Encore une page sur le Biopreparat:
http://en.wikipedia.org/wiki/Biopreparat
Un petit article sur l'accident de 1979, où une fuite survint dans un laboratoire soviétique:
Il y a 23 ans, le scandale étouffé de la fuite d'anthrax à Sverdlovsk
Le pouvoir soviétique fit tout pour taire l'accident, qui révélait la production d'armes bactériologiques.
Le vendredi 30 mars 1979, un technicien de l'enceinte n°19 de l'usine de production d'armes bactériologiques de Sverdlovsk, lieu ultrasecret maquillé en laboratoire civil, quitte son service en laissant à son supérieur le mot suivant : "Filtre encrassé, je l'ai démonté, remplacement demandé." La note sera ignorée, provoquant l'un des plus graves accidents bactériologiques de l'histoire et un scandale international. Bien que signataire du traité de 1972 interdisant le développement d'armes bactériologiques, il allait s'avérer que l'Union soviétique menait un gigantesque programme d'armement de ce type, désormais connu sous le nom de Biopreparat.
A Sverdlovsk (aujourd'hui Ekaterinbourg), dans l'Oural, Biopreparat, coiffé par la 15e direction du ministère de la défense, travaillait sur la variole, la peste, la tularémie, la morve et divers virus de fièvre hémorragique. Mais sa production de masse (plusieurs tonnes par an) se concentrait sur une bactérie ; la maladie du charbon, ou anthrax. "L'anthrax de Sverdlovsk était la plus virulente des souches sur lesquelles nos chercheurs avaient travaillé, on l'avait baptisé anthrax 836", écrit Ken Alibek. Numéro deux de Biopreparat, ce scientifique, qui s'est réfugié aux Etats-Unis en 1992, a décrit par le menu le programme soviétique dans un livre, La Guerre des germes (Presses de la Cité, 2000).
Ce 30 mars 1979, les broyeuses et centrifugeuses de l'enceinte n°19 tournent quelques heures sans filtre. Les bactéries mortelles sont emportées par le vent, qui souffle heureusement à l'opposé du centre-ville. Trois jours plus tard, les premiers malades sont hospitalisés, une équipe d'ouvriers d'une usine de céramique voisine. Puis les morts s'additionnent, le dernier cas étant diagnostiqué le 19 mai, six semaines plus tard.
Bilan officiel : 96 personnes infectées, 66 morts. Bilan certainement faux. M. Alibek parle d'au moins 105 décès, tandis que d'autres spécialistes ont cité le chiffre de 600. Vingt-deux ans après l'accident, des zones d'ombre demeurent encore, tant l'opération de maquillage montée alors par le KGB et l'armée fut efficace. Archives saisies, documents truqués, agents du KGB déguisés en médecins pour délivrer de faux certificats de décès, corps éliminés… Le pouvoir soviétique fit tout pour taire cet accident.
Deux mois plus tard, l'agence officielle Tass annonce "une épidémie naturelle d'anthrax" et la guérison de tous les malades. Une cargaison de viande avariée a été vendue sur les marchés privés de la ville, expliquent alors les autorités, et toutes les mesures ont été prises : marchandises saisies, vendeurs arrêtés, désinfection et abattage d'une centaine de chiens errants. Les morts ne seront reconnues que plus tard.
Ken Alibek, qui devint quelques années plus tard le responsable de la production industrielle d'anthrax dans cette même usine transférée de Sverdlovsk à Stepnogorsk, au Kazakhstan, a pu reconstituer le déroulement de l'accident. Il ne fut officiellement reconnu qu'en 1992 par Boris Eltsine, qui démantela Biopreparat. Eltsine, qui était justement secrétaire du Parti communiste de Sverdlovsk en 1979, concéda un an plus tard au journal Komsomolskaïa Pravda : "Certaines de nos recherches militaires furent à l'origine de l'accident."
Des responsables militaires, anciens de Biopreparat, continuent, eux, de nier farouchement. "Cela fait rire les spécialistes", soutenait en 1998 le général Evstegueniev dans les Izvestia, s'en tenant à la thèse de la viande avariée. Un mensonge persistant qui, ajouté à bien d'autres indices, fait dire à de nombreux experts occidentaux que la Russie n'aurait pas complètement démantelé son terrifiant programme d'armement bactériologique.
Par François Bonnet