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"Richesse pétrolière, pauvreté démocratique"


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Bon, pour finir, on est capitalistes et militaristes ou on ne l'est pas alors une tribune du Figaro comme il se doit (d'A. Adler (en plus!) qui peut être propre -la preuve- et pas servir des brouillons en totale impro comme il nous habitue sur fr culture le matin).

Bon ça sonne un peu théorie made in Princeton mais il y a quelques éléments intéressants avec d'inévitables nuances -bien mises en évidence par Adler- mais j'aime bien

http://www.lefigaro.fr/debats/20060831.FIG000000127_richesse_petroliere_pauvrete_democratique.html

Richesse pétrolière, pauvreté démocratique, par Alexandre Adler La chronique d'Alexandre Adler . Publié le 31 août 2006Actualisé le 31 août 2006 : 08h33

Richesse pétrolière, pauvreté démocratique, par Alexandre Adler Retour | Rubrique Opinions

Notre confrère du New York Times, Tom Friedman, vient de proposer un théorème très suggestif qui s'applique, selon lui, de manière totalement éclairante à la situation actuelle : la progression des rentes de matières premières, et particulièrement celles générées par les hydrocarbures, croît en rapport inverse aux potentialités démocratiques. Tout simplement : plus les pays fournisseurs de matières premières s'enrichissent sans travailler davantage et moins la démocratie a de chances de s'y épanouir.

On voit tout de suite la pertinence de l'observation s'agissant, par exemple, du Venezuela de Chavez ou de l'Iran d'Ahmadinejad, voire de la nouvelle Algérie semi-islamiste que nous concocte le tandem Bouteflika-Belkhadem. La matrice de cette démonstration procède d'ailleurs d'une base solide en théorie économique. Il s'agit du célèbre «effet de Groningue» dont l'élucidation valut à l'économiste néerlandais, Jan Tinbergen, un prix Nobel. À Groningue, au début des années 1950, la découverte du plus grand gisement de gaz naturel d'Europe occidentale allait provoquer, par redistribution d'une partie de cette rente inespérée, une rapide désindustrialisation. La montée des prix rendait en effet la production locale de moins en moins compétitive tandis que les revenus distribués en production se traduisaient par une montée rapide des importations. La conclusion de Tinbergen, dans le droit fil du calvinisme hollandais, est qu'une richesse acquise hors du cycle de production tend à détruire le cycle productif lui-même.

De la production, avec son éthique d'épargne et de rigueur quasi morale, à la démocratie libérale, qui repose sur des fondements éthiques sensiblement convergents, il n'y a qu'un pas que Tom Friedman franchit avec allégresse. Il est certain, en effet, que l'enrichissement sous forme de rentes permet assez facilement d'acheter le consensus sans se soucier de réformer le moins du monde les pratiques sociales qui, d'ordinaire, accompagnent la progression du produit brut. Imagine-t-on un Kadhafi assujetti aux disciplines productives qui auraient nécessairement arraché le peuple libyen à l'apathie corruptrice dans laquelle il est plongé depuis quarante ans ?

Il y a, néanmoins, quelques limites à l'argument. D'emblée, Friedman prend soin de dire que les effets de son théorème peuvent être intégralement dilués par de bonnes pratiques productives et démocratiques, si ces dernières existaient antérieurement. C'est ainsi qu'il explique pourquoi la Norvège ou l'Écosse ne sont pas devenues, après la découverte de la manne en mer du Nord, des émirats corrompus et paresseux. Mais est-on si sûr que la montée des matières premières, sans aucun perfectionnement des moyens de production, ait eu partout ou toujours les mêmes effets dissolvants ? Dans trois cas au moins, on a pu constater des effets rigoureusement inverses. Si le Venezuela de Romulo Bettancourt et de ses émules sociaux-démocrates et démocrates-chrétiens fut à l'avant-garde des libertés politiques dans l'Amérique latine des années 1950-1960, c'est bien à l'utilisation initialement sagace et mesurée de la richesse pétrolière qu'il le dut. Et si les forces antidémocratiques, qui se sont cristallisées autour de Chavez, ont fini par balayer cette exemplaire social-démocratie vénézuélienne, n'est-ce pas plutôt à la rupture de l'État providence – qui était gagé sur un prix élevé du pétrole – qu'on le doit ?

Si la haute conjoncture permet à des tyranneaux de s'en sortir mieux qu'ils ne le devraient, la basse conjoncture, en revanche, peut créer tout aussi bien une coagulation de forces protestataires qui n'aura rien de démocratique, des super-islamistes saoudiens de la fin des années 1990 aux nationalistes autoritaires russes d'il y a dix ans. À l'inverse, aujourd'hui, nous savons pourtant pertinemment que la hausse des matières premières a aussi permis, dans certaines situations très délicates, un progrès frappant de la démocratie. Que ce soit au Brésil, grand exportateur de soja et autres matières agricoles, ou en Afrique du Sud, véritable banque minérale de l'économie mondiale, la richesse nouvelle est venue renforcer la main des réformateurs économiques sociaux-libéraux.

Enfin, on constatera que le populisme autoritaire piteux de Lopez Obrador, au Mexique, a été défait en pleine montée de la prospérité locale. Mais, à cela, Friedman pourrait répondre que la victoire à l'arraché du démocrate-chrétien, Felipe Calderon, symbolisera, si toutefois la guerre civile est évitée, la victoire du profit industriel tourné vers les États-Unis et le marché mondial sur les forces de la rente qui aspirent peut-être, tout comme le Venezuela voisin, à rejoindre à terme une sorte de ligue arabe élargie aux dimensions de la planète. Il serait, par conséquent, plus prudent et plus empirique de dire que l'enrichissement profite aux gouvernements qui ont pour programme la démocratie et la mondialisation, et consolident, ailleurs, les États qui se complaisent dans la dictature. Ce constat n'est pas différent des recettes que donnait, en son temps, Tinbergen : combattre l'inflation, stimuler la productivité et maintenir la monnaie le plus bas possible afin de pénaliser les importations. Et «l'effet de Groningue» s'efface.

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Notre confrère du New York Times, Tom Friedman, vient de proposer un théorème très suggestif qui s'applique, selon lui, de manière totalement éclairante à la situation actuelle : la progression des rentes de matières premières, et particulièrement celles générées par les hydrocarbures, croît en rapport inverse aux potentialités démocratiques. Tout simplement : plus les pays fournisseurs de matières premières s'enrichissent sans travailler davantage et moins la démocratie a de chances de s'y épanouir.

On voit tout de suite la pertinence de l'observation s'agissant, par exemple, du Venezuela de Chavez ou de l'Iran d'Ahmadinejad, voire de la nouvelle Algérie semi-islamiste que nous concocte le tandem Bouteflika-Belkhadem. La matrice de cette démonstration procède d'ailleurs d'une base solide en théorie économique. Il s'agit du célèbre «effet de Groningue» dont l'élucidation valut à l'économiste néerlandais, Jan Tinbergen, un prix Nobel. À Groningue, au début des années 1950, la découverte du plus grand gisement de gaz naturel d'Europe occidentale allait provoquer, par redistribution d'une partie de cette rente inespérée, une rapide désindustrialisation. La montée des prix rendait en effet la production locale de moins en moins compétitive tandis que les revenus distribués en production se traduisaient par une montée rapide des importations. La conclusion de Tinbergen, dans le droit fil du calvinisme hollandais, est qu'une richesse acquise hors du cycle de production tend à détruire le cycle productif lui-même.

De la production, avec son éthique d'épargne et de rigueur quasi morale, à la démocratie libérale, qui repose sur des fondements éthiques sensiblement convergents, il n'y a qu'un pas que Tom Friedman franchit avec allégresse. Il est certain, en effet, que l'enrichissement sous forme de rentes permet assez facilement d'acheter le consensus sans se soucier de réformer le moins du monde les pratiques sociales qui, d'ordinaire, accompagnent la progression du produit brut. Imagine-t-on un Kadhafi assujetti aux disciplines productives qui auraient nécessairement arraché le peuple libyen à l'apathie corruptrice dans laquelle il est plongé depuis quarante ans ?

Il y a, néanmoins, quelques limites à l'argument. D'emblée, Friedman prend soin de dire que les effets de son théorème peuvent être intégralement dilués par de bonnes pratiques productives et démocratiques, si ces dernières existaient antérieurement. C'est ainsi qu'il explique pourquoi la Norvège ou l'Écosse ne sont pas devenues, après la découverte de la manne en mer du Nord, des émirats corrompus et paresseux. Mais est-on si sûr que la montée des matières premières, sans aucun perfectionnement des moyens de production, ait eu partout ou toujours les mêmes effets dissolvants ? Dans trois cas au moins, on a pu constater des effets rigoureusement inverses. Si le Venezuela de Romulo Bettancourt et de ses émules sociaux-démocrates et démocrates-chrétiens fut à l'avant-garde des libertés politiques dans l'Amérique latine des années 1950-1960, c'est bien à l'utilisation initialement sagace et mesurée de la richesse pétrolière qu'il le dut. Et si les forces antidémocratiques, qui se sont cristallisées autour de Chavez, ont fini par balayer cette exemplaire social-démocratie vénézuélienne, n'est-ce pas plutôt à la rupture de l'État providence – qui était gagé sur un prix élevé du pétrole – qu'on le doit ?

Si la haute conjoncture permet à des tyranneaux de s'en sortir mieux qu'ils ne le devraient, la basse conjoncture, en revanche, peut créer tout aussi bien une coagulation de forces protestataires qui n'aura rien de démocratique, des super-islamistes saoudiens de la fin des années 1990 aux nationalistes autoritaires russes d'il y a dix ans. À l'inverse, aujourd'hui, nous savons pourtant pertinemment que la hausse des matières premières a aussi permis, dans certaines situations très délicates, un progrès frappant de la démocratie. Que ce soit au Brésil, grand exportateur de soja et autres matières agricoles, ou en Afrique du Sud, véritable banque minérale de l'économie mondiale, la richesse nouvelle est venue renforcer la main des réformateurs économiques sociaux-libéraux.

Enfin, on constatera que le populisme autoritaire piteux de Lopez Obrador, au Mexique, a été défait en pleine montée de la prospérité locale. Mais, à cela, Friedman pourrait répondre que la victoire à l'arraché du démocrate-chrétien, Felipe Calderon, symbolisera, si toutefois la guerre civile est évitée, la victoire du profit industriel tourné vers les États-Unis et le marché mondial sur les forces de la rente qui aspirent peut-être, tout comme le Venezuela voisin, à rejoindre à terme une sorte de ligue arabe élargie aux dimensions de la planète. Il serait, par conséquent, plus prudent et plus empirique de dire que l'enrichissement profite aux gouvernements qui ont pour programme la démocratie et la mondialisation, et consolident, ailleurs, les États qui se complaisent dans la dictature. Ce constat n'est pas différent des recettes que donnait, en son temps, Tinbergen : combattre l'inflation, stimuler la productivité et maintenir la monnaie le plus bas possible afin de pénaliser les importations. Et «l'effet de Groningue» s'efface.

Notre confrère du New York Times, Tom Friedman, vient de proposer un théorème très suggestif qui s'applique, selon lui, de manière totalement éclairante à la situation actuelle : la progression des rentes de matières premières, et particulièrement celles générées par les hydrocarbures, croît en rapport inverse aux potentialités démocratiques. Tout simplement : plus les pays fournisseurs de matières premières s'enrichissent sans travailler davantage et moins la démocratie a de chances de s'y épanouir.

On voit tout de suite la pertinence de l'observation s'agissant, par exemple, du Venezuela de Chavez ou de l'Iran d'Ahmadinejad, voire de la nouvelle Algérie semi-islamiste que nous concocte le tandem Bouteflika-Belkhadem. La matrice de cette démonstration procède d'ailleurs d'une base solide en théorie économique. Il s'agit du célèbre «effet de Groningue» dont l'élucidation valut à l'économiste néerlandais, Jan Tinbergen, un prix Nobel. À Groningue, au début des années 1950, la découverte du plus grand gisement de gaz naturel d'Europe occidentale allait provoquer, par redistribution d'une partie de cette rente inespérée, une rapide désindustrialisation. La montée des prix rendait en effet la production locale de moins en moins compétitive tandis que les revenus distribués en production se traduisaient par une montée rapide des importations. La conclusion de Tinbergen, dans le droit fil du calvinisme hollandais, est qu'une richesse acquise hors du cycle de production tend à détruire le cycle productif lui-même.

De la production, avec son éthique d'épargne et de rigueur quasi morale, à la démocratie libérale, qui repose sur des fondements éthiques sensiblement convergents, il n'y a qu'un pas que Tom Friedman franchit avec allégresse. Il est certain, en effet, que l'enrichissement sous forme de rentes permet assez facilement d'acheter le consensus sans se soucier de réformer le moins du monde les pratiques sociales qui, d'ordinaire, accompagnent la progression du produit brut. Imagine-t-on un Kadhafi assujetti aux disciplines productives qui auraient nécessairement arraché le peuple libyen à l'apathie corruptrice dans laquelle il est plongé depuis quarante ans ?

Il y a, néanmoins, quelques limites à l'argument. D'emblée, Friedman prend soin de dire que les effets de son théorème peuvent être intégralement dilués par de bonnes pratiques productives et démocratiques, si ces dernières existaient antérieurement. C'est ainsi qu'il explique pourquoi la Norvège ou l'Écosse ne sont pas devenues, après la découverte de la manne en mer du Nord, des émirats corrompus et paresseux. Mais est-on si sûr que la montée des matières premières, sans aucun perfectionnement des moyens de production, ait eu partout ou toujours les mêmes effets dissolvants ? Dans trois cas au moins, on a pu constater des effets rigoureusement inverses. Si le Venezuela de Romulo Bettancourt et de ses émules sociaux-démocrates et démocrates-chrétiens fut à l'avant-garde des libertés politiques dans l'Amérique latine des années 1950-1960, c'est bien à l'utilisation initialement sagace et mesurée de la richesse pétrolière qu'il le dut. Et si les forces antidémocratiques, qui se sont cristallisées autour de Chavez, ont fini par balayer cette exemplaire social-démocratie vénézuélienne, n'est-ce pas plutôt à la rupture de l'État providence – qui était gagé sur un prix élevé du pétrole – qu'on le doit ?

Si la haute conjoncture permet à des tyranneaux de s'en sortir mieux qu'ils ne le devraient, la basse conjoncture, en revanche, peut créer tout aussi bien une coagulation de forces protestataires qui n'aura rien de démocratique, des super-islamistes saoudiens de la fin des années 1990 aux nationalistes autoritaires russes d'il y a dix ans. À l'inverse, aujourd'hui, nous savons pourtant pertinemment que la hausse des matières premières a aussi permis, dans certaines situations très délicates, un progrès frappant de la démocratie. Que ce soit au Brésil, grand exportateur de soja et autres matières agricoles, ou en Afrique du Sud, véritable banque minérale de l'économie mondiale, la richesse nouvelle est venue renforcer la main des réformateurs économiques sociaux-libéraux.

Enfin, on constatera que le populisme autoritaire piteux de Lopez Obrador, au Mexique, a été défait en pleine montée de la prospérité locale. Mais, à cela, Friedman pourrait répondre que la victoire à l'arraché du démocrate-chrétien, Felipe Calderon, symbolisera, si toutefois la guerre civile est évitée, la victoire du profit industriel tourné vers les États-Unis et le marché mondial sur les forces de la rente qui aspirent peut-être, tout comme le Venezuela voisin, à rejoindre à terme une sorte de ligue arabe élargie aux dimensions de la planète. Il serait, par conséquent, plus prudent et plus empirique de dire que l'enrichissement profite aux gouvernements qui ont pour programme la démocratie et la mondialisation, et consolident, ailleurs, les États qui se complaisent dans la dictature. Ce constat n'est pas différent des recettes que donnait, en son temps, Tinbergen : combattre l'inflation, stimuler la productivité et maintenir la monnaie le plus bas possible afin de pénaliser les importations. Et «l'effet de Groningue» s'efface.

Notre confrère du New York Times, Tom Friedman, vient de proposer un théorème très suggestif qui s'applique, selon lui, de manière totalement éclairante à la situation actuelle : la progression des rentes de matières premières, et particulièrement celles générées par les hydrocarbures, croît en rapport inverse aux potentialités démocratiques. Tout simplement : plus les pays fournisseurs de matières premières s'enrichissent sans travailler davantage et moins la démocratie a de chances de s'y épanouir.

On voit tout de suite la pertinence de l'observation s'agissant, par exemple, du Venezuela de Chavez ou de l'Iran d'Ahmadinejad, voire de la nouvelle Algérie semi-islamiste que nous concocte le tandem Bouteflika-Belkhadem. La matrice de cette démonstration procède d'ailleurs d'une base solide en théorie économique. Il s'agit du célèbre «effet de Groningue» dont l'élucidation valut à l'économiste néerlandais, Jan Tinbergen, un prix Nobel. À Groningue, au début des années 1950, la découverte du plus grand gisement de gaz naturel d'Europe occidentale allait provoquer, par redistribution d'une partie de cette rente inespérée, une rapide désindustrialisation. La montée des prix rendait en effet la production locale de moins en moins compétitive tandis que les revenus distribués en production se traduisaient par une montée rapide des importations. La conclusion de Tinbergen, dans le droit fil du calvinisme hollandais, est qu'une richesse acquise hors du cycle de production tend à détruire le cycle productif lui-même.

De la production, avec son éthique d'épargne et de rigueur quasi morale, à la démocratie libérale, qui repose sur des fondements éthiques sensiblement convergents, il n'y a qu'un pas que Tom Friedman franchit avec allégresse. Il est certain, en effet, que l'enrichissement sous forme de rentes permet assez facilement d'acheter le consensus sans se soucier de réformer le moins du monde les pratiques sociales qui, d'ordinaire, accompagnent la progression du produit brut. Imagine-t-on un Kadhafi assujetti aux disciplines productives qui auraient nécessairement arraché le peuple libyen à l'apathie corruptrice dans laquelle il est plongé depuis quarante ans ?

Il y a, néanmoins, quelques limites à l'argument. D'emblée, Friedman prend soin de dire que les effets de son théorème peuvent être intégralement dilués par de bonnes pratiques productives et démocratiques, si ces dernières existaient antérieurement. C'est ainsi qu'il explique pourquoi la Norvège ou l'Écosse ne sont pas devenues, après la découverte de la manne en mer du Nord, des émirats corrompus et paresseux. Mais est-on si sûr que la montée des matières premières, sans aucun perfectionnement des moyens de production, ait eu partout ou toujours les mêmes effets dissolvants ? Dans trois cas au moins, on a pu constater des effets rigoureusement inverses. Si le Venezuela de Romulo Bettancourt et de ses émules sociaux-démocrates et démocrates-chrétiens fut à l'avant-garde des libertés politiques dans l'Amérique latine des années 1950-1960, c'est bien à l'utilisation initialement sagace et mesurée de la richesse pétrolière qu'il le dut. Et si les forces antidémocratiques, qui se sont cristallisées autour de Chavez, ont fini par balayer cette exemplaire social-démocratie vénézuélienne, n'est-ce pas plutôt à la rupture de l'État providence – qui était gagé sur un prix élevé du pétrole – qu'on le doit ?

Si la haute conjoncture permet à des tyranneaux de s'en sortir mieux qu'ils ne le devraient, la basse conjoncture, en revanche, peut créer tout aussi bien une coagulation de forces protestataires qui n'aura rien de démocratique, des super-islamistes saoudiens de la fin des années 1990 aux nationalistes autoritaires russes d'il y a dix ans. À l'inverse, aujourd'hui, nous savons pourtant pertinemment que la hausse des matières premières a aussi permis, dans certaines situations très délicates, un progrès frappant de la démocratie. Que ce soit au Brésil, grand exportateur de soja et autres matières agricoles, ou en Afrique du Sud, véritable banque minérale de l'économie mondiale, la richesse nouvelle est venue renforcer la main des réformateurs économiques sociaux-libéraux.

Enfin, on constatera que le populisme autoritaire piteux de Lopez Obrador, au Mexique, a été défait en pleine montée de la prospérité locale. Mais, à cela, Friedman pourrait répondre que la victoire à l'arraché du démocrate-chrétien, Felipe Calderon, symbolisera, si toutefois la guerre civile est évitée, la victoire du profit industriel tourné vers les États-Unis et le marché mondial sur les forces de la rente qui aspirent peut-être, tout comme le Venezuela voisin, à rejoindre à terme une sorte de ligue arabe élargie aux dimensions de la planète. Il serait, par conséquent, plus prudent et plus empirique de dire que l'enrichissement profite aux gouvernements qui ont pour programme la démocratie et la mondialisation, et consolident, ailleurs, les États qui se complaisent dans la dictature. Ce constat n'est pas différent des recettes que donnait, en son temps, Tinbergen : combattre l'inflation, stimuler la productivité et maintenir la monnaie le plus bas possible afin de pénaliser les importations. Et «l'effet de Groningue» s'efface.

Notre confrère du New York Times, Tom Friedman, vient de proposer un théorème très suggestif qui s'applique, selon lui, de manière totalement éclairante à la situation actuelle : la progression des rentes de matières premières, et particulièrement celles générées par les hydrocarbures, croît en rapport inverse aux potentialités démocratiques. Tout simplement : plus les pays fournisseurs de matières premières s'enrichissent sans travailler davantage et moins la démocratie a de chances de s'y épanouir.

On voit tout de suite la pertinence de l'observation s'agissant, par exemple, du Venezuela de Chavez ou de l'Iran d'Ahmadinejad, voire de la nouvelle Algérie semi-islamiste que nous concocte le tandem Bouteflika-Belkhadem. La matrice de cette démonstration procède d'ailleurs d'une base solide en théorie économique. Il s'agit du célèbre «effet de Groningue» dont l'élucidation valut à l'économiste néerlandais, Jan Tinbergen, un prix Nobel. À Groningue, au début des années 1950, la découverte du plus grand gisement de gaz naturel d'Europe occidentale allait provoquer, par redistribution d'une partie de cette rente inespérée, une rapide désindustrialisation. La montée des prix rendait en effet la production locale de moins en moins compétitive tandis que les revenus distribués en production se traduisaient par une montée rapide des importations. La conclusion de Tinbergen, dans le droit fil du calvinisme hollandais, est qu'une richesse acquise hors du cycle de production tend à détruire le cycle productif lui-même.

De la production, avec son éthique d'épargne et de rigueur quasi morale, à la démocratie libérale, qui repose sur des fondements éthiques sensiblement convergents, il n'y a qu'un pas que Tom Friedman franchit avec allégresse. Il est certain, en effet, que l'enrichissement sous forme de rentes permet assez facilement d'acheter le consensus sans se soucier de réformer le moins du monde les pratiques sociales qui, d'ordinaire, accompagnent la progression du produit brut. Imagine-t-on un Kadhafi assujetti aux disciplines productives qui auraient nécessairement arraché le peuple libyen à l'apathie corruptrice dans laquelle il est plongé depuis quarante ans ?

Il y a, néanmoins, quelques limites à l'argument. D'emblée, Friedman prend soin de dire que les effets de son théorème peuvent être intégralement dilués par de bonnes pratiques productives et démocratiques, si ces dernières existaient antérieurement. C'est ainsi qu'il explique pourquoi la Norvège ou l'Écosse ne sont pas devenues, après la découverte de la manne en mer du Nord, des émirats corrompus et paresseux. Mais est-on si sûr que la montée des matières premières, sans aucun perfectionnement des moyens de production, ait eu partout ou toujours les mêmes effets dissolvants ? Dans trois cas au moins, on a pu constater des effets rigoureusement inverses. Si le Venezuela de Romulo Bettancourt et de ses émules sociaux-démocrates et démocrates-chrétiens fut à l'avant-garde des libertés politiques dans l'Amérique latine des années 1950-1960, c'est bien à l'utilisation initialement sagace et mesurée de la richesse pétrolière qu'il le dut. Et si les forces antidémocratiques, qui se sont cristallisées autour de Chavez, ont fini par balayer cette exemplaire social-démocratie vénézuélienne, n'est-ce pas plutôt à la rupture de l'État providence – qui était gagé sur un prix élevé du pétrole – qu'on le doit ?

Si la haute conjoncture permet à des tyranneaux de s'en sortir mieux qu'ils ne le devraient, la basse conjoncture, en revanche, peut créer tout aussi bien une coagulation de forces protestataires qui n'aura rien de démocratique, des super-islamistes saoudiens de la fin des années 1990 aux nationalistes autoritaires russes d'il y a dix ans. À l'inverse, aujourd'hui, nous savons pourtant pertinemment que la hausse des matières premières a aussi permis, dans certaines situations très délicates, un progrès frappant de la démocratie. Que ce soit au Brésil, grand exportateur de soja et autres matières agricoles, ou en Afrique du Sud, véritable banque minérale de l'économie mondiale, la richesse nouvelle est venue renforcer la main des réformateurs économiques sociaux-libéraux.

Enfin, on constatera que le populisme autoritaire piteux de Lopez Obrador, au Mexique, a été défait en pleine montée de la prospérité locale. Mais, à cela, Friedman pourrait répondre que la victoire à l'arraché du démocrate-chrétien, Felipe Calderon, symbolisera, si toutefois la guerre civile est évitée, la victoire du profit industriel tourné vers les États-Unis et le marché mondial sur les forces de la rente qui aspirent peut-être, tout comme le Venezuela voisin, à rejoindre à terme une sorte de ligue arabe élargie aux dimensions de la planète. Il serait, par conséquent, plus prudent et plus empirique de dire que l'enrichissement profite aux gouvernements qui ont pour programme la démocratie et la mondialisation, et consolident, ailleurs, les États qui se complaisent dans la dictature. Ce constat n'est pas différent des recettes que donnait, en son temps, Tinbergen : combattre l'inflation, stimuler la productivité et maintenir la monnaie le plus bas possible afin de pénaliser les importations. Et «l'effet de Groningue» s'efface.

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Bon, il faudra m'expliquer pourquoi l'Australie ou le Canada sont démocratiques.Leur richesse en matières premières est largement equivalente à l'Arabie Seoudite (mineraux, charbon etc...) Ca me rappelle les poncifs du genre seule la démocratie permet le développement ou le Japon et l'Allemagne d'après guerre ont réussi parceque ils consacraient moins à la défense... Le développement est avant tout un problème de culture des élites économiques, militaires et politiques d'un pays.Et la religion joue un role important sur le plan culturel. En particulier si celles ci sont corrompues, satisfaites de leur privilèges ou du systeme existant et dénuées d'ambition nationale, rien ne se fait.Par contre ça, c'est vérifié pour tout les pays à travers l'histoire.

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J'avais précisé que ça sentait un peu le branlage de nouille.

Et puis, il borne son théorème :

D'emblée, Friedman prend soin de dire que les effets de son théorème peuvent être intégralement dilués par de bonnes pratiques productives et démocratiques, si ces dernières existaient antérieurement. C'est ainsi qu'il explique pourquoi la Norvège ou l'Écosse ne sont pas devenues, après la découverte de la manne en mer du Nord, des émirats corrompus et paresseux.

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Pourquoi l'Australie ou le Canada est d'autre sont démocratiques , parce que leur richesse n'est pas constitué a 90 ,95 % par les hydrocarbures , mais par le travail. Le pétrole et le gaz ont cette particularité d'offrir un "rente minière" exceptionnellement élevée, dans toute la chaîne logistique. A titre exemple il n'est que de comparé le ratio nombre d'emplois / chiffre d'affaire de groupe comme: Total/Renault ou Exxon-Mobil/wal-mart , pour s'en convaincre. L'argent trop facile pousse a toute les dérives , de plus il est bon de se souvenir que cette manne est tombé sur des pays issu tout droit du moyen âge. Phyvette

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