simplement un potentat local dans un système féodal; le mot correspond exactement à la structure mafieuse du pouvoir. Georges Corm décrit précisément les trois composantes de l'oligarchie qui gouverne le pays de manière quasiment ininterrompue depuis 1992 autour du clan Hariri: les anciens patrons de l'ordre totalitaire milicien, les entrepreneurs du béton et les investisseurs du foncier, les «intellectuels» laïcs reconvertis au néo-libéralisme international: Trois groupes nouveaux sur la scène politique ont conjugué leurs efforts pour promouvoir l'idéal d'une reconstruction axée sur un retour du Liban à son ancienne fonction régionale, mais qui n'est que le retour en force du banal désir d'un pays «casino» et paradis fiscal régional, cher à l'ancienne couche dirigeante: les principaux chefs miliciens enrichis par tous les trafics de la guerre, les pillages et rançonnages de la population civile; les entrepreneurs de béton armé et les agents d'influence ayant fait des fortunes rapides et faciles dans les pays arabes exportateurs de pétrole durant les années du boom pétrolier; des intellectuels de l'ancienne mouvance laïque révolutionnaire arabe, reconvertis au néo-libéralisme international et aux théories de la modernisation par le marché mondial et la seule initiative privée. Pour ces derniers, certains d'entre eux ont, de plus, sagement retrouvé le chemin de leurs identités communautaires et travaillent à l'ombre de nouveaux entrepreneurs, millionnaires et milliardaires. L'alliance de ces trois groupes représente une force considérable et tient le haut du pavé social et médiatique de la scène libanaise. Le nouveau chef du gouvernement [Rafic Hariri] est son ciment: il constitue une icône polarisant avec succès l'imaginaire qui a présidé à l'idéologie de la reconstruction. Il s'agit d'ailleurs d'une image que le modèle affirme et confirme en toute occasion. Pendant que certains continuent à dénoncer le Hezbollah comme un «État dans l'État», l'influence occulte des services syriens et/ou iraniens, il ne faut pas oublier que l'une des principales réalités du pouvoir libanais depuis le début des années 1990, c'est la création, via la corruption, d'un État parallèle privé. En note de bas de page, Georges Corm résume: Il deviendra ainsi de très bon ton pour les hommes d'affaires prospères de faire des dons en nature à l'État ou à ses représentants, sous prétexte de sa faillite financière. Ainsi, Rafic Hariri logera à ses frais le premier président de la République, un groupe d'hommes d'affaires se cotisera pour payer une partie des réparations du palais présidentiel. Des enveloppes importantes et officieuses sont distribuées à des hauts fonctionnaires, des ministres, des journalistes. Les dernières élections législatives elles-mêmes, pourtant «portées» par les aspirations populaires et «spontanées» du 14 Mars, et malgré l'incroyable diabolisation anti-syrienne (une tache dans l'histoire contemportaine libanaise: au-delà de la dénonciation de la présence syrienne et du régime de Damas, l'hystérie xénophobe alors orchestrée mènera à des lynchages d'ouvriers syriens), ne seront pas remportées facilement: Aussi, Saad Hariri, désigné héritier de son père Rafic, se mobilise-t-il pour empêcher que soient élus les alliés du général Aoun au Nord ou ses candidats directs dans certaines circonscriptions. Des consignes de vote sont données dans les mosquées, ce qui ne s'était jamais vu jusqu'alors. L'argent pour l'achat des voix coule à flot et Saad Hariri s'installe lui-même dans un hôtel de Tripoli pour la dernière période de la campagne électorale, afin d'en diriger les opérations et de présider aux distributions d'«aides sociales» – brisant ainsi un autre tabou en vertu duquel aucun chef communautaire ne se mêle des opérations électorales dans une région qui n'est pas la sienne. Les observateurs des Nations unies et de l'Union européenne tournent pudiquement la tête sur les fraudes électorales diverses qui assurent, à Tripoli, la victoire absolue des listes patronées par Saad Hariri: les députés chrétiens du rassemblement de Kornet Chehwan y sont tous élus grâce aux voix musulmanes mobilisées en leur faveur, mais la plupart n'obtiennent dans leur propre circonscription qu'un minimum de voix face à l'alliance des aounistes avec l'ancien ministre de l'Intérieur Soleiman Frangié, petit-fils du président Soleiman Frangié, qui, en dépit de sa réputation de «prosyrien», jouit d'une très large popularité. II. LES DÉTENTEURS DU POUVOIR Pour comprendre la nature du système politique libanais, il faut revenir aux événements qui, entre 1975 et 1989, sont communément qualifiés de «guerre civile». 1. Les vieux parrains de l'ordre milicien Georges Corm expose ce qu'est une guerre civile: Lorsqu'on parle de guerre civile, on évoque des formes de violence où la population civile souffre, sans aucun doute, mais où l'objectif militaire de chacune des factions armées est de dominer l'ensemble du territoire, d'éliminer la ou les factions opposées, puis de reconstituer rapidement un appareil d'État. Par opposition, il peut ensuite expliquer que «dans le cas du Liban, il est clair que nous ne nous trouvons pas en face de cette logique»: [...] les formes de violence pratiquées par les milices dès le 13 avril 1975 montrent éloquemment qu'il s'agit d'une visée bien particulière: paralyser l'État et l'armée, découper le territoire en ghettos communautaires, terroriser la population en considérant les Libanais non pas sur la base de leur appartenance idéologique (pro- ou antipalestiniens, pour ou contre une réforme politique), mais sur celle de leur appartenance communautaire. Il précise ainsi cette nature du pouvoir milicien: Dès les premiers jours, les milices ont eu pour politique de paralyser l'État et non point de s'en emparer. La destruction des biens de l'État et le pillage de ses ressources montrent là aussi que la logique de guerre civile était absente et que celle pratiquée visait le démembrement de l'État et du territoire. Ainsi la «guerre civile» n'est-elle rien d'autre que le démembrement de l'État par et pour des milices ultra-minoritaires (mais lourdement armées), et les chefs de ces milices ne sont-ils que de très classiques «parrains» mafieux, dont le projet criminel aurait réussi. La défense des communautés n'est qu'un alibi pour la mise en place d'un totalitarisme orienté contre les populations, dans une structure politique purement mafieuse. La résistance à cette mafiocratie viendra, d'abord, de la population elle-même, population qui paiera le prix extrême de son indocilité: C'est la population qui a refusé spontanément le découpage du territoire national en ghettos communautaires et a continué à vouloir circuler comme à l'ordinaire. C'est pourquoi les modes de violence pratiqués par les milices ont tous eu pour objet de dissuader la population civile de continuer à vivre en dehors de leurs «protecteurs» et des ghettos communautaires qu'ils ont découpés dans le territoire libanais au prix d'une violence inqualifiable exercée sur les citoyens innocents. La majeure partie des victimes du conflit est en effet constituée de civils sans aucune appartenance milicienne ou idéologique. [...] Il ne s'agissait donc pas de mouvements de factions armées tentant de dominer l'ensemble du territoire, fût-ce au prix de pertes dans la population civile, mais exclusivement d'un système d'agression directe sur l'identité communautaire des Libanais, destiné à souder ceux d'une même confession autour de la milice prétendant les représenter et les défendre contre une autre communauté. L'aspect mafieux est explicité en ces termes par Georges Corm: Outre le rôle régional des milices et l'insertion de chacune d'entre elles dans la politique de l'une ou l'autre des puissances régionales, il faut souligner la similitude extrême de leurs comportements, comme si elles constituaient un véritable syndicat du crime opposé à la population civile qu'elles ont prétendu protéger et défendre. Leur emprise est parachevée par la suppression des libertés, en particulier la liberté de penser et d'écrire autrement qu'en termes de défense de l'identité communautaire. Dans sa thèse de doctorat, Identités et solidarités croisées dans les conflits du Liban contemporain (ce document est à lire absolument; l'ensemble du site 111101.net, qui le publie, est d'ailleurs d'une remarquable qualité), Fawwaz Traboulsi décrit au chapitre «L'économie politique des milices: le phénomène mafieux»: Il est significatif que la légitimité du contrôle milicien s'érode dès que la milice prend le contrôle de «son» territoire. N'ayant plus d'ennemi «extérieur» par lequel effrayer ses sujets, la violence milicienne se retourne vers l'intérieur, pour contrôler ses propres sujets et les «convaincre» de rester sous sa protection dans ses ghettos communautaires découpés et cloisonnés eux aussi par la violence. Dans le chaos ambiant, on aura du mal à croire à l'autoritarisme que pratique chaque milice sur son propre territoire. Pourtant il n'y a rien de plus vrai. Pire, le Liban, particulièrement entre 1983 et 1991, était sous la domination des mafias associées, qui avaient renoncé à se combattre et respectaient mutuellement leurs territoires respectifs, tout en nouant mille liens entre elles pour mieux spolier et contrôler la totalité des Libanais. C'est dans ce contexte qu'interviennent les accords de Taëf, en 1989. S'il est de bon ton, aujourd'hui, d'y dénoncer la mise en place de la tutelle syrienne, aspect que la communauté internationale aurait «corrigé» avec la résolution 1559, un élément bien plus pernicieux est alors introduit dans les fondements de la IIe République libanaise. L'une des caractéristiques de la guerre civile, c'est qu'un de ses buts de guerre est tout simplement la perpétuation de la guerre civile. Tant que cette guerre dure, elle «rapporte» à ceux qui en profitent. Si les seigneurs de guerre acceptent la fin des violences, c'est que la situation nouvelle leur profitera tout autant. La IIe République deviendra une continuation de la guerre civile par d'autres moyens. Par la place qu'accorde Taëf au «rééquilibrage» et autres marchandages confessionnels, l'accord accepte et constitutionnalise l'alibi confessionnel utilisé par les chefs de milice pour martyriser le peuple libanais. Fort logiquement, l'accord signé entre parrains de la mafia débouche sur un pouvoir dont ils occupent les principaux sièges. Le pouvoir milicien rend certes ses armes mais, loin de disparaître, il se transforme en une nouvelle république. Le Parlement «se hâtera de voter une loi d'amnistie générale mettant à l'abri les chefs de guerre et les responsables des milices de tout recours contre leurs actes». Notons que toute expression visant à dénoncer cette amnistie sera dès lors dénoncée comme une remise en question inacceptable des équilibres communautaires; toujours cet alibi qui avait servi à justifier les crimes contre l'humanité commis par ce «syndicat du crime». Force est de constater que les dernières élections ont reconduit au pouvoir tous ces «vieux parrains» (désormais garants autoproclamés des aspirations démocratiques de la jeunesse libanaise), pouvoir qu'ils ont acquis pendant la guerre civile, que Taëf a institutionnalisé, et qu'ils n'ont jamais quitté. 2. Le clan des speculateurs des terrains et du béton Il y a quelques mois, une connaissance libanaise m'avait stupéfié en m'expliquant que «s'il y a une guerre entre les sunnites et les chiites, nous autres chrétiens, on en profitera et on fera fortune en achetant les terrains». Depuis la fin de la guerre, en effet, une large partie de la bourgeoisie beyrouthine s'identifie à la réussite d'un seul homme: Rafic Hariri. Quitte à avoir intégré sa méthode pour faire fortune, sans trop se demander si, en d'autres temps ou d'autres contrées, on ne l'aurait pas tout bonnement qualifié de «profiteur de guerre». Heureusement, au Liban, la nationalisation des biens mal acquis n'est jamais évoquée. La propriété privée est le premier des monothéismes du pays, et l'expropriation ne touchera jamais le clan Hariri. Georges Corm introduit ainsi sa présentation de Rafic Hariri: Hariri lui-même, dès la fin des années 1970, avait pratiqué une politique active d'achat de parcelles foncières, pour son compte ou celui du futur roi d'Arabie saoudite, dont il est devenu l'homme d'affaires préféré. Ce futur Premier ministre, durant les années de guerre, se porte acquéreur de tout ce qui est à vendre à bon prix: banques, sociétés d'assurances, grands magasins, magnifiques parcelles que possède l'État français dans les beaux quartiers de Beyrouth. Toute personne qui a des problèmes de liquidité et de solvabilité trouve alors en lui un «sauveur» providentiel. L'aspect «géopolitique» de l'origine de cette fortune est discrètement évoqué en note de bas de page: Le but de cette opération [des milliers de bourses offertes à des étudiants] était de sortir les jeunes des communautés musulmanes de l'orbite des partis laïcs et révolutionnaires arabes en leur faisant connaître les bienfaits du développement capitaliste à l'occidentale et aussi de contribuer à rattraper leur retard vis-à-vis des jeunes des communautés chrétiennes, ouvertes depuis deux siècles sur l'Occident. Le financement de cette opération, aux dires des témoins les plus avertis, a été assuré par les deniers personnels du roi d'Arabie, Hariri n'étant qu'un paravent pour éviter au royaume saoudien, qui aime rester discret, de se montrer en première ligne. Hariri fait partie de ces nombreuses fortunes extravagantes réalisées dans la dernière étape de la guerre froide, telle celle de Georges Soros, et qui ont été employées à créer des fondations culturelles et éducatives dans le tiers monde ou les pays de l'Est, ayant pour vocation de lutter contre l'influence communiste. Le Middle-East Intelligence Bulletin, organe de propagande néoconservateur, n'aimait pas Rafic Hariri en juillet 2001. Encore vivant, ce dernier ne pouvait pas être présenté comme un hérault de la liberté contre les Syriens. Attention, le MEIB est lourdement entâché de juxtapositions diffamatoires, mais il n'est pas inintéressant de relire ce que pensaient les Américains, alors, du futur martyr. Je ne vais pas me lancer ici dans une description de l'origine et de la nature de la richesse des Hariri. Cela remplit déjà des livres, dont le fameux Rafic Hariri, un homme d'affaires premier ministre, de René Naba, publié en 1999. Je me contenterai, pour donner une vague idée de l'ampleur du personnage, de citer cette interview de Najah Wakim, l'un des rares symboles du refus de la corruption chez les hommes politiques libanais, publiée en 1997 par La Revue du Liban: Si nous rassemblions les irrégularités et abus commis par le président Hariri, auxquels s’appliquent les dipositions du Code pénal, il serait passible de neuf mille ans de prison. Il n’y a aucun article qu’il n’a pas violé. Puis suit une série d'exemples (insistons: la liste des détournements et infractions commis par le clan Hariri remplit déjà plusieurs livres; Najah Wakim ne fournit que quelques exemples): Hariri s’est approprié une station de télévision et a accordé des licences pour d’autres stations à ses proches. Il déroge à la loi qui interdit la mise en location des biens de l’Etat au-delà de quatre ans et sur base d’une adjudication publique. Or, il signe un contrat avec une personne de la famille Zantout, en vertu duquel il lui cède 15000 mètres de la gare ferroviaire proche du palais de Justice pour dix ans, moyennant un loyer symbolique d’une livre. De même, il cède le bien-fonds attenant à la Cité sportive à un cousin, Amine Héjazi pour une période de quarante ans. Puis, il confie la zone franche de l’aéroport pour quinze ans à une société dont il est l’un des associés, de même que Mohamed Zeidane, partenaire du ministre d’État Sanioura. L’agrandissement de l’aéroport pour lequel ont été affectés des crédits de l’ordre de 475 millions de dollars, nécessite le débours de plusieurs dizaines de millions supplémentaires, le chiffre définitif pouvant atteindre un milliard... Ce sont autant d’infractions effroyables. Outre son rôle d'intermédiaire dans la défense des intérêts saoudiens au Liban, Rafic Hariri était par ailleurs parfaitement associé à la «vieille garde» syrienne. Si la presse a largement glosé sur le refus d'accueillir les Libanais prosyriens (notamment le Président de la République) à l'enterrement de Rafic Hariri, il aura certainement échappé à mes concitoyens qu'en revanche, le vice-président syrien Abdel Halim Khaddam était invité et bien présent, assis aux premières loges avec la famille Hariri. Abdel Halim Khaddam, artisan principal du maintien de la présence syrienne au Liban, symbole même de la corruption de ces «services», fossoyeur des tentatives de réformes démocratiques en Syrie (la «vieille garde» qui a enterré le «printemps de Damas»), ami d'affaires du clan dans diverses malversations (téléphonie par exemple), était l'un des principaux partenaires du clan Hariri. Si l'homme fut présenté comme un témoin-clé dans l'enquête sur la mort de Rafic Hariri (il a témoigné contre Damas), voici ce qu'en disait le MEIB en février 2000 (organe de propagande néoconservateur – les mêmes considèrent maintenant Khaddam comme un homme-clé parfaitement crédible): Khaddam's role within the Syrian regime has become largely ceremonial: paying condolences and carrying messages to the leaders of Sunni regimes in the Arab world. He is unlikely to contest this demotion, knowing that any overt signs of dissatisfaction will encourage the ostensibly reform-minded Bashar to expose details of the well-known indulgences of Khaddam and his sons in corrupt activities inside and outside Syria (e.g. Khaddam and his sons, along with the Shihabi family, used their political influence to involve themselves heavily in the cellular telephone business in Lebanon, which has earned them tens of millions of dollars in the last few years). Although officially Khaddam is still a vice-president, his political wings have been clipped and he will most likely slip graciously into a comfortable retirement. Pour ceux des lecteurs qui l'ignoreraient, rappelons simplement que le clan Hariri gouverne le Liban, quasiment sans discontinuer, depuis 1992: – 1992 à 1998, puis 2000 à 2004: Rafic Hariri premier ministre; – depuis 2005, Fouad Siniora dirige le gouvernement. L'actuel Premier ministre (Fouad Siniora) était le ministre des finances (anciennement «affaires financières») de Rafic Hariri, de 1992 à 1998 puis de 2000 à 2004. Le gouvernement qu'il dirige actuellement est issu de la «victoire» électorale de Saad Hariri. Comme pour les «vieux parrains» présentés ci-devant, le clan Hariri dirige le pays, quasiment sans discontinuer, depuis la fin de la «guerre civile». C'est, comme pour les «parrains», l'un des artisans des accords de Taëf. On ne s'étonne donc pas que, depuis la fin de la tutelle syrienne et les élections qui ont suivi le «printemps de Beyrouth», c'est encore le même clan qui, avec ces «vieux parrains», est à nouveau au pouvoir, dans le but annoncé de soutenir la démocratie au Liban. 3. Une bourgeoisie affairiste et une presse aux ordres L'association, au pouvoir, des anciens patrons de l'ordre milicien et du clan Hariri, est largement soutenue dans le pays par l'élite économique, qui profite des bienfaits d'un niveau d'imposition dérisoire, de la constitution d'une «dette odieuse» (nous y reviendrons) et du démantelement de l'État à son profit. Avec le renfort d'une intense propagande pro-Hariri, pro-occidentale et pro-néolibérale de la part d'une large partie de la presse. Le Ministère français des affaires étrangères vous recommande d'ailleurs chaudement le système fiscal libanais (plafond à 20% pour les impôts sur salaires – et encore le passage du taux maximum de 10% à 20% par le gouvernement Hoss est-il souvent présenté par la bourgeoisie libanaise comme une marque de «communisme»!). Je ne m'étendrai pas sur la bourgeoisie libanaise, largement chrétienne et sunnite; le système de corruption et de prédation néo-libérale lui profite en premier lieu, pendant que la population s'enfonce dans un chômage énorme et souffre d'un système d'imposition injuste, d'un système social défaillant, d'infrastructures inadaptées... Georges Corm décrit ainsi «le délabrement de l'État et de l'économie»: La pollution, et plus particulièrement celle des eaux, les amoncellements d'ordures, le trafic routier constamment engorgé avec un taux très élevé d'accidents mortels, le déclin continu de l'agriculture et de l'industrie, le manque d'électricité dans de nombreuses régions du pays, la grande misère de l'Université libanaise qui compte la majeure partie des étudiants du pays, le délabrement toujours total du système de santé publique, le coût effarant de la vie, la condition précaire de milliers de déplacés dans leur propre pays: autant de facteurs ignorés des politiques de la reconstruction de la IIe République qui se sont enfoncées dans une routine désespérante de lenteur. Le paradoxe qui s'impose alors est celui du contraste entre l'image du Premier ministre, celle du «tycoon», d'homme d'affaires prospère, dynamique et résolu, grand inspirateur d'une politique de reconstruction ambitieuse, destinée à rendre au Liban une place économique et financière prééminente sur l'échiquier régional, et la dure réalité du terrain. Pour ceux des lecteurs qui s'étonneraient du contraste entre cette description, caractéristique d'un pays du tiers-monde, et l'image d'un pays prospère que projettent les élites libanaises, je voudrais souligner que, si l'on aime mettre en avant cette élite économique et culturelle, une promenade du côté de Verdun ou d'Achrafieh ne manque jamais de me rappeler ce commentaire de Jean Ziegler (L'empire de la honte): L'aliénation culturelle des élites de certains pays du tiers-monde n'en finit pas de surprendre par sa profondeur. [...] Les classes compradores, formellement au pouvoir dans leur pays, sont mentalement et économiquement totalement dépendantes des sociétés transcontinentales et des gouverments étrangers. Ce qui ne les empêche pas de tenir, à l'usage exclusif de leur peuple, des discours patriotiques enflammés. Au Liban, cela se traduit par un discours omniprésent, particulièrement malsain en ce moment, bouillie qui sert d'analyse politique: d'un côté un Liban moderne et occidentalisé, de l'autre une populace qui résiste éhontément au charme de tout ce bon bizness, et que l'on va donc stigmatiser: chiite, arriérée, intégriste, réactionnaire, anti-femmes, etc. De plus, la propension toute naturelle de la bourgeoisie libanaise à soutenir un système de prédation qui l'enrichit est complétée par une puissante propagande médiatique. Au-delà de la tout aussi naturelle propension des médias à soutenir ce type de positions, il faut souligner l'intense effort du clan Hariri pour contrôler et façonner ces outils de propagande. Georges Corm explique: Rafic Hariri a acquis un contrôle fort sur les médias, soit par des prises de participation importantes dans des entreprises de presse, comme le groupe prestigieux de Ghassan Tuéni qui publie le grand quotidien Al Nahar et lui sera dévoué corps et âme, soit par des paiements réguliers aux propriétaires d'autres journaux et aux principaux éditorialistes et journalistes, en particulier ceux en charge de l'économie, comme pour le Safir et le Diar. Rafic Hariri dispose d'ailleurs lui-même d'un empire médiatique au centre duquel se trouve Radio-Orient, qui émet sur toute la région à partir de Chypre et en Europe à partir de Paris; il a aussi créé sa propre télévision au Liban, Al Mustaqbal, qui dispose d'un canal satellite et d'un quotidien du même nom. Sa force de frappe médiatique, directe ou indirecte, est donc considérable. C'est pourquoi, hors du pouvoir, sa présence n'est pas moins hégémonique que lorsqu'il occupe les fonctions de Premier ministre. Concernant les médias audiovisuels: Un autre scandale sera celui de l'attribution de licence pour les radios et les télévisions; pour ces dernières, seuls M. Hariri et les dirigeants principaux auront droit à une télévision, écartant de la sorte toute voix dissonante. Quant à ceux qui résisteraient encore: Lors des gouvernements qu'il [Rafic Hariri] a dirigés, il n'a pas hésité à fermer les télévisions qui lui étaient hostiles, à poursuivre ou fermer provisoirement les journaux qui se permettaient de l'attaquer. Après le départ syrien, Alain Gresh faisait ainsi remarquer (Le Monde diplomatique, «Les vieux parrains du nouveau Liban»): Deux interdits toutefois demeuraient puissants [dans les médias]: le rôle des services secrets syriens et libanais; la place de Rafic Hariri, de sa fortune et sa responsabilité dans les problèmes économiques et sociaux, notamment l’insondable dette du pays. Seul le premier de ces tabous est désormais levé... L'arme médiatique, au service quasi exclusif du clan Hariri, frappe tous ceux qui ne rentrent pas dans le système. Le gouvernement Hoss subira une campagne d'une violence extrême, le président Lahoud, dès sa (première) élection, subira le même feu, le retour du très populaire Michel Aoun sera rapidement tourné en «retour de l'autocrate autoritaire» tandis que la libération du pas franchement populaire Samir Geagea sera présentée comme un grand moment de liesse populaire; et tout le système tourne à plein en période de crise. Il faut noter que, comme par hasard, les correspondants et analystes des médias occidentaux sont toujours issus des médias pro-Hariri. L'image d'un consensus national absolu au Liban autour de la «majorité antisyrienne» repose beaucoup, ici, sur le fait que les éditoriaux du Diar, du Safir, du Hayat, sont tout bonnement ignorés. III. LES OUTILS DE LA PRÉDATION La prise du pouvoir par cette étonnante alliance entre anciens chefs miliciens, bétonneurs et spéculateurs fonciers, et bourgeoisie affairiste, n'a évidemment d'intérêt (au sens mafieux) que si elle permet l'institution et la protection de systèmes de prédation. Concernant le Liban, un grand nombre d'ouvrages traite ce sujet. La plupart a cependant pour unique vocation, en exposant l'ampleur des malversations, à dédouaner intégralement «le Liban» face à l'activité des services syriens («le Liban» permettant de faire l'amalgame entre un peuple qui souffre de la prédation, et l'élite politique et économique libanaise qui en tire tous les profits et qui a entièrement collaboré avec le système de corruption libano-syrien). Je me contenterai de rappeler trois axes de ce système de prédation. 1. Une corruption généralisée La corruption n'est pas qu'un moyen d'échapper à la justice. Lorsque vous êtes déjà au pouvoir, la corruption poursuit un double rôle: la création d'un État parallèle à votre service exclusif, dans lequel seuls subsistent les services qui vous intéressent, les autres étant démembrés par une politique néolibérale totale, et le vol pur et simple des diverses caisses de la collectivité. Sur la prédation que l'on nomme, habituellement, «taper dans la caisse», le système libanais dépasse de loin le simple vol de sac à main. Selon Georges Corm: Ainsi, à titre d'exemple, le CDR et la Banque centrale sont le cœur de l'empire du Premier ministre; le Conseil du Sud (pour la reconstruction de cette partie du pays), la Caisse de sécurité sociale et l'Intra Investment Co seront le domaine réservé exclusif du président de la Chambre des députés; la Caisse des réfugiés chargée de l'indemnisation des déplacés est du domaine de M. Joumblatt, le puissant chef druze [...]. Comme on le voit, la répartition des postes-clés permet de contrôler tous les lieux stratégiques où aboutissent les flux d'argent. L'autre aspect de la corruption est la constitution d'un État parallèle privé. Il deviendra vite de notoriété publique, à partir de 1990, que les hauts dirigeants de l'État, certains hauts fonctionnaires administratifs ou financiers, reçoivent des salaires occultes en provenance des institutions de Rafic Hariri. (On découvrira ainsi un peu plus tard que des salaires ont été payés à des professeurs de l'Université américaine, ce qui entraînera la démission du recteur par intérim, qui avait laissé s'installer cette pratique.) La chute dramatique de la livre par rapport au dollar a en effet rongé le pouvoir d'achat des rémunérations du personnel administratif. La pratique avait été initiée durant les années de guerre où les chefs de milices avaient pris pour habitude de se faire rémunérer le respect de certains cessez-le-feu ou leur accord sur des projets de réglement politique. C'est à l'occasion des accords de Taëf que cette pratique a pris un caractère délibérément ouvert pour obtenir le consensus interne tant recherché. Elle devait se poursuivre après la conclusion des accords et avoir tendance à s'institutionnaliser. On n'a jamais su clairement si les paiements ainsi effectués le sont exclusivement au nom de l'Arabie saoudite, puissance régionale intervenante dans les affaires du Liban avec le consensus des pays occidentaux mais toujours d'une façon qui ne soit pas trop voyante politiquement; ou si Rafic Hariri agit davantage dans le cadre de sa propre dynamique de réussite personnelle. Nous avons vu, plus haut, que ces largesses concernent aussi les médias. 2. L'idéologie de la reconstruction Toute la politique de Rafic Hariri se base sur une mythologique «reconstruction». Le conflit d'intérêt monstrueux que cela représente semble ne choquer personne: le Premier ministre, chef du gouvernement passeur d'ordres pour la reconstruction, et en même temps le premier propriétaire foncier et, surtout, industriel du BTP, et donc le premier prestataire au service de cette reconstruction. Les détournements et les spoliations seront, du côté de la reconstruction, pharaoniques... Le premier aspect est, comme je viens de l'indiquer, le conflit d'intérêt entre un Hariri passeur d'ordres, et le même Hariri patron des entreprises qui répondent à ces appels d'offre. Les trucages de marchés publics sont permanents. L'intégralité de l'activité politique va se focaliser sur un vaste plan de «reconstruction», totalement inadapté aux besoins réels, mais qui ont tous pour énorme avantage d'enrichir à chaque fois les entrepreneurs du BTP. Ou plutôt... l'omniprésent entrepreneur-premier ministre. Le projet de reconstruction présenté en 1993 est totalement déséquilibré. Georges Corm le décrit ainsi: Outre la remise en état et l'extension du réseau électrique très endommagé, il est essentiellement axé sur les communications internationales: – un aéroport pour six millions de passagers/an, surdimensionné par rapport au trafic des meilleures années d'avant-guerre; – un réseau téléphonique non moins surdimensionné avec un million de lignes électroniques ordinaires et 750000 lignes cellulaires; pour une population de 3 à 3,5 millions d'habitants, le pays deviendrait ainsi le plus avancé dans le monde en termes de lignes installées par habitant. Dans sa composante intérieure, la plus importante rubrique de dépenses est relative à la construction d'un réseau autoroutier très extensif (plus de deux milliards de dollars, soit 15% de l'ensemble des enveloppes sectorielles s'élevant à treize milliards). Le reste des montants alloués concerne l'éducation (un milliard), les adductions d'eau et les égouts, et des montants mineurs pour le transport collectif, les affaires sociales et l'irrigation. Mais le grand projet pharaonique reste Solidere, la reconstruction du centre ville de Beyrouth. La propagande est telle que tout Libanais vous assurera, aujourd'hui, que c'est une grande réussite. C'est largement un scandale architectural («mélange de style roumain à la Ceausescu et de celui du quartier de la Défense à Paris», selon Georges Corm) et urbanistique, au point que son principal artisan, Henry Eddé, démissionne et dénonce le projet dès 1993. C'est, surtout, un interminable scandale politico-financier, dont le premier épisode aura été l'expropriation de 120000 personnes, devenues de façon forcée des actionnaires de Solidere. L'hôtel Saint-Georges devient le symbole de la résistance aux magouilles de Solidere. Et son emblématique victime. La littérature consacrée à Solidere et à ses péripéties financières est abondante, et la place manquerait pour en faire le récit. La propagande autour de la «reconstruction» au Liban est massive. Une des utilités, outre le profit immédiat pour le Premier ministre-Premier entrepreneurs du BTP, est d'occulter toute autre forme de débat politique, notamment en faveur du peuple paupérisé de l'après-guerre: Ni le degré de pollution dans le pays alarmant pour la santé publique, en particulier celles des eaux, ni l'état d'abandon des systèmes d'enseignement et de santé publique, ni l'absence quasi totale des moyens de transports publics, ni la paupérisation de très larges couches de la population, n'ont polarisé l'attention gouvernementale. Cette propagande de la reconstruction va même toucher les expatriés, qui vont à leur tour se mettre à investir, au pays, dans la construction de luxueux immeubles. Force est de constater qu'à l'étranger, la bourgeoisie expatriée va devenir à son tour le porte-parole de cet enthousiasme national, dans une des plus exemplaires formes d'auto-intoxication du Liban contemporain. En effet: Il en résultera un excédent colossal d'un parc immobilier construit de façon anarchique et qui défigure considérablement la beauté des paysages de la côte ou de la montagne libanaise. Le stock d'appartements, pratiquement invendables, est estimé à 200000 unités, représentant le gel d'environ 7 à 8 milliards de dollars, soit la moitié du PIB en 1998. 3. La dette odieuse La notion de «dette odieuse» (injuste, basée sur des activités illégales et/ou anti-démocratiques) est connue depuis peu du grand public. Au Liban, peu de gens ont conscience du caractère mafieux de la dette du pays. Certes, au «printemps 2005», on a vu fleurir de nombreuses explications dénonçant la dette comme odieuse, sur le seul motif qu'elle était due à l'occupation syrienne. C'est oublier qu'elle s'est mise en place sous des gouvernements libanais très populaires, qui ont justement été reconduits au pouvoir suite au «printemps de Beyrouth», et que c'est aussi aux élites libanaises et saoudiennes qu'elle a profité. D'autres dénoncent encore cette dette selon l'angle des détournements effectués dans la manière de dépenser l'argent de la dette: comme nous l'avons vu, la dette a financé la corruption et les détournements massifs dans les caisses de la reconstruction, ainsi que les projets pharaoniques qui ont fait travailler, sur la base de devis fantaisistes, les entreprises du groupe Hariri. Cependant, il me semble important de comprendre que la dette a deux aspects: la façon de dépenser la dette (ce que nous avons décrit précédemment), mais aussi la façon d'emprunter cet argent et les remboursements que cela représente. Le principe habituel de la dette d'un État est, selon le principe capitaliste, de permettre un investissement structurel qui rapportera finalement plus que le coût de l'emprunt. Dans le cas d'un dette odieuse, le but n'est pas d'investir, mais uniquement de créer... une dette, c'est-à-dire de créer un remboursement permanent de la part de l'État auprès de ses créanciers. L'idée étant que, tous les ans, les propriétaires des titres de la dette vont toucher des intérêts sur ce qu'ils ont prêté. Il ne s'agit pas d'incompétence économique, il s'agit d'un vol caractérisé contre les populations qui, elles, devront toujours payer cette dette. C'est la mise en place d'une rétribution permanente, au profit d'une minorité de Libanais et d'intérêts étrangers qui ont «investi» dans la dette. Rappelons que, en remerciement de son «incompétence», le ministre des finances des gouvernements successifs qui ont creusé la dette est désormais le nouveau Premier ministre du pays, Fouad Siniora. Selon Georges Corm (qui rappelle au passage qu'il n'y avait pas de dette à la fin de la guerre): Il n'est pas inutile de rappeler que l'endettement interne du pays à la fin de l'année 1998 avait atteint plus de 14 milliards de dollars, auxquels il faut ajouter environ 4,2 milliards de dollars de dette externe, soit un total de 18 milliards d'endettement. Le coût du service de cette dette engloutissait environ 85% à 90% des recettes budgétaires et représentait presque 50% des dépenses. En outre, durant les «années reconstruction», l'État avait accumulé des retards de paiements vis-à-vis du secteur privé (700 millions de dollars), des municipalités (700 millions), de la sécurité sociale (300 millions) et de différents offices publics (200 millions). L'endettement total du pays, retards de paiement compris, l'élevait donc à plus de 20 milliards de dollars à la fin de l'année 1998 (contre 3 milliards en 1993). La responsabilité de cet endettement est attribuable principalement au système monétaire mis en place par Rafic Hariri à partir de la fin de 1992, tel qu'il est géré par la Banque du Liban, à la tête de laquelle un homme nouveau a été placé, très proche du Premier ministre. Comme on l'a vu, ce système a été caractérisé par le très haut niveau des taux d'intérêts sur les bons du Trésor émis en livres libanaises, en dépit de la convertibilité totale de la livre et de la parité fixe qui la lie au dollar depuis la dévaluation de 1992. [...] [C'est] l'insuffisance des ressources fiscales, qui ne représentent que 13% ou 14% du PIB [...], ainsi que le niveau des taux d'intérêt qui a fluctué entre 20% et 42% durant cette période [qui est responsable du niveau d'endettement]. Le prélèvement opéré par le service de la dette publique sur l'économie atteint environ 14% à 15% du PIB, soit plus que le prélèvement fiscal lui-même. En décembre 1998, avec une inflation proche de zéro, le taux nominal des bons du Trésor à deux ans atteint 16,6%, mais leur rendement réel est de 22,5%, grâce aux généreuses opérations de swap que pratique la Banque centrale au profit du système bancaire et des gros déposants libanais et arabes. En gros: l'investissement le plus rentable au Liban, c'est d'acheter des bons du Trésor, c'est-à-dire que l'on s'enrichit énormément grâce au creusement de la dette. Plus le remboursement tarde, plus on s'enrichit. Et les conditions d'emprunt voulues par les gouvernements Hariri consistent, très exactement, à fabriquer de la dette, et cela de la manière la plus chère (donc la plus rémunératrice pour ses créanciers) possible. En 2002, la situation devient désespérée: Grâce à ses médias tout-puissants, Rafic Hariri apparaît à nouveau comme le sauveur du pays et fait oublier, non seulement que c'est lui le responsable de la situation catastrophique dans laquelle il se débat, mais qu'il n'a fait qu'augmenter l'endettement du pays, qui atteint désormais 40 milliards de dollars, si l'on prend en compte les dépôts des banques à la banque centrale. Plus de 40 milliards. C'est le hold-up du siècle. Plus rentable que l'enrichissement mafieux pendant la guerre civile. De fait, s'il est intéressant de s'intéresser aux «dépenses» de la dette, et de tenter de tracer cet argent dans les poches des propriétaires fonciers, des bétonneurs, des chefs de partis au pouvoir libanais, et dans les poches des dignitaires syriens qui travaillaient avec les gouvernements libanais successifs, il serait particulièrement éclairant de savoir qui est propriétaire des titres de la dette libanaise. Car, de ce côté, tant que la dette existe, ces créanciers libanais, saoudiens, français, américains... continuent de s'enrichir. 4. Prédation néo-libérale à la sauce confessionnelle Pour ce qui est d'une prise de contrôle de l'État par les armes, puis le démembrement néo-libéral de ses structures et la création d'une «dette odieuse» destinée à enrichir les élites et les soutiens étrangers au régime, tout cela n'est pas sans évoquer les dictatures instaurées en Amérique du Sud dans les années 1980. Si l'alibi confessionnel a permis de masquer la réalité mafieuse de la guerre (essentiellement aux yeux de l'opinion publique internationale), alors qu'ailleurs c'est un alibi de «lutte contre le communisme» qui était utilisé, je pense que cette comparaison est plus pertinente que les habituelles prétentions «antisyriennes» et «démocratiques» d'une caste politique qui se caractérise par sa permanence à la tête de l'État depuis Taëf (avec les Syriens puis sans eux) et l'immense enrichissement qu'ont tiré ses membres de ce pouvoir (avec et sans les Syriens). Cette prédation néo-libérale à la sauce confessionnelle est qualifiée, par Georges Corm, de «néo-libanisme». C'est évidemment la liberté individuelle qui doit être promue, mais celle-ci, pour s'imposer, a besoin d'une vision de l'État qui assume ses responsabilités sociales et économiques et permet au citoyen de se passer des services multiformes que peut assurer l'allégeance à des chefs communautaires puissants et corrompus. L'idéologie néo-libérale actuelle n'est évidemment pas favorable aux conceptions de l'État «providence» qui veille à ce que les citoyens aient une égalité véritable de chances dans la vie économique et sociale. C'est pourquoi, de notre point de vue, l'idéologie de la globalisation économique coexiste si bien avec les idéologies communautaires et ethniques prétendant faire le bonheur de l'individu en militant pour son «droit à la différence», comme substitut de son droit à l'égalité républicaine. L'activité de démembrement de l'État et de racket mafieux des populations, instauré par l'ordre milicien, perdure sous les horipeaux du néolibéralisme économique. Georges Corm: La guerre au Liban a changé de nature, mais non de fonction. On n'y tue plus les Libanais comme des moutons en fonction de leur affiliation communautaire, on les dépossède de leur pays au nom d'une impérative reconstruction présentée comme ayant un caractère d'avant-garde, anticipant les développements de la conjoncture régionale. Au lieu d'armes qui enlèvent la vie aux citoyens innocents, comme ce fut le cas entre 1975 et 1990, ce sont des chèques et des corruptions à tous les niveaux qui tuent les consciences. IV. LA RÉSISTANCE À L'ORDRE NÉO-LIBANAIS 1. La population Comme toujours, face à la prédation néo-libérale, c'est avant tout de la population que vient la résistance. Rappelons, tout d'abord, que la population s'entête à ne pas voter comme on le voudrait. En début de ce texte, nous citions déjà Georges Corm décrivant les invraisemblables bidouilles électorales qui ont permis d'assurer l'arrivée au pouvoir du groupe politique dit du «14 Mars», alors même que l'hystérie médiatique était à son paroxysme. Rien que pour les régions chrétiennes, le Courant patriotique libre de Michel Aoun totalise plus de députés que les Forces libanaises, les Phalanges et le Parti national libéral, pourtant soutenus par la propagande massive, et... leurs alliances électorales avec le Hezbollah (à l'époque). Les «démocrates antisyriens» autoproclamés auraient été, sans cela, laminés par le courant anti-confessionnel. Côté chiite, s'il est de bon ton de s'inquiéter de la montée de leurs partis confessionnels (Hezbollah et Amal), il ne faut pas non plus occulter le fait qu'il s'agit dans le même temps d'une montée de la conscience politique de ces populations, et évidemment de leurs représentants démocratiques. Longtemps, il n'existait tout simplement pas de représentation des chiites (50% de la population). Que cette prise de conscience et cette volonté de représentation se fassent en priorité (mais pas uniquement!) au travers de partis ouvertement confessionnels est certes regrettable, mais face à la paupérisation extrême et au recours permanent à un alibi confessionnel (chrétien et sunnite) de la part d'un pouvoir politique oligarchique, cela n'a rien de bien étonnant. On connaît bien la manifestation énorme du «14 Mars» (2005) qui a vu les «anti-syriens» défiler par centaines de milliers dans le centre de Beyrouth. On oublie ici que, la semaine précédente, le «8 Mars», c'étaient les partis «pro-syriens» qui avaient organisé une manifestation tout aussi énorme; manifestation parfaitement pacifique unanimement (dis-)qualifiée par la presse libanaise et internationale comme étant une «démonstration de force». Il n'y a pas, comme pourraient le laisser croire nos médias, une unanimité nationale soutenant le gouvernement; rien n'est moins vrai. Il n'y a pas, d'un côté, un peuple libanais soutenant unanimement son premier gouvernement parfaitement libre de toute ingérence étrangère, et de l'autre des puissances régionales manipulant des «partis de l'étranger» sans réelle légitimité démocratique tentant de miner ce processus démocratique. Le seul moyen d'affirmer cela, c'est tout bonnement de stigmatiser la moitié de la population et de criminaliser ses représentants légaux. Par ailleurs, le «mouvement social» est loin d'être mort au Liban. Il est seulement condamné par la presse proche du pouvoir, et réprimé par le gouvernement. Rien que de très classique. Avec peut-être un peu plus de violence: C'est sous son règne [Rafic Hariri] que la liberté de manifester sera suspendue, que le mouvement syndical, traditionnellement puissant au Liban, sera divisé et mis sur la touche, qu'une manifestation pacifique du Hezbollah sera réprimée dans le sang en 1993 (faisant sept tués et trente-quatre blessés), que les manifestations et rassemblements seront interdits. À l'hiver dernier, les revendications sociales furent à nouveau balayées par le gouvernement et la presse aux ordres, au simple motif que ces revendications cherchaient à «destabiliser» le gouvernement et qu'on ne devait y voir que des ingérences syriennes... On peut aussi supposer (ne serait-ce qu'en lisant la presse pro-gouvernementale) que les manifestants du 14 Mars revendiquent sincèrement les valeurs de démocraties, d'unité nationale, d'«occidentalisation», que leur promettent le gouvernement. Valeurs qui, appliquées au Liban, mèneraient à la déconfessionnalisation de la politique, à la lutte contre la corruption, au refus des ingérences étrangères (pas seulement syrienne, mais aussi américaine, saoudienne, française), à la fin du népotisme et du féodalisme. C'est-à-dire, justement, la fin du régime que je viens de décrire dans cet article, c'est-à-dire la fin du pouvoir qui se revendique du «14 Mars». 2. Les ingérences étrangères Paradoxalement, on peut considérer que le jeu des ingérences étrangères, qui sont bien entendu rarement destinées à profiter aux Libanais, jouent parfois, de part leurs propres contradictions, un rôle de «résistance» à l'ordre corrompu. On peut ainsi citer la tendance, assez lourde, des Américains à instrumentaliser la lutte contre la corruption comme arme politique. Les associations financées par les services américains, en ce domaine, sous nombreuses au Moyen-Orient. Mais ce faisant, les «proches» (ou ceux qui le deviendront) des États-Unis peuvent devenir des «dégâts collatéraux» de ces enquêtes. Transparency International, rapport sur le Liban: Reconstruction in post-war Lebanon gave birth to a new wave of efforts in rehabilitating the war-torn country. Mismanagement and shortsightedness were omnipresent in the newly formed para-governmental reconstruction organizations. Once these institutions were up and running, it was impossible to stop them, and even harder to control them. These organizations were also out of the reach of the formal control agencies due to the fact that many were financed from outside of the budget through international loans or grants, making financial auditing impossible. The reconstruction process has thus been riddled with corruption scandals that have not only discouraged foreign investors but have also had a pervasive effect on the national economy. Ainsi trouve-t-on toujours sur le Web les articles du MEIB qui exposent l'invraisemblable corruption de la mafiocratie libanaise. Si vous croyez que seul Georges Corm («pro-syrien») a dénoncé cette mafia à la tête du pouvoir, sachez que l'organe de propagande du département d'État («anti-syrien») pour le Liban ne disait pas autre chose en 2001 (en étant même beaucoup moins regardant sur ses sources que Georges Corm): Hariri and his protégés were not the only beneficiaries of this spending spree. In order to secure support from the motley strata of militia chieftains and pro-Syrian ideologues that Damascus had installed in the government, Hariri allowed kickbacks from public spending to enrich all major government figures. Apparaissent également les largesses passées envers... l'un des principaux initiateurs de la résolution 1559: Hariri is reported to have channeled an estimated 3.2 billion francs to the political campaigns of French President Jacques Chirac and his allies. Les courants concurrents du régime syrien (qui est tout sauf monolithique) provoqueront aussi, même si là aussi cela paraîtra paradoxal, des résistances à la mafiocratie. À partir de 1998, la montée progressive de Bashar Assad se fait contre la «vieille garde» qui, notamment, profite du système libanais. Nous avons déjà évoqué ici le cas du vice-président Abdel Halim Khaddam. Si le «printemps de Damas» n'a pas débouché sur une grande démocratie libérale à l'occidentale (de toute façon, la politique américaine semble bien n'avoir en rien tenté de soutenir l'ouverture du régime), le Liban semble avoir participé à cette évolution. L'élection d'Émile Lahoud porte au pouvoir un homme respecté qui annonce immédiatement un plan de lutte contre la corruption; il se choisit Salim Hoss pour premier ministre; pendant quelques temps, ce gouvernement tentera de juguler l'explosion de la dette. Soumis au feu roulant de la presse Hariri, le gouvernement finit par tomber, et le blocage des institutions permet au même clan de reprendre le contrôle des affaires. Le scandale des réseaux de téléphonie mobile devient le symbole de ce blocage «politique», alors qu'il peut tout aussi bien se résumer à un énorme bras de fer dans le cadre de la corruption et du vol pur et simple du peuple libanais. La reconduite d'Émile Lahoud à la présidence de la République devient un enjeu dans lequel il n'est pas certain que les positions syriennes aient été les plus néfastes, ni celles des népotes «démocrates» libanais les moins crapuleuses. (Au passage, mes compatriotes ignorent sans doute que le prédécesseur d'Émile Lahoud à la Présidence de la République, Elias Hraoui, avait lui-même bénéficié d'une «faveur constitutionnelle» lui autorisant un second mandat; aucune protestation à l'époque, la seule différence étant que Hraoui était un soutien inconditionnel du clan Hariri.) Les Français auront droit par exemple aux «révélations» d'Abdel Hamil Khaddam, telles que distillées dans le Nouvel Observateur et expliquées par L'Orient-Le Jour, mais les lecteurs français, eux, ne sauront pas que même L'Orient-Le Jour est très méfiant envers ces «révélations»: «Dans l’entourage présidentiel, les sommes volées au Liban et en Syrie dépassent les 20 milliards de dollars», a déclaré M. Khaddam, sans autre précision, à l’hebdomadaire français. Le président Émile Lahoud avait «dit à Bachar qu’un autre président (que lui) ouvrirait forcément les dossiers de la banque al-Madina ou celui du transfert de l’argent de Saddam Hussein au Liban», a en outre déclaré M. Khaddam. L’ancien dignitaire syrien, qui distille ses confidences dans le cadre d’une campagne médiatique, a évoqué «l’implication de Lahoud et des services de sécurité» libanais et syriens «dans la corruption au Liban». Le fait que toutes ces explications paraissent farfelues à n'importe quel Libanais qui connait le passé d'incorruptible démocrate de M. Khaddam, évidemment, n'est pas expliqué aux lecteurs occidentaux. 3. Le monde politique libanais Je ne voudrais pas ici tomber dans le jeu politicien libanais. Une telle attitude semblerait d'ailleurs assez indécente alors que les enfants meurent sous les bombes. Il ne faudrait pas non plus sembler «donner des points» sur la base de l'absence de corruption de certains, ou leur non participation aux gouvernements qui ont participé à la situation sociale et économique du pays. Du côté de la corruption, il n'y a pas une ligne de séparation complète sur la base de ce critère; dès lors que le système est hérité de la guerre, et que l'après-guerre l'a institutionnalisé à tous les échelons de l'économie politique libanaise, tout parti soit «en a croqué», soit s'est allié avec ceux qui «en ont croqué». Il y a cependant de lourdes différences d'échelle et d'implication dans le système. Je me contenterai d'exposer le rapport des forces récent, pour indiquer que le système décrit dans le présent article rencontre une opposition politique désormais plus forte, plus structurée, et ayant toutes les chances de parvenir au pouvoir à moyen terme. Bien qu'ayant toujours participé aux gouvernements qui se sont succédé dans le IIe République, le Hezbollah est une force politique «à part». Sa légitimité sociale est réelle et profonde. Le parti impose un «minimum social» aux gouvernements successifs. Sur la reconstruction de Beyrouth, Georges Corm écrit: La seule opposition politique active, en dehors de celle de personnalités individuelles n'appartenant pas à des partis constitués, est celle du Hezbollah, qui dénonce dès le début le mécanisme de société foncière. Le Hezbollah est aussi très présent dans les instances de la CGTL, avec son allié laïc le PSNS, et mène le front des revendications sociales. Souvent le Hezbollah joue le rôle de «parti des déshérités», de parti des populations paupérisées par la politique de prédation de l'État. L'autre grand mouvement qui a émergé récemment, c'est le mouvement aouniste, reconstitué et légalisé par le retour de Michel Aoun. Présenté en Europe sous l'angle exclusif de son opposition à la présence syrienne, il disparaît immédiatement des médias occidentaux à partir de son arrivée à l'aéroport de Beyrouth, puisqu'il y annonce clairement son programme: lutte contre la corruption et commission d'enquête pour déterminer les conditions de la constitution de la dette. Il tient un discours orienté vers une déconfessionnalisation et la lutte le féodalisme. Présenté en occident comme l'un des grands symboles de l'opposition anti-syrienne, il est tout simplement exclu de tout accord électoral avec le clan «anti-syrien» et, comme le raconte Georges Corm, Saad Hariri intervient lourdement pour limiter ses résultats électoraux. Au moment de l'élection, bien qu'organisateur du «8 Mars» (pro-syrien), donc théoriquement opposé au mouvement du «14 Mars» (anti-syrien), le Hezbollah est allié de groupe Hariri pour contrer le camp aouniste. Les médias français cachent ce fait: le principal parti pro-syrien est allié du camp anti-syrien pour battre l'un des rares symboles incontestés de la résistance anti-syrienne; sinon il n'aurait plus été possible en France de laisser Antoine Basbous et Antoine Sfeir gloser ad nauseam sur une politique libanaise entièrement polarisée autour de cette question. Mais, moins d'un an plus tard, le Hezbollah menace de quitter le gouvernement, Hassan Nasrallah entame des discussions avec Michel Aoun, et en mars 2006, c'est un énorme coup politique: le Hezbollah et le parti de Michel Aoun signent un document d'entente qui scelle, notamment, leur union électorale. Toute l'opposition, des partis chiites confessionnels (Amal et Hezbollah) aux chrétiens laïcs proches de Aoun, en passant par les partis laïcs pro-syriens (PSNS), sont alliés. La destitution annoncée d'Émile Lahoud est bloquée, la constitution d'un tribunal pour juger rapidement les responsables du meurtre de Rafic Hariri (alors que la «piste syrienne» a été l'unique piste suivie, cependant que, dans l'opinion libanaise, nombreux sont ceux qui trouvent cela scandaleux) est également repoussée. Plus sûrement, l'utilisation du terme de «majorité» pour désigner le gouvernement et sa «majorité» au Parlement, ne se fait plus qu'entre guillemets. Tout suggère que, si le processus démocratique libanais se poursuit, aux prochaines élections, la mafiocratie actuelle n'obtiendra pas la majorité et que Michel Aoun succédera à Émile Lahoud. Une réelle politique de lutte contre la corruption et une réforme du système électoral rendraient encore plus difficile leur retour aux affaires. CONCLUSION L'annonce américaine selon laquelle, dans le grand remodelage du Moyen-Orient, on fait la guerre à un pays dans le but de maintenir au pouvoir son «gouvernement démocratique», est rigoureusement incompréhensible tant que l'on accepte cette notion de «gouvernement démocratique» pour désigner une minorité d'affairistes et de féodaux entièrement occupés, depuis la guerre civile, à transformer la République libanaise en système complet de prédation contre le peuple. Le refus du Hezbollah et de ses alliés d'un désarmement de la Résistance ne peut se comprendre que si l'on expose la défiance que cette oligarchie inspire à une large partie de la population. Prétendre que, tout simplement, l'État libanais n'est pas «assez fort» pour désarmer le Hezbollah, c'est occulter le fait, beaucoup plus grave, qu'une très large partie de la population se méfie fondamentalement de son «gouvernement». Les raisons de cette défiance, exposées ci-dessus, ne sont pas totalement illégitimes. Quant au moment choisi pour l'agression, alors même que le gouvernement ne s'activait qu'à une chose, l'application de 1559, il peut être mis en parallèle avec l'union soudaine de l'ensemble de l'opposition, et avec les récents événements régionaux (Gaza, arrestation d'une cellule terroriste du Mossad au Liban le mois dernier...) qui font plus que jamais monter la défiance envers un gouvernement ouvertement pro-américain. Ces éléments, totalement occultés dans la presse occidentale, tout comme les commentaires acerbes de la presse arabophone libanaise contre le gouvernement, sont les seuls permettant de comprendre le soutien énorme, en cette période de guerre, au Hezbollah et au sayyed Nasrallah (autrement que par l'indigence mentale de populations arabes arriérées, explication qui a certes l'avantage de la simplicité et de la concision...). La guerre civile a instauré un système de prédation orienté contre la population, au moyen de la violence et de la terreur physique permanente. La IIe République libanaise, intégrant presque uniquement les profiteurs de cette guerre civile, a transformé la forme de la prédation, sous la forme plus pacifique d'un «néo-libanisme» (néo-libéralisme, corruption, dette odieuse, alibi confessionnel), mais n'a pas épargné ses victimes. L'agression actuelle bénéficie de ce mélange, ô combien fertile, de confessionnalisme et de corruption. Il faut espérer que tout ce petit monde n'a pas ainsi enclenché une machine de destruction qui deviendra totalement incontrôlable. Évidemment, la logique reste la même: nous assistons une fois encore à une guerre menée contre la société libanaise elle-même. Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
samson Posté(e) le 31 juillet 2006 Share Posté(e) le 31 juillet 2006 Supernova, fidèle à toi-même Cite la source de ta daube déguisée en étude rigoureuse qui cite Le Monde Diplomatique en référence et dont l'auteur reste sous anonymat, qu'on rigole. Le blog en question, dont l'auteur n'est pas identifié ce qui est suspect, avec des billets comme "Y a-t-il des limites à l'obscénité de Tsahal? " suivi de photos de propagande, est clairement partisan. Donc va au fond des choses et met les références de ce que tu cites (je ne m'en prend pas particulièrement à cette analyse mais j'observe qu'on a souvent beaucoup d'"infos" non fondés... Les sources, les sources ! ) Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
supernova Posté(e) le 1 août 2006 Share Posté(e) le 1 août 2006 Supernova, fidèle à toi-même Cite la source de ta daube déguisée en étude rigoureuse qui cite Le Monde Diplomatique en référence et dont l'auteur reste sous anonymat, qu'on rigole. Le blog en question, dont l'auteur n'est pas identifié ce qui est suspect, avec des billets comme "Y a-t-il des limites à l'obscénité de Tsahal? " suivi de photos de propagande, est clairement partisan. Donc va au fond des choses et met les références de ce que tu cites (je ne m'en prend pas particulièrement à cette analyse mais j'observe qu'on a souvent beaucoup d'"infos" non fondés... Les sources, les sources ! ) Tien un grand cri d'amour ca doit etre le summer of love de samson... Je te remercie au passage de celebrer ma cuisine, tres flatte. Remarque je me doutais bien que tu serais un des seuls lecteurs de mon post... Pour repondre a ton objection sur l'auteur du blog...je me suis fait la meme remarque tu en sais autant que moi, cela dit je trouve ce texte pertinent ... Pour le Diplo c'est sans conteste la reference francophone en ce qui concerne la politique au Proche Orient que ca plaise ou non, d'ailleur tu ne devrais pas t'en priver sous pretexte que c'est de "gauche" ou je vais finir par penser que tous les Sarkozystes sont sectaires...pour le reste de la revue et sa paranoia anti nucleaire...etc fait comme moi ne la lis pas ! Si tu compares l'analyse du gars au vide de ce que tu peux lire dans la presse quotidienne qui fait l'opignon comme le papier(cul) du jour de Colombani, http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3232,36-799787,0.html peut etre que tu remarqueras que ceux qui veulent courir sauver le Liban et qui designent vite fait les coupables (par conformisne au sens dedefensa) soit ils sont inconscients soit ils sont partisants . S'il y a intervention militaire europeenne precipitee dans les deux cas cela devrait servir assez facilement de detonnateur a une nouvelle guerre civile, car nous ne serons pas percu comme des sauveurs par une large part de la population Libannaise mais comme des envahisseurs. Alors la petite musique de la guerre humanitaire et de la guerre au terrorisme fanfaronner par les autistes de la democratie c'est la verite vue d'ici sans plus... Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
samson Posté(e) le 4 août 2006 Share Posté(e) le 4 août 2006 Supernova, Je suis navré de te dire que le Monde Diplo est tout sauf la référence en matière de géopolitique. Ses seuls intérêts sont : -le fait qu'il soit d'extrême gauche, ce qui fait que les journalistes du MD vont s'intéresser à des conflits dont tout le monde se fout ou qui sont inconnus. - les CARTES qui sont là, vraiment, au-dessus du lot. Pour ceux qui ne connaissent pas, elles sont accessibles sur le net, je les recommande à tout le monde : http://www.monde-diplomatique.fr/cartes/ Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
loki Posté(e) le 4 août 2006 Share Posté(e) le 4 août 2006 pour ma part je pense que le monde diplomatique est ce qui se fait de mieux dans la presse français pour le décryptage des événements au proche orient. évidemment au bout d'un moment il faut aborder des oeuvres universitaires, par exemple ( en français ) : - la guerre de palestine ( sous la direction de Eugéne L ROGAN et Avi SHLAIM ) - le péché originel de l'état d'israël de dominique vidal - la nouvelle histoire d'israel de ilan greilsammer - la question de palestine de henry laurens - victimes histoire revisitée du conflit arabo-sioniste de benny morris Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
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