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Du service militaire


Chronos

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Aaaah, le pouvoir des mamans: encore plus craint pas les gouvernements démocratiques que celui des ménagères de moins de 50 ans par TFA à une époque.

 

Je me pose des questions sur le "degré de politisation latente" qu'un service national maintiendrait dans la population; plus concernés par la politique internationale? Ca veut pas dire beaucoup plus expert/connaisseur ou moins sujet à une information superficielle, ça c'est sûr, et pas nécessairement plus concerné par la baisse des budgets de défense. Mais cela pourrait-il aller à l'encontre de la tendance de la Vème république à la confiscation des questions de sécurité/défense/stratégie/politique extérieure, et, par là, à leur disparition de la scène publique et de leur existence dans les intentions de vote? Ne pas oublier en outre qu'une armée de conscription peut être aussi la base de vastes mouvements pacifistes (et pas dans le bon sens du terme) voire d'un antimilitarisme important, suivant la façon dont le contingent est géré (et en France, l'histoire récente du traitement des conscrits est pas glorieuse), suivant l'emploi qui est fait de cette armée, suivant un grand nombre de facteurs sociaux peu contrôlables (mentalités du temps, consumérisme/individualisme, mépris des élites et inégalités face à la conscription....).

 

Par ailleurs, et c'est peut-être un sujet en soi: à quoi pourrait et/ou devrait ressembler un service national de nos jours? On voit les dérives de la conscription dans d'autres sociétés modernes, les problèmes qu'elles posent, les inefficacités qu'elle crée, la faible compatibilité (sur un plan pragmatique) du modèle avec des nations dont les intérêts à défendre sont majoritairement loin de leurs frontières, les coûts induits, les nécessités induites par des forces requérant un haut degré moyen de technicité, la compatibilité de la conscription avec d'autres impératifs présidant à un modèle d'armée (besoins stratégiques, niveau d'investissement par individu requis, moyens disponibles)....

 

Donc par exemple, pour la France:

- quelle proportion des armées pourrait réellement être faite d'appelés tout en maintenant un niveau qualitatif élevé et une capacité d'adaptabilité (à un grand nombre de théâtres d'intervention et de situations potentiels) élevés? Le  principe de la conscription est une chose; le modèle d'armée à adopter en est une autre, et il ne peut pas être déterminé par le seul fait de la conscription (le pays ne cesse pas d'avoir des intérêts, le monde ne cesse pas de tourner). Il ne s'agira pas de faire face à l'Allemagne ou à la Russie qui ne sont pas menaçantes et nont pas aux frontières avec des hordes innombrables. La Grèce ou Israël sont des pays avec avant tout des problèmes militaires potentiels à leurs frontières. La Russie est un pays qui n'a pour l'instant encore pas les moyens de se passer de la conscription pour disposer de la force militaire dont elle estime avoir besoin (type de capacités, taille requise, niveau opérationnel requis). Et la plupart des pays reposant sur la conscription n'ont pas réellement de politique extérieure ambitieuse.

- dans la même veine, comment concilier les besoins d'OPEX et de présence outre-mer avec la conscription? Quelle proportion de l'armée serait faite de cadres et professionnels permanents nécessaires pour faire tourner le contingent, et quelle proportion serait faite d'un "corps expéditionnaire" professionnel (présence outre mer permanente, force de réaction rapide, contribution à des OPEX de longue durée)? Sérieusement et juste sur un aspect de la question: dans le cadre d'une armée du XXIème siècle, quelle proportion de métiers dans l'encadrement, le soutien, l'administration.... Peuvent être remplis par des appelés sans transformer le tout en machine pléthorique gaspilleuse de matière première humaine, de temps et d'argent (voir le bordel de l'armée israélienne à cet égard, et la réalité de sa conscription aujourd'hui)? Quelle durée de service rend cette conscription "rentable" (cad légitimant une formation soutenue pour un temps de disponibilité acceptable)? La proportion de personnels déployables est aujourd'hui assez réduite, celle de combattants encore plus: quelle part peuvent occuper les appelés sans déranger la machine et la capacité d'une armée moderne à opérer?

- quel modèle de conscription: les besoins de haut niveau technique, le coût des matériels et infrastructures.... Sont un des plafonnements. Qu'on le veuille ou non, les avancées militaires des dernières décennies et le modèle (ou les modèles) de guerre/conflictualité qu'elles ont promu demandent un haut niveau d'investissement par tête de troufion et un certain niveau d'expérience (donc de temps sous les drapeaux). Historiquement, à moins d'une guerre longue, les conscrits ne peuvent espérer être une bonne troupe que pour une forme unique de combat, et généralement plus défensif (stratégiquement) qu'autre chose (cad utilisant des dispositifs préparés), entre autre parce qu'une forme de guerre assez prédéterminée permet d'enlever une partie de la nécessité d'expertise poussée et de polyvalence pour la troupe (individus, et plus encore unités constituées).

- de fait, il serait impossible, coûteux et inutile de placer tout un contingent d'appelés dans l'armée, et ce d'autant plus qu'à notre époque, il serait impossible de recréer un service qui ne soit pas réellement universel, cad n'intégrant pas les femmes (donc ajoutant les papas-à-leurs-fifilles inquiets aux mamans couveuses de petits garçons :happy: ).... Ca veut dire un contingent de plus de 800 000 personnes, et non 400 000: que faire de tout ce monde? Il n'y a aucun besoin d'une armée pareille, et le coût de son équipement, de son casernement, de son maintien, de sa préparation à un niveau satisfaisant, serait insupportable, surtout si le "niveau satisfaisant" en question est autre chose qu'un objectif monobloc de défense du territoire contre un agresseur connu à l'avance (et dont le chemin d'invasion est connu). De fait, il faudrait lancer un vaste "service civil" accompagnant le service militaire qui ne prélèverait qu'une partie du contingent tout en maintenant l'universalité de la contribution citoyenne: ce serait un bordel d'une grande complexité, mais bon.

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dans la même logique http://www.opex360.com/2013/08/25/la-question-du-retour-au-service-militaire-evoquee-en-allemagne/

 

 

La question du retour au service militaire évoquée en Allemagne
25 août 2013 – 10:17

Dans le cadre d’une vaste réforme de son outil de défense, l’Allemagne a fait le choix de suspendre la conscription dans le but, notamment, de faciliter les capacités de projection de la Bundeswehr et de disposer de forces moins nombreuses mais mieux équipées. Pour cela, il a donc été décidé de ramener les effectifs militaires à 185.000 hommes et de faire appel à des soldats volontaires, engagés pour des contrats de courte durée.

Mais cette réforme, qui suppose la fermeture de nombreux sites militaires, est mal vécue par les soldats allemands. Selon un sondage de l’Université technique de Chemnitz, seulement 8% des 2.000 d’entre eux qui ont été interrogés à son sujet s’en disent satisfaits…

En outre, la Bundeswehr peine à recruter ses volontaires. D’après le quotidien Die Welt, elle comptait 615 recrues en avril dernier, soit 60% de moins par rapport à l’année précédente, à pareille époque. Et pour compliquer le tout, près de 30% de ces engagés quittent l’uniforme au cours de leur formation initiale.

Plusieurs raisons sont avancées pour expliquer ce taux d’attrition très élevé. Il y a d’abord les recrues qui dénoncent leur contrat parce qu’elles sont déçues par la vie militaire, qui ne correspond finalement pas à ce qu’ils espéraient. D’autres préférent reprendre leurs études ou accepter un emploi mieux rémunéré sans avoir les contraintes liées à la vie de soldat.

Et quand ce n’est pas les engagés qui décident de retourner à la vie civile, c’est la Bundeswehr qui les renvoie chez eux, du moins ceux qui se révèlent inaptes à exercer le métier des armes pour des raisons médicales.

Quant aux difficultés liées au recrutement, elles s’expliquent par une démographie peu élevée outre-Rhin mais aussi et surtout par un taux de chômage relativement peu élevé chez les jeunes. Une autre raison est sans doute la mauvaise image de la Bundewehr, au point qu’elle a été victime, sur son propre territoire, de 91 actes de sabotage, depuis le début de cette année, soit déjà autant qu’en 2012.

D’où les critiques de deux membres de la CDU, le parti de la chancelière Angela Merkel, pourtant à l’origine de la réforme de la Bundeswehr. “Pour le bien de nos capacités opérationnelles, il faudrait étudier la possibilité d’un retour à une armée de conscription”, a ainsi affirmé Christian Baldauf. “Je n’aurais jamais accepté de mettre en oeuvre l’arrêt du service militaire”, a surenchéri Franz-Josef Jung, ministre allemand de la Défense de 2005 à 2009.

Pour le moment, le débat portant sur un éventuel retour à la conscription a été mis sous le boisseau, campagne électorale oblige, les libéraux du FDP, allié de la CDU au gouvernement de Mme Merkel, y étant opposés. Mais si cette tendance se poursuit, ce qui est plus que probable, alors la question devrait se poser avec plus d’insistance dans les mois qui viennent.
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La question allemande dépasse la simple organisation des forces. Le manque de capacités de projection de l’armée allemande trouve aussi ses causes dans la Constitution du pays mais aussi dans le droit international qui agit également en verrou. Le mandat de la Bundeswehr est limité par le traité de Moscou de 1990. Si sa lettre n’interdit pas une politique d’OPEX, son esprit vise clairement à maintenir l’Allemagne dans ses frontières et à ne pas en sortir. On peut également s’interroger sur la volonté réelle des voisins européens de l’Allemagne voir la RFA “faire sa part du travail”. Si la Bundeswehr ne recrute pas c’est aussi peut-être parce que la perspective d’une OPEX ‘exitante” est plus ou moins nulle au regard du verrou culturel, politique et constitutionnel sur les Opérations Extérieures.

Je ne pense pas que le service militaire soit un facteur de renforcement du débat public en matière de défense ou de géopolitique. Il existe ou n’existe pas pour d’autres causes, ne serait-ce que par un refus de communication de la part des institutions et des dirigeants et en raison d’une presse qui, si elle n’est pas engagée dans le refus pur et simple de la chose militaire, ne semble pas chercher à en savoir plus.

On peut diviser la question en deux grosses sous questions. Le côté pragmatique de l’affaire alors qu’on opère à l’autre bout du monde. Et quelle forme pourrait prendre un service national.

Nos opérations sont lointaines ou relativement lointaines, c’est un fait, et la rentabilité de chaque homme projeté doit être maximale. Ce qui nécessite un délai de formation conséquent et invite à la capitalisation du savoir-faire acquis. On peut noter cependant, dans les armées professionnelles, l’émergence de plus en plus prononcée de formules contractuelles à deux ans, soit deux tours d’OPEX (un seul aux USA), ce qui ne diffère pas tant d’un service long... La différence est que cette base de recrutement est volontaire.

S’il faut faire participer des appelés aux OPEX on part sur un service de plus d’un an. Il faut compter la formation, une vraie, le tour d’opération et la décompression. Mais est-ce plus couteux qu’un contrat à deux ans ? Il y en aurait beaucoup plus par contre c’est vrai.

Néanmoins cette masse pourrait être exploitable pour d’autres missions, moins violentes, comme du travail de Génie en zone dégradée, servir de base pour des unités pions de type PEACECORPS qui peuvent servir à fournir des effectifs dans la construction de bases, d’infrastructures sommaires ou d’entretien desdites infrastructures. Le perpétuation du lien armée-nation se verrait revigorée par un retour aux années 80 et au récurage des latrines des militaires professionnels (para et marsouins) sous les bizutages inhérents aux hiérarchies créées.

On peut cependant envisager d’autres modes d’organisation en ne faisant pas du Ministère de la Défense l’unique bénéficiaire d’un tel service, et donc en laissant le choix (ou pas) à l’appelé pour l’accomplissement de telle ou telle tâche sociale, par exemple exploiter le savoir des plus instruits à lutter le plus efficacement possible contre l’analphabétisme et illettrisme, facteurs transformant la victime d’une telle carence en chômeur à vie ou presque. Le souci est que les associations peuvent déjà recruter des volontaires pour ces tâches aussi quelle serait l’utilité de l’organiser au niveau gouvernemental ?

La France a il me semble instauré un service de stage obligatoire ou facultatif dans le milieu associatif. J’avais lu un article là-dessus qui m’avait laissé un arrière goût saumâtre de l’instauration d’un système de corvée d’un an pour une paie au lance-pierres.

 

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L'armée allemande va se trouver à la pointe d'un problème risquant de devenir assez récurrent dans les pays développés: l'absence de menace directes, la distance plus grande qu'avant entre le mode de vie civil et la vie militaire, des OPEX rarement pleinement "légitimes" (syndrôme du "mourir pour Dantzig") ou compréhensibles pour l'opinion et les conditions d'emploi et de reconversion vont tout simplement, entre autres effets, mettre sur la table l'habitude héritée de longue date de payer les soldats au lance pierre et de penser qu'ils acceptent par essence n'importe quelles conditions de vie et de travail.... Les candidats voteront avec leurs pieds, et toute question de remettre le service à l'ordre du jour, dans les contextes actuels, seront politiquement dangereux ou au moins très douloureux (en l'absence de menace aux frontières), parce que ça reviendra à dire à la jeunesse (et en plus la partie masculine, et vraisemblablement, dans le monde réel, la partie la moins avantagée) de sacrifier un an ou plus de sa vie parce que le pays doit avoir une armée même si elle sert à rien. C'est encore plus vrai dans des pays comme l'Allemagne qui sont en train de renoncer (encore plus) à se servir de leur armée (ou du moins de la majeure partie de ce qui en reste, au delà d'une "force d'intervention" réduite) pour ce faux semblant de la "défense territoriale".... De territoires non menacés et pas vraiment menaçables.

 

C'est pourquoi le service, s'il doit être rétabli, devra dans chaque pays, si jamais les politiques peuvent réellement en dégager les moyens (au-delà des mots et des "il faut que"), être salement repensé, être vraiment universel ou offrir de sérieuses compensations.... Et il sera cher, nettement plus qu'avant, soit par la rémunération offerte, soit par les à côtés, compensations, conditions de vie, formations dispensées.... Pour remplir le seul besoin réel dans ce cas: trouver des effectifs. Dans les démocraties, en plus, passer outre la nécessité de l'universalité (parce que chère et malcommode sur bien des plans) poserait des problèmes lourds et de longue haleine, si jamais ça passait.

Du coup, simplement garder des armées professionnelles pas gigantesques, mais mieux les payer et offrir de meilleures conditions de vie, de travail et de reconversion, et une plus grande valorisation, serait pas forcément plus cher. Le surcroît de budget serait-il selon vous si différent d'un "re" passage à la conscription?

 

Autre solution: un service court, très court, qui ne serait quasiment là que pour "faire tourner la machine" au régime le plus bas possible. Quelle utilité? Quel coût? Un prétexte pour dire qu'on a une armée, avoir un recensement et une organisation prête à un jour monter en puissance (en y mettant temps et argent), garantir les commandes d'armement, et donc l'industrie.... Mais Zéro question outil de puissance et de défense, sauf sans doute de micro corps expéditionnaires (une ou deux petites brigades à tout péter pour un pays comme l'Allemagne) pour fournir à l'OTAN, à l'ONU et à quelques OPEX. Serait-ce réellement moins cher?

Ca renvoie notamment au fait d'évaluer, pour une armée fixée à une taille donnée, ce qu'impose réellement une armée moderne en termes de personnels qualifiés nécessaires à plein temps:

- administration, organisation

- soutien en général (maintenance, intendance, santé....)

- recherche, développement, achats, planification industrielle

- encadrement des troupes de conscrits, formation initiale et continue (des conscrits et des pros): le taux d'encadrement requis pour une unité donnée est nettement plus important en proportion qu'il ne l'a jamais été

- troupes d'expertises diverses poussées: les armées d'aujourd'hui requièrent un grand nombre de métiers très spécifiques et des qualifications de haut niveau dans beaucoup de domaines: des snipers aux ingénieurs en passant par les transmissions, la mise en oeuvre de drone, les mécaniciens, informaticiens, électroniciens.... La liste est sans fin et l'armée gourmande.

 

Du coup, quelle proportion de postes resterait pour des appelés? Quel serait le besoin? Il serait réduit par rapport à la masse d'une classe d'âge désormais unisexe.

 

par exemple exploiter le savoir des plus instruits à lutter le plus efficacement possible contre l’analphabétisme et illettrisme, facteurs transformant la victime d’une telle carence en chômeur à vie ou presque. Le souci est que les associations peuvent déjà recruter des volontaires pour ces tâches aussi quelle serait l’utilité de l’organiser au niveau gouvernemental ?
 

 

L'utilité? Avoir accès à une grande masse de gens, rationaliser les moyens.... Le problème? Tu le mentionnes juste après: un impôt en nature qui serait mal compris et mal vécu, et qui devrait au final coûter cher pour produire une réelle utilité supérieure à son coût. L'universalité aurait cependant l'avantage de faire avaler un peu la pilule: la sacrifier serait TRES mal perçue, créant un fossé de plus dans la société entre ceux qui y sont astreints et les autres.

Mais le problème de la partie "service civil", qui requèrerait sans doute la majorité des appelés, les besoins militaires étant au final modestes au regard de la taille visée des armées, est qu'il s'agit là aussi de métiers très spécifiques qui ne se remplissent pas avec une main d'oeuvre non qualifiée: fout un ingénieur en charge de cours de maths dans des banlieues désoeuvrées, et 9 fois sur 10, il ne deviendra pas un bon prof. Pas sans formation, sans "infrastructure" de soutien.... Etre un bon prof, c'est un métier en soi: c'est pas parce que tu as le savoir que tu as le savoir faire et le faire savoir. Toute activité requiert un important bagage et de l'expérience, et plus une société est développée, plus le niveau d'exigence moyen à atteindre dans tous les domaines est élevé (même si enseigner efficacement l'alphabet et les bases des maths n'est pas déjà si évident, faire arriver des élèves au niveau brevet l'est encore moins).

Sans compter que, comme partout, une activité réclame de la continuité: est-ce si rentable de la faire faire par des appelés qui serviraient un ou deux ans, surtout si une partie significative de ce temps était impérativement consacrée à une formation?

Modifié par Tancrède
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bonsoir,

il est difficile de chercher à savoir si l'armée professionnelle d'aujourd'hui coûte moins ou plus que l'armée de conscription d'hier, étant donné le bouleversement des questions de défense depuis ces 20 ou 30 dernières années.

Quelque part, la question ne se pose même pas, puisque pour de nombreux états comme la France, le choix fut fait de réduire drastiquement les dépenses militaires, conscription ou pas, tirant les "bénéfices de la paix" selon l'expression consacrée forgée à l'époque.

Le dernier billet de Michel Goya sur son site "la voie de l'épée" effectue justement un essai de "what if" sur cette question de savoir s'il était judicieux ou non de chercher à prendre ces bénéfices à cette époque d'écroulement du bloc soviétique. Que l'on partage ou non son analyse, la question centrale des armées européennes depuis 1989 fut surtout de savoir comment dépenser moins, et souvent pas forcément mieux de plus ... (ah les beaux Hadès ...)

 

Il est intéressant de constater que de nos jours la conscription est une question souvent construite et réfléchie de manière très théorique et/ou idéologique, avec une relecture du passé selon les partis pris intellectuels du présent, alors qu'historiquement la conscription fut avant tout un moyen mis au service de l'outil militaire pour l'approvisionner en main d'oeuvre. Mais en 1914 la doctrine française était la recherche du corps au corps et vive la baïonnette, le soldat français engagé au Mali en 2013 se doit de maîtriser des compétences un chouïa plus complexes.

 

La conscription aurait elle plus d'avantages ou d'inconvénients ? Le conscrit serait une main d'oeuvre peu chère et pratique, mais la société accepterait elle aujourd'hui de voir ses enfants encore plus mal traités que des stagiaires ?

Pendant la guerre d'algérie, des membres de ma famille, appelés du contingent, touchaient dans les 20/25 francs par mois de solde (dont une prime pour le désert je crois) quand le salaire minimum en métropole était 6 fois plus élevé. Ceux qui étaient mobilisés au delà des 18 mois "normaux" touchaient ensuite plus, mais je crois que cela ne dépassait pas les 100 francs pour un bidasse. Heureusement tous les appelés n'étaient pas en zone de combat, mais y en a eu plusieurs dizaines de milliers blessés ou morts.

 

Quelle est la valeur militaire de la conscription ? En france, pour les jeunes générations actuelles, il est difficile d'imaginer à quel point l'image de la valeur et de l'utilité du service militaire s'étaient dégradées jusqu'aux années 90. Si vous avez le temps un jour, regardez le film "les bidasses en folie" des Charlots, ca ne vole pas haut, mais ca donne une assez bonne image de ce que pensait la population de la valeur de l'armée de conscription.

Un conscrit n'a de valeur ajoutée que celle que l'on veut bien lui donner, et après la guerre d'Algérie il était devenu assez vite clair qu'un conscrit de 12 mois présentait de moins en moins d'intérêt qu'on investisse dans sa formation. Et en plus la législation interdisait d'utiliser les conscrits, en temps de paix, en dehors du territoire français. Même leur envoi outre mer était restreint. Dans un pays comme la France qui ne connait depuis des décennies d'opérations militaires qu'à l'étranger et n'est jamais officiellement en guerre, le conscrit ne sert  pas à grand chose.

 

Alors des conscrits dans le cadre d'une profonde réforme des questions de défense au service de choix clairs, la réflexion peut être intéressante, mais des conscrits pour trouver encore plus économique que les services externalisés, bof ...

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“Dans les démocraties, en plus, passer outre la nécessité de l'universalité (parce que chère et malcommode sur bien des plans) poserait des problèmes lourds et de longue haleine, si jamais ça passait.”

 

Passer je me demande bien comment. C’est à rebours des dispositions constitutionnelles d’égalité devant la loi et à la CEDH. Amha il n’y a même pas, sur le plan des principes fondamentaux à nos sociétés, à discuter là dessus quoiqu’une population féminine exemptée formerait un bon vivier électoral en plus du fait que les concernés, la loi n’étant pas rétroactive (enfin on espère ??? ), ne sont pas électeurs car encore mineurs et donc ne seraient pas capable de se plaindre efficacement (i.e. Par le suffrage bien qu’il y ait d’autres moyens) avant l’adoption du texte. Après papa à Neuilly serait probablement un danger terrible pour le gouvernement >:D .

 

“Du coup, simplement garder des armées professionnelles pas gigantesques, mais mieux les payer et offrir de meilleures conditions de vie, de travail et de reconversion, et une plus grande valorisation, serait pas forcément plus cher. Le surcroît de budget serait-il selon vous si différent d'un "re" passage à la conscription?”

 

Je pense qu’un accroissement du budget dans ce sens serait plus efficace et aurait un coût d’opportunité moindre en ce qu’il permettrait en plus de valoriser l’investissement, notamment en équipement vers des matériels plus intéressants, exploitant des technologies duales ou produit par des sociétés également actives dans le domaine civil.

 

“Autre solution: un service court, très court, qui ne serait quasiment là que pour "faire tourner la machine" au régime le plus bas possible. Quelle utilité? Quel coût? Un prétexte pour dire qu'on a une armée, avoir un recensement et une organisation prête à un jour monter en puissance (en y mettant temps et argent), garantir les commandes d'armement, et donc l'industrie.... Mais Zéro question outil de puissance et de défense, sauf sans doute de micro corps expéditionnaires (une ou deux petites brigades à tout péter pour un pays comme l'Allemagne) pour fournir à l'OTAN, à l'ONU et à quelques OPEX.”

 

On peut même se demander si une telle montée en puissance serait plus rapide que de partir de rien. Les américains dans les années 40, avec des méthodes de gestion et de management à cent lieux de ce qui peut se faire aujourd’hui, sont parvenus à mettre sur pied une armé d’une puissance notable et, plus encore, à la projecter à plusieurs milliers de kilomètres de ses bases. Et vu les masses concernées, deux ans c'était court quand on y pense. En outre un départ de rien permettrait au contraire de disposer de personnel initialement civil travaillant dans d’autres secteurs de l’économie et apportant ses approches. L’enrichissement en matière opérationelle voir même tactique n’en serait-elle pas grandie ?

On peut en outre se demander quel genre de commandes seraient réalisées par une telle armée. Une masse de fusils d’assaut tous nus, des treillis et bottines (ok, subventions au textile et à la maroquinerie bas de gamme...) et des ... Camions, non blindés, inutilisables en OPEX moderne où on voit que des VAB sont de facto inadaptés et où des Stryker peinent un max. En fait ça va surtout servir à nettoyer les latrines des paras.

 

“Sans compter que, comme partout, une activité réclame de la continuité: est-ce si rentable de la faire faire par des appelés qui serviraient un ou deux ans, surtout si une partie significative de ce temps était impérativement consacrée à une formation?”

 

Ben non, c’est le problème du roulement sauf que celui-ci se retrouve, en matière militaire, dans la promotion de contrats courts à deux ans, car ne demandant qu’un faible investissement de la part des pouvoirs publics et une faible cotisation “patronale” de la part de l’Etat. On voit les effets pervers du système aux USA.

Modifié par Chronos
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Le long post de Tancrede flor raisonnablement la question du service militaire et de la conscription .

Est ce qu'elle clôt définitivement la question d'une activité "d'athlétisme" au sens où l'athlétisme comportait une préparation aux disciplines utilisables au combat (javelot marteau disque...) :

Athlein signifie d'ailleurs combattre en Grec.

J'ai toujours été surpris du nombre de licensiés du Biarhlon en Allemagne ou de la discussion avec un moniteur de cette discipline disant que c'était une sport militaire... Et il était bien placé pour le dire en tant qu'ancien vice champion de France mais aussi ancien chasseur Alpin et à ce titre, opexé comme les autres !

Ce qui nous ramènerait à nos discussions sur le fil Arts Martiaux militaires sur l'idée d'une possible connection avec des formateurs militaires ...

Et à l'idée d'un Pentathlon Militaire (et actualisé par rapport au Pentahlon moderne).

Modifié par BPCs
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On peut même se demander si une telle montée en puissance serait plus rapide que de partir de rien. Les américains dans les années 40, avec des méthodes de gestion et de management à cent lieux de ce qui peut se faire aujourd’hui, sont parvenus à mettre sur pied une armé d’une puissance notable et, plus encore, à la projecter à plusieurs milliers de kilomètres de ses bases. Et vu les masses concernées, deux ans c'était court quand on y pense. En outre un départ de rien permettrait au contraire de disposer de personnel initialement civil travaillant dans d’autres secteurs de l’économie et apportant ses approches. L’enrichissement en matière opérationelle voir même tactique n’en serait-elle pas grandie ?

 

C'est quand même nier la spécificité, la complexité, l'expertise et le besoin de continuité du domaine militaire: l'exemple américain est mauvais en ce qu'ils sont partis de tout sauf de rien! D'abord, ils avaient une armée, un corps des Marines et des réserves. Ensuite, ils avaient justement pris les bonnes leçons de la guerre de 14, si bien que si les effectifs combattants des armées étaient effectivement très réduits, ils avaient mis en place les structures "lourdes" (encadrement, formation, infrastructures, procédures, doctrines, EM stratégiques, de manoeuvre et tactiques) pour une remontée en puissance rapide, non seulement de grandes unités de combat en nombre, mais plus encore, pour mener une guerre de cette échelle (l'infrastructure d'Etat Major centraux, surtout en matière de planification, de logistique, d'organisation de la production industrielle.... Etait apparemment remarquable): c'était en l'occurrence comme avoir une "armée latente" adaptée au conflit qui venait, avec le bénéfice supplémentaires d'updates et de préparation pendant les années 39 à 41, mais aussi celui d'une bonne réflexion dans l'entre deux guerres, spécialement dans la Marine et l'USMC. Bref, quand l'Amérique s'est engagée dans le conflit, elle n'avait qu'à créer des unités de combat: le reste (les choses plus "lourdes", de longue haleine, moins facilement changeables) était là et fournissait un excellent cadre pour pouvoir mener cette guerre là.

Donc non, ces trucs là s'improvise pas, et je crois moyen à une armée "moderne et nerveuse" bâtie ex nihilo à partir d'expériences du privé: l'armée, surtout celle d'un Etat un peu conséquent, est le produit d'une certaine continuité, d'une certaine permanence, et de choses qui ne s'improvisent pas, même s'il est aussi vrai que cette continuité produit aussi son lot de problèmes dont on se plaint souvent sur ce forum.

 

Ce qui me turlupinerait plus avec un tel modèle "a minima" d'un service ridiculement court destiné à juste faire tourner la machine, c'est le risque énorme de voir cette institution se sédimenter, s'encroûter dans ce mode de fonctionnement, avec des officiers qui ne seraient plus de vrais officiers, mais un autre genre de fonctionnaires astreints à un rôle trop limité pour qu'ils ne prennent pas institutionnellement le "pli" des conscrits sans motivation et passant en touristes, et surtout une gabegie des moyens et infrastructures ne servant à rien sinon à exister pour exister et maintenir une industrie d'armements. Ca m'emmerderait d'autant plus que ce genre d'armée serait l'occasion d'un consensus politique potentiellement important pour une certaine gauche et une certaine droite: la gauche qui refuse d'intervenir à l'extérieur ("néocolonialisme", "impérialisme", "servant les intérêts des grandes entreprises"), celle qui n'aime pas l'armée et/ou veut utiliser ces budgets, la droite persuadée que la dépense militaire est inutile et gaspilleuse de budgets et/ou la droite atlantiste qui veut le parapluie américain et l'asservissement aux intérêts américains avec juste assez de militaire pour faire de la figuration et recevoir de temps en temps une tatape sur la tête, et enfin, entre les deux, une partie des pro-Europe qui ne risquerait pas un orteil politique pour défendre un budget militaire forcément inutile puisque seule l'Europe de la défense est la réponse. Mine de rien, ça fait du monde dans des Etats européens "provincialisés", aux classes politiques ayant en partie une mentalité de colonisés (j'ai des anecdotes assez lamentables en la matière), donc ce genre de projets pourrait devenir un "objet" politique intéressant pour eux.

 

 

N'empêche, si une forme de conscription militaire devait être rétablie, en France ou en Allemagne, un des premiers conseils que je donnerais serait, pour former les structures planifiant et organisant la chose, et celles s'occupant de l'accueil, de la formation et de l'encadrement des appelés.... DE NE PRENDRE AUCUN MILITAIRE DE CARRIERE OU CIVIL QUI AIT CONNU LA CONSCRIPTION "D'AVANT", histoire d'avoir un départ plus sain et de ne pas reprendre les mêmes habitudes, certitudes et réflexes. Rien qu'à voir la conception qu'on les officiers des hommes du rang actuels, ça en dit beaucoup.

Modifié par Tancrède
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Je me doute bien que les USA ne sont pas partis d'absolument rien. Néanmoins, même avec des structures déjà prêtes et une veille stratégique déjà bien amorcée, on a affaire à un réarmement extrêmement rapide et je me demandais si cela n'était pas possible aujourd'hui. D'accord il ya certaines spécificités mais j'ai l'impression que nous assistons à une militarisation, de façade au moins, de plus en plus poussée de la vie économique. Que cela soit dans certaines approches (notamment en Marketing et GRH, à des fins parfois franchement navrantes) ou dans certaines politiques économiques et industrielles (USA, Chine...).

 

N'empêche, si une forme de conscription militaire devait être rétablie, en France ou en Allemagne, un des premiers conseils que je donnerais serait, pour former les structures planifiant et organisant la chose, et celles s'occupant de l'accueil, de la formation et de l'encadrement des appelés.... DE NE PRENDRE AUCUN MILITAIRE DE CARRIERE OU CIVIL QUI AIT CONNU LA CONSCRIPTION "D'AVANT", histoire d'avoir un départ plus sain et de ne pas reprendre les mêmes habitudes, certitudes et réflexes. Rien qu'à voir la conception qu'on les officiers des hommes du rang actuels, ça en dit beaucoup.

 

 

Donc personne de plus de 40 ans. ça va en exclure du monde, adieu la 2S :D .

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adieu la 2S :D

 

Ah, s'il te plaît: pas de débat sur l'euthanasie sur ce forum! Trop politique..... Même si dans ce cas, ça fait rêver: faites piquer les généraux dont vous ne voulez plus, y'a plus de place à la SPA dans les hospices....

 

l'impression que nous assistons à une militarisation, de façade au moins, de plus en plus poussée de la vie économique. Que cela soit dans certaines approches (notamment en Marketing et GRH, à des fins parfois franchement navrantes) ou dans certaines politiques économiques et industrielles (USA, Chine...).

 

Pas une militarisation: une "guerrisation". Le militaire n'est qu'un aspect de la guerre: là, ce que tu vois, ce sont des entreprises de taille croissante qui requièrent de plus en plus (avec en plus des Etats qui ont tendance à outsourcer et ne peuvent ni ne veulent consacrer de moyens suffisants à beaucoup d'activités et moyens de sécurité et d'influence), avec la façon dont la mondialisation se passe, des moyens de se faire concurrence, et rarement de manière "loyale" (au sens d'encadré par un système unique de régulation permettant un jeu sur les mêmes bases); la tendance naturelle d'une entreprise, surtout une qui a des moyens et est "arrivée" à un certain stade de succès, c'est de recourir à tous les moyens possibles pour garder sa place et taper celle des autres..... Et absolument RIEN dans ce processus ne passe réellement par la façon dont les fanas aiment présenter le libre jeu de la concurrence (cad se faire concurrence par le produit et sa promotion, par son organisation et son efficacité.... On préfère garantir ses avantages, emmerder et taper le concurrent....): espionnage dit industriel, jeu d'influence sur les marchés et les populations (à la base, quand on est un "vrai" libéral, on est censé même refuser l'idée même de publicité/com/marketing), manipulation de tous les types d'information, stratégies de distorsion des conditions de marché (stratégies de communication/désinformation, lobbying auprès des politiques....), manipulation des dispositifs légaux pour garantir au mieux ses positions et développer ses marchés, concurrence déloyale et abus de position (voire de position dominante)....

Et plus ces logiques s'installent, plus se créent des structures, en interne des grandes entreprises aussi bien qu'en exter (des secteurs économiques dédiés, quoi) pour développer (et donc encourager à faire toujours plus) ce type d'activités: dans la com et le marketing, j'ai vu à quoi ça ressemble, dans le domaine du droit, il suffit de parler à des avocats (notamment en droit de la concurrence), dans le domaine de l'intelligence économique et de la sécurité, c'est énorme, désormais.... Et toute activité qui se développe et passe de l'artisanat à l'industrie développe aussi son "approche" du métier: de simples méthodes, on passe à des tactiques, des tactiques on arrive à des stratégies, pour anticiper plus longtemps à l'avance.

 

Ca sonne très militaire, mais ce n'est pas du militaire. C'est une autre forme d'affrontement. Mais bon, militarisation de l'économie.... Oh merde! T'es pas un de ces cadres qui a suivi des séminaires ou lu des bouquins utilisant Sun Tzu comme analogie du business :happy: ? C'est un gimmick commercial ce truc! C'est fait pour flatter l'ego du jeune cadre qui se rêve "conquérant".

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Sun Tzu oui je l'ai lu, j'ai survolé les 36 stratagèmes aussi. Et ton premier paragraphe rentre dans les" cases" (mauvais mot, ces traités ont justement pour but d'inciter à penser hors de la boite et à ne pas être pris trop littéralement) de ce qui y est écrit, si on le lit d'une manière décontractée, avec un peu de culture G et de manière téléologique. Un exemple. Sun Tzu recommande, dans certaines situations, de faire combattre dos à la rivière. C'est quoi un DRH qui te pousse dans tes retranchements à la fin de ton CDD voir même dès le début ?

 

 

Pour en revenir au service militaire je n'ai pas l'impression qu'il soit possible d'instaurer un service militaire pour une force moderne, opexable et rentable sans un budget tout à fait énorme (et préjudiciable au reste de l'économie) et un service long du genre 30 ou 36 mois.

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Pareil: on oublie que la seule expérience en France (et à peu près l'une des seules mondiales) d'une armée de conscription envoyée en OPEX, surtout en OPEX longues et fondée sur cette priorité, c'est l'armée entre 1815 et 1870, et plus particulièrement celle du Second Empire. Et c'est pas un souvenir glorieux, bon marché, pertinent par rapport à son environnement stratégique, et surtout pas un favorable à la stabilité du pays et à l'unité de la société. Cette armée de "conscription" était celle d'une conscription très partielle des hommes (à comparer au contingent) actuel pour un service TRES long (5, puis 7ans, prolongeable à 9 dans certains cas): ça fournissait entre 250 et 400 000h en permanence (suivant les besoins fixés), sur toute la période, sans compter la marine, aussi partiellement conscrite. L'ancienneté/l'expertise était bonne évidemment, et l'équipement a été relativement correct (par rapport aux normes de l'époque), voire très bon, de même que l'encadrement de bas niveau (grande proportion d'officiers issus du rang, bon corps de sous-offs). Mais les qualités s'arrêtent là: le corps des officiers est une catastrophe, et les effets pervers de cette conscription dans le pays sont dramatiques: ça devient vite le service des pauvres (qui sont du coup encore plus longtemps éloignés du marché du travail et de toute chance de formation/d'emploi, et dont beaucoup deviennent inemployables), du prolétariat urbain et de la petite paysannerie (petits propriétaires et exploitants, et ouvriers agricoles). Dans les griefs polarisant la société, encourageant sa violence et son instabilité, et poussant rapidement à l'agressivité tant ils sont en tête de liste des récriminations, ce service a fait réellement mal à la stabilité politique du pays. Même si le passage au service universel sous la IIIème République a été politiquement douloureux parce que mal accepté (la population n'aimait toujours pas le service, pas plus qu'en 1794, et les élites de tous niveaux et classes moyennes n'aimaient pas vraiment l'idée pour leurs enfants), l'égalité a aidé à l'acceptation, grandement aidée cependant par le revanchisme républicain (et son utilisation) et la persistance corollaire de la menace allemande et d'un voisinage dangereux.

 

Mais cette armée du XIXème était par ailleurs cloisonnée, avec des conscrits de mauvaise grâce, souvent arrivés là de façon forcée (tirage au sort) et/ou parce qu'ils n'avaient eu d'autre choix que de prendre la place d'un candidat plus chanceux qui avait soit acheté son exemption, soit directement embauché quelqu'un pour le remplacer (y'avait tout un secteur économique pour ça); mais aussi des engagés volontaires pas assez nombreux (objectifs de recrutement rarement atteints), des officiers issus du rang bloqués dans leurs carrières et des officiers de carrière formés en caste fermée. Ajoute l'impopularité de l'armée (celle qui réprime, faite de "glandus qui coûtent") et du métier militaire, assez générale au XIXème siècle (en Angleterre, c'est pire encore), et la mauvaise image du soldat (typiquement vu comme "celui qui a pas pu trouver un vrai job"), et tu as le tableau.

C'est le genre de trucs que crée un service partiel.

 

Mais l'armée romaine est un autre exemple: entre les guerres samnites et la fin des guerres puniques, l'expansionnisme romain a quitté le voisinage immédiat de la ville de Rome, ce qui veut dire que, de plus en plus, les expéditions romaines deviennent des OPEX, et non plus des raids de proximité et des opérations de défense ou d'attaque à faible rayon d'action. Les durées s'accroissent, et ce d'autant plus que la gourmandise expansionniste d'élites qui vivent de plus en plus des fruits des conquête, grandit. L'effet est l'accroissement constant de la période de mobilisation des classes censitaires dédiées au service (4 classes sur 5: la 5ème, nombreuse, est exempte. Mais la première classe, les Equites, est très peu nombreuse), qui représentent les diverses couches de "classe moyenne" de Rome et le coeur de sa démographie, de son économie et de sa stabilité politique, Ces classes, essentiellement faites de petite paysannerie et des artisans urbains, s'appauvrissent du fait de ces conquêtes:

- périodes de mobilisation plus longue et fréquentes, service plus long au cours de la vie: le temps consacrable à l'activité professionnelle diminue beaucoup

- concurrence déloyale accrue par les grandes fortunes (qui elles sont enrichies par la conquête) qui "restructurent" l'agriculture romaine sur base de grands domaines (latifundiae) exploités par des esclaves. La petite et moyenne paysannerie peut encore moins lutter. De même, les esclaves "prennent" les métiers d'artisanat et de manufacture. Et ces esclaves ont été rendus abondants et "à prix cassés" via la conquête.

Le résultat est une société romaine prolétarisée, sans débouchés économiques, avec des richesses polarisées: le calme ne peut être obtenu que par des exonérations fiscales croissantes, le clentélisme des grands, des "cadeaux", des spectacles, des donations en tous genres (panem et circenses, quoi), des remises de dettes.... Toutes choses qui coûtent cher, et réclament de la part des Equites toujours plus de fonds, donc de conquêtes.... Société instable et dépendance à l'expansion, en grande partie parce que le poids du service n'est pas le même pour tout le monde, et que le poids dans la décision de l'usage fait du service (la conquête) est avant tout celui des classes dirigeantes.... Quel résultat.

Avec les guerres puniques, on le voit vraiment très fort: ce sont les premières conquêtes hors d'Italie: comment les tenir après la guerre quand l'armée est faite de conscrits? On augmente sans cesse la durée du service, dont le dédommagement reste faible par ailleurs. Les premières protestations dangereuses ont eu lieu sur ce sujet, qui ont conduit, avec le temps, à un plafonnement de la durée de service et des périodes de mobilisation. Trop peu, trop tard, trop incomplet pour enrayer la machine.

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  • 7 years later...
  • 1 month later...

http://www.opex360.com/2020/11/29/dans-un-scenario-de-conflit-de-haute-intensite-faut-il-retablir-le-service-militaire-pour-donner-de-la-masse-aux-armees/

Quote

Dans un scénario de conflit de haute intensité, faut-il rétablir le service militaire pour donner de la masse aux armées?

L’évolution du contexte international et de la conflictualité fait que les principaux chefs militaires évoquent régulièrement le scénario d’un engagement de haute intensité. « Les tendances de la revue stratégique se confirment et s’accélèrent même : le monde réarme, les relations internationales se militarisent, le multilatéralisme est contesté et les sujets de tension se multiplient », a ainsi souligné le général François Lecointre, le chef d’état-major des armées [CEMA], lors d’une audition parlementaire, en novembre 2019.

Le combat de haute intensité « devient un option très probable », avait lâché, quelques semaines plus tôt, le général Thierry Burkhard, alors fraîncement nommé chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT]. D’ailleurs, il en a fait une priorité de la vision stratégique qu’il a dévoilée l’été dernier. Et cette préoccupation est partagée par ses homologues de la Marine nationale et de l’armée de l’Air & de l’Espace.

Si l’hypothèse d’un conflit de haute intensité [donc de guerre] n’est plus à écarter d’un revers de manche, la question de la « masse » se pose. « Il faut dès à présent nous interroger sur l’augmentation de la masse de nos armées » et « cette réflexion est essentielle pour la réalisation de cette LPM [Loi de programmation militaire, ndlr] et la préparation de la suivante », a-t-il ainsi fait valoir l’an passé.

Ce qui suppose d’anticiper les implications qu’une [re]montée en puissance pourraient avoir sur l’industrie de l’armement et… sur la capacité des armées à recruter. « L’État-major des armées conduit une telle réflexion prospective, qui n’a pas vocation à être étalée sur la place publique », a récemment dit le CEMA aux députés.

Le G2S, un groupe de réflexion réunissant des généraux en 2e section, s’est livré à cet exercice de prospective dans un dossier qu’il vient de publier. S’agissant de la « masse », le général Alain Bouquin, ancien « Père Légion », s’interroge sur l’opportunité de rétablir la conscription.

Tirant les enseignements de la Guerre de 1870, la IIIe République instaura les bases du « service militaire moderne », notamment avec la loi Berteaux [21 mars 1905], laquelle rétablit le principe d’égalité de tous les jeunes hommes devant l’appel sous les drapeaux. « Que pour tout le monde il soit entendu que quand en France un citoyen est né, il est né soldat », avait lancé Léon Gambetta, 34 ans plus tôt…

« Historiquement, la conscription a été conçue et mise en œuvre pour répondre aux défis posés par une menace existentielle : la ‘Patrie était en danger’, il convenait d’opérer ‘une levée en masse’ pour fournir les effectifs militaires nécessaires aux forces de ‘la Nation en armes' », rappelle ainsi le général Bouquin.

Faudrait-il donc emprunter la même voie alors que le scénario d’un conflit de haute intensité fait à nouveau partie des hypothèses probables?

La question peut se poser, d’autant plus que, si l’on en croit les sondages, l’opinion serait favorable à un retour à la conscription [entre 60 et 75% des personnes interrogées le disent selon les diverses enquêtes réalisées ces dernières années]. Seulement, les raisons de ce « plébiscite » ne sont pas forcément en adéquation avec les besoins des armées, le rôle social étant généralement mis en avant pour justifier le rétablissement éventuel du service militaire.

Cela étant, pour le général Bouquin, un retour de la conscription ne serait pas forcément une bonne idée. De nos jours, avec des équipements en évolution technologique constante [et donc toujours plus coûteux], les forces armées « n’ont plus vraiment besoin d’effectifs pléthoriques », estime-t-il. Car « à quoi servent les 800.000 jeunes d’une classe d’âge quand on n’a que 200 chars Leclerc à armer? », interroge-t-il.

Aussi, poursuit-il, « on serait très loin de pouvoir donner des emplois de combattants à toute la ressource humaine que permet la conscription. C’est ainsi : la taille des armées est désormais déterminée par la quantité des moyens dont on peut les doter. On ne doit donc pas se leurrer en parlant de masse : on ne retrouvera jamais celle qui fut la nôtre lors des grandes guerres du XXe siècle car son coût est devenu inaccessible, sauf à accepter un déclassement technologique dangereux. »

En outre, mais le général Bouquin ne l’évoque pas, la dissuasion nucléaire est censée préserver l’intégrité du territoire national. Ce qui n’exige pas de levée en masse comme autrefois. Et c’est ce qui explique probablement pourquoi le rôle du service militaire a pris une dimension plus éducative et sociale jusqu’à sa suspension, en 2001.

Pour autant, il faudra bien donner de la « masse » aux armées en cas de conflit. « La question des pertes et de leur remplacement doit en revanche être posée pour la haute intensité. C’est en fait la question de la durée et de l’aptitude à entretenir un effort de guerre de longue haleine. Il faudra probablement évaluer la ressource qui serait nécessaire pour reconstituer des forces ayant subi une forte attrition », souligne le général Bouquin.

Si le retour de la conscription n’est pas la réponse appropriée, l’ancien Père Légion propose trois pistes. La première est d’augmenter le recrutement d’engagés, afin d’atteindre un « ratio raisonnable ressource humaine disponible et postes à honorer. »

La seconde, qui a la faveur du général Bouquin, serait de s’appuyer sur une réserve plus importante, mieux formée et bien équipée, à l’image de la Garde nationale américaine. La réserve aura « sans aucun doute, plus encore qu’aujourd’hui, sa place pour assurer le fonctionnement des bases arrière, reprendre à son compte des missions sur le territoire national, en lieu et place des soldats d’active, mais aussi sans doute pour recompléter les unités engagées qui subiront une forte attrition », écrit-il.

Cela suppose de pouvoir s’appuyer sur la réserve opérationnelle de deuxième niveau [RO2], qui regroupe tous les ex-militaires d’active soumis à une obligation de disponibilité pendant les cinq années après leur retour à vie civile. Pour le général Bouquin, elle sera « la plus à même de combler les pertes subies dans les unités, en raison
de la formation récente des personnels concernés. »

Enfin, s’agissant des équipements, il suggère de doter la réserve avec ceux récemment retirés du service. Mais pour cela, il faudra avoir les moyens de les entretenir, ce qui ne sera pas forcément une mince affaire…

Le dernier levier évoqué par le général Bouquin est celui de l’appel aux volontaires. Mais une telle option présente des inconvénients, à commencer par la formation de ces éventuelles recrues.

Cela étant, le général Bouquin n’écarte pas totalement l’idée d’un service national… mais pour renforcer la résilience de la Nation, qui exige courage, endurance, don de soi, sens du devoir, esprit de sacrifice, etc…

« Ces vertus sont connues » mais « elles ne sont pas innées. Il faut les susciter, les motiver, les inculquer, les entretenir. Et c’est précisément le rôle que le service national peut jouer au profit de la jeunesse. C’est dans cette perspective que le rétablissement, sous une forme à définir, d’un service national doit être envisagé. Le Service national universel [SNU] voulu par le Président peut-il remplir ce rôle? Cela dépendra de la forme, du contenu, de la durée qu’on lui donnera… », estime-t-il.

Quoi qu’il en soit, il ne faudra pas trop tarder à prendre des décisions. « Le facteur temps sera déterminant », souligne le général Bouquin. Car le « sursaut attendu pour redevenir capable de faire face aux grandes épreuves qui peuvent menacer l’existence de la Nation est une urgence, mais les dispositions à prendre n’auront pas d’effets immédiats », prévient-il.

 

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Il y a 17 heures, g4lly a dit :

Cela étant, le général Bouquin n’écarte pas totalement l’idée d’un service national… mais pour renforcer la résilience de la Nation, qui exige courage, endurance, don de soi, sens du devoir, esprit de sacrifice, etc…

« Ces vertus sont connues » mais « elles ne sont pas innées. Il faut les susciter, les motiver, les inculquer, les entretenir. Et c’est précisément le rôle que le service national peut jouer au profit de la jeunesse. C’est dans cette perspective que le rétablissement, sous une forme à définir, d’un service national doit être envisagé. Le Service national universel [SNU] voulu par le Président peut-il remplir ce rôle? Cela dépendra de la forme, du contenu, de la durée qu’on lui donnera… », estime-t-il.

c'est beau comme du Heimlein (dans le texte, pas à l'écran :wink: )

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