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La guerre en 1870


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On ne peut pas vraiment le dire, pour beaucoup de raisons:

- déjà vu plus haut: la reddition était-elle preuve d'incompétence? Il faudrait prouver que quelque chose d'autre, de tactiquement et stratégiquement valable, pouvait être fait.... Perso, je vois pas vraiment

- le haut commandement français d'alors était de fait incompétent: si le bilan peut être nuancé en regardant les individus, si la plupart étaient de bons voire excellents tacticiens (et Bazaine un des meilleurs), peu pouvaient concevoir le niveau "proto-opératif" de l'époque, et quasiment aucun n'envisageait la guerre en termes stratégiques. Pour ce dernier point, à vrai dire, aucun général du temps ne le faisait (discutable pour Moltke), mais pour le niveau "opératif"/grande tactique, on va dire la conduite des campagnes, même si peu hors d'Allemagne (et pas tant que ça en Prusse d'ailleurs, hors du très seul grand EM) l'abordaient correctement, il y a des choses inexcusables, notamment ces grands fantasmes napoléoniens (et pas les bonnes parties de l'épopée du tondu). Seulement Bazaine était-il dans ce cas? Difficile à dire: il n'a eu que très peu de temps, donc on ne peut rien conclure. Et le haut commandement français souffrait d'une mauvaise culture d'EM: organisation et sélection des personnels réellement mauvaise, préoccupations trop peu modernes (logistique, planification, réflexion à grande échelle). Mais là encore, Bazaine a pris en cours de route, trop avant dans la guerre pour réellement porter une responsabilité réelle

- encore sur le plan des EM: leur fonctionnement humain était mauvais, et s'est réellement retourné contre Bazaine, en raison notamment de dissenssions internes dues à l'ostracisme de caste qu'il a suscité. Les EM de corps lui répondaient mal voire pas du tout, quand ils ne désobéissaient pas franchement, le grand EM qu'il dirigeait a du être bricolé à la va vite et ne suffisait pas à la tâche ce qui le contraignait à un micro management occasionnel (qu'il n'aurait pas du avoir à faire) et surtout à une dispersion de ses personnels d'EM déjà comptés vers les corps, pour pouvoir avoir un semblant de contrôle effectif. De fait, l'exécution était merdique, tant en raison des problèmes d'organisation et de mentalités de la caste, que des relations des officiers supérieurs à Bazaine (qui en plus était jugé trop jeune par les autres maréchaux) et aux autres généraux bonapartistes (pas nombreux) et/ou sortis du rang.

- l'armée française était, et Bazaine était un de ceux qui le pointaient du doigt, lente à se mouvoir à l'échelle de la campagne (5 à 8km par jour contre 15 à 20 pour les Prussiens), donc lente à se concentrer: tout mouvement amenait invariablement une bataille en rase campagne en infériorité numérique et/ou tactique, et à ce stade, s'ajoutait en plus les manques graves de la logistique (nourriture, équipement, et plus que tout, munitions). Bazaine ne pouvait donc bouger que de position fortifiée en position fortifiée, afin de minimiser ces désavantages. une fois enfermé dans Metz, que pouvait-il faire? Surtout avec d'autres chefs d'armées et de corps qui étaient dans cette même logique? Là, c'est la préparation de la guerre qui est en cause, pointée du doigt par Bazaine lui-même lorsqu'il était inspecteur général de l'armée (et écouté par Napoléon III qui avait alors entamé les réformes mais n'avait pu ni les mener à leur terme faute de temps, ni le faire assez vite faute de fric,ni réellement les imposer à un corps des officiers généraux très réticent)

Là encore, est-ce de l'incompétence? Je trouve le jugement hâtif, ne serait-ce que compte tenu du temps dont il a disposé et de l'hostilité de la caste en place qui elle avait déjà démontré beaucoup d'incompétence. On peut quand même aussi lui donner crédit pour ses réflexions d'avant-guerre sur la nature tactique des affrontements, lui qui avait observé aussi bien les conflits coloniaux que les modernes (Italie, Crimée, Mexique, mais surtout Guerre de Sécession et cionflit prusso-autrichien) et avait conclu que l'offensive tactique était désormais une impasse coûteuse face au feu défensif, ne laissant place qu'aux concentrations d'artillerie et/ou à la supériorité numérique locale pour enfoncer le front. Il avait noté la résilience des dispositifs armés modernes alors dans la première phase de massification des armées, éloignant la possibilité de la bataille décisive, pointant du doigt le contraste tactique et opératif entre les conflits coloniaux et ceux entre nations modernes. A cet égard, il s'est montré critique de l'artillerie (d'accord sur ce point avec un Napoléon III trop souvent pointé du doigt mais qui n'a pu en imposer la réforme), de la logistique, du travail d'EM, préconisant une défense stratégique utilisant l'espace.

Rien de cela n'en fait un précurseur ou un génie, mais cela avait suffisamment impacté son jugement pour qu'il prédise la catastrophe en 1870; il se différenciait de ses homologues précisément en ne croyant en aucune façon à la conduite de la guerre, faite d'amateurisme, de volonté d'offensive tactique et d'une criminelle absence de réflexion au niveau "opératif" (j'utilise le mot par défaut d'un autre, aucunement dans le sens qu'il prendra plus tard: "grande tactique" est peut être mieux).

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T'aimes pas la charge de la brigade légère, donc :lol:?

"C'est magnifique, mais ce n'est pas la guerre: c'est de la folie".

Aussi simple que ça, une armée est là pour faire la guerre point. Cette charge comme tous les sacrifices inutiles aussi "glorieux" ou "héroïques" soient ils, n'ont rien à voir la mission d'une armée qui consiste à gagner la guerre et si ce n'est pas possible à avoir le résultat le moins pire pour l'intérêt du pays. Priver le pays de forces vives pour l'après guerre, pour zéro résultat, ne correspond pas à cette définition.

On a d'ailleurs un problème en France avec cette obsession de mettre en avant les défaites "glorieuses" au lieu de valoriser les victoires et les campagnes menées pas uniquement avec bravoure mais surtout avec ruse et intelligence.

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Oh, faut pas non plus caricaturer la charge de la brigade légère: coûteuse et un peu débile, c'est vrai, et la même tâche eut pu être réalisée autrement avec un coût moindre, mais faut pas oublier que dans l'histoire, cette charge a quand même donné un vrai résultat sur le plan tactique. Et puis vu l'utilité relative de la cavalerie déjà à cette époque, le coût dans l'absolu est "modéré" (la perte d'unités d'infanterie ou d'artillerie aurait été plus grave), sauf humainement pour les hommes qui ont du réaliser cette connerie.

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Oh, faut pas non plus caricaturer la charge de la brigade légère: coûteuse et un peu débile,

Seulement "un peu"?  :lol:

c'est vrai, et la même tâche eut pu être réalisée autrement avec un coût moindre, mais faut pas oublier que dans l'histoire, cette charge a quand même donné un vrai résultat sur le plan tactique. Et puis vu l'utilité relative de la cavalerie déjà à cette époque, le coût dans l'absolu est "modéré" (la perte d'unités d'infanterie ou d'artillerie aurait été plus grave), sauf humainement pour les hommes qui ont du réaliser cette connerie.

Utilité relative: non, le plus efficace aurait été de les faire se déplacer à cheval et combattre à pied comme les dragons (en somme une infanterie en plus mobile), ou de disperser les gros corps pour garder des forces d'observation (en passant un peu sur l'orgeuil du cavalier).

Même en 1914, pendant la période de guerre de mouvement la cavalerie a pu démontrer son utilité comme reconnaissance et moyen de projeter des forces réduites avec une puissance de feu défensive qui malgré les effectifs à pied forcément faibles est rendue significative avec les armes modernes.

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Pour revenir au sujet initial, je crois qu'il s'agit ici de voir à quoi ressemblaient les affrontements de cette époque.

Sur le plan des escarmouches (reco....) et des combats urbains, en fait rien de si original/nouveau, sinon l'accroissement des portées et de la létalité des balles et obus. Pour l'affrontement d'armées en rase cambrousse, il est intéressant de noter que, comme dans la guerre de Sécession, cette époque est celle d'une transition où en fait les chefs d'unités de manoeuvre ne savent pas vraiment comment faire: ils sont culturellement et pratiquement contraints d'opérer comme lors des batailles napoléoniennes, mais "en plus grand", ce qui implique un ordre en ligne et en colonnes pour l'ordonnancement des troupes, principalement parce que personne ne sait faire autrement et que techniquement, il n'y a pas vraiment d'autre choix vu l'impossibilité de coordonner des masses humaines si énormes autrement qu'à la voix, aux emblèmes, aux estafettes.... Ce qui rend la bataille proprement dite assez rigide, concentrée, et surtout inhumainement meurtrière. On est à une période de transition: aucun moyen de communication opérationnelle moderne n'a permis de changer les dispositifs de rase campagne, mais la portée et la puissance des armes ont explosé, rendant au plan tactique l'offensive terriblement coûteuse et difficile: il faut qu'une unité avance dans une zone ultra-létale d'environs 600 à 1000m (grosso modo, là où les balles et obus peuvent porter ensemble) avec des précisions et densités de feux multipliées par un facteur énorme par rapport à l'ère précédente, et pas de déperdition d'énergie suffisante dans les balles pour perdre en létalité (à l'ère des mousquets, passés les 200m, le feu de salve n'infligeait pas de dégâts forcément énormes). Face à des formations d'infanterie denses, l'effet est dantesque et l'offensive devient une option dangereuse, sauf à créer un surnombre énorme compensant les pertes et/ou à aligner une densité de feux d'artillerie immensément supérieure.

Dans ce conflit, on peut voir que la phase des affrontements d'armées régulières (avant la période des armées de la Loire) n'a pas été au désavantage des Français en termes de bodycount: l'attitude offensive jusqu'au boutiste des Prussiens leur a coûté cher, de même que la portée et la cadence supérieures des fusils français, dont les effets sont multipliés par la posture tactique défensive (soldats souvent allongés, sur des positions préparées) et la qualité individuelle (durée de conscription longue, importance de la proportion de soldats de métiers, expérience des conflits extérieurs).

On est alors à ce moment où une ligne de défense suffisamment dense peut arrêter la plupart des vagues offensives (au niveau des unités élémentaires) ou leur infliger des dégâts énormes rendant l'opération peu rentable. La guerre s'est gagnée à un autre niveau côté prussien. Mais ce paradigme, que certains font démarrer à Waterloo, ne sera en fait pas encore résolu en 1914: c'est le problème tactique majeur du XIXème siècle entre grandes armées.

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  • 1 month later...

Bonjour,

Je souhaiterai savoir si il y a eu une réflexion puis une évolution de l'armée française suite à la défaite de 1870. Il me semble que l'armée de 14 était assez peu différente de de celle de 1870.

Au niveau de l'état major

L'organisation des régiment division etc...

Au niveau de l'homme de troupe.

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Bonjour,

Je souhaiterai savoir si il y a eu une réflexion puis une évolution de l'armée française suite à la défaite de 1870. Il me semble que l'armée de 14 était assez peu différente de de celle de 1870.

Au niveau de l'état major

L'organisation des régiment division etc...

Au niveau de l'homme de troupe.

Désolé, mais c'est on ne peut plus faux. Seul l'aspect vestimentaire du fantassin a peu changé entre 1870 et 1914, et encore le bleu horizon a été commandé avant la guerre (mais est arrivé trop tard pour aout 1914).

- En 1870 l'artillerie francaise cause une minorité des pertes allemandes, en 1914 c'est autour de 80%. Les évolution techniques de l'artillerie entre très rapides pendant 1870-1914 et augmentent considérablement sa puissance (que ce soit en portée, précision, poudre sans fumée). On ne peut décemment comparer un 75mm M1897 avec un canon de la guerre de 70.

- En 1870 l'armée francaise n'avait pas d'EM général, cet EM a été crée après la guerre de 1870 (un peu sur le modèle prussien). C'est à cet époque qu'apparait l'Ecole de Guerre et un EM qui devient véritablement profesionnel et permanent, devient capable de planifier correctement un conflit de grande envergure, de mettre en place la logistique et de donner les outils nécéssaire au haut commandement pour diriger le tout (ce qui deviendra après 1918 l'art opératif).

- Pour le fantassin, la taille de unité tactique minimale poursuit sa descente au niveau de peloton (autour de 40 hommes), l'espacement augmente, la formation en tirailleur devient la règle (simplement du fait de l'augmentation de la puissance de feu ne serait ce que des fusils). Les mitrailleuses ne sont pas encore assez nombreuses, mais ne sont plus une curiosité anecdotique comme en en 1870. L'évolution continuera à suivre le même sens entre 1914 et 1918, en accéléré du fait de la guerre.

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Merci de cette réponse précise, effectivement ma perception doit être biaisée par l'uniforme des soldats de 14.

J'ai lu l'article très intéressant sur Guerre & Histoire sur l'évolution de l'armée française lors de la première guerre, très accélérée comme vous dites mais je ne connaissais pas le cours qu'elle a suivi avant 14.

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Après la contre-performance de 1871, certain politique de la Troisième République avaient de l'antipathie envers les troupes de métiers, d'ou l'origine de la théorie des gros bataillons. Proposant à l'armée, comme fondement à son renouveau, le service obligatoire et un nationalisme défensif. Les lois successivement prise entre 1872 à 1913 allant graduellement dans se principe de nation armée dans un sens universel et égalitaire. C'est aussi au même moment que la composition des corps de troupes métropolitaine échappe au régime variable des ordonances et décrets. On voit aussi la création d'un corps ouvert d'officiers d'état-major issus de toutes les armes. Dans les années 1875 à 1878, les cours militaires spéciaux donnent naissance à l'Ecole militaire supérieur, sorte de séminaire supérieur de l'armée. Du même coup le ministère de la guerre fait le choix d'avoir une administration plus centralisée.

Pour ce qui concerne la doctrine, les premières années de la branler de 1870-1871 oriente la pensée militaire française vers une consécration de la supériorité du feu. Toutefois, le choc revient à l'honneur ... en dépit des exemples des guerres des Boers et celle de Mandchourie, des stratèges comme Bonnal, Gilbert et Maillart prêchent un modèle napoléonien de la formation dense l'emportant par le choc.  C'est dire qu'à un point Foch a détourné le concept initié par Ardant du Picq dans son livre "force morale", pour le définir comme l'art de mener de gros bataillons au casse pipe ... heu ... dans l'exaltation de la charge à la baïonnette.

Seul l'aspect vestimentaire du fantassin a peu changé entre 1870 et 1914, et encore le bleu horizon a été commandé avant la guerre (mais est arrivé trop tard pour aout 1914).

Il y a eu plusieurs tentatives d'adoption d'une couleur au ton neutre pour nos troupes, comme le Boer en 1903, beige-bleu en 1905, réséda en 1911, mais à chaque proposition la presse et le Parlement ont mis leur objection. L'ironie de l'histoire est que pour obtenir la couleur garance de nos pantalons, il fallait acheter le colorant à une société allemande ...

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Pour le fantassin, la taille de unité tactique minimale poursuit sa descente au niveau de peloton (autour de 40 hommes), l'espacement augmente, la formation en tirailleur devient la règle (simplement du fait de l'augmentation de la puissance de feu ne serait ce que des fusils). Les mitrailleuses ne sont pas encore assez nombreuses, mais ne sont plus une curiosité anecdotique comme en en 1870. L'évolution continuera à suivre le même sens entre 1914 et 1918, en accéléré du fait de la guerre

Petites notes:

- en 1870, les mitrailleuses, alors une nouveauté encore rare, sont considérées comme de l'artillerie et organisées en batteries "allouées" par le commandement de brigade ou de division, et employées comme des canons alors que déjà, pendant la campagne, il est constaté que leur emploi doit être plus souple, plus mobile et décidé à plus bas échelon vu qu'elles n'ont d'utilité qu'en première ligne (et qu'il en faut donc mille fois plus)

- l'emploi en tirailleur n'est pas encore "la règle", il me semble: il ne le devient que pendant la guerre de 14 pour toutes les infanteries. A l'été 14, la formation standard des régiments de ligne (pas les chasseurs) est encore le déploiement par ordre de bataillons alignés pour la charge à la baïonnette qui constitue la majorité du temps d'entraînement alors même qu'avant la guerre, il est de plus en plus vu comme dangereux mais que l'état des tensions fait hésiter à entreprendre une grande réforme pour le déploiement, la doctrine et l'entraînement qui saperait la disponibilité de l'ordre de bataille d'active (avec une partie formée à la ligne et une à opérer comme infanterie légère "nouvelle façon", ce qui se fera de fait pendant la guerre), nécessiterait un réentraînement de la réserve alors que l'armée française est plutôt sous encadrée par rapport à l'allemande (peu de cadres dispo pour opérer une telle réforme, ce qui amoindrirait encore plus la dispo à tout instant alors que la guerre peut péter n'importe quand).

Certes le fantassin de 14 se disperse plus pour tirer.... En défensive (l'armée pro britannique a d'ailleurs une longueur d'avance sur le continent à ce moment et dans ce seul domaine.... Mais à son échelle réduite). Ce qu'elle faisait déjà en 1870 d'ailleurs quand la bataille pouvait être un peu anticipée et qu'un chef pouvait disposer ses troupes, généralement une embuscade géante avec champs de tirs croisés pour profiter de la portée du Chassepot. Mais en 14, la majorité de l'entraînement est encore dédiée à l'ordre de marche et de bataille de masses faites pour se porter à la charge en avant, ce qui, malgré toute la connerie de la tactique, est long à apprendre vu la taille des dispositifs: charger par ordre de division ou de corps d'armée est un truc dantesque à organiser et à tenir.

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L'inertie de Bazaine qui se laisse enfermer dans Metz en ratant des occasions de contre-attaque est à noter. Surtout, la marche sur Sedan direction NE à partir de Chalons sur Marne (au lieu de marcher plein Est)  et d'ailleurs les Allemands n'y croient pas au début tellement c'est inespéré, est une erreur monumentale*. Qui plus est pendant la marche notre cavalerie est à l'Ouest au lieu de couvrir à l'Est et d'une manière générale notre cavalerie n'a jamais été utilisée pour renseigner ou couvrir durant cette guerre. L'absence d'un grand Etat-Major côté français est pénalisante, le manque de préparation intellectuelle des officiers généraux évident ("on se débrouillera" est le mot d'ordre), et peut-être que les guerres coloniales ont émoussé la capacité à mener une vraie guerre au plan européen, même si on a déjà combattu en Italie contre les Autrichiens. Je me demande si la France a connu dans les deux derniers siècles un ensemble de généraux aussi mauvais que ceux de 1870... Etre les héritiers de Napoléon et avoir du courage ne suffit pas, il faut bosser... On peut relativiser en disant qu'on se battait à un contre deux, mais on peut aussi dire qu'on leur a vraiment facilité la tâche par des décisions de conduite des opérations extrêmement mauvaises, l'absence quasi complète de système de renseignement avant et surtout pendant la guerre, qui fait qu'on allait au combat en aveugles, etc.

* Ok y a des raisons politiques mais à la guerre seule la manoeuvre qui amène le succès est à choisir.

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Il me semble aussi que l'artillerie prussienne était plus performante et que ça a joué.

En 1870? Oui et non: oui, elle était meilleure avec les canons Krupp en acier et à rechargement par la culasse face aux canons de bronze traditionnels français. La cadence de tir prussienne était supérieure, mais pas tant que ça étant donné le professionnalisme poussé côté français. La doctrine de tir prussienne était meilleure, mais surtout les effectifs, et la volonté, prise en compte depuis le "haut" (niveau opératif), de concentrer l'artillerie, qui orientait les mouvements à un niveau bien plus impératif que du côté français. Au niveau tactique, il suffit de voir le niveau des pertes dans la phase "professionnelle" de la guerre (jusqu'à Sedan) pour constater que cet avantage n'est pas déterminant, d'autant que plus la guerre s'enfonce en territoire français, fut-ce aussi près de la frontière qu'en Lorraine, ce qui ralentit, fragilise et complexifie les mouvements prussiens extrêmement dépendants d'une logistique lourde et qui est à 95% acheminée à pieds ou en chariots depuis la frontière (fin des chemins de fer prussiens). L'avantage numérique prussien devient plus lourd à gérer vu la consommation des armées modernes.

Le vrai facteur de victoire que l'armée française d'alors ne pouvait compenser, c'est le GQG allemand (et sans doute aussi Moltke lui-même le seul génie militaire entre 1815 et 1914), et peut-être l'avantage numérique prussien. Ce haut commandement est alors la seule institution militaire ayant réellement compris les opérations modernes et ayant la capacité de les gérer à l'échelle nouvelle des armées d'alors, et avec un tempo supérieur, de prévoir, d'organiser, de coordonner.... Et du coup de profiter de l'avantage numérique pour opérer une chose et une seule qui soit décisive: la concentration des forces au bon endroit au bon moment. Au niveau tactique, on constate chez les Prussiens des insuffisances à tous les étages, un commandement opérationnel médiocre jusqu'au niveau division/corps (comme côté français), une désinvolture vis à vis des pertes assez terrifiante, une infériorité qualitative nette de l'infanterie (aguerrissement, encadrement et entraînement supérieurs dans les unités françaises, plus la portée du Chassepot).... C'est le niveau stratégique/opératif qui l'emporte dans ce conflit.

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  • 2 weeks later...

Remontage de ce topic (qu'il faudrait fusionner avec l'autre sur ce conflit) suite à la lecture du dernier Guerre & Histoire qui m'a contraint à me pencher sur la 2ème partie de ce conflit que j'avais toujours, jusqu'ici, un peu légèrement éludé :-X :-[. Je n'ai pas encore accumulé beaucoup de matière sur la partie "républicaine" de cette guerre, mais j'avoue qu'elle m'intéresse de plus en plus par les questions qu'elle pose, non seulement sur le déroulement de cet affrontement en particulier, mais aussi et surtout sur ce qu'elle apprend dans le registre des rebondissements majeurs en cours de conflit, des changements de culture dans des temps très courts, de la capacité de ressaisissement (et de ses limites), de la rapidité avec laquelle une capacité militaire -même moderne, de type industriel- peut être au moins en partie rétablie et des conditions nécessaires pour que cela soit possible.

Le tableau rapidement brossé dans l'article de G&H ce mois-ci pointe l'oeuvre considérable du gouvernement républicain provisoire suite à la reddition de Napoléon III, tant en matière humaine que matérielle et -en partie- doctrinale et stratégique. Cela permet de laisser l'esprit spéculer sur un 2ème grand fil de réflexions quand à un déroulement alternatif de cette guerre: le premier concerne la façon dont la guerre aurait pu être menée par Napoléon III avec les mêmes moyens, et les résultats très différents qui eussent pu être obtenus. Mais là, je découvre en fait les possibilités énormes que le gouvernement Gambetta-Favre avait pu rebâtir et qui aurait pu obtenir une autre issue au conflit, même si évidemment une "victoire" telle qu'on peut l'imaginer était hors de portée.

Mais il est aussi indicatif de voir l'absence de remise en question des hautes instances militaires après 1871, qui n'est au final pas sans évoquer l'après 18 (ou plutôt ce qui suit la mort de Foch) et l'après 45.

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J'aimerai bien en savoir plus sur leur thèse pour la partie républicaine, car on ne forme pas une armée de masse efficace en aussi peu de temps (sans parler de l'aspect matériel et logistique qui laissait pour le moins à désirer), pas plus qu'on ne change radicalement une doctrine (à la rigueur un peu au niveau tactique mais surement pas au dessus). La plus grosse faiblesse coté français est l'action sans plan et non coordonnée des CA, pas de raison que ça change car un EM général fonctionnel et des officiers compétents au sommet ne se décrètent pas en quelques semaines mais sont le résultat d'années de préparation et réformes.

Comme en 1940 le commandement a mal préparé la guerre, ce qui sauf miracle (par exemple entrée en guerre d'un allié important) la rendait perdue le jour de sa déclaration.

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D'une part, il faut se mettre en tête l'espace-temps de cette époque: les distances sont plus grandes, les délais plus long, donc le recul, la profondeur stratégique plus importante. Mais surtout, il faut souvent se mettre dans la tête qu'un pays organisé et surtout fortement motivé nationalement, même si pas forcément pleinement uni politiquement, a une capacité d'adaptation bien plus rapide que ce qu'on peut penser quand on s'enferme dans les détails de l'immense complexité logistique d'une préparation militaire. Dieu sait que j'essaie encore d'accepter plus que de comprendre comment la production de munitions a pu suivre à l'été 14 et en 1915, ou comment les armées de la Révolution ont pu s'adapter si vite.

Alors oui, les armées républicaines de 1870 avaient des manques matériels énormes, et en fait surtout dans le petit équipement (uniformes, pompes, rations préparées, matériel médical, effets divers -genre sacs, bandoulières et autres produits de cordonnerie-, tentes, matériels de terrassement....) et en partie dans l'armement individuel (les armées de la Loire sont loin d'être à 100% équipées en Chassepots), mais les canons et les munitions ne manquent pas, et tout le monde a quand même des fusils d'ordonnance, même si pas tous du dernier modèle. Un problème pour l'artillerie est en fait le manque de chevaux de trait, qui oblige à laisser des canons en cas de mouvement rapide en cas de victoire ou de défaite, fait qui eut pu être relativisé avec une meilleure stratégie globale (moins d'engagements décousus, moins d'opérations sans grandes chances de succès, déploiements à meilleur escient et avec de plus vastes effectifs, objectifs mieux cernés....).

Les effectifs mobilisés sont énormes et rétablissent une supériorité numérique sur les prussiens, avec en plus un nombre suffisant dans l'absolu de cadres et personnels expérimentés pour les former et en encadrer la plupart, et pour former d'autres cadres: fusiliers marins et division bleue en général, blessés légers, officiers et sous-offs (et soldats pros en fait) survivants non capturés, personnels réservistes arrivés trop tard dans la mobilisation initiale (qui fonctionnait mal), personnels des dépôts et des écoles, unités non capturées.... Y'avait encore du personnel. Ajoutez la garnison de Paris qui dépasse les 150 000h dont plus de 40 000 professionnels et réservistes récents, qui ajoutent à la "masse de manoeuvre" globale (si des communications minimales pouvaient être maintenues) pour tout ce qui concerne les combats autour de la capitale, objectif stratégique dominant pour les Prussiens.

Et il y avait des délais si une stratégie correcte avait pu être mise en place et menée: entre septembre 1870 et la fin janvier 1871, soit la majorité de la durée du siège de Paris, il y a près de 5 mois au moins au cours desquels cet effort est mené, 5 mois au cours desquels des opérations ont été lancées sans arrêt dès qu'un effectif de corps d'armée était formé au lieu d'attendre d'en cumuler assez. Une bonne part de ces effectifs avaient un minimum de formation (la Garde Mobile et la Garde Nationale) et pouvaient donc être amenée au niveau bien plus vite, ce qui d'ailleurs fut le cas. Les troupes eussent été mieux mises en cohérence, tant au niveau des unités élémentaires qu'aux divers échelons de commandement.

Le fait est que le gouvernement provisoire a PU mettre ces corps d'armées, et même ces armées, en campagne au fil de cette période: attendre plus, renforcer leur entraînement, entretenir l'incertitude sur les lignes prussiennes par de l'action "de colonnes" (ce que fait Faidherbe) et des unités légères dispersées un peu partout, aurait permis de mieux former les existantes, d'en former plus, de les voire s'accumuler en grandes entités plus solides, d'établir un EM de campagne suffisant pour les besoins immédiats, de créer un minimum de coordination.... Ce n'aurait pas été au niveau de l'armée prussienne, mais le fait est que ça aurait largement pu être suffisant pour des objectifs limités. Pour preuve, il suffit de voir ce qu'on déjà pu faire les unités existantes, envoyées au front dès que formées. Rien que l'artillerie avait recouvré des effectifs suffisants (le seul problème étant l'insuffisance ponctuelle de la traction) et un niveau qualitatif assez correct des personnels (et des projectiles, qui sont désormais uniquement à percussion, contrairement à l'avant Sedan) pour remporter des duels d'artillerie d'une certaine échelle: ça veut pas dire une artillerie supérieure, loin de là, ni même une doctrine de feu de grande échelle qui aurait pu être décisive, mais de quoi TENIR, de quoi faire mal localement, notamment autour de Paris.... Et si, encore, cela avait été accumulé et non jeté direct au feu après formation, les possibilités eussent été plus grandes.

Pour les troupes, il y avait plus que de quoi créer le surnombre en de nombreux endroits, au moins ponctuellement, et compenser le déficit qualitatif et organisationnel pour des périodes de temps courtes face à des armées prussiennes étirées, dans l'incertitude, assez "usées"....

Et tout cela en seulement 5 mois. D'ailleurs, l'étude du siège de Paris permet de dire qu'un mois de plus aurait pu être ajouté à cette période, sûrement à un coût terrible pour la population, mais que c'était réalisable: les négociations n'ont été engagées avant tout que parce que les perspectives venaient de disparaître fin janvier, suite aux mois de campagnes trop hâtivement menées.

Mais en terme de potentiel existant pouvant être disponible, et d'organisation minimale parfaitement à la portée du GP, tout était dispo, surtout en regardant l'état et les contraintes des Prussiens. C'est d'ailleurs Moltke lui-même qui en tire la leçon qu'il n'avait pas su voir en 1866 face à une Autriche que Bismarck a préservé d'une campagne longue qui aurait pu voir son redressement relatif face à une armée prussienne qui se serait trop enfoncée dans son territoire: le redressement républicain fait réfléchir Moltke qui rejoint Bismarck dans une posture de vainqueur magnanime (ils ne sont pas suivis.... D'ailleurs même le fils de Moltke ne pige pas le truc).

Et il ne faut pas oublier les problèmes prussiens:

- des pertes énormes qui ont atteint le moral de la troupe et font hésiter le commandement; la maladie ajoute son tarif pendant l'hiver, de même, de façon moins dure que côté français, que la faim dans certains cas

- des lignes logistiques étirées malgré l'usage du (peu développé) réseau ferré français: l'armée assiégeante de Paris souffre de graves manques, surtout à mesure que ses effectifs explosent (de 150 000 à 400 000)

- cette armée, même à 400 000h, est étirée finement autour de Paris, si bien qu'elle présente de nombreux points d'extrême vulnérabilité étant donné la surface couverte et la lenteur des mouvements pas coordonnés rapidement dans un dispositif circulaire de ce type

- l'indécision croissante au niveau décisionnel prussien, avec des divisions politiques croissant à mesure que le conflit dure, que les pertes s'empilent et que le doute se développe face à la résilience de l'adversaire et l'impossibilité de l'empêcher de se redresser (pas assez de monde pour déjà couvrir -même pas correctement- le nord est de la France). Faut pas oublier que le premier objectif de la Prusse est alors l'unification allemande, un procédé alors délicat et à un instant critique, rendu encore plus critique par une guerre qui dure.

La guerre n'était plus gagnable pour Gambetta, mais il aurait pu infliger des pertes infiniment supérieures aux Prussiens, et taper fort dans le coin de Paris, voire aussi au Sud de l'Alsace en prime: là, c'aurait été dans ses possibilités, et de là, une autre résolution, débouchant sur un traité de paix plus équilibré, aurait été possible vu que les Prussiens ne pouvaient pas tant encaisser que ça en plus, militairement, politiquement.... Le regard rétrospectif a toujours cet effet de rendre un événement inéluctable pour la seule raison qu'il est arrivé. C'est parfois pertinent quand un déséquilibre des forces est abyssal, mais dans le cas de 1870, on est très loin d'un tel compte.

Comme en 1940 le commandement a mal préparé la guerre, ce qui sauf miracle la rendait ingagnable le jour de sa déclaration.

Pas avec une autre stratégie, c'est le point de la thèse présentée, et d'ailleurs quelque chose qui me travaillait déjà un peu depuis longtemps.

La plus grosse faiblesse coté français est l'action sans plan et non coordonnée des CA, pas de raison que ça change car un EM général fonctionnel et des officiers compétents au sommet ne se décrètent pas en quelques semaines mais sont le résultat d'années de préparation et réformes.

Faut pas non plus trop noircir; il y a de la connaissance et de la capacité, remobilisées spectaculairement autour de Blois, et mises au travail différemment, avec d'autres directives et une méga motivation face à l'urgence (les gens apprennent très vite: voir les armées républicaines en 1791-1792, ou la Prusse post Iéna). Alors ta remarque serait entièrement et unilatéralement vraie s'il s'agissait de créer un EM général (et toutes ses ramifications et structures jusqu'à chaque corps d'armée) capable de mener des campagnes mobiles n'importe où à grande échelle, d'envahir les voisins.... De façon rôdée. Mais là il s'agit d'avoir la capacité de gérer ce qui se passe dans un triangle Blois-Paris-Belfort (territoire connu, ami et "maîtrisé" face à un adversaire étiré) pour frapper quelques grands coups ponctuels et atteindre des objectifs limités destinés à décrocher une paix blanche au mieux (sans doute pas, mais au moins pas d'occupation ni de concession territoriale, fait déjà politiquement contesté en Allemagne), même pas reconduire l'adversaire à la frontière.

Ne pas oublier qu'une majorité du travail du Grand EM prussien est le fait même de la mobilisation face à divers plans de contingences visant différents adversaires (mobilisation face à la France, la Russie ou l'Autriche essentiellement), et toute la stratégie, le timing et la planification qui en découlent, soit un stade du travail que le gouvernement provisoire de Gambetta n'a pas à faire, la mobilisation étant lancée depuis longtemps. Préparer et conduire une campagne limitée géographiquement à des distances couvrables à pieds pour l'essentiel, fut sa principale tâche: déjà importante vu les moyens dispos, mais nettement moins de longue haleine. De même, le but n'était pas de forger à la hâte une armée capable d'aller l'emporter contre la Prussienne dans une campagne d'anéantissement se terminant à la frontière ou à Berlin, juste d'atteindre des objectifs limités pour infléchir la volonté politique prussienne et limiter la marge de manoeuvre de Bismarck en accroissant démesurément le coût financier, humain, matériel et politique de la campagne, et en dégageant Paris.

Et c'est pas non plus comme si la France était alors un pays devant partir de zéro dans ce domaine.

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Pour en revenir à la charge à la baïonnette, je me demande si les bouquins d'histoire sur les campagnes napoléoniennes n'ont pas fait du mal à certains esprits français en laissant croire, le lyrisme du récit aidant, que du vivant de l'Empereur Napoléon les combats d'infanterie se décidaient à coups de baïonnettes... Or en rase campagne cela n'arrivait JAMAIS, c'était toujours le feu des lignes de fantassins ou les tirs d'artillerie ou les deux qui décidaient un camp à se replier. Les seuls combats à la baïonnette avaient lieu dans les endroits étroits comme les villages, les bois, etc, car là les types n'avaient pas le choix. En rase campagne cela n'arrivait jamais. Mais les bouquins d'histoire sur le Premier Empire ne le disaient quasiment jamais... La gloire est un vin capiteux qui peut rendre con aussi... :-[

NB: La cavalerie elle se battait réellement à coup de sabres ou de lances, mais là aussi relativement souvent, l'un des deux protagonistes tournait casaque avant la rencontre des deux corps de cavalerie chargeant l'un contre l'autre.

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Les combats -et les morts- à la baïonnette était rarissimes (du moins à une échelle supérieure à la compagnie), mais les charges à la baïonnette étaient très nombreuses sous le Premier Empire: leur effet dissuasif était fréquent, ce qui explique la faible occurrence de tels combat dans les mouvements significatifs de bataille. Mais c'était une arme pleinement dans le registre d'usage courant qui influait sur le cours des batailles. C'est juste que peu de chefs acceptaient de se livrer au hasard et à l'immobilisation temporaire de tels accrochages. Mieux valait se carapater face à une telle charge, laisser le terrain, se regrouper quelques centaines de mètres plus loin et adopter une autre méthode, généralement y retourner ("normalement", au fusil, ou en tiraillant, mais aussi en tentant le coup de la charge) mieux organisés et/ou avec des appuis (renforts d'infanterie ou artillerie, voire un flanquement par la cavalerie), tenir la ligne ou aller faire autre chose ailleurs.

Comme ce genre de charges s'opérait, comme d'ailleurs les charges de cavalerie, sur un adversaire déjà attendri par le feu, elles constituaient plus souvent une estocade finale dans une phase du combat, juste pour finir de faire craquer le dit adversaire et le convaincre qu'il ne tenait pas tant que ça au carré de boue sur lequel il se trouvait finalement. La charge à la baïonnette d'une brigade ou d'une division, c'est juste une façon polie de dire "barrez-vous maintenant", un message pour signifier à l'adversaire que à cet endroit et à ce moment, il a pas les plus grosses. 99 fois sur cent, le message est compris et le réalisme prévaut, personne ne voulant réellement s'éventrer sauf s'il le faut réellement: ça fait trop de bordel et deux groupes d'unités qui sont immobilisés pour un moment dans le grand schéma de la bataille, ce que personne ne veut.

En plus, à l'occasion, c'est un mouvement qui intimide les unités un peu trop jeunes et celles de milices.

Ce n'est donc pas parce qu'il y a peu de combats et de morts à la baïonnette qu'il n'y a pas un usage ENORME de cet outil et de la charge proprement dite avec lui. C'est juste qu'il y a peu de cas où les chefs de divisions et brigades opposés jouent réellement à qui pisse le plus loin, ce qui serait de l'amateurisme pur et simple dans la plupart des situations, effectivement un truc pour les romanciers en mal de sensationalisme débile.

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Pour continuer e débat feu/choc légèrement hs, mais pas tant que ça finalement...  ;)

C'est le feu des fusils de la ligne de fantassins adverses en position défensive qui décidait la troupe attaquante à fuir, ou à persévérer dans son assaut. Ce feu était vraiment très meurtrier à partir de 150 à 200m.

Un bataillon par exemple prussien de 800 hommes en 1815 (si à effectif complet) se déployait toujours en ligne sur trois rangs, comme tous les bataillons des armées européennes. Les Anglais eux, se déployaient depuis l'Espagne en ligne sur deux rangs seulement (en contradiction avec leur règlement), car ils avaient constaté que le 3° rang ne servait en fait à rien, si ce n'est comme soutien moral. S'il tirait, il avait de très grandes chances d'estropier les hommes des deux rangs de devant tout simplement, car le bout de son fusil ne dépassait pas le premier rang, ou alors s'il fallait vraiment tirer, pour ne pas que ça arrive, une seule solution, on tirait en l'air... On a des documents de généraux français de haut rang constatant ce problème, mais en Europe continentale on a conservé le système à trois rangs jusqu'au bout. En principe le règlement français stipulait que les hommes du 3° rang devaient passer des fusils chargés aux rangs de devant, mais au combat personne ne le faisait en fait, (les mêmes généraux le constatent dans leurs rapports) chacun tirant les mains crispées sur son arme en essayant de maîtriser son émotion et n'ayant aucune envie de la donner à qui que ce soit...

Donc un bataillon adverse déployait ses 800 hommes sur 3 rangs, soit 3 fois 250 hommes plus des sous-officiers placés à l'arrière en 4° rang. Cela faisait un front de 200 mètres environ, car on peut compter en gros un homme par 80 cm (il fallait serrer au maximum les hommes pour obtenir une grande puissance de feu). Comme seuls les deux premiers rangs tiraient, cela faisait 500 fusils qui tiraient à raison de 2 coups/mn au mieux ou 1 coup/mn au minimum. Cela voulait dire que -en théorie- chaque minute 500 à 1000 balles de 16,7mm (fusil prussien de 18,8mm), disons 500 coups seulement en comptant l'émotion du combat, la fumée qui masque les objectifs, les ratés...) arrivaient sur la colonne en attaque en face. Certes toutes ne faisaient pas but. Les fusils étaient peu précis, mais pour prendre le fusil de 1777 modifié an IX des Français, de calibre 17,5mm, cela donnait (au champ de tir) sur une cible de 2m x 2m : 35% de coups au but à 200m, 55% à 150m, 84% à 100m selon les expérimentations faites en France à Metz en 1817 et 1818, et à Vincennes en 1828. Pour le fusil prussien (le Neu preussisches gewehr de 1809), on obtenait en gros pareil : 35% à 234m, 56,5% à 156m, 76,5% à 78m (essais du général prussien Scharnhorst en 1813 sur les fusils des différentes nations).

Notre bataillon en colonne d'attaque commence donc à vraiment trinquer à partir de 200m, et plus il avance plus c'est sévère. Pour passer d'une distance de 200m à 50m de la ligne des tireurs adverses, il lui faut charger au pas de charge. Le règlement français prévoyait dans ce cas 83 à 100 pas minute, et comme le pas faisant 0,65 m, cela donnait 53 mètres à la minute, soit 3 minutes, en prenant la valeur de 83 pas/mn, car n'oublions pas qu'il faut à tout prix garder la formation, qu'on est en tous terrains, et pas sur un parking goudronné... Disons 3mn pour faire 150m soit du 3km/h. En 3mn il va essuyer donc trois salves de 500 fusils soit 3 x 500 = 1500 balles de 16,7mm et plus il avance, plus ces balles seront nombreuses à faire mouche. En théorie et pour des tireurs au calme, arrivé à 150m c'est une sur deux, soit 250 balles, à 100m c'est 8 sur 10, soit 400 balles, etc. Bref même si on module tout ça, en tenant compte de l'émotion du champ de bataille, cela fait disons 200 balles à 150m, 300 à 100m, etc. Ajoutons qu'une colonne de bataillon d'infanterie de 800 hommes (en formation d'attaque "par divisions"*, typique dans l'armée française) ce n'est pas un petit carré de 2x2m, mais un bloc de 80 fantassins de front sur 9 de profondeur, soit un rectangle de 50m de front sur 10 de profondeur, une très belle cible... Rappelons que le front adverse du bataillon en ligne fait 200m et que donc pas mal de tireurs tirent sur les flancs de la colonne d'attaque... Si l'unité qui défend n'a pas été préalablement "ramollie" par des tirs d'artillerie, des harcèlement de voltigeurs, et qu'elle est suffisamment aguerrie pour penser à tirer (bref si c'est autre chose qu'une milice impressionnable de levée récente) la colonne d'attaque n'a absolument aucune chance... Arrivée à 50m elle a déjà reçu (à la louche) 3 volées faisant au total 500 balles au but et perdu probablement 33 à 40% de son effectif en moins de 3mn, pas plus car certains corps font écran pour les autres. Et même si les pertes sont moins fortes, elles affectent les rangs de devant en priorité, ce qui provoque des remous divers en tête de colonne, des cris, des cadres qui s'effondrent eux aussi, tués ou blessés, ce qui affecte le moral et relâche le contrôle disciplinaire, bref la colonne hésite, flotte, s'arrête un peu, si elle repart malgré tout elle marche presque sur les corps des tués ou des mourants, tandis que sur les arrières la tension monte, on ralentit instinctivement le pas, car sur les côtés il y a des touchés aussi, etc. Autant dire qu'elle a forcément déjà fait demi-tour.

Ajoutons que jusqu'à 200m un coup au but d'un fusil de l'époque mettait hors de combat quasi instantanément, que de 200 à 400m il blessait, etc. Certes le bataillon en colonne d'attaque peut tirer lui aussi, mais pour cela il lui faut s'arrêter d'une part, ce qui l'expose plus longtemps, et d'autre part lui il n'aligne que 80 fantassins de front contre 250 en face. Son tir sera donc 3 fois moins dense.

Bref c'est le feu qui commande déjà sur le champ de bataille napoléonien, très rarement le choc, ce qui n'empêche pas la manœuvre bien entendu... Alors entendre parler de charges à la baïonnette en 1914, au temps des mitrailleuses, c'était un peu fort de café...  :P Alors que justement en 1870 on avait compris l'importance du feu et qu'en 14 on fait un retour en arrière. En 70 l'armée allemande combat par le feu mais manœuvre aussi! Reconnaître l'importance du feu ce n'est pas renoncer à manœuvrer bien au contraire...

* Attention "division" est un faux ami quand on parle des guerres du Premier Empire. Ici cela veut dire que le bataillon aligne deux compagnies de front, l'ensemble de ces deux compagnies constituant "la division", à ne pas confondre avec une division d'infanterie classique, commandée par un général, qui comptait elle plusieurs bataillons et faisait 4 à 5000 hommes.

Les données chiffrées proviennent de l'ouvrage suivant: Les armes de Napoléon, de Eric Dauriac, Editions Balezy, 2011.

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Un bataillon par exemple prussien de 800 hommes en 1815 (si à effectif complet) se déployait toujours en ligne sur trois rangs, comme tous les bataillons des armées européennes. Les Anglais eux, se déployaient depuis l'Espagne en ligne sur deux rangs seulement (en contradiction avec leur règlement), car ils avaient constaté que le 3° rang ne servait en fait à rien, si ce n'est comme soutien moral. S'il tirait, il avait de très grandes chances d'estropier les hommes des deux rangs de devant tout simplement, car le bout de son fusil ne dépassait pas le premier rang, ou alors s'il fallait vraiment tirer, pour ne pas que ça arrive, une seule solution, on tirait en l'air... On a des documents de généraux français de haut rang constatant ce problème, mais en Europe continentale on a conservé le système à trois rangs jusqu'au b

Observation des campagnes de l'époque: dans la plupart des cas, les Anglais opéraient sur 3 rangs comme tout le monde. Dans la campagne de Waterloo, et surtout aux lendemains de Quatre Bras, ils étaient même sur 4 rangs, des commentaires d'officiers disant qu'il leur aurait été impossible d'obtenir des hommes qu'ils se mettent sur 3 rangs tant le feu français (pourtant pas au meilleur de sa forme à cette époque) et la cavalerie les avaient ébranlés.

Faut se rappeler d'ailleurs la particularité de l'armée britannique de l'époque: contrairement aux armées continentales, elle n'a pas adopté une forme plus ou moins développée de conscription, ce qui en fait la dernière armée d'ancien régime à ce moment, avec tout ce que ça suppose.... Soit des taux de désertions de très loin supérieurs à ceux des autres armées, un moral très moyen, une motivation pas terrible, un recrutement en grande partie forcé (des press gangs, comme pour la Navy) qui vient plutôt du fond du panier et du pourcentage inemployable de la société britannique (pas étonnant que les écossais et irlandais brillent dans cet orbat; eux, vu l'état économique de leurs pays dominés, envoient des contingents de meilleure qualité), des officiers pas vraiment arrivés au mérite (généralement des abrutis) et gratuitement brutaux avec leurs hommes.... Le tout pour une troupe lente, lourde, avec un répertoire tactique très très limité en possibilités et une mobilité stratégique réduite.

Bref c'est le feu qui commande déjà sur le champ de bataille napoléonien

Oui et non: oui surtout après les saignées des années 1807-1811, les affrontements se jouant de plus en plus au seul feu et à des manoeuvres plus simples et massives, en raison de la baisse drastique de qualité des armées. Mais avant cela, le choc était encore très décisif et très employé, comme l'ont montré les tactiques de la Révolution et l'adoption généralisée de la colonne (d'abord une contrainte pour utiliser les masses de recrues peu expérimentées, puis une tactique en soi) pour rompre le très fragile alignement de bataillons sur deux ou trois rangs étiré en longues lignes de batailles peu maniables. Mais le choc, comme le mouvement, requiert des soldats plus aguerris, et surtout des UNITES plus aguerries collectivement, des unités de manoeuvres plus rôdées et autonomes avec les chefs ad hoc et un EM d'armée capable de gérer la souplesse nécessaire. On constate d'ailleurs, jusqu'en 1806, une armée républicaine puis impériale qui recourt de façon très équilibrée aux combinaisons de feu, choc et mouvement; pour ce qui concerne l'infanterie, même, les phases de feu sont les plus courtes possibles et les unités de manoeuvre sont envoyées au plus vite en avant, une phase de feu longue correspondant immanquablement à une posture défensive imposée ou voulue (une troupe qui fixe pendant que l'autre flanque ou rentre dans le lard). La "fonction feu", dans l'infanterie française de cette période offensive fondée sur le mouvement, repose en fait plus sur l'action des unités légères qui représentent jusqu'à 1/3 de l'infanterie (bataillons légers + compagnies légères des bataillons de ligne). La ligne ne repose sur le feu qu'en défense/fixation, et est sinon vite envoyée en mouvement.

mais pour prendre le fusil de 1777 modifié an IX des Français, de calibre 17,5mm, cela donnait (au champ de tir) sur une cible de 2m x 2m : 35% de coups au but à 200m, 55% à 150m, 84% à 100m selon les expérimentations faites en France à Metz en 1817 et 1818, et à Vincennes en 1828

Ca n'a pas grand chose à voir avec les mesures d'efficacité du feu de salve réalisé en conditions de combat, chose pour laquelle la qualité individuelle des tireurs compte moins et qui explique de plus grands différentiels entre les unités les réalisant. En unités constituées, la discipline de feu de salve forçait de fait plus les hommes à se concentrer sur le rythme que sur la visée, dans la plupart des unités: assurer les sacro-saints 3 coups par minute (de plus en plus souvent 2 passé 1807, avec l'usure et la croissance numérique des armées) des unités confirmées n'était pas une sinécure!

Mais on s'égare :-X, là, y'a des sujets dédiés à ce genre de trucs.

Bref c'est le feu qui commande déjà sur le champ de bataille napoléonien, très rarement le choc, ce qui n'empêche pas la manœuvre bien entendu... Alors entendre parler de charges à la baïonnette en 1914, au temps des mitrailleuses, c'était un peu fort de café...   Alors que justement en 1870 on avait compris l'importance du feu et qu'en 14 on fait un retour en arrière

Attention aux jugements rétrospectifs faciles, voire caricaturaux; la tactique de la ruée en avant des armées de 14 n'est pas non plus fondée sur un grand élan imbécile qui croit que la baïonnette va représenter une grande part dans le bodycount.
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