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Espaces stratégiques, intérêts fondamentaux et capacités d’intervention


Rochambeau

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Espaces stratégiques, intérêts fondamentaux et capacités d’intervention


S’il n’y a pas adéquation entre les ambitions et les moyens, le succès ne sera pas au rendez-vous. (Général V. Desportes)

« Une stratégie nationale est par nature autonome » selon le Général De Gaulle, comme le rappelait Pierre Messmer. Le Général professait également que « les alliances sont utiles et parfois nécessaires, mais elles ne sont pas éternelles ; même bonnes et solides, elles s’usent, s’affaiblissent parce que les hommes, les nations, le monde changent sans arrêt ». Dans la mesure où l’ennemi de demain est inconnu, aussi bien dans ses intentions que dans ses moyens, dates et lieux de ses agressions, il semblerait donc plus opérant pour la France de se déterminer non pas par rapport à un ennemi hypothétique et surgissant là où on ne l’attend pas, mais plutôt par rapport aux espaces dans lesquels se jouera assurément son avenir.
Toujours selon le Général, « toute stratégie nationale est une stratégie de moyens, et la stratégie des moyens débouche sur une stratégie d’emploi de ces moyens ». Tout dès lors est problème d’échelle, et, en première approche, on doit commencer par identifier et différencier ce qui relève des seules responsabilités et capacités nationales et ce qui, concernant des besoins et nécessités partagés, ne peut être protégé qu’au sein d’alliances permanentes ou conjoncturelles.

Pour être lucide et cohérente et pour fixer les priorités, c’est-à-dire pour ne retenir que les espaces où une intervention française doit être envisagée pour assurer la sauvegarde d’intérêts vitaux, l’approche doit permettre d’identifier les différents facteurs de risque, à savoir en premier, à partir de la connaissance du milieu qui caractérise chaque espace concerné, terrestre ou maritime, l’évolution des rapports historiques de ses populations à la France et les visées éventuelles d’autres Etats. Cela exclut une « politique des bons sentiments » à la Kouchner qui n’est pas dans les moyens de la France et dont on constate chaque jour les gaspillages auxquels elle conduit (envoi du BPC Mistral en Birmanie sans consultation préalable du gouvernement de ce pays, envoi d’une force au Darfour dont on sait aujourd’hui qu’il ne débouche sur aucune forme d’emploi militaire).

1. Quels sont donc les espaces stratégiques à considérer d’un point de vue national ?
11. L’espace interne
11.1. Le premier espace à considérer est bien entendu l’espace national, c’est-à-dire interne.


La France est réputée « une et indivisible » dans les frontières qu’elle a acquises au cours de son histoire. Toute atteinte à cette unité par le biais de la reconnaissance de communautés ethniques, religieuses ou encore linguistiques contribue à la fragiliser et à menacer son existence. Des risques de guerre civile sont apparus avec les émeutes dans les quartiers sensibles et on ne peut exclure la constitution de maquis, plutôt urbains désormais que ruraux, avec pour conséquences des affrontements de plus grande intensité, éventuellement soutenus de l’extérieur.

Si cet espace national cesse d’être sous contrôle, il est évident que c’est l’existence même du pays qui se trouve compromise et … il est inutile d’aller plus loin !

11.2. La prise en compte du volet « sécurité publique et civile »

sur le territoire national constitue une charge supplémentaire qu’alourdit encore l’emploi intensif des moyens de l’armée – notamment avions de transport, hélicoptères et navires, sans oublier formations du génie et hôpitaux de campagne - pour des interventions humanitaires de grande envergure à l’étranger. Non seulement cette charge détourne l’armée de sa mission principale mais elle est consommatrice de capacités que les difficultés budgétaires ne permettent pas toujours de renouveler. Il serait souhaitable à cet égard que l’actuel ministre des affaires étrangères modère ses ambitions d’ingérence à tout propos, de la défense des droits de l’homme aux secours à porter aux sinistrés des grandes catastrophes naturelles et à l’aide alimentaire destinée aux populations souffrant de la famine : pas plus que la France ne pouvait accueillir toute la misère du monde selon M. Rocard, elle ne peut lui venir en aide sur l’ensemble de la planète !

12. Les espaces stratégiques externes. Ils sont multiples, en propre ou partagés.

Ayant connu une période où elle s’était constitué un empire colonial sur tous les continents et sur toutes les mers, la France, à qui son siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU donne encore le statut de puissance mondiale, conserve des intérêts stratégiques et des responsabilités qui l’obligent à intervenir, seule ou en coalition, à travers le monde. Il n’est pas certain que ces obligations concourent toutes, de la même façon et avec la même portée, à sa sécurité et à sa prospérité. On distinguera donc entre les espaces stratégiques qui relèvent de sa souveraineté et ceux qui présentent un intérêt stratégique partagé avec d’autres pays ou qui relèvent d’obligations inscrites dans les traités.

12.1. Les espaces stratégiques en propre sont ceux qui relèvent directement (encore) de la souveraineté et de l’identité nationales.

12.1.1. Il s’agit bien évidemment en premier lieu des départements et territoires d’outre-mer (DOM-TOM) auxquels nous lie une longue histoire commune que d’aucuns voudraient rabaisser à des rapports « colonisateur-colonisé » mais qui est en fait marquée par une intégration bien réelle et irréversible sur le plan socio-économique. L’avenir dépendra d’un développement harmonieux des départements et territoires concernés, respectant leur identité et qui sera à réaliser si possible dans chaque cas en co-développement avec la sous-région environnante.

Il appartient à la métropole de protéger cette autre partie d’elle-même contre toute menace d’où qu’elle vienne. S’agissant d’îles ou de pays côtiers, la marine jouera un rôle déterminant à la fois dans leur protection et dans celle de leurs eaux territoriales élargies, riches de promesses minérales en fond de mer, ainsi que pour les liaisons avec la métropole qui ne peuvent être toutes assurées par la voie aérienne.

12.1.2. L’espace maritime sous souveraineté

La France détient la deuxième superficie maritime au monde, soit 11 millions de km2 de sols sous-marins (plateaux continentaux), répartis, dans la limite des 200 milles marins, entre l’Océan Atlantique (Côtes françaises, Saint-Pierre et Miquelon, Antilles et Guyane), la Méditerranée, l’Océan Indien (La Réunion, Mayotte, Tromelin, les Iles Eparses, Saint-Paul et Amsterdam, Crozet et Kerguelen) et l’Océan Pacifique (Nouvelle Calédonie, Polynésie, Wallis-et-Futuna et Clipperton). S’appuyant sur la convention des Nations Unies sur le droit de la mer, signée en 1982, qui étend à 350 milles la limite extérieure des plateaux continentaux, elle revendique une extension complémentaire d’un million de km2 (Côtes françaises de l’Océan Atlantique, Guyane, Nouvelle Calédonie et îles Kerguelen). Ces sols sous-marins recèlent de nombreuses ressources naturelles (pétrole et gaz, métaux sous forme de nodules polymétalliques) dont la rareté grandissante favorisera la mise en exploitation, d’où le programme Extraplac piloté par l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer). Il est évident que la France doit veiller sur cet espace maritime qui lui appartient en propre et dont l’exploitation future peut contribuer de façon significative à son développement économique. Il contribue à faire d’elle une puissance indiscutablement de dimension mondiale. Une surveillance constante de cet espace national par navires, avions et satellites est à assurer dès à présent, de même que sa défense et sa protection sont à organiser.

12.1.3. Les espaces d’influence

L’importance de l’action psychologique dans les affrontements actuels n’échappera à personne. Elle est en mesure à elle seule de changer le cours des événements par son impact sur l’opinion. Faire basculer les opinions publiques adverses est aujourd’hui un objectif privilégié pour les stratèges. Les journalistes et les propagandistes en usent largement, les seconds fort malhonnêtement, mais la fin justifie les moyens.

La France possède un passé « glorieux » en la matière depuis les guerres d’Indochine et d’Algérie qui, sous l’égide du colonel Lacheroy et de ses pairs, en ont vu l’instauration officielle concrétisée par la création d’un cinquième bureau dans les états-majors. Génial, mais auto-intoxicant et ultra-dangereux comme l’a montré la dérive OASienne.

La France n’en est plus là aujourd’hui, mais elle ne doit pas ignorer pour autant que sa capacité d’influence sur la gestion des affaires du monde, autre espace de défense, dépend pour nombre de peuples étrangers de sa fidélité à elle-même et aux valeurs qu’elle a universalisées. A cet égard, la francophonie, espace qui dépasse très largement l’ancien cadre colonial, offre une audience irremplaçable. Les dirigeants français, tous entichés d’anglicisation, devraient comprendre qu’en privilégiant outrageusement l’une au dépens de l’autre, ils compromettent en fait la défense et la sécurité nationales en affaiblissant le rayonnement de la culture française qui est aussi un gage d’influence et de préservation des intérêts nationaux. Le développement de l’action culturelle, en particulier par les moyens de la télévision, doit donc être considéré non pas comme un gadget mais comme une nécessité.

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12.2. Les espaces stratégiques partagés

12.2.1. L’espace européen

Le statut de la France dans le monde est largement conditionné par son appartenance à l’ Union européenne (UE : capitale Bruxelles !) qui tend à se comporter de plus en plus comme un Etat supranational avec les pertes de souveraineté que cela implique dès à présent, notamment dans le domaine de la représentation diplomatique, et que l’on peut imaginer dans l’avenir s’agissant du domaine de la défense.

L’espace européen dans lequel la France est géographiquement et maintenant institutionnellement incluse est le premier des espaces stratégiques historiquement partagés. Aux guerres qui ont fixé les frontières des Etats succède aujourd’hui une volonté apparente de défense commune. Certes, mais cette défense européenne doit être basée sur des solidarités réelles et non pas sur une intégration qui, entre autres risques majeurs, déboucherait très rapidement sur des recrutements hors du continent et sans doute un appel à des entreprises de défense privées comme en emploient les Américains en Irak où elles doublent leurs effectifs, pas moins. Sans commentaires !

Depuis la présidence giscardienne et plus particulièrement depuis le gouvernement Jospin, les dirigeants français se sont toujours montrés favorables à ce qu’on pourrait appeler une « mutualisation » des moyens de défense, effectifs et armements, au sein d’une UE constituée politiquement, condition sine qua non pour en faire une puissance. Cela supposerait une homogénéité des moyens nationaux qui n’existe pas, quel que soit le domaine de comparaison considéré entre les différents pays constituant l’UE. La position française n’a jamais recueilli l’accord des autres pays, malgré des efforts de rapprochement, fondamentaux mais peut-être antinomiques, avec l’Allemagne fédérale et le Royaume-Uni.

Dans le domaine de la défense la priorité est restée à l’appartenance à l’Otan, c’est-à-dire à la protection américaine. Les budgets militaires des partenaires européens de la France sont notoirement insuffisants et, dans la conjoncture économique actuelle, il est peu vraisemblable qu’il en soit autrement d’ici longtemps. On peut en conclure que la France a peu de chances de convaincre ses partenaires d’aller plus avant dans la mise sur pied d’une défense européenne relativement autonome. En revanche, elle ne doit pas se laisser piéger par des contraintes institutionnelles de l’U.E. qui ne tiendraient pas compte de ses intérêts stratégiques, allant jusqu’à lui faire perdre la pleine disposition de ses propres moyens de défense.

12.2.2. L’espace méditerranéen constitue objectivement le second espace stratégique partagé par la France avec les pays qui bordent la Méditerranée au nord, à l’est et au sud.

C’est sans doute à l’heure actuelle pour notre pays le lieu des menaces les plus réelles et en même temps celui où se jouent le plus certainement son destin et celui de l’Europe. Les civilisations européenne et islamique y sont au contact direct et le radicalisme qui dévoie la seconde y est malheureusement en plein essor.

Antérieurement présente en Afrique du Nord, en Algérie annexée et dans les protectorats du Maroc et de la Tunisie, la France cherche à normaliser ses rapports avec ces trois pays depuis qu’ils ont recouvré leur indépendance. Des contentieux importants subsistent, notamment avec l’Algérie qui est le pays le plus menacé d’une prise de pouvoir par les fondamentalistes musulmans et qui est par ailleurs en voie de réarmement avec du matériel russe. En plus du risque terroriste que favorise l’existence d’une importante communauté algérienne en France, on ne peut écarter à terme celui d’actions de rétorsion, tel un tir de missiles balistiques, qu’entraînerait par exemple le soutien de la France au Maroc si ce dernier entrait en conflit armé avec son voisin algérien (Huntington avait déjà évoqué un risque semblable dans ses ouvrages). Si la France n’est plus directement menacée sur ses frontières terrestres, elle est en revanche directement concernée, comme ses voisines, l’Espagne et l’Italie, par la situation dans le bassin occidental de la Méditerranée, qui est par ailleurs devenu un lieu de transit pour les migrants africains.

Le bassin oriental quant à lui est le lieu d’un conflit dont on ne voit pas la fin entre les Israéliens et les Palestiniens. Si l’Europe a cru se débarrasser du problème juif en favorisant le retour des survivants de la Shoah en Palestine, la suite des événements a montré que ce calcul était faux, et par conséquent elle se trouve aujourd’hui piégée devant une double obligation de venir en aide aux Palestiniens et de faire reconnaître leurs droits sur les territoires occupés et, en même temps, de ne pas permettre que l’Etat d’Israël soit détruit.

Ainsi, sans oublier le contentieux turco-chypriote et les pièges des Balkans, on voit à ces deux exemples que la Méditerranée dans son ensemble est aujourd’hui moins une mer commune qu’un lieu d’affrontements. Le seul moyen de parer aux menaces qui en découlent réside sans aucun doute dans un effort de co-développement sur un pied de stricte égalité entre Nord, Sud et Est méditerranéens.

Sous le nom d’Union méditerranéenne, c’était avec lucidité le projet majeur de la présidence de Nicolas Sarkozy, projet malheureusement immédiatement contré par une Allemagne qui, après avoir obtenu le démembrement de la Yougoslavie au risque d’introduire un Islam fondamentaliste au flanc de l’Europe, vise toujours, via la Croatie notamment, à s’ouvrir une fenêtre sur la Méditerranée. Cette volonté allemande de domination de l’espace européen au sens le plus large est un obstacle majeur et constant à la stabilisation de la sous-région, menacée par l’érection du Kosovo en un Etat islamique souverain dont les visées expansionnistes sont également parfaitement connues. Les Barbares, au sens romain du mot, sont de retour !

La France de François Mitterrand puis de Jacques Chirac a commis une erreur stratégique, aujourd’hui irréparable, en s’associant à la guerre de démembrement menée contre la Yougoslavie, puis contre la Serbie. De plus, le comportement partisan de son ministre actuel des Affaires étrangères à l’encontre des Serbes du Kosovo la disqualifie durablement pour jouer un rôle stabilisateur dans la sous-région malgré une attitude plus réaliste des troupes françaises d’interposition qui y stationnent. A l’humiliation des Kosovars a succédé celle des Serbes et, malgré quelques signes d’apaisement, personne ne peut dire que la sous-région a recouvré une paix durable, d’où d’ailleurs le maintien de forces d’interposition.

12.2.3. L’espace atlantique

La géographie a placé la France à l’extrême ouest du continent européen et lui a offert une large façade sur l’Océan Atlantique qui a joué, joue et jouera encore un rôle déterminant dans le destin national en en faisant une nation maritime de premier plan. C’est par ailleurs une pleine ouverture sur le grand large qui permet à la France de se libérer, quand elle en ressent la nécessité, des contraintes continentales européennes.

Sur sa façade atlantique, la France dispose de plusieurs ports de commerce dont le caractère stratégique a été confirmé par l’usage qu’en avaient fait la marine de guerre allemande et ses sous-marins pendant la seconde guerre mondiale, puis la logistique américaine à l’époque de la guerre froide. Si ces ports ne connaissent pas aujourd’hui tout le développement commercial auquel ils pourraient prétendre, c’est faute des retards pris dans leur modernisation et de l’absence d’une desserte adaptée. C’est faute aussi de l’entêtement des dockers cégétistes !

S’agissant des besoins de la défense, les ports de guerre de Cherbourg, Lorient et La Rochelle ne jouent plus le rôle actif qu’ils avaient avant la deuxième guerre mondiale et qu’ils ont encore joué sous l’occupation allemande. Aux deux premiers toutefois restent associés les chantiers de la DCN d’où sortent les frégates et les sous-marins nucléaires de la flotte nationale. De son côté, la rade de Brest sert de base sécurisée aux sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) de la force stratégique, d’où ils partent pour aller se positionner en n’importe quel point des mers et océans.

Enfin, il faut souligner que la région, en premier lieu la Bretagne, a donné à la France de nombreux marins qui se sont distingués aussi bien dans la marine de guerre et les corsaires que dans l’ouverture et l’exploitation de lignes commerciales (y compris , il faut le regretter, le trafic négrier et les enrichissements qui en ont résulté). Ces vocations maritimes se perpétuent aujourd’hui ; il s’agit d’une tradition vivace qui est particulièrement à soutenir à une époque où se manifeste la nécessité pressante de sécuriser les échanges commerciaux qui se font par la voie maritime.

Les Antilles et la Guyane, avec la base de lancement de satellites de Kourou, d’une part, et la base de Dakar au Sénégal, d’autre part, pour autant qu’elle puisse être conservée, sont autant de postes stratégiques, sans oublier au nord Saint-Pierre et Miquelon, qui permettent à la France d’assurer sa présence et ses responsabilités dans l’ensemble de l’espace atlantique qui la concerne le plus directement, Golfe de Guinée compris.

Les potentialités qu’offre à la France sa façade atlantique devraient jouer un rôle plus déterminant dans sa politique étrangère et lui permettre, en s’ouvrant davantage sur le monde, d’échapper d’une certaine façon aux contraintes castratrices que la technocratie bruxelloise fait peser sur toute nation européenne.

12.2.4. L’espace maritime international

Il s’agit globalement des routes commerciales que la France contribue à sécuriser, tant pour assurer ses liaisons avec les Dom-Tom et l’acheminement des matières premières dont son économie a besoin que par solidarité avec les autres pays qui ont en commun les mêmes besoins de libre circulation des personnes et des biens.

Il convient en outre d’en contrôler l’usage quand il est utilisé pour des actes de piratage ou des trafics illicites (drogue, personnes, etc…). La marine française s’y emploie par exemple dans les Caraïbes ou encore au large des côtes de l’Afrique de l’Est comme on vient de le voir avec l’affaire du « Ponant ». Il faut cependant considérer que ces missions ne peuvent se multiplier à l’infini, surtout quand le coût du mazout devient prohibitif. Par l’usure des moyens qu’elles entraînent, elles en remettent en cause la disponibilité pour des interventions plus vitales. La marine vient d’ailleurs de mettre fin à trois d’entre elles.

Cela conduit à s’interroger sur la pertinence du développement du tourisme de masse et des moyens de transport qu’il implique, bateaux et avions, quand se confirment à la fois les risques d’attentats terroristes, les gaspillages de carburants et les pollutions de toutes sortes qui accompagnent ces déplacements somme toute non essentiels.

12.2.5. L’espace aérien

L’espace aérien à prendre en compte en premier est naturellement celui, national, qui se situe au-dessus de la France et des Dom-Tom, auquel s’applique sans restriction le principe de souveraineté, avec pour corollaire une nécessité de supériorité aérienne pour en assurer la défense et la sécurité. S’y ajoute, en cas d’intervention extérieure, la projection de moyens ad hoc pour renseigner, protéger et appuyer les forces terrestres et navales engagées.

Un autre espace aérien est à considérer, celui qui relève de la libre circulation des personnes et des biens par la voie aérienne, mis à part les zones d’interdiction de survol imposées par certains pays (exemple : la Corée du Nord pour les vols entre l’Europe et le Japon). Une contrainte du même ordre existe pour les projections de forces aériennes qu’elle peut rendre plus difficiles lorsqu’il s’agit d’un pays enclavé, comme on l’a vu pour l’Afghanistan. A noter que le porte-avions est plus libre de ses déplacements pour se rendre sur zone et qu’il dispose d’une capacité nucléaire qui ne peut que renforcer le caractère coercitif et dissuasif de son envoi.

Sur un plan général, une autre contrainte réside dans les nouvelles lois internationales qui fixent les règles à observer pour la sécurisation de la navigation aérienne. Elles s’imposent aux appareils militaires comme aux appareils civils, avec l’obligation de s’équiper des auxiliaires de vol qualifiés pour les respecter, ce qui n’est pas sans poser des problèmes de financement et des contraintes opérationnelles aux armées, et notamment à l’Alat.

Même remarque que pour l’espace maritime s’agissant du développement quelque peu anarchique et dommageable du tourisme de masse.

12.2.6. L’espace extra-atmosphérique

La conquête de l’espace est un sujet d’actualité. Malgré les déclarations de principe qui ont été faites, il n’est pas sûr que l’on puisse éviter sa militarisation à des fins opérationnelles, surtout lorsque l’on constate que des pays hostiles ou pouvant l’être se préparent à lancer leurs propres satellites avec des moyens nationaux.

Dans les domaines de la communication et de la cartographie, l’espace est déjà partagé entre des activités commerciales (satellites de communication, tels Internet et GPS) qui peuvent difficilement être interdites et des missions militaires de renseignement et de guidage (parfois les mêmes satellites en partage).

La France a dans ce domaine une longue expérience (le lancement d’Astérix, premier satellite français, date de 1966) et une réputation d’excellence que confirment les succès de la fusée Ariane V. Elle dispose en propre du Centre de lancement de Kourou en Guyane dont elle doit évidemment protéger les installations et les accès.

12.2.7. L’espace africain

Par espace africain, il faut entendre ici la région subsaharienne dans sa quasi totalité, qui était autrefois constituée en grande partie des colonies françaises de l’Afrique Occidentale Française (AOF) et de l’Afrique Centrale Française (AEF). Celles-ci sont devenues depuis un demi-siècle des Etats indépendants, dont en particulier le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Cameroun et le Gabon. On peut y raccrocher le Congo Belge, la région des Grands lacs et les anciennes colonies portugaises.

Cette région a continué de constituer, après les indépendances, un espace privilégié d’influence française, concrétisé par des accords bilatéraux, par une coopération financière et technique importante (enseignement, équipement, finances publiques, etc…), trop souvent assortie d’exigences économiques (retour sur financements), ainsi que par l’implantation de bases militaires de pré-positionnement (Dakar, Abidjan, Libreville, N’Djamena, Djibouti). Les nouveaux Etats ont adopté des constitutions largement inspirées des institutions françaises et ont bénéficié pour leur monnaie de la garantie de la Banque de France (franc CFA). Leurs premiers dirigeants (Senghor, Houphouët-Boigny, etc…) étaient par ailleurs très liés politiquement, voire affectivement, aux dirigeants français.

Cette forme de rapports appartient désormais au passé. Les chefs d’Etat africains qui avaient été plus ou moins cooptés au départ ont laissé la place à de nouveaux dirigeants qui ont subi l’influence de puissances étrangères aux ambitions stratégiques (Etats-Unis, Russie et Chine) après que les contradictions et les remises en cause de la politique africaine de la France les aient quelque peu déçus au fil des ans. Ceux-ci ont ainsi progressivement - quelquefois plus brutalement (Guinée Conakry, Mali) – relâché les liens avec l’ancienne métropole, de sorte qu’aujourd’hui il est difficile de prévoir, sur un plan général, l’avenir de nos relations avec ces pays. Elles tendent à se gérer pays par pays, le plus souvent en fonction de l’intérêt que présentent pour la France les ressources pétrolières et minières (uranium nigérien) des uns et des autres, à l’exploitation desquelles ses entreprises sont pour l’instant associées.

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Les relations politiques avec les Etats africains subsahariens sont devenues d’autant plus difficiles qu’un contentieux colonial subsiste, plus ou moins artificiellement entretenu, et que le recouvrement des indépendances est aujourd’hui jugé incomplet par les jeunes générations. Pour elles, la longue implantation coloniale de la France dans la région n’a pas vraiment cessé et elle s’est prolongée, de façon quelque peu néo-colonialiste, par des ingérences qu’elles jugent insupportables. Les événements récents de Côte d’Ivoire ont confirmé cette évolution. Les rapports avec l’ex-métropole y ont été totalement remis en cause. Il est ainsi acquis que la base d’Abidjan sera fermée à la fin de l’opération Licorne, c’est-à-dire après la prochaine élection présidentielle.

Ne subsisteront que les bases qui présentent un réel caractère stratégique, celle de Dakar qui couvre à la fois l’Atlantique et le golfe de Guinée, et celle de Djibouti qui couvre les accès à la mer Rouge et, au-delà, au canal de Suez ainsi qu’à l’Océan Indien et à la mer d’Oman où la présence française est liée par des accords de défense avec les Emirats arabes.

Si la France n’est plus vraiment chez elle en Afrique subsaharienne et directement concernée par ce qui s’y passe sur le plan politique, on regrettera cependant qu’une impasse ait été faite sur cette partie du continent dans le projet présidentiel d’Union méditerranéenne alors qu’il existe une solidarité continentale de fait, géographique, avec l’Afrique du Nord au travers du Sahara et que précisément l’unité africaine se cherche du nord au sud du continent.

12.2.8. Les espaces onusien et otanien

Il s’agit des cadres institutionnels dans lesquels les forces armées françaises interviennent le plus souvent lorsqu’elles sont engagées dans des opérations de gestion de crises régionales et de rétablissement de la paix, soit pour l’application d’une résolution de l’ONU (exemple : le Liban), soit, faute d’un accord au sein de son Conseil de Sécurité (menace de veto russe ou chinois), pour coopérer à un action menée en coalition, généralement à l’initiative des Etats-Unis dans le cadre de l’Otan ou du moins sous commandement de leurs chefs militaires (exemples : les guerres contre la Serbie et en Afghanistan).

S’agissant des opérations menées dans le cadre de l’Otan, l’élargissement des interventions de l’organisation au-delà de l’espace européen, pour la défense duquel elle avait été créée, s’étend désormais à toute zone ou pays que les Américains considèrent comme dangereux au regard de leur conception de la mondialisation et de leurs intérêts stratégiques. La dissolution de l’organisation avait été un moment envisagée après la disparition de la menace soviétique, mais les Etats-Unis ont réussi à convaincre leurs partenaires européens de la nécessité de la conserver pour faire face aux nouvelles menaces qui se révélaient selon eux. La pression qu’ils ont exercée sur les Européens pour faire de l’adhésion à l’Organisation un préalable à l’entrée dans l’U.E. des anciens pays communistes de l’Est européen est à cet égard révélatrice de leurs prétentions hégémoniques.

Aujourd’hui l’Europe, quoi qu’en disent les atlantistes, traîne cette coopération plus ou moins imposée comme un boulet qui l’empêche de se constituer en puissance et de mener une politique autonome, en Méditerranée et au Moyen-Orient notamment, ou encore dans ses rapports avec la Russie et la Turquie.

C’est ainsi que le projet d’Union méditerranéenne qui visait à un co-développement sur un pied d’égalité des pays des rives nord et sud de la Méditerranée et dont le président Sarkozy avait l’ambition de faire un acte majeur de son quinquennat et de sa présidence européenne a été torpillé par l’Allemagne qui a ainsi confirmé sa volonté d’être la seule à décider en Europe, assurée par ailleurs d’une communauté de vue avec les Etats-Unis. Dès lors, on se prend à douter de la sincérité des rapports que ce pays prétend entretenir avec la France quand sa chancelière fait en sorte, avec le concours de la Commission de Bruxelles, que le projet du président français soit réduit à une simple relance du processus de Barcelone dont l’échec était pourtant patent. Le succès apparent de la réunion à Paris, le 13 juillet, des chefs d’Etat des pays de l’Union européenne et des pays de l’Afrique du Nord et du Proche-Orient cache mal cette volonté allemande et des pays de la Baltique de dénaturer le projet français initial qui était seul porteur d’avenir.

Ce croc-en-jambe allemand ne sera pas sans conséquences. Le président français sait désormais que les initiatives qu’il souhaitait prendre à l’occasion de sa présidence de l’U.E., notamment dans le domaine de la défense, ne pourront l’être que sous contrôle allemand. Cela l’oblige à donner des gages. C’est pourquoi la France a demandé à réintégrer pleinement les instances de l’Otan afin de prouver sa solidarité sur le plan décisionnel, mais cela risque d’être sans lendemain.

Au demeurant, en s’alignant sur une politique caractérisée par le mépris constant affiché par les Américains à l’égard des populations qu’ils entendent soumettre, la France agit à l’encontre des valeurs universelles qu’elle défend et qu’elle a confirmées siennes après s’être douloureusement séparée de ses colonies (guerres d’Indochine et d’Algérie). La simple morale voudrait que notre pays s’abstienne de participer à ce type d’interventions et que, sauf retour de l’Otan à son objet initial - ce qui conduirait logiquement à sa dissolution, envisagée maintenant, semble-t-il, par les Etats-Unis eux-mêmes qui préfèrent y substituer des coalitions de circonstance -, il quitte définitivement l’organisation.

Envoyer 800 officiers dans ses instances de commandement intégré n’a guère de sens, à supposer d’ailleurs que les autres pays consentent à leur laisser des postes parmi ceux qu’ils occupent. Politiquement, il serait plus conséquent de mettre ces officiers à la disposition de l’ONU, seule instance légitime pour intervenir dans la gestion des crises, afin de la doter de l’état-major qui lui manque pour planifier et conduire les opérations qu’elle décide.

2. Quelles perspectives pour les Armées ? Quelles sont les priorités à retenir ?

21. Nécessité première de redéfinir le champ d’intervention des Armées

L’intérêt stratégique des différents espaces examinés aurait sans aucun doute besoin d’être approfondi, mais, en l’état, leur énumération ne vise qu’à ébaucher un champ d’intervention rationnel des forces armées française qu’il est grand temps de délimiter, tant au regard des moyens mobilisables qu’à celui, plus pertinent encore, des réels intérêts nationaux.

Les agresseurs éventuels de la France connaissent parfaitement ses forces et ses faiblesses, ses vulnérabilités matérielles et humaines, la faiblesse de ses forces morales qui est liée aux dérèglements présents de la société. L’Europe est un alibi commode mais tout le monde sait que l’enveloppe est vide ! Il n’y a aucune illusion à se faire sur ces points. Il est par conséquent inutile et dangereux de provoquer des adversaires potentiels par des prises de position qui ne pourraient connaître aucune suite. La vieille appellation de « tigre de papier » est toujours d’actualité. Plus dangereux encore apparaît l’échec d’interventions engagées imprudemment, sans s’être préoccupé des moyens d’aboutir le plus sûrement au résultat politique recherché.

On connaît l’exploitation que font les Palestiniens et les Arabes de tout retour des Israéliens sur leurs bases de départ après une opération sans résultat décisif. Il s’agit d’une action psychologique bien menée et payante puisqu’elle agit sur les opinions de tous les pays et les retourne facilement. C’est ainsi que les retraits israéliens volontaires du Sud Liban et de Gaza ont été célébrés comme des victoires militaires par les Palestiniens et les pays arabes. C’est ainsi que toute intervention armée prétendant mettre fin à une crise régionale, suivie généralement d’un enlisement conduisant quasi inévitablement à des bavures sur le terrain et à un échec sur le plan politique, et bien entendu, ultérieurement, à un retrait sans gloire, dessert finalement la cause que l’on voulait servir et peut de plus générer des actions en retour contre les pays intervenants.

22. Les armées sont d’abord un outil au service d’une politique

Il n’est pas toujours facile de concilier les calendriers politique et militaire dans leurs mises en perspective respectives : un pays peut tout aussi bien mettre en œuvre des politiques extérieures de long terme, la politique arabe de la France par exemple, que remettre en cause certaines d’entre elles pour des raisons d’opportunité.

Raison de plus pour veiller à la parfaite cohérence de l’usage circonstanciel de la force avec les objectifs de la politique étrangère qui visent une normalisation durable des situations. Il ne faut pas oublier que, pour le Général De Gaulle, la stratégie de la France était une stratégie de paix. Cela implique que, s’agissant notamment du reformatage de l’outil militaire, les choix s’inscrivent dans une vision d’avenir à long terme, bien plus qu’à quinze ans, avec le souci qu’avaient les grands Anciens, tels Galliéni et Lyautey, d’éviter les violences inutiles et de respecter les populations des pays d’intervention dans leur identité la plus profonde.

Une des critiques les plus acerbes à l’encontre des travaux de la commission chargée d’élaborer le nouveau Livre blanc de la Défense porte précisément sur l’absence d’une telle vision d’ensemble qui est pourtant indispensable si l’on veut que la population et les armées adhèrent au nouveau modèle d’armée qui va émerger. Le risque n’est pas négligeable selon le général Desportes, commandant le Centre de doctrine et d’emploi des forces : il est en particulier celui « d’avoir une réaction négative de la communauté militaire, avec … une politisation d’une institution qui y a jusqu’à présent échappé » (sic).

23. Etats d’âme et réalités contrariantes

Placés devant une nouvelle réduction des effectifs et des moyens qu’ils qualifient d’ « homothétie réductrice » et qui leur fait craindre une moindre considération de la part de leurs partenaires étrangers, se trouvant limités de ce fait dans leurs ambitions personnelles, nombre d’officiers généraux français aspirent désormais ouvertement à des commandements interalliés de plus haut niveau, quitte à pousser à une intégration des forces françaises dans une armée supranationale, européenne pour certains, supplétive de celle des Etats-Unis, type Légion étrangère, pour d’autres. « Il faut cesser de bricoler », disent-ils. Du coup, ils ne se sentent plus concernés par la défense des intérêts nationaux dont ils ont pourtant en premier la charge et pour laquelle ils sont rémunérés.

L’honnêteté intellectuelle voudrait qu’ils reconnaissent en toute indépendance idéologique que la France n’a ni intérêt ni vocation à intervenir dans un tel cadre étranger, sauf dans celui d’une coalition formée à la demande de l’ONU en raison des obligations qui découlent pour notre pays de la détention d’un siège permanent au Conseil de sécurité. Certes, l’expérience qu’ils ont de ces Opex onusiennes montre qu’il s’agit plus souvent de velléités que d’une véritable volonté d’aboutir, volonté généralement neutralisée par les risques de veto d’un membre permanent du Conseil (Etats-Unis, Russie ou Chine), d’où une efficacité plus que douteuse : ainsi la Finul n’est pas en mesure de jouer un rôle déterminant au Liban. Mais ils savent aussi - et c’est encore moins convaincant – qu’il n’en est guère autrement quand il s’agit d’intervenir dans le cadre européen où l’on agit toujours de façon plus ou moins improvisée, sur l’impulsion d’un dirigeant pressé de se faire valoir sur la scène mondiale au nom de la défense des droits-de-l’homme ou de principes soi-disant humanitaires : c’est ainsi que la force européenne envoyée au Darfour ne semble pas avoir trouvé à s’employer sur le plan militaire. Quant aux coalitions réunies dans le cadre de l’Otan, la légitimité douteuse de leurs interventions engagées sous l’autorité exclusive des Etats-Unis devrait en écarter dans tous les cas.

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24. Quelles options ?

Pour la France, compte tenu des risques d’enlisement et d’échec final que comporte toute intervention à terre, mis à part les actions ponctuelles et ciblées des forces spéciales, la vraie priorité semble s’être déplacée de plus en plus vers la mer, ce qui signifie que pour peser politiquement il lui faut acquérir avant tout de réelles et crédibles capacités de pression, ce qui aurait pu convaincre du besoin de disposer d’un second porte-avions.

Il se peut cependant que la seule option qui demeure dans une situation conflictuelle soit celle de la projection d’une force aéro-terrestre, comme en Côte d’Ivoire avec l’opération Licorne. Non seulement il existe une nécessité de planifier l’opération, ce qui peut donner le temps de la réflexion et de l’action diplomatique, mais la difficulté principale, de plus en plus évidente, est de constituer la force d’intervention. On en est le plus souvent réduit à piocher dans les unités pour rassembler effectifs et moyens nécessaires, ce qui pose à l’origine un problème de cohésion de l’outil constitué qui ne se résoudra qu’au bout d’un certain temps et qui constitue un handicap certain en début d’opération. A cet égard, la rotation tous les quatre ou six mois des effectifs en Opex n’est pas la plus adaptée, surtout quand on prétend vouloir faire du Lyautey.

Une interarmisation de plus en plus poussée s’impose pour assurer notamment la meilleure maîtrise des temps de réaction. Une option pourrait être, pour avoir d’entrée le maximum d’efficacité, d’envisager, pour les interventions extérieures qui constituent en fait le projet politique principal exposé dans le Livre Blanc, un regroupement des différentes formations projetables des trois armées en un corps de bataille unique du type des marines américains qui disposent de tous les moyens terrestres, navals et aériens nécessaires à l’exécution de leurs missions. Cela permettrait d’assurer du même coup l’interarmisation recherchée et s’inscrirait fort bien dans la tradition des troupes de marine, la Légion étrangère trouvant elle-même naturellement sa place dans ce nouveau dispositif.

Cela pourrait de plus conduire à des économies significatives dans la sélection des équipements à réaliser, qualitativement et quantitativement : on a pu, par exemple, se poser la question de l’existence, dans le projet d’armée 2015, de deux brigades blindées armées du char lourd Leclerc, dont l’emploi en tant que tel ne semble pas d’actualité et dont le taux de disponibilité technique est anormalement faible au regard du coût ruineux de sa fabrication, sans doute davantage poursuivie, après l’effondrement de la menace soviétique, pour assurer la survie de Giat-Industrie que pour équiper l’armée de Terre ! Le coût unitaire d’un char Leclerc est en effet de 8,6 millions de dollars et seulement de 5,3 millions de dollars pour le M-1 A1 américain et le Léopard 2 allemand, qui arme la quasi totalité des pays de l’U.E., alors que le coût unitaire d’un T 90 russe, largement exporté lui aussi, est encore bien moindre, de l’ordre de 2,3 millions de dollars. On comprend pourquoi, à partir de cet exemple, l’armement français a quelque mal à s’exporter …

A cet égard, on ne peut plus accepter que les futurs équipements des armées continuent d’être anticipés et réalisés par les industriels de l’armement sans véritable consultation préalable des futurs utilisateurs. Il s’ensuit soit des suréquipements, soit au contraire des besoins insatisfaits, d’où finalement un mauvais emploi des fonds publics pour des capacités inadaptées. Rien ne garantit qu’il n’en sera pas de même à l’avenir quand on voit la part faite aux industriels dans l’élaboration du nouveau Livre Blanc.

Il ne faut évidemment pas se contenter de chercher à adapter le vieil outil aux nouvelles réalités tactiques dans lesquelles l’adversaire monopolise l’initiative. Le Hezbollah en a administré la preuve lors de la guerre du Liban en 2006. On ne peut mettre l’adversaire « cul par dessus tête », en dehors des interventions très ciblées des forces spéciales, que par des innovations qui le prennent au dépourvu, visant en particulier à couper ses propres « lignes d’opération » dont il dépend comme tout un chacun, surtout depuis la mondialisation du terrorisme.

Si la commission chargée d’élaborer le nouveau Livre Blanc a souligné la nécessité de réfléchir à une nouvelle génération d’équipements, elle s’est souvent contentée, dans l’énumération de ceux qui doivent équiper les forces dans les quinze ans à venir, de reprendre, en réduisant les cibles, les équipements programmés antérieurement et en cours d’acquisition. On a là une sorte d’inventaire à la Prévert qui n’est pas totalement satisfaisante car elle ne révèle aucune réflexion de fond sur les conditions d’engagement et d’emploi des forces qui sont pourtant déterminantes pour le choix des équipements et les priorités à donner à leur réalisation.

Toutes les pistes ne semblent pas avoir été vraiment explorées à cet effet. La commission - où les militaires étaient manifestement sous-représentés – a de toute évidence donné la priorité à la réduction des dépenses par la compression de l’outil. D’autre part, le recours systématique à l’externalisation, à l’instar des grandes entreprises privées, semble avoir été la principale préoccupation, et cela d’autant plus qu’il était synonyme de nouveaux marchés. Ce recours n’est pas sans risque et il présente notamment celui d’une vulnérabilité qui pourrait être lourde de conséquences quand il s’agit des Opex, si les « lignes d’opération » nationales se trouvent du coup insuffisamment sécurisées. Les mettre hors de portée de l’adversaire suppose qu’il ne puisse les approcher, ce qui implique d’affecter beaucoup de moyens à leur protection, notamment navals. Les aurait-on ? On peut en douter si les Opex continuent de se multiplier (cinq principales actuellement : Afghanistan, Balkans, Côte d’Ivoire, Liban et Tchad, dernière en date).

On ne doit pas se cacher par ailleurs que cette dispersion peut devenir elle-même un objectif stratégique pour un adversaire capable de mondialiser ses opérations, d’en multiplier les lieux et de réduire par ce biais les capacités de défense nationales en vue de préparer une frappe majeure qu’il souhaiterait profondément déstabilisatrice.

25. Où sont les priorités ?

Quel que soit le point de vue d’où on se place, politique, militaire ou budgétaire, ce ne sont pas les priorités militaires qui ont prévalu, mais une argumentation budgétaire forcément réductrice. En se déterminant ainsi, on a sacrifié le long terme - que commandent pourtant les tendances de fond que l’on sait à l’œuvre (démographie, réchauffement, migrations, déséquilibres économiques, besoins énergétiques, etc…) - à une politique qu’il faut bien qualifier de courte vue. Raisonner à quinze ans quand la durée de vie moyenne d’un système d’armes est du double n’ouvre guère sur l’avenir.

D’autre part, à l’échéance du demi-siècle, soit à moins de deux générations, il est tout à fait possible que les Etats-Unis aient perdu le leadership mondial qu’ils exercent aujourd’hui, étant évident que celui-ci est déjà fortement entamé du fait des échecs répétés de leur politique guerrière.

Dans ces conditions, il n’est pas très conséquent de vouloir s’aligner sur eux, non seulement parce que cela borne par trop l’avenir, mais surtout parce que cela détourne des menaces spécifiques qui peuvent peser sur la France en raison notamment du délitement de sa cohésion sociale et de l’extension du territoire national aux DOM-TOM qui pose en permanence un problème d’intégration des populations et de sécurisation des voies de communication. Il s’ensuit pour l’Etat - s’agissant de ses responsabilités en matière de protection du territoire national élargi aux DOM-TOM, de ses ressortissants et de leurs intérêts - une nécessité indéniable de donner à la Marine nationale les moyens de cette mission de sécurisation des voies de communication avec ces territoires et de l’environnement maritime de ceux-ci.

S’agissant des Opex, la Marine nationale a un double rôle, d’une part celui de composante de l’action militaire, notamment par la participation à celle-ci du groupe aéronaval et/ou des groupes amphibies, et d’autre part celui de principal support logistique. De même que pour ce qui concerne les obligations nationales évoquées précédemment, il faudra tenir compte du fait que toute indisponibilité d’une des composantes, en particulier lors des entretiens périodiques indispensables, se traduira par un affaiblissement temporaire, de plus ou moins longue durée, du dispositif général que tout stratège adverse pourra chercher à exploiter (sur le plan politique, il en est de même de la « neutralisation » de nos démocraties occidentales à l’approche de leurs grandes échéances électorales : le Viêt-Minh en a grandement tiré parti).

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26. Le reformatage des armées

26. 1. A la différence du Livre Blanc de 1994,

le nouveau Livre Blanc ne propose pas un modèle d’armée et s’en tient à fixer les grands objectifs opérationnels et les capacités assignés aux trois principales composantes des armées (Terre, Mer et Air) dans le cadre de contrats opérationnels réactualisés. L’orientation est manifeste et quasiment exclusivement centrée sur des interventions dans les zones de crise du Moyen-Orient et d’Asie.

Contraintes budgétaires obligent, ce sont les grands programmes du projet chiraquien d’armée 2015, devenus irréalisables financièrement dans leur totalité, qui ont fait l’objet d’une révision, malheureusement plus qualifiable d’« homothétie réductrice » que de redéfinition des capacités dont se doter.

26.2. La conception de la défense et de la sécurité nationale,

logiquement intégrées, est quasi exclusivement centrée sur les actions à mener pour parer à une menace moyenne-orientale et asiatique qui pourrait se concrétiser sous la forme du terrorisme ou sous celle d’une frappe balistique éventuellement nucléaire, chimique ou biologique contre les pays occidentaux et de l’Union européenne en particulier. On a donc privilégié les opérations externes (Opex) de projection par rapport à des vulnérabilités plus permanentes qui tiennent à la dimension mondiale de l’ensemble France métropolitaine - DOM-TOM.

On retiendra cependant de la réforme que, d’une part, la dissuasion tous azimuts, même limitée à la « juste suffisance », reste l’ultima ratio de la défense française face à tout chantage à la destruction du pays, et que, d’autre part, les moyens de renseignement terrestre, naval, aérien et spatial, associés au renseignement humain, seront prioritairement renforcés, de façon à doter la nouvelle fonction « connaissance et anticipation » des capacités nécessaires à son plein exercice. C’est évidemment fondamental, aussi bien sur le plan stratégique (planétaire) que sur les plans opératif (théâtre d’opération) et tactique (champ de bataille), mais on ne peut oublier quelques impasses récentes qui ne sont pas sans conséquences :

L’armée de Terre vient de retirer « discrètement » du service ses quatre hélicoptères radar Horizon pour la seule raison du coût de leur MCO. Très performant, ce système sans équivalent dans d’autres armées avait été utilisé avec succès en Irak et au Kosovo. Il aurait sans doute permis au Tchad de détecter à temps de façon infaillible la progression des Toyota de la rébellion. Et peut-être un de ces hélicoptères n’aurait-il pas été inutile récemment en Afghanistan ?

Autre impasse : auraient été retirés du service par l’armée de l’air les quatre Transall qui constituaient le système stratégique Astarté de liaison avec les sous-marins nucléaires en plongée (source « Air & Cosmos)…

26.3. Plus ébauchées que complètes,

les dotations des futures forces qui figurent dans le Livre blanc restent très générales. Il faudra attendre la prochaine loi de programmation militaire pour se faire une idée plus complète des moyens donnés aux forces pour l’accomplissement de leurs missions dans le cadre des contrats opérationnels impartis.

Sur le plan opérationnel, trois tendances se dessinent qu’il faudra pouvoir intégrer en tout état de cause, à la fois pour des raisons d’interopérabilité et pour diminuer les coûts d’intervention :

. la conduite des opérations en réseau qui tend à effacer la distinction traditionnelle entre les armées de terre, de l’air et la marine ; s’appuyant sur des renseignements recueillis et traités en temps réel, elle permet de faire intervenir l’élément le mieux positionné par rapport à la cible et le mieux adapté à son traitement ; elle accélère la conduite des opérations et par là-même contribue à une économie des forces.

. son corollaire, la banalisation des plates-formes qui ne sont considérées que dans leur capacité à amener les systèmes d’armes à distance de tir, avec un maximum de sécurité.

. le recours à l’externalisation civile, en particulier dans le domaine de la logistique, comme l’ont pratiqué les Américains en Irak.

Par ailleurs se confirme une tendance - que l’on peut trouver critiquable - de s’en remettre, pour acquérir certaines capacités, à des achats sur étagères à l’étranger, notamment aux Etats-Unis. Cela n’est pas sans risques, en particulier si le fournisseur, comme cela s’est déjà produit, se refuse à poursuivre ses ventes ou cesse de produire matériels et pièces de maintenance.

26.4. L’armée de Terre (composante terrestre)

26.4.1. Déjà mise à toutes les sauces et quelque peu « surbookée », insuffisamment équipée de matériels adaptés et limitée dans ses moyens d’entraînement dans l’immédiat et pour les années qui viennent, l’armée de Terre se voit confier un ensemble de missions toujours principalement orienté – sinon exclusivement - vers des opérations de gestion de crise « multirôles », c’est-à-dire d’ « entrée en premier sur un théâtre d’opérations » et y prendre en charge « les phases de transition et les opérations de stabilisation », ce qui est singulièrement vaste.

Les autres missions évoquées, telles la participation à la protection du territoire (implication de 10 000 hommes en quelques jours), une capacité permanente de réaction autonome (5 000 hommes dans des délais réduits), s’effacent devant ce choix significatif :

« En dehors des situations où une opération majeure est engagée, les forces terrestres pourront être sollicitées dans plusieurs opérations de stabilisation ou de maintien de la paix ».

Dans l’hypothèse d’une intervention majeure, correspondant pour la France à une « intervention dans le cadre d’un engagement majeur multinational sur un théâtre distant de 7 000 à 8 000 kilomètres, en déployant 30 000 hommes en 6 mois … », le sous-continent visé reste le Moyen-Orient et l’Ouest asiatique. Le confirme le maintien du point d’appui de Djibouti et l’annonce de la création de bases pré-positionnées dans le Golfe Arabo-Persique. De quoi s’agit-il ? De se préparer à rejoindre une coalition contre l’Iran ? Ou de participer à un pré-encerclement de la Chine ? L’alignement sur la politique américaine ne paraît que trop évident.

26.4.2. Il faut souligner que c’est à l’armée de Terre qu’échoira la charge principale lors du déploiement terrestre d’une Opex.

Si la phase de coercition peut être exécutée relativement facilement en raison de la supériorité des armements et des appuis aériens et navals, tout montre qu’il n’en est pas de même avec la phase de stabilisation qui la suit et qui sera d’autant plus « mangeuse » d’effectifs qu’elle tendra à durer. L’intervention armée en Afghanistan en fait la démonstration.

Le problème principal est donc celui d’effectifs qui resteront insuffisants dans un contexte opérationnel qui rappelle de plus en plus celui des guerres d’indépendance (Indochine). L’adversaire est toujours plus ou moins « comme un poisson dans l’eau », et il frappe quand il veut, où il veut, et cela au moment le plus inattendu. En la matière, il n’y a pas de risque zéro, qu’il s’agisse de garnisons de postes fortifiés ou de troupes d’intervalle. Par conséquent, compte tenu de la faiblesse des effectifs affectables, la première responsabilité des dirigeants politiques est de veiller à ne pas mettre la force d’intervention dans une situation d’enlisement, contre-productive à tous les points de vue, les populations concernées finissant par voir en elle une force d’occupation. Cette dégradation toujours observée d’une situation qui s’éternise sans amélioration tangible du sort des populations conduit immanquablement à un futur échec sur le plan politique en même temps qu’elle immobilise des effectifs et des moyens dont un besoin plus vital pourrait exister ailleurs.

Ainsi se trouve confirmé dans les faits le principe selon lequel l’objectif d’une intervention armée ne peut être que politique. C’est pourquoi celle-ci doit faire l’objet, plus encore que d’une planification militaire, d’une évaluation et d’une mise à disposition programmée des moyens nécessaires à la normalisation rapide de la situation afin de satisfaire aux aspirations et aux besoins des populations concernées. Ne pas se donner les moyens de cette normalisation est offrir à l’adversaire toutes les occasions d’exploiter le mécontentement de ces dernières et de multiplier avec leur appui des actions de plus en plus meurtrières, d’où un échec de l’intervenant visible sur le terrain (non-victoire) singulièrement décrédibilisant. Comme on peut le voir en Afghanistan, en territoire pachtoun, quand la maîtrise de la situation échappe aux forces d’intervention, on passe d’un terrorisme religieux à une véritable guerre d’indépendance qui mobilise toute la population.

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26.4.3. La future organisation de l’Armée de Terre

a) Selon le nouveau Livre Blanc, l’armée de Terre (131 000 hommes dont 88 000 opérationnels) devrait passer à l’organisation suivante :

huit brigades interarmes équipées au total de 250 chars de combat Leclerc, 650 VBCI (nouveaux véhicules blindés de combat d’infanterie), 80 hélicoptères de combat (Tigre), 130 hélicoptères de manœuvre (NH 90) et 25 000 équipements individuels du combattant (Félin) … ;

trois brigades spécialisées ;

des moyens d’appui en rapport.

Les brigades dites interarmes correspondent en fait aux huit brigades du projet 2015, selon des missions analogues mais sous de nouvelles appellations qualificatives de celles-ci : 2 brigades dites de décision pour deux brigades blindées existantes (2ème et 7ème BB à 2 régiments de chars Leclerc, 1 régiment d’artillerie à 32 canons de 155 mm autotractés, 1 régiment d’artillerie à 24 lance-roquettes, 1 unité d’artillerie sol-air) ; 4 brigades dites multirôles pour en fait les 2 brigades mécanisées, la brigade légère blindée et la brigade légère blindée de marine existantes (2 régiments d’infanterie dotés de VBCI, 1 régiment d’infanterie doté de VAB modernisés, 16 pièces de 155 mm chacune) ; 2 brigades dites d’urgence à mission « force d’entrée en premier » (11ème brigade parachutiste : 4 régiments d’infanterie et un régiment d’artillerie ; 27ème brigade d’infanterie de montagne : 3 régiments d’infanterie et un régiment d’artillerie). Trois brigades spécialisées ( ?) complèteront le dispositif adopté. En revanche seront progressivement dissous, de 2009 à 2011, une quinzaine de régiments dont 2 régiments et 3 bataillons d’infanterie de marine, 4 régiments d’artillerie, 3 du génie, 3 de transmissions et 2 du train.

La philosophie qui est à la base de cette transformation par le vocabulaire, pourrait-on dire, est toujours la même : « … face à la complexité ( ?) des conflits, nous n’interviendrons seuls que très rarement et le plus souvent au sein de coalitions, ce qui nous permettra de mettre en commun nos capacités et, bon an mal an, d’estomper telle ou telle lacune capacitaire (sic). C’est là tout l’intérêt de la multinationalité (resic) », selon le Général Irastorza, CEM Terre (source DSI). Il est difficile d’aller plus loin dans l’impasse…

b) S’agissant des équipements, la liste figurant dans le Livre blanc apparaît très incomplète. Y manquent de nombreux matériels dont le maintien en dotation est indispensable en Opex, tels les chars AMX 10 RC dont le nombre d’engins en dotation ne devrait pas être diminué à la différence de celui des chars Leclerc, dont le nombre tomberait de 320 à 240. Malgré la capacité complaisamment soulignée de pouvoir constituer l’ossature d’une division type OTAN, la réorganisation de l’armée de Terre sur la base d’une « stricte suffisance » ne doit pas faire illusion, surtout si l’on considère les délais nécessaires à sa remise à un réel niveau de capacité opérationnelle, aujourd’hui compromis du fait des impasses antérieures, d’une part sur la formation et l’entraînement des troupes, et, d’autre part, sur le MCO et le renouvellement des matériels, car en fait c’est de cela qu’il s’agit principalement, toutes choses égales par ailleurs.

Rééquipements et redéploiements ne seront pas terminés avant plusieurs années. Le reformatage des armées s’inscrit dans une durée de l’ordre de 7 ans, ce qui signifie qu’il ne sera pas achevé, au mieux, avant 2016 / 2017. Que se passera-t-il d’ici là ? Notamment sur les théâtres d’opérations existants aujourd’hui, tel l’Afghanistan ?

Dans l’immédiat, l’Armée de terre, à vocation quasi exclusive de projection, devra faire avec les matériels qui l’équipent actuellement. S’agissant de leur disponibilité, si la situation semble en voie d’amélioration pour les équipements terrestres, elle est devenue particulièrement préoccupante pour ce qui est de l’aviation légère de l’armée de Terre (Alat) dont les hélicoptères de combat et les hélicoptères de manœuvre sont en rupture manifeste de capacité opérationnelle.

26.4.4 Le renouvellement du parc d’hélicoptères de l’Alat

En l’état, le parc d’hélicoptères de l’Alat n’est plus en mesure d’assurer la totalité des missions qui lui sont imparties et dont on sait pourtant l’importance et le caractère irremplaçable dans les combats terrestres. Son renouvellement est devenu urgent, mais il reste conditionné à la fois par la disponibilité des crédits nécessaires et par des problèmes techniques de réalisation des capacités opérationnelles demandées.

a) L’hélicoptère de combat Tigre

Cet hélicoptère est destiné à remplacer les hélicoptères de combat Gazelle en service depuis plus de trente ans. Conçu en coopération avec l’Allemagne à partir des années 80, il en était prévu à l’origine deux versions : une version appui-protection (HAP) spécifiquement française et une version anti-char en deux variantes, (HAC) pour la France,(UHT) pour l’Allemagne, cette dernière ayant des capacités d’appui plus limitées. Le premier prototype a volé en 1991 et le programme a été pris en charge par l’OCCAR en 1998. La cible allemande était alors de 80 hélicoptères UHT et la cible française de 120, dont 80 commandés en 1999, les 40 autres devant être commandés en 2009.

En 2003 cependant, l’Espagne a demandé à participer au programme sur la base d’une nouvelle version de l’hélicoptère dénommée appui-destruction (HAD), ce qui a conduit à modifier et à répartir la commande française de 1999 entre 40 HAP ET 40 HAD, ce qui finalement correspond à la cible fixée par le nouveau Livre Blanc.

Du fait des difficultés rencontrées dans la mise au point du système d’armes très complexe de l’hélicoptère, les premières livraisons à l’Alat, prévues en 2004, n’ont pu intervenir qu’en 2007 et 2008 (21 au total ?). Une soixantaine d’hélicoptères Tigre devraient donc rester à acquérir à compter de 2009, soit à raison d’une demi-douzaine d’engins livrés par an, un report de l’achèvement du remplacement des Gazelle à l’horizon 2020.

Par ailleurs, s’agissant de l’armement principal de l’hélicoptère HAD, les Armées ont dû se résoudre à acheter « sur étagères » 200 missiles américains Hellfire, en l’absence d’une munition nationale ou européenne. Il s’ensuit une dépendance évidente qui pourrait poser problème en cas d’engagement dans un conflit de haute intensité hors OTAN.

b) L’hélicoptère de manœuvre NH 90

L’Alat dispose actuellement d’un parc de 96 hélicoptères de manœuvre Puma (39 ans d’âge), dont une trentaine constamment en Opex, avec un taux de disponibilité satisfaisant de 74 % obtenu en sacrifiant le reste du parc conservé en métropole dont la disponibilité est tombée à moins de 40 %. S’y ajoutent 24 hélicoptères de transport Cougar (19 ans d’âge). Outre les conséquences de l’impasse faite depuis longtemps sur leur MCO et leur rénovation, ces hélicoptères ne satisfont pas aux nouvelles règles internationales de la navigation aérienne, ce qui devrait prochainement (2010) réduire leur emploi au vol à vue ! Même si le financement de l’adaptation de 45 Puma peut être trouvé le déficit capacitaire de l’Alat ne pourra pas être comblé entre 2010 et 2020.

Il ne semble pas possible en effet de disposer rapidement du remplaçant du Puma, le NH 90, en nombre suffisant avant cette dernière date. Hélicoptère polyvalent de la classe des 9/10 tonnes, cet hélicoptère est réalisé en deux versions, la terrestre, le NH 90 TTH (Tactical transport helicopter), destiné au transport tactique, et la marine, le NH 90 NFH (Nato frigate helicopter). Les critiques portent sur son coût très élevé (de l’ordre de 25 millions d’euros) qui résulte de ce que certains dénoncent comme un « empilement de nouvelles technologies ».

12 TTH-90 ont été commandés en décembre 2007, soit plus d’un an après la livraison à l’Allemagne de ses 3 premiers hélicoptères de série. Une commande complémentaire de 22 appareils était inscrite au budget 2008, portant à 34 le nombre d’appareils dont la première livraison (1 hélicoptère) est prévue en 2011, une seconde en 2012 (6 à 7 hélicoptères), et ensuite une dizaine par an. Une commande globale de 65 hélicoptères devait suivre en 2016-2017. Le Livre blanc confirme la cible initiale de 130 hélicoptères de manœuvre, mais ce choix, dicté par des contraintes « fédérales » (il s’agit d’un programme nato-européen), fait l’impasse sur les besoins qui apparaissent de disposer d’une quinzaine d’hélicoptères de transport lourd.

26.4.5. Rénovation et acquisition de nouveaux blindés

Les principaux engins blindés qui équipent les forces projetées en Opex, notamment les engins roues-canon AMX-10 RC et les transports d’infanterie AMX-10 P, sont parmi les matériels les plus sollicités. Les premiers sont en cours de rénovation, les seconds vont être remplacés à partir de cette année par le nouveau véhicule blindé de combat d’infanterie (VBCI) dont le nombre à acquérir sera ramené de 700 à 650 exemplaires selon le Livre Blanc.

a) L’engin blindé sur roues à capacité anti-char AMX-10 RC (canon de 105 mm) est entré en service en 1980 et sa rénovation qui porte sur 256 engins est destinée à prolonger sa capacité opérationnelle jusqu’en 2020, notamment en accroissant sa protection par l’installation de blindages additionnels et d’équipements de contre-mesures et en le dotant d’un système d’information lui permettant d’opérer en univers numérisé. 150 AMX – 10 RC rénovés devraient être disponibles fin 2008.

b) Le véhicule blindé de combat d’infanterie VBCI répond à un besoin encore plus urgent. Il est destiné à devenir le véhicule de combat principal des forces terrestres. Bien protégé, il assurera à la fois des missions de transport de troupes blindé (9 combattants à équipement Félin) et des missions d’accompagnement du char Leclerc ou de substitution éventuelle à l’AMX-10 RC (il est doté d’un canon de 25 mm). Le programme qui a connu un retard initial important se déroule normalement. 182 blindés (65 + 117) avaient été commandés à fin 2007 et 116 autres devaient être commandés en 2008. Une première livraison de 41 blindés doit intervenir en 2008, la cadence des livraisons passant à une centaine par an ensuite.

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26.4.6. Continuité plutôt que nouveaux programmes

On notera que les équipements à réaliser seront sensiblement les mêmes que ceux actuellement en dotation ou en cours de réalisation, après remise à niveau pour les plus anciens afin de prolonger leur durée de vie opérationnelle. Il s’agira notamment des VBCI, des AMX 10 RC rénovés, des canons Caesar de 155 mm, etc…. Après les grosses commandes passées antérieurement au profit de l’armée de l’Air (Rafale) et de la Marine (frégates FREMM et SMA Barracuda), les dotations budgétaires de 2008 devaient financer prioritairement des commandes d’armements terrestres : 22 hélicoptères de transport NH 90, 116 blindés VBCI, remise à niveau de 36 chars AMX RC 10 et 5 000 équipements individuels de combat Félin (fantassins du futur).

Sous réserve d’un maintien en condition opérationnelle (MCO) satisfaisant, leur arrivée dans les formations apportera des améliorations sensibles aux équipements des forces engagées en matière de puissance de feu, de précision, de furtivité, de protection (notoirement insuffisante actuellement), de mobilité, de robustesse, d’aéro-transportabilité, et…, en même temps elle permettra une plus grande interopérabilité pour un emploi en réseau qui est considéré aujourd’hui comme la condition première d’un avantage décisif. C’est ce que devrait organiser le projet « Scorpion » (Synergie du contact renforcé par la polyvalence et l’infovalorisation) qui fait largement appel aux technologies nouvelles, notamment à la numérisation du champ de bataille.

Le projet implique par ailleurs une rénovation ou mieux un renouvellement des plates-formes de combat. Le char Leclerc sera adapté au combat en zone urbaine - nouvelle préoccupation majeure -, en particulier avec l’ajout d’une arme de bord téléopérée. Un EBRC (engin blindé de reconnaissance et de combat) polyvalent, capable d’appuyer des combattants et de combattre d’autres blindés, doit remplacer l’AMX–10 RCR à l’horizon 2020. La production du VBCI, véhicule de combat d’infanterie destiné à remplacer l’AMX-10P, est en cours. Le véhicule de l’avant blindé (VAB) qui est actuellement utilisé pour le transport des combattants et des systèmes d’armes au contact (il ne permet malheureusement pas aux servants d’armes d’être protégés lors de leur mise en œuvre ni de tirer de l’intérieur à l’abri du blindage) doit être lui-même remplacé par un porteur blindé (PB) polyvalent dans les prochaines années.

Après mise à niveau, ces matériels, complétés par des équipements neufs entrés en service, sont destinés à armer les groupement tactiques interarmes (GTIA) dont la constitution à l’horizon 2020 devrait consacrer l’aboutissement du projet « Scorpion », mais comme le soulignait un des officiers supérieurs chargés du projet, le Colonel Destremeau : « La réalisation ou la remise à niveau des capacités nécessite des délais importants qu’il ne faut pas sous-estimer… ». Le projet est très ambitieux. Il est à la fois moderniste et « conservateur ». Il poursuit un double objectif : « accroître l’efficience des forces terrestres dans les engagements actuels et préserver l’avenir en s’assurant d’une véritable capacité de montée en puissance » (même source).

Au niveau conceptuel, il vise à définir le système de combat futur (SCF) en organisant la coordination des actions des différentes plates-formes aéroterrestres (chars, hélicoptères, drones, etc…) présentes dans un même espace de contact par une mise en réseau généralisée, l’espace concerné formant alors ce qu’on appelle une « bulle opérationnelle aéroterrestre » (BOA). Le projet s’appuie sur la numérisation de l’espace de bataille (NEB). Un plan d’études amont (PEA) a été notifié en 2005 à Thalès, Nexter et Sagem qui doivent proposer d’ici à 5 ans un projet de SCF de niveau GTIA.

Le projet risque d’être contrarié non seulement par des difficultés d’ordre budgétaire mais aussi par les envois en Opex de contingents prélevés sur les composantes de ces futures grandes unités qui poseront toujours à ces dernière un problème de cohésion. On peut en effet se retrouver dans la situation qui prévalait au temps de la guerre d’Algérie, lorsque l’envoi de troupes de plus en plus nombreuses en Afrique du Nord se faisait au détriment du corps de bataille européen chargé de faire face à la menace soviétique dans le cadre de l’OTAN.

On n’oubliera pas d’autre part, devant cette dépendance totale de l’informatisation, qu’un adversaire déterminé, aux équipements rustiques mais capable de faire exploser un missile nucléaire à une altitude de 40 kilomètres (la Corée du Nord ou l’Iran par exemple) pourrait neutraliser l’ensemble des systèmes d’armes amis d’un théâtre d’opérations qui seraient bourrés d’électronique, rétablissant ainsi un rapport de forces en sa faveur.

26.4.7. Autre préoccupation, l’armée de Terre connaît des difficultés pour le recrutement des militaires du rang (1,2 candidat pour 1 poste budgétaire) au moment même où elle se trouve confrontée à des besoins grandissants en effectifs du fait de la durée des Opex engagées dans des phases de stabilisation. Serait en cause le manque d’attractivité des carrières offertes à ces personnels. Une solution serait recherchée dans un recrutement des jeunes des minorités vivant sur le territoire national. Si l’intégration de ceux-ci est hautement souhaitable, il n’est pas sûr que leur recrutement pour combler les manques d’effectifs de l’armée de Terre réponde aux exigences de comportement de plus en plus judiciarisées qu’implique toute intervention dans des pays en crise.

Il faut rappeler qu’il s’agit ici des armées de la République et que dans le rapport de ses troupes à la Nation réside une composante fondamentale de la cohésion nationale. Lors de son audition par la Commission du Livre Blanc, l’expert du parti socialiste Louis Gautier soulignait à juste titre que, si les militaires n’étaient pas des fonctionnaires comme les autres du fait de leurs sujétions, ils devaient être des citoyens comme les autres. C’est bien en tant que citoyens représentants de la République française que leur comportement en Opex doit être finalement apprécié puisqu’il s’agit toujours d’intervenir au nom de nos valeurs républicaines.

26.5. La Marine nationale (composante navale)

« Une marine se détruit en une heure et se construit en 40 ans… On n’a pas le droit de se tromper ».

Amiral P.-F. Forissier (CEMM)

26.5.1. Moyens et missions

Comme pour l’armée de Terre, le Livre Blanc redéfinit les contrats opérationnels de la Marine nationale dans une perspective renforcée et quasi unique de projection des forces, hors la dissuasion, et les moyens correspondants :

4 sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE),

6 sous-marins nucléaires d’attaque (SNA Barracuda),

1 porte-avions et son groupe aérien embarqué,

18 frégates de premier rang (dites de haute mer),

4 bâtiments de projection et de commandement (BPC).

Les missions des forces navales se dédoublent en celles de la force océanique stratégique (les quatre SNLE) qui doit garantir en permanence la « capacité de frappe en second de la dissuasion » et en les autres, frégates notamment, chargées de surveiller et de contrôler les approches maritimes du territoire national, métropole et outre-mer, de faire respecter la souveraineté française dans les eaux territoriales et leurs extensions, de sécuriser les voies de communication contre toute action terroriste et contre toute forme de trafic. Cependant, comme pour les armées de Terre et de l’Air, la mission principale dans le contexte international actuel, sera, compte tenu des moyens importants réalisés à cette fin (porte-avions, BPC), de contribuer à la résolution d’une crise en déployant le groupe aéronaval, avec son escorte de frégates et de SNA, et/ou un ou deux groupes amphibies, avec leur soutien logistique, au profit d’une Opex.

26.5.2. Frégates multimissions et sous-marins nucléaires d’attaque

La réalisation de ces deux programmes était de longue date reconnue indispensable pour assurer l’escorte des grands bâtiments d’intervention comme le porte-avions et les BPC et, s’agissant plus spécialement des frégates, pour « tenir la mer » dans les zones sensibles et pour assurer la sécurité de nos routes maritimes. L’amiral Mérer estimait récemment dans le Figaro qu’une trentaine de frégates de haute mer étaient nécessaires à ces fins.

Le projet concernant la flotte existante, qui est à renouveler dans sa quasi totalité en raison de son ancienneté et de l’obsolescence de ses systèmes d’armes, vient cependant de subir une réduction sensible des remplacements antérieurement programmés (21), pourtant déjà inférieurs à l’estimation des besoins évoqués par l’amiral Mérer. C’est ainsi qu’on a ramené à 18 le nombre des frégates de premier rang dont disposer (frégates antiaériennes indispensables à la défense des groupes aéronavals et amphibies, frégates multimissions ou FREMM).

En fait, ce programme risque fort de n’être jamais réalisé dans sa conception initiale, ce qui conduira inévitablement à de nouveaux dédits et surcoûts unitaires.

La cible initialement fixée en 2002 par la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008, c’est-à-dire le nombre d’unités à acquérir, était de 4 frégates antiaériennes, « format minimal pour assurer la permanence de la protection du groupe aéronaval ou d’un groupe amphibie » (rapport de M. Guy Tessier, président de la Commission de la Défense de l’Assemblée nationale), et de 17 FREMM d’un tonnage de 5 000 tonnes, en remplacement de 2 frégates type F 67 admises au service dans les années 70, de 5 frégates type 70 admises au service dans les années 80 et de 9 avisos type A 69 admis au service également dans les années 80, soit 21 frégates de premier rang prévues au total.

Les 17 FREMM constituant le programme français se répartissaient en 9 frégates AVT « action vers la terre » (frappe dans la profondeur, appui et soutien des opérations de projection) et 8 frégates ASM de protection anti-sous-marine au profit du groupe aéronaval et du groupe amphibie. Les Italiens ayant eux-mêmes besoin d’acquérir 10 frégates de nouvelle génération, un accord était intervenu en novembre 2002 pour que les deux pays réalisent ensemble ce programme afin d’en réduire le coût. Ce genre d’arrangement « européiste » conduit souvent à des mécomptes, c’est le cas ici. Pour équilibrer la répartition des travaux entre les deux industries nationales, les Italiens ont imposé une motorisation sous-performante des bâtiments (turbines LM 2500 + GA fabriquées en Italie n’assurant qu’une vitesse maximale de 27 nœuds), ce qui ne manquera pas de poser des problèmes à la fois dans l’emploi des frégates et lors de leurs compléments d’armements prévus à mi-vie qui les ralentiront encore.

De plus, des difficultés de financement ont conduit dès 2005 à limiter à 2 unités le nombre de frégates anti-aériennes de nouvelle génération et à envisager de remplacer les deux manquantes, reconnues indispensables, par 2 FREMM adaptées à la défense antiaérienne (FREDA). Le financement du programme qui devait être assuré par des « financements innovants » fera en définitive l’objet d’un financement budgétaire classique, son coût global estimé étant passé entre temps de 5,3 milliards à 8,5 milliards d’euros !

La réduction du programme imposée aujourd’hui est d’autant plus mal venue que la Marine nationale avait fait l’impasse sur certains équipements pour disposer rapidement d’un maximum de « coques ». Un important saut capacitaire devait cependant être obtenu par l’équipement des bâtiments en systèmes de lancement vertical de missiles de croisière Scalp navals, soit 2 systèmes Sylver A 70 par unité, approvisionnés de 16 missiles Scalp navals ou d’un mélange de missiles Scalp navals et de missiles surface-air Aster 15 selon la mission et les risques encourus. Toutes les FREMM devaient être ainsi en mesure d’effectuer des frappes massives en profondeur contre des cibles terrestres, avec toutefois la restriction importante que les frégates ASM (action anti-sous-marine) ne pourraient tirer leurs missiles qu’avec l’assistance des AVT (action vers la terre) pour la préparation et la planification des tirs. De plus, les FREMM pourraient associer à leurs frappes en profondeur des frappes côtières (fortifications, batteries côtières, ports et navires à quai) avec des missiles MM Exocet Block II d’une portée de 180 kilomètres (8 missiles par navire), l’ensemble de ces capacités constituant pour un adversaire potentiel, population comprise, une menace dissuasive de frappes destructrices contre ses sites stratégiques dès l’arrivée sur zone d’un ou de plusieurs de ces bâtiments.

Une commande globale pour 8 FREMM a été passée en novembre 2005 : 6 en version ASM et 2 seulement, sur une cible initiale de 9, en version AVT, le choix stratégique donnant la priorité aux SNA. La livraison des frégates devrait s’échelonner de 2011 à 2016, au rythme de 1,5 à 2 bâtiments par an. La suite du programme, soit la commande de 9 autres FREMM, paraît désormais compromise.

Il semble en effet que l’on veuille aujourd’hui compter dans les 18 frégates inscrites au Livre Blanc, les cinq frégates « La Fayette », entrées en service entre 1996 et 2001 mais dont le sous-armement initial reste à compléter, de sorte que, compte tenu par ailleurs de la nécessité de disposer de quatre frégates de défense aérienne et d’utiliser à cette fin deux coques de FREMM, le nombre de FREMM affectées aux missions ASM et AVT pourrait se trouver réduit à 9, ce qui ne laisserait la place au mieux qu’à la commande d’une troisième AVT et donc compromettrait, semble-t-il, l’emploi de ce type de bâtiment pour des frappes massives de missiles de croisière. Cette mission serait sans doute alors confiée aux ou partagées avec les 6 SNA dont les interventions, nécessairement plus discrètes, débarquement de forces spéciales entre autres, sont pourtant de nature différente. Le coût de leurs tirs, avec les changements de milieu qu’ils impliquent, pourrait cependant se révéler prohibitif.

Ce partage des rôles pourrait d’autre part poser un problème de disponibilité et de répartition des missiles de croisière entre FREMM et SNA pour une quantité ciblée relativement réduite : 250 missiles, dont seulement 50 commandés, alors que les Britanniques en ont tiré 70 en une seule salve lors de leur intervention en Irak en 2003. La dotation française serait-elle suffisante dans le cas de la participation à un conflit de haute intensité, contre l’Iran par exemple ? Les intentions ne sont pas très lisibles.

La réduction du nombre de FREMM aurait pu d’autre part conduire à une redéfinition des capacités nécessaires s’agissant du remplacement des anciens avisos. Certains d’entre eux, qui assureront des missions d’escorte ou de surveillance, pourraient peut-être être remplacés par des corvettes de moindre déplacement, telles les corvettes « GoWind » proposées à l’exportation par la DCN (3 versions de déplacement 1250, 1700 et 1950 tonnes, vitesse supérieure à 30 nœuds, système de combat conçu pour assurer la défense et la sauvegarde des approches maritimes en toutes circonstances, hélicoptère organique).

Quoi qu’il en soit, une réduction aussi importante du programme des FREMM se traduira par des surcoûts unitaires conduisant à de nouveaux gaspillages de ressources. Comme à l’habitude, ceux-ci résulteront de la discontinuité qui caractérise la réalisation des grands programmes d’armement français et qui a trop souvent pour conséquence l’abandon des capacités les plus recherchées et les plus nécessaires …

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26.6. L’armée de l’air (composante aérienne)

26.6.1. La modernisation des forces aériennes de combat sera poursuivie en vue de disposer d’un parc de 300 chasseurs-bombardiers de type Rafale F 3 et Mirage 2000 D modernisés, incluant les avions de l’aéronautique navale, et auquel sera associée une flotte d’avions de ravitaillement (14 MRTT) et de transport stratégique et tactique (environ 70 appareils dont 50 Airbus A 400M).

Deux escadrons de Rafale F 3 (40 appareils) et la capacité de ravitaillement correspondante seront affectés à la dissuasion.

Les forces aériennes disposeront en outre de 4 Awacs chargés de la détection et du contrôle des opérations.

Enfin, il est prévu d’acquérir 14 avions de transport et de ravitaillement multirôles (MRTT) en remplacement des C-135 FR « hors d’âge » (45 ans d’âge moyen). Des possibilités de « mutualisations » européennes sont évoquées, mais il faut souligner que la capacité de ravitaillement en vol doit être impérativement préservée au niveau national pour ce qui concerne la dissuasion. C’est une question de crédibilité.

26.6.2. Les missions imparties à l’armée de l’Air et à l’aéronavale seront en premier lieu, hors la composante de la dissuasion, d’assurer en permanence la surveillance et le contrôle des approches aériennes du territoire national (métropole, DOM-TOM et spécialement le champ de tir de Kourou). C’est un minimum. La mission principale cependant sera, comme pour l’armée de Terre et la Marine, de participer aux Opex et, dans le cas d’un conflit majeur, d’être en mesure de projeter jusqu’à 70 avions de combat sur un théâtre d’opérations situé jusqu’à 8000 kilomètres de la métropole.

26.6.3. Une autre mission principale de l’armée de l’Air concerne ses capacités de transport tactique et stratégique qui sont devenues notoirement insuffisantes. Leur rétablissement passe par le remplacement du parc de ses avions de transport tactique Transall C 160 et Hercules C 130 à bout de souffle et par l’adaptation de leur successeur, l’A 400 M, au transport stratégique via des ravitaillements en vol, ce qui pose un autre problème, vu la vétusté du parc actuel des avions ravitailleurs en dotation.

L’A 400 M de EADS qui doit assurer ce remplacement et dont 50 appareils ont été commandés par la France en 2003, soit avec deux années de retard du fait des palinodies allemandes, n’effectuera son premier vol que cette année. Sa production en série connaîtra un retard d’au moins un an, ce qui reporte à 2010 au mieux la livraison du premier appareil à la France et limite à moins de 30 avions les appareils en service en 2015. Ce retard est d’autant plus préoccupant que l’armée de l’Air, qui maintient avec difficulté ses Transall en condition opérationnelle, le dernier devant être retiré du service précisément en 2015, est contrainte de pallier l’insuffisance de ses capacités en moyens de transport par le recours à la location d’appareils étrangers, en l’occurrence en particulier ceux de l’Aeroflot russe. Il est inutile d’insister sur les conséquences de cette perte de souveraineté si le conflit géorgien conduisait à des difficultés majeures avec la Russie !

26.6.4. Les avions de combat (Rafale et Mirage 2000 D)

« Je serai attentif à la cadence de production du Rafale. »

Général S. Abrial (CEMAA)

La cible des livraisons visée par la LPM 2003-2008 était de 234 Rafale pour l’armée de l’Air et de 60 pour l’Aéronavale (294 avions au total). Fin 2007, après un long et difficile démarrage de la production, 112 appareils avaient été commandés dont 76 pour l’armée de l’Air et 36 pour l’Aéronavale. 8 appareils supplémentaires devaient être commandés en 2008, soit 120 appareils commandés au total. Les livraisons prévues à fin 2008 sont de 68 avions (42 pour l’Armée de l’Air et 26 pour l’Aéronavale), qualifiés au standard F 3 (système d’armes complet). Un premier escadron a été constitué à Saint-Dizier ; un second à vocation stratégique devrait l’être cette année si les 7 appareils prévus sont effectivement livrés.

Les annuités de réalisation du programme Rafale (autorisations d’engagement et crédits de paiement) sont de l’ordre de 1,2 milliard d’euros au rythme actuel de production (1,5 appareil/ mois).

Une nouvelle commande globale de 60 appareils était envisagée en 2009 pour ne pas compromettre la gestion concomitante de mise en service des Rafale et de retrait d’autres appareils du parc parvenus en fin de vie. Le nombre de Mirage 2000 D - sur lesquels reposera dans les prochaines années, après modernisation, l’essentiel des capacités opérationnelles - étant de l’ordre de 60 appareils, la cible globale du programme Rafale (armée de l’Air, y compris les deux escadrons de la force de dissuasion, et Aéronavale) devrait être ramenée à 240 appareils, dont la moitié resterait à commander si l’on s’en tient aux 300 avions de combat inscrits au Livre Blanc.

26.6.5. Une autre approche opérationnelle apparaissait possible qui pouvait être par ailleurs moins coûteuse, s’agissant en particulier des frappes à distance et en profondeur. Il n’est pas certain en effet que projeter un grand nombre de chasseurs-bombardiers soit la garantie d’une frappe tactique efficace. En Irak, de vieux B 52 américains, en attente individuelle sur zone d’intervention à 13 000 mètres d’altitude, se sont substitués efficacement à ceux-ci et aux hélicoptères antichars qui saturaient l’espace aérien et qui, s’agissant des hélicoptères, se montraient particulièrement vulnérables. En France, une étude récente dont « Air et Cosmos » s’est fait l’écho a montré que l’équipement d’une dizaine de A 380 en appareils multirôles ravitaillement-transport-bombardier (A 380-MRTB), permettrait, après mise en soute de deux barillets rotatifs lance-missiles d’une contenance de 32 missiles de croisière Scalp (portée : 1000 km), d’aller frapper n’importe où en Méditerranée, au Moyen-Orient et en Afrique subsaharienne depuis la France ou en Asie à partir de la Réunion ou de la Nouvelle-Calédonie. L’avion disposerait dans cette configuration d’un rayon d’action de 8000 km, ramené 5000 km s’il doit rester plusieurs heures en attente sur zone. Une telle solution remettrait nécessairement en cause le nombre de Rafale à acquérir par l’armée de l’Air dont les formes d’intervention seraient radicalement transformées. Elle disposerait ainsi d’une capacité de transport stratégique de 6000 soldats ou de 1500 tonnes d’équipements en même temps que d’une capacité de frappe supérieure d’au moins un tiers à celle de la dotation en Rafale initialement prévue. Si ces données se trouvent confirmées, cela mériterait certainement d’être pris en considération, la dépense équivalant en gros à l’acquisition d’une centaine de Rafale. Il faut d’ailleurs se demander si, de toute façon, cet avion sortant d’usine au rythme d’une quinzaine d’appareils par an, le programme se poursuivra jusqu’à sa réalisation complète.

On ne peut ignorer enfin que les Etats-Unis entendent conserver pour ce type d’interventions leurs « vieux » B 52 H pendant encore plusieurs dizaines d’années et que le Royaume-Uni (programme Future Offensive Air System – FOAS – lancé à la fin des années 90) et l’Australie envisagent de se doter d’un même moyen d’intervention à partir d’Airbus A400 M.

26.7. Connaissance et anticipation

La principale innovation inscrite dans le nouveau Livre Blanc réside dans la création de la fonction « connaissance – anticipation » dont l’intérêt politique est évident, s’agissant d’anticiper toute surprise stratégique. On peut même dire que le développement de cette fonction constitue à l’heure actuelle le seul reste de capacité de souveraineté nationale en matière d’autonomie de décision.

Le concept est bien entendu à étendre au niveau des opérations militaires, qu’il s’agisse d’un théâtre d’opération ou du champ de bataille proprement dit. Chacune des armées, Terre, Mer et Air, souhaite se doter à cet effet d’un parc de drones couvrant non seulement ses besoins de renseignement mais lui offrant également de nouvelles capacités de frappe. Le besoin a été exprimé depuis longtemps, y compris par des parlementaires comme M. Quilès, mais sa prise en considération a été longtemps différée, pour des raisons à la fois budgétaires et de doctrine d’emploi (armée de l’Air).

26.7.1. Les capacités spatiales françaises

a) Bien qu’il semble que, pour le pouvoir, les missions de sécurité intérieure relèvent d’une plus grande priorité que le renseignement d’intérêt militaire, il sera créé un commandement spatial interarmées, confié à l’armée de l’Air et qui regroupera l’ensemble des satellites militaires. Cela ne devrait rien changer à la gestion opérationnelle du système d’observation optique Hélios qui est actuellement assurée de manière satisfaisante par la Direction du Renseignement militaire (DRM).

La préoccupation principale des responsables de ce système était d’éviter une rupture capacitaire lorsqu’il parviendrait en fin de vie. En effet, si l’exécution de la LPM 2003-2008 avait permis le renforcement des capacités spatiales de défense avec l’entrée en service du d’Helios II A et du satellite de télécommunications Syracuse III, les autorisations d’engagement avaient été diminuées de façon drastique (- 70 %) dans le budget 2008 du fait de l’absence de nouveaux programmes.

b) Muni de caméras de très haute résolution à capacité infrarouge pour la vision de nuit, le satellite Helios II A permet de reconnaître la totalité des objectifs d’intérêt militaire. Entré en service en avril 2005 pour une durée de vie évaluée à 5 ans, il devra être remplacé au plus tard en 2010 par le second satellite du programme, Helios II B, dont le lancement devrait intervenir en 2009 pour éviter tout risque de rupture capacitaire.

Il était donc devenu indispensable, pour des raisons non seulement d’enjeux stratégiques mais également d’enjeux de souveraineté, qu’on lance dès à présent, pour les mêmes raisons, les études en vue de concevoir un satellite optique successeur du système Helios.

Le Livre Blanc annonce à cet effet que la France entreprendra dès cette année la réalisation de la composante optique de son successeur, le système européen de capteurs spatiaux MUSIS (Multiuser Satellite Imagery System), l’Allemagne et l’Italie développant de leur côté la composante radar. Un effort budgétaire correspondant est prévu : ramenés à 380 millions d’euros dans le budget 2008, les crédits consacrés aux programmes spatiaux militaires seront doublés dans les années à venir.

Les responsables du système insistent par ailleurs sur le besoin grandissant d’analystes qualifiés du fait du nombre toujours plus important d’images à traiter.

26.7.2. Les drones

Le dernier salon de l’armement terrestre et aéroterrestre, Eurosatory 2008, a donné l’occasion de faire le point sur les différents types de drones dont sont dotées ou cherchent à se doter les Armées.

a) L’armée de Terre dispose actuellement du Système de drone tactique intérimaire / Sperwer de Sagem (SDTI : système de drones intérimaires) qui est opérationnel au sein du 61ème régiment d’artillerie et actuellement déployé au Kosovo.

Il semble que l’on ait les plus grandes difficultés à définir les caractéristiques du système qui devait lui succéder à l’horizon 2010-2011 : drone à décollage et à atterrissage vertical (VTOL) ou à voilure fixe ? L’armée de Terre s’est rapprochée de la Marine pour étudier les convergences possibles de leurs programmes respectifs, système de drones tactiques (SDT) pour le première, système de drones aériens pour la Marine (SDAM). La Marine a confié à EADS une étude de validation du système VTOL qui correspondrait logiquement à ses besoins mais qui pose des problèmes d’appontage. L’armée de Terre de son côté, qui a confié à Thalès une étude technico-opérationnelle, semble douter des apports de ce système …

La Marine fait également étudier la possibilité de se doter de drones hélicoptères.

b) La situation est plus claire pour ce qui concerne les drones de renseignements au contact (DRAC), réalisés par EADS. Ils sont portables et permettent de voir « de l’autre côté de la colline » (portée 10 km). 25 systèmes Drac ont été livrés à l’armée de Terre (13ème RDP) en juin 2008 mais ils ne semblent pas avoir été mis en œuvre à ce jour. 35 autres devraient être prochainement commandés pour une cible globale initiale de 160 systèmes.

c) Dans l’urgence, le Commandement des opérations spéciales (COS) a acheté en Israël, auprès de la firme Elbit, des minidrones Skylac dont plusieurs exemplaires ont été déployés au Tchad (2 perdus).

d) De son côté, l’armée de l’Air a réceptionné en juin 2008 le système de drones de reconnaissance et de poursuite d’objectifs SIDM (système intérimaire de drone Male : moyenne altitude, longue endurance) réalisé par EADS en coopération avec l’israélien IAI à partir du modèle Heron (Eagle). Le système est composé de 3 drones d’un rayon d’action de 1 000 km et de 2 stations au sol. Sa livraison, programmée en 2003, intervient donc avec 5 ans de retard !

e) Enfin, le démonstrateur de drone de combat furtif AVE-D (Aéronef de Validation Expérimentale-D pour Discrétion) de Dassault Aviation vient d’effectuer son premier vol autonome.

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26.9. Au terme de cette rapide revue des rééquipements des Armées,

en cours ou programmés, une remarque d’ensemble s’impose. Leur réalisation sur la période de référence, soit au cours des quinze ans à venir, dépendra non seulement de l’évolution de la conjoncture budgétaire mais plus encore des adaptations que pourraient rendre nécessaires de nouvelles interventions militaires et les risques d’enlisement qu’elles impliqueraient si l’on ne change pas de stratégie.

La principale difficulté dans un tel contexte largement imprévisible sera de conserver une cohérence générale maximale entre ces adaptations et le projet d’armée défini dans le nouveau Livre blanc.

S’agissant en particulier de l’armée de Terre qui s’efforce, dans le cadre de son projet « Scorpion », d’assurer une complète intégration des moyens de la troisième dimension (hélicoptères, drones, appuis aériens, etc…) dans le combat terrestre, désormais élargi conceptuellement à la « bulle opérationnelle aéro-terrestre » (BOA), il ne semble pas que ses engagements les plus récents (Tchad, Afghanistan) aient été conduits selon une telle approche.

Dans l’affaire qui vient de se traduire par la mort de 10 soldats à l’est de Kaboul, cette cohérence n’était manifestement pas assurée, ce qui pose en premier lieu le problème d’une pleine et réelle disponibilité des moyens ad hoc au niveau des responsables français des opérations en Afghanistan, qu’il s’agisse des reconnaissances par les airs préalables au déploiement des troupes terrestres ou de leur appui ultérieur.

Il semblerait opportun que le commandement français y soit rapidement doté de tous les moyens nécessaires à l’exécution des missions qui sont imparties aux troupes sous ses ordres, notamment par le renforcement de ceux de l’Alat, afin de pouvoir appliquer les éléments de la doctrine « BOA » qui s’imposent dès à présent. A ce stade, cela impliquerait une homogénéisation totale des forces envoyées en opération qui ne devraient comprendre, hors des éléments afghans en voie d’accès à la capacité opérationnelle, que des éléments nationaux, y compris dans le domaine de l’appui aérien. Question entre autres : pourquoi les avions français ne sont-ils pas en priorité affectés au secteur français ?

Ces remarques touchant l’emploi des forces montrent, s’il en était besoin, que la France, reléguée au rôle de simple contributeur otanien en effectifs et en moyens au profit du commandement américain, ne dispose plus de la liberté d’action nécessaire à la conduite des opérations menées par ses forces. Cela montre aussi que le mythe de l’interopérabilité complète entre forces de différentes nationalités est dans une certaine mesure une vue de l’esprit, et tout cela est d’autant moins acceptable qu’il s’ensuit malheureusement des risques supplémentaires pour nos soldats.

3. De quelques conclusions et autres considérations

Certaines conclusions devraient s’imposer d’elles-mêmes, mais elles ne semblent pas avoir été entièrement prises en considération dans le nouveau Livre Blanc. Ses rédacteurs ont manifestement voulu continuer de privilégier les interventions extérieures en coalition contre un ennemi malheureusement souvent désigné hors des instances nationales.

On réfute les thèses de Samuel Huntington sur le déclin de l’Occident face à la montée en puissance de l’Islam et de la Chine et sur le choc des civilisations où cela peut conduire, mais la diabolisation constante de ces deux adversaires potentiels conduit en fait tout droit au conflit évoqué. Il en résulte pour la France, si elle s’engage elle aussi sur cette voie, le risque d’être entraînée dans des actions contraires à ses intérêts fondamentaux et aux valeurs dont elle se réclame. Au niveau de l’Union européenne, il est urgent de fixer des règles du jeu et de s’y tenir, surtout quand on voit certains pays membres comme la Pologne provoquer sans cesse le puissant voisin russe avec le soutien évident des Américains.

31. La légitimité d’une intervention des armées françaises dans un pays étranger,

quel qu’en soit le bien-fondé, ne peut être trouvée que dans un mandat délivré par les Nations Unies à la suite du vote d’une résolution par le Conseil de sécurité ou par l’Assemblée Générale de l’institution, cela d’autant plus que la Charte institue l’interdiction de toute ingérence dans les affaires intérieures d’un pays membre. Il est bien évident que cet argument de droit sera invoqué par les opposants à une telle intervention et qu’il permettra à la partie adverse de faire valoir cette clause devant l’opinion internationale.

Outre le risque d’enlisement que comporte toute intervention armée et l’impossibilité qui en résulterait d’aboutir par la force à une solution politique satisfaisante, c’est-à-dire en premier lieu à une normalisation de la situation au profit des populations concernées. L’absence de légitimité d’une intervention « hors mandat de l’ONU » aboutit à disqualifier durablement le pays qui l’a entreprise, tant en ce qui concerne son recours à la force que pour sa participation ultérieure à la négociation.

Les opérations menées dans le cadre de l’OTAN, ou encore dans celui d’une initiative européenne ou nationale basée sur le fameux droit d’ingérence kouchnérien, n’échappent pas à cette « malédiction », car elles apparaîtront directement liées aux ambitions américaines, ou, d’une façon plus générale, comme une nouvelle forme de colonialisme occidental. C’est une raison suffisante pour que la France veille à rester à l’écart de telles interventions, et plus spécialement de celles initiées par l’OTAN dont il conviendrait de se retirer définitivement plutôt que de courir après un strapontin au niveau décisionnel qui, de toute façon, restera exclusivement entre les mains des Américains.

On le vérifiera en Afghanistan qui va devenir le principal théâtre d’opérations pour l’OTAN. Loin de se dénouer comme les Occidentaux l’espéraient, la situation y échappe à leur contrôle, le gouvernement mis en place s’avérant impuissant à juguler une opposition armée qui trouve ses financements dans le commerce de l’opium, redevenu la principale production du pays. Peu à peu s’y développe une situation qui n’est pas sans rappeler les guerres coloniales d’Indochine et d’Algérie.

De même que le Viet-minh s’appuyait sur la Chine et que le FLN s’appuyait sur les pays arabes à partir du Maroc et de la Tunisie, la résistance pachtoune bénéficie de l’appui d’une part grandissante de l’appareil politique et militaire pakistanais, ce qui la met pratiquement à l’abri de toute élimination, hors l’exercice d’un droit de suite sur le territoire pakistanais, réclamé par Kaboul mais qui ne sera pas accordé.

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32. La défense et la sécurisation du territoire national,

étendues s’agissant d’intérêts fondamentaux aux DOM-TOM, constituent la première des priorités.

32.1. Un constat s’impose.

En voie de marginalisation dans les affaires de l’Europe, spécialement depuis le traité de Nice et l’entrée dans l’Union Européenne des pays ex-communistes de l’Europe de l’Est, menacée d’un démembrement préparé par Berlin et par Bruxelles, la France n’a guère le choix des moyens pour demeurer une puissance de dimension mondiale. Plus ou moins contrainte de limiter ses ambitions de partage du leadership en Europe, malgré les efforts de son actuel président, elle doit s’affirmer davantage à l’extérieur du continent. Après la décolonisation, ce sont les Dom-Tom qui lui ont permis, pour une bonne part, de conserver cette dimension mondiale.

Or il faut souligner le caractère îlien de ces derniers, hors la Guyane qui représente avec son champ de tir de satellites de Kourou un autre pôle d’intérêt stratégique. Ces îles offrent à la France un élargissement considérable des fonds marins sous sa souveraineté : 11 millions de kilomètres carrés, dont l’exploitation industrielle, pour être encore hypothétique en ce qui concerne les nodules minéraux (nickel, cuivre, cobalt), pourrait devenir rapidement une nécessité du fait d’une offre mondiale insuffisante de ces métaux et de l’envolée correspondante de leurs coûts. Il est donc plus nécessaire que jamais d’assurer la défense et la protection de ces zones maritimes, ce qui doit logiquement se traduire par un renforcement des moyens de la Marine nationale affectés à cette mission. S’y ajoute bien entendu la même nécessité de défendre et protéger les voies de navigation commerciales qui relient la métropole et les Dom-Tom, entre eux et avec leurs sources d’approvisionnement en denrées et matières.

32.2. D’une manière générale,

même si cela peut déplaire, une des premières tâches des forces armées de l’intérieur devrait être de contribuer à rétablir l’ordre républicain sur la totalité du territoire national, DOM-TOM compris. La constitution de communautés ethniques ou religieuses, d’origine étrangère ou sous contrôle étranger, présente un réel danger potentiel dès lors qu’à la coordination de leurs propres actions subversives pourrait s’ajouter la menace d’un soutien extérieur.

Le risque existe effectivement que la France n’échappe pas à ce genre d’affrontement dans les années qui viennent si elle continue d’afficher une faiblesse coupable, en particulier face à l’immigration, comme au temps des gouvernements socialistes. Il faut être conscient que les immigrés clandestins constituent à cet égard une masse de manœuvre pour les partis extrémistes qui favorisent impunément leur venue et qui voient dans leur participation réclamée aux élections locales le moyen de prendre et de garder le pouvoir « démocratiquement ».

La référence aux droits de l’homme et le dévoiement juridique de leur défense ne doivent pas faire illusion. Il s’agit d’une entreprise de déstabilisation de l’Etat dans laquelle les intérêts des immigrés clandestins pèsent nettement moins lourd que les volontés de s’emparer du pouvoir.

33. D’autres risques à ne pas négliger

Les menaces terroristes associées à la possession potentielle d’armes de destruction massive (ADM) et de leurs vecteurs balistiques par les pays islamiques obsèdent la majorité des dirigeants occidentaux. Elles sont largement instrumentalisées par les Américains qui s’en servent pour les convaincre de participer à leurs interventions les plus aventureuses. Ces menaces sont certes potentiellement réelles mais elles relèvent pour une bonne part du domaine de l’hypothèse, et l’expérience tendrait à montrer que la meilleure façon d’en éviter la concrétisation ne réside pas dans le seul usage de la force armée.

Elles conduisent d’autre part à négliger des risques plus classiques qui résultent notamment de contentieux historiques non encore dénoués, telles, par exemple, en Afrique les frontières artificielles qui ont été héritées de la colonisation et qui furent fixées par méridiens et parallèles. Plus près de l’Europe, le conflit qui oppose les Ossètes aux Géorgiens relève de même pour une large part d’un tracé frontalier qui ne tenait pas compte des droits à l’autonomie des premiers. Etc…

A ces risques de déstabilisation s’ajouteront inévitablement les incidences dramatiques sur les rapports Nord-Sud des grandes tendances de fond qui sont dès maintenant à l’œuvre, désordres climatiques, déséquilibres démographiques, migrations, etc … Elles poseront de plus en plus des problèmes humanitaires, notamment dans les domaines de la suffisance alimentaire et d’autres besoins vitaux, tel l’accès à l’eau. Il y a de plus en plus à craindre que ces problèmes ne puissent se résoudre pacifiquement…

Enfin, dans un monde certes globalisé mais surtout de plus en plus soumis à toutes les formes de violence, on assistera à l’émergence et au renforcement de pouvoirs occultes (mafias, triades, sectes, etc…) fondés sur des trafics en tous genres (grand banditisme, crime organisé, drogue, prostitution, etc…), et, de ce fait, à la multiplication des zones dites grises, c’est-à-dire celles qui échappent à toute régulation étatique et qui sont autant de lieux d’affrontements potentiels.

34. Les incertitudes américaines

A l’horizon d’une génération (2030/35), soit à un temps à peine plus long que celui couvert par le nouveau Livre Blanc, il est quasi certain que, d’une part, la multipolarisation résultant de la montée en puissance des pays émergents, ceux du BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine), enlèvera aux Etats-Unis et aux pays européens associés le monopole de la direction des affaires mondiales, et que, d’autre part, ceux-ci perdront progressivement, sous différentes formes, la supériorité militaire qui les met actuellement à l’abri d’une défaite s’agissant de leur propre défense.

Si cette tendance se confirmait et s’accélérait, elle conduirait vraisemblablement et assez rapidement à un retour des Américains à l’isolationnisme, hypothèse qui ne manque pas de (re)poser de façon incontournable le problème de la défense du continent européen et, à défaut de sa mise sur pied, celui de la défense et de la sécurité du territoire, des populations et des intérêts vitaux de la France.

4. La problématique nationale

4.1. Les ambitions françaises sont plus présidentielles que nationales.

L’absence de ces dernières est la triste conséquence d’un misérabilisme intellectuel qui se complaît depuis quelques décennies dans d’interminables repentances.

Le président ambitionne légitimement de laisser sa marque dans l’Histoire. Ses propositions concernant la défense de l’Europe seront présentées et si possible discutées à l’occasion de sa présidence de l’Union européenne, dans l’espoir d’obtenir un accord des autres pays membres pour augmenter l’effort de réarmement du continent, mais la conjoncture économique et financière, alibi commode, ne s’y prête guère.

Le président poursuit, à sa manière, un rêve de grandeur pour la France. Il se voudrait gaullien, mais l’ambition est trop personnelle pour servir vraiment ce rêve. La contradiction principale réside dans la substitution d’un engagement supranational - désormais caractérisé par une allégeance de fait aux Etats-Unis - aux responsabilités nationales qui découlent de son mandat, tout du moins selon la Constitution de 1958 dans sa version première.

Sur le plan interne, cependant, la société française étant ce qu’elle est devenue, il y a un certain mérite à rechercher les conditions d’un retour à une plus grande cohésion nationale, qui apparaît aujourd’hui remise en cause et qui est pourtant indispensable pour résister aux menaces de l’époque dont le reformatage des armées est censé mieux protéger. Ce dernier n’aura en effet de portée que s’il peut s’appuyer sur les forces morales du peuple français.

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4.2. Cela étant, on ne peut nier les effets « mécaniques » des réductions décidées.

En bref, la peau de chagrin s’est une fois de plus rétrécie, d’où la question : à quoi va-t-on aboutir en appliquant les mesures inscrites dans le nouveau Livre Blanc ?

A la pleine capacité d’adaptation attendue des armées françaises aux missions que décidera l’autorité politique dans le cadre prioritaire de la lutte contre le terrorisme islamiste, menée aux côtés des Américains entre Océan Atlantique et Océan Indien et sous leur commandement ?

Ou bien - comme s’en inquiètent bon nombre de chefs militaires - ne s’agit-il pas, exclusivement, d’une compression d’ordre budgétaire, habillée pour la forme d’arguments de circonstance ?

Bien que le gouvernement le conteste, il se peut que les auteurs du manifeste « Surcouf » aient raison et que cette deuxième interprétation soit effectivement la bonne. De fait, quand on examine les grands équipements et systèmes d’armes retenus pour chaque armée, on voit rapidement qu’il s’agit des mêmes programmes que ceux engagés précédemment, à la seule différence que les cibles (nombre d’unités à acquérir) ont été sensiblement réduites, d’où inévitablement - ce que l’on ne dit pas, mais ce qui rognera les économies affichées - des coûts unitaires qui seront sensiblement augmentés et un ratio budgétaire capacités / coûts dégradé qu’il faudra encore corriger du ratio opérationnel effets / capacités, lui-même dépendant des conditions d’emploi des dites capacités et du nombre d’équipements pouvant être mis en œuvre…

Pour autant qu’il corresponde à des effets recherchés et mesurés sur le terrain, dans la durée et auprès des populations concernées, le rapprochement des deux ratios devrait conduire les responsables politiques à s’interroger sur la pertinence de choix militaires exclusifs au regard d’autres formes d’intervention, diplomatiques, économiques, etc … qui peuvent être évaluées avec le même souci de la vérification de leur efficacité. Il est certain que, pour éviter de courir le risque de nouveaux enlisements, ces responsables ne devraient pas se limiter d’entrée à faire de l’usage de la force armée leur unique mode d’action, mais rechercher s’il en existe d’autres, éventuellement tout aussi coercitifs, avant de s’y résoudre.

4.3. Le pouvoir se félicite

– peut-être imprudemment – des résultats d’un sondage qui a fait état d’une forte majorité populaire favorable aux armées. Cependant, quand on interroge les gens, la réponse est plutôt du genre « armons-nous et partez ! ».

En revanche, ce sondage entretient un malentendu qui date de la professionnalisation des armées. Une population vieillissante en est restée à l’armée de conscription qui pouvait fournir une main d’œuvre de secours abondante lors des catastrophes naturelles ou des grandes pollutions industrielles.

Il est bien évident qu’avec des effectifs plus réduits les militaires d’aujourd’hui, qui servent par ailleurs des équipements de plus en plus sophistiqués exigeant une formation des plus coûteuses, ne devraient pas logiquement être utilisés pour des tâches qui sont normalement du ressort de la Protection civile (Ministère de l’Intérieur). Il conviendrait d’ailleurs de renforcer cette dernière en instaurant un service civique obligatoire (voir complément).

Enfin et surtout, la société française paraît toujours mal armée pour faire face à une situation de crise qui la concernerait directement. Depuis une trentaine d’années, elle a renoncé à toute ambition nationale, s’adonnant sans restriction aux « joies » de l’hyperconsommation et à la pratique d’un hédonisme fuyant toute responsabilité collective et individuelle. Dans ces conditions, la concrétisation d’une menace de grande envergure pourrait ne trouver en face d’elle qu’une population prête à tous les abandons et incapable de la moindre solidarité.

Il est grand temps d’inclure ce handicap majeur dans les réflexions sur la défense et la sécurité. La cohésion nationale est la condition première de la capacité de résistance d’un peuple. Elle passe par la consolidation permanente du contrat social qui doit donc être considéré comme étant lui-même une composante majeure de la politique de défense et de sécurité nationale.

4.4. L’heure des choix n’est pas celle de la langue de bois

Il faut beaucoup d’aplomb pour déclarer qu’ainsi diminuée dans ses moyens opérationnels la France demeurera encore la quatrième puissance militaire au monde. Ses armées reformatées comparées à celles des autres puissance nucléaires, huit avec l’Inde, le Pakistan et Israël, auxquelles il faut ajouter le Japon dont les forces d’autodéfense n’ont cessé de se renforcer, la France n’est pas loin de rétrograder au dernier rang, malgré tout le professionnalisme dont sont capables ses personnels et le niveau de ses armements, ces derniers sous réserve d’un MCO effectif.

Cela ne signifie pas que les choses auraient pu être autrement. Tout le monde était d’accord pour considérer qu’il fallait remettre les pendules à l’heure, le modèle d’armée 2015 étant devenu hors de portée. Le reformatage décidé aujourd’hui était inévitable, mais certains des choix qu’implique le renforcement de la priorité donnée aux Opex restent très discutables et ils posent clairement la question – qui semble avoir été éludée en raison des ambitions présidentielles – de l’élaboration, maintenant, d’une stratégie nationale qui ne sorte pas du cadre de nos moyens, ce qui implique de redéfinir des règles strictes d’engagement des Opex qu’il ne sera jamais possible de multiplier indéfiniment - et surtout de s’y tenir, cela en ne négligeant pas par ailleurs les obligations de caractère national. Comme tout Etat, la France a, on ne le souligne jamais assez, des obligations spécifiques en matière de défense et de sécurité à l’égard de sa population et des intérêts vitaux du pays qui doivent primer sur toute autre considération.

Les nouvelles compétences offertes au Parlement devraient permettre de verrouiller un domaine régalien qui tend à s’élargir inconsidérément en dehors du contexte national. Les débats de l’automne qui se dérouleront à l’occasion de la présentation de la future Loi de programmation militaire apporteront peut-être, sauf langue de bois, les éclaircissements, voire les garanties, les plus souhaités.

*****

Complément

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Pour un nouveau service national

Cette note reprend une proposition émise fin 2001 à l’occasion de la campagne présidentielle de J.-P. Chevènement. Les récents événements qui ont amené le président de la République à annoncer la création d’un service civil recruté par volontariat remettent d’actualité cette proposition, car il semble que si l’on cherche vraiment à refonder la cohésion nationale il faut que tout le monde soit concerné par une même obligation de base à l’égard de la communauté.

La professionnalisation des armées voulue par le président Chirac en 1995 a conduit en parallèle à la suppression (suspension sine die) de la conscription qui était pourtant jusque là considérée comme le « creuset de la nation » et le meilleur garant de l’intégration des jeunes Français, y compris ceux de souche étrangère, dans le corps social de la nation. Bien qu’électoralement habile, cette suppression a profondément choqué un grand nombre de Français attachés à la tradition républicaine qui y ont vu avec quelque raison une grave atteinte au lien armée-nation au moment même où un climat d’insécurité se développait à l’intérieur du pays (immigration incontrôlée, terrorisme et commerce mafieux) et où des catastrophes naturelles (inondations, incendies de forêt) et technologiques (AZF à Toulouse) nécessitaient souvent le recours aux moyens des armées. Il apparut cependant bien difficile de revenir en arrière lors de la campagne présidentielle de 2002 : c’est ainsi que le ballon d’essai lancé par M. Bayrou fit chou blanc.

1. Aujourd’hui, au vu des derniers événements, et notamment devant la saturation des moyens de police et de secours (pompiers) à laquelle menait la généralisation des émeutes à tout le territoire, et devant la demande faite dans ces circonstances par un certain nombre d’élus (maires, députés, sénateurs) d’une intervention des armées, on peut considérer que les insuffisances de l’action publique qui ont été constatées dans la protection des personnes et des biens ne permettent plus d’écarter le recours à un service national obligatoire qui vienne renforcer les services de la protection civile en période de crise.

Simultanément, ce serait donner aux jeunes gens et aux jeunes filles de France l’occasion de se rencontrer, toutes classes sociales et origines confondues, et de prendre conscience commune des nécessités de solidarité dans notre société. Ce serait également l’occasion de les aider à trouver leur place dans le monde des adultes. Les récents événements ont montré qu’il y avait, sur le plan national, un devoir et une nécessité urgente de les aider à dépasser les difficultés d’une conjoncture qui les empêche de faire valoir leurs capacités, surtout lorsqu’ils viennent de milieux défavorisés, et qui les enferme dans une lutte de générations stérile contre leurs aînés et les institutions. Un service national qui leur proposerait des tâches concrètes d’intérêt général les aiderait à rompre cet isolement en les responsabilisant dans leurs rapports avec la société, avec l’objectif d’en faire des citoyens à part entière (droits mais aussi devoirs).

2. Dans une telle hypothèse, quatre domaines concrets d’affectation pourraient être proposés aux « appelés » de ce nouveau service national :

. Le premier serait celui de la protection civile afin de se donner les moyens de faire face aux catastrophes naturelles et aux sinistres de grande envergure (tremblements de terre, inondations, sinistres industriels) ainsi que, le cas échéant, aux conséquences dramatiques d’actions de guerre ou terroristes à effet de masse (organisation des secours, soins, travaux).

. Le second serait celui de l’action humanitaire et sociale qui devrait couvrir à la fois les interventions extérieures au profit de populations en situation permanente de détresse, éventuellement en appui aux ONG, et l’aide sociale à apporter, en France même, aux défavorisés de toutes générations et de toutes origines, notamment aux immigrés en situation régulière (ou régularisable) afin de faciliter leur insertion sociale (enseignement du français, mise à niveau professionnel de base).

. Le troisième pourrait être celui de la coopération, envisagée non plus en termes d’affectations individuelles mais pour la réalisation de grands travaux de génie civil (routes, ouvrages d’art) ou de génie rural (restauration des sols), en partenariat avec les jeunes nationaux des pays concernés, de façon à en faire un lieu de fraternisation.

. Le quatrième enfin, plus classique, serait celui du recrutement des réservistes dont les armées ont besoin. L’objectif pourrait être à terme la constitution d’une garde nationale sur le modèle américain ou anglais qui serait chargée de renforcer (1) la police et la gendarmerie en cas de troubles graves sur le territoire national, situation que l’on vient de vivre et qu’il y a grand risque de voir se reproduire, et (2) d’assurer la défense de ce territoire national aux côtés de l’armée en cas d’agression.

3. La durée du nouveau service national pourrait être de l’ordre de neuf mois : deux mois de tronc commun (formation citoyen et sensibilisation aux solidarités, y compris défense) ; un mois de formation et six mois d’intervention dans le domaine d’affectation.

Le choix du moment d’incorporation pourrait être offert entre appel en fin de cycle scolaire obligatoire (16 ans) ou après apprentissage, avant études supérieures ou après obtention du premier diplôme complet d’enseignement supérieur ou de spécialisation (école d’ingénieur, maîtrise). La large ouverture des possibilités d’affectation aurait pour contrepartie la suppression de toute forme de dispense.

Une rémunération correspondant à un pourcentage du SMIG serait payée pendant les six mois d’affectation (rémunération du service rendu), éventuellement augmentée d’une prime de qualification pour les compétences apportées (ingénieurs, techniciens, informaticiens, personnels de santé, etc…).

La durée du service serait prise en compte pour le calcul de la retraite au régime général. La protection sociale serait assurée pour les personnes à charge.

Enfin, les différents bilans (connaissances, aptitudes, santé, etc..) et éventuellement formations complémentaires (de caractère professionnel, permis de conduire, langues étrangères, informatique, etc..) effectués à l’occasion de ce service national, sans oublier la formation citoyenne et républicaine, offriraient aux appelés les moyens de mieux appréhender leur avenir personnel.

Dans cette optique, et afin de donner un caractère positif et attractif au nouveau service national, une aide à l’orientation professionnelle, exploitant les bilans ci-avant évoqués, serait apportée aux appelés tout au long de leur service, y compris un soutien à la recherche d’un emploi dans les trois derniers mois de celui-ci. Naturellement, il conviendrait d’associer à la démarche les services concernés de l’Emploi et de l’Education nationale ainsi que les instances patronales.

4. Hors les habituelles oppositions idéologiques, la première objection qui sera faite sera de mettre en avant le coût de la mesure jugé incompatible avec les ressources budgétaires dont peut disposer la France (contraintes du pacte de stabilité).

En fait, cette objection ne vaut que parce que les crédits accordés à la Défense financent exclusivement une politique d’interventions extérieures visant à imposer un ordre mondial soumis aux « valeurs démocratiques » dont l’Occident revendique le monopole et en fait soumis aux lois du marché qui consolident sa domination. Or, c’est précisément de cette politique et de ses effets pervers que sont nés d’une part le terrorisme international qui sert des intérêts divers, du crime organisé au fanatisme religieux, et d’autre part les migrations des populations les plus défavorisées du globe vers les pays mieux pourvus du Nord. Aujourd’hui, c’est à cette situation explosive dans laquelle se conjuguent ces deux mouvances que sont principalement confrontés l’Occident en général et la France en particulier. Il se peut que des Etats réputés ennemis [1] soutiennent l’une ou l’autre ou même les deux, mais les échecs répétés des interventions armées menées jusqu’ici contre eux – en tout cas, leur non-aboutissement - en remettent en cause l’efficacité, et, outre les désaccords internes à l’Occident sur la façon d’intervenir, il apparaît de plus en plus que le traitement des situations intérieures constitue pour chaque pays la priorité incontournable s’ils veulent préserver leur cohésion nationale et donc leurs forces morales pour résister à l’assaut qu’ils subissent du fait du terrorisme et de l’immigration conjugués. Il s’ensuit obligatoirement, en France en particulier, la nécessité d’un changement des priorités de la Défense auquel devrait correspondre un transfert important de crédits affectés aux moyens de la projection au profit de ceux de la protection intérieure. Le nouveau service national envisagé ici pourrait donc y trouver son propre financement.

Son coût devrait par ailleurs être également apprécié au regard des contreparties socio-économiques que dégagerait un renversement de la situation intérieure hautement conflictuelle dans laquelle la France est aujourd’hui enfermée. Evaluer les pertes causées par les récentes émeutes ne peut se limiter au calcul de l’indemnisation des propriétaires des voitures brûlées et à celui des financements à trouver pour reconstruire les édifices publics et privés incendiés. On a voulu en faire un banal problème d’assurances, ce qui est par trop réducteur, car on ne peut omettre les incidences considérables et durables (la menace de leur renouvellement et de leur extension subsiste) de ces événements à caractère insurrectionnel sur l’économie, en particulier sur le tourisme, première « industrie » nationale, et sur les services qui lui sont liés (transports aériens).

5. Incontournablement assimilable à un problème de défense dans le cadre de la véritable guerre d’usure qui est menée aujourd’hui contre les Etats occidentaux et qui est en quelque sorte une « réponse du berger à la bergère », ces derniers cherchant à imposer leur idéologie marchande au monde entier, la lutte contre les désordres publics à tendance insurrectionnelle doit en premier lieu viser à éviter que se créent et se développent des conditions propices.

Ainsi se trouve naturellement intégré au dispositif général de défense, moyen de la politique intérieure et extérieure de la France, le nouveau service national proposé. Il ne pourrait être que tel, c’est-à-dire unifié et obligatoire pour tous. Les initiatives qui se multiplient au niveau institutionnel (police, gendarmerie, armée), territorial (communes) ou associatif, et qui de plus se font souvent concurrence, y compris l’annonce par le gouvernement de la création d’un service civil à l’effectif limité et recruté sur la base du volontariat, conduisent a contrario à un « saucissonnage » de chaque tranche d’âge, créant de nouvelles différences de situation qui pourraient se révéler porteuses de conflictualités futures. Seul le passage à un nouveau service national unifié et obligatoire, brassant toute la jeunesse française dans une même action de solidarité nationale, quelle que soit l’origine des uns et des autres, semble pouvoir donner les moyens d’une politique de réhabilitation et d’intégration des jeunes des banlieues issus d’une immigration criminellement incontrôlée.

Source :

http://www.forumpourlafrance.org/spip/Espaces-strategiques-interets-fondamentaux-et-capacites-d-intervention-collectif.html

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  • 2 months later...

Fin décembre 2008, la Délégation générale pour l’armement (DGA) a commandé un radar de défense aérienne à longue portée pour protéger le centre spatial guyanais de Kourou.

Ce nouveau radar remplacera, à partir de 2011, le radar Centaure dans le dispositif de détection du centre de contrôle militaire de Kourou, dirigé par l’armée de l’Air.

Grâce à sa portée plus importante (500 km contre 200 pour son prédécesseur), il renforcera les capacités de détection du centre spatial et de l’espace aérien guyanais.

Le contrat, d'une valeur de 50 millions d'euros, comprend la fourniture du radar ainsi que les infrastructures associées (bâtiments d’exploitation, énergie, système de communication et sécurisation). Il prévoit également le maintien en condition opérationnelle du système pendant une durée de 18 ans, avec une garantie de disponibilité à 98 % de l’ensemble de la station radar et de ses infrastructures.

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Fin décembre 2008, la Délégation générale pour l’armement (DGA) a commandé un radar de défense aérienne à longue portée pour protéger le centre spatial guyanais de Kourou.

Ce nouveau radar remplacera, à partir de 2011, le radar Centaure dans le dispositif de détection du centre de contrôle militaire de Kourou, dirigé par l’armée de l’Air.

Grâce à sa portée plus importante (500 km contre 200 pour son prédécesseur), il renforcera les capacités de détection du centre spatial et de l’espace aérien guyanais.

Le contrat, d'une valeur de 50 millions d'euros, comprend la fourniture du radar ainsi que les infrastructures associées (bâtiments d’exploitation, énergie, système de communication et sécurisation). Il prévoit également le maintien en condition opérationnelle du système pendant une durée de 18 ans, avec une garantie de disponibilité à 98 % de l’ensemble de la station radar et de ses infrastructures.

Il compte y associer un SAM-T?

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Pourquoi veux-tu associer un SAMP-T. Ce radar va couvrir tout la Guyane et avoir une vision périphérique, augmenter la lutte contre les narco-traficant/orpailleur qui se baladent le long des frontières.

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Pourquoi veux-tu associer un SAMP-T. Ce radar va couvrir tout la Guyane et avoir une vision périphérique, augmenter la lutte contre les narco-traficant/orpailleur qui se baladent le long des frontières.

Excuse moi Wolf mais "Fin décembre 2008, la Délégation générale pour l’armement (DGA) a commandé un radar de défense aérienne à longue portée pour protéger le centre spatial guyanais de Kourou."

il n'est pas mentionné qu'il s'agit de lutter contre les traffics illicites, quand à détécter l'intrusion d'orpailleurs à pieds sous couvert végétal en limite sud du térritoire Guyanais je doute, aprés déployer un SAMP-T c'est peu etre trop mais détécter une intrusion dans l'éspace aérien Guyanais avec un danger sur le site de Kourou sans pouvoir agir autrement qu'avec des mistral m'interpèlle.

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