La Jeanne à mon époque

[mudrets]

Pour répondre aux interrogations d'Hirondelle

J'ai eu la chance de faire la campagne 1976-1977 de la Jeanne. J'étais officier élève sorti de l'Ecole Militaire de la Flotte, section des Officiers de Marine (école disparue aujourd'hui sous cette forme).

Venant de l'aéronavale, Pingouin à l'origine, le contact avec la vie en mer a été un peu brutal au départ, à l'EMF. Mais on s'y fait vite, avec les corvettes d'hiver ou d'été, l'entraînement nautique etc...De plus, j'ai eu droit à un stage de "complément" sur un escorteur rapide à Brest entre septembre et novembre.

Pour ce qui est de l'ambiance à bord, il ne faut pas perdre de vue qu'il y a un classement à l'arrivée, classement qui va déterminer le choix des affectations et orientations à venir. Les OE sont affectés par rotation dans les différents services du bord, pour mieux en connaître les particularités. Pour ma part, je n'avais que très peu apprécié l'affectation Artillerie, et j'ai fini par être ... artilleur (missilier). 

Un grand moment est celui du "lâcher" quand le commandant juge que tu peux faire le quart en chef, sous la houlette d'un officier de suppléance. 

Les escales, c'est aussi un grand moment. Certes, d'aucuns n'y voient que l'aspect festif (coquetèle et autres). Mais c'est une grande claque avec l'ouverture sur le monde que cela procure. J'avais pour ma part, avec mon expérience familiale, la chance de déjà connaître l'ambiance de plusieurs pays et de parler couramment espagnol, anglais et un peu de français (MDR). Ce qui m'a été d'une très grande aide pour mieux apprécier les finesses des diverses sociétés dans lesquels nous nous retrouvions plongés. Cela a été aussi le premier contact avec les ravages de la drogue, notamment à Hong Kong (pas à bord, bien sûr!). Mais aussi avec les sociétés très hiérarchisées, avec des coutumes ou des règles parfois surprenantes pour nous qui arrivions d'un pays post-68. 

En matière d'expérience du commandement, c'est aussi important puisque tu dois apprendre à gérer des équipes avec des subordonnés qui sont souvent d'une très grande expérience. Expérience qui va être incontournable pour la suite. 

Voili, voilou 

 

Modifié le 20 février 2021 par mudrets

[Fusilier]

il y a 30 minutes, mudrets a dit :

J'ai eu la chance de faire la campagne 1976-1977 de la Jeanne. J'étais officier élève sorti de l'Ecole Militaire de la Flotte, section des Officiers de Marine (école disparue aujourd'hui sous cette forme).

Il y avait encore des officiers des équipages? 

[mudrets]

L'EMF/OM  a été créée en 1969. En même temps que le corps des Officiers Techniciens étaient créé, limité à 3 galons (OT1).

Puis en 1976 est arrivée l'EMF Officiers Spécialisés que les plus âgés de ma promotion ont assez mal vécu, puisque que certains OSM ont progressé plus vite qu'eux qui avaient eu à préparer un concours autrement plus difficile.

Et ce sont les OSM qui ont remplacé les OE (et les OT), mais avec une différence énorme: pas de différence de tenue de travail, ancre sur les épaulettes, et porte ouverte jusqu'aux étoiles.

 

Modifié le 29 janvier 2023 par mudrets

[Hirondelle]

Messieurs, un peu de tenue sur les sigles et le jargon !)

Je ne menace personne, mais je préviens que je suis décidé à le pas utiliser Google pour vous comprendre 

Rafale de questions à venir, je finis quand même de dîner !

Merci vraiment Mudrets. A te lire.

[Fusilier]

il y a 18 minutes, mudrets a dit :

L'EMF/OM  a été créée en 1969. En même temps que le corps des Officiers Techniciens étaient créés, limités à 3 galons (OT1).

De mon temps  70 /71  il y avait encore des officiers des équipages et aussi des CS et des "mexicains"  ... voués à disparaitre...

NB pour @Hirondelle  

CS  = Quartier Maître du Cadre Spécial , grade porté uniquement par les Fus. Bien que Quartier Maîtres ils portaient la casquette avec galon spécial jaune et deux sabords  rouges (considérés comme admissibles) 

"Méxicain"  quartier maître  chef au-delà de 10 ans de service .  Portaient la casquette et trois galons 2 rouges et un jaune 

[mudrets]

EMF / OM Ecole Militaire de la Flotte, section Officiers de Marine:  concours interne de recrutement d'Officiers de Marine (corps de commandement). Elle a de fait remplacé le recrutement interne dit des "zèbres", dont un éminent représentant a été Eric Tabarly

EMF / OS: Ecole Militaire de la Flotte, section des Officiers Spécialisés. Recrutement de spécialités. A remplacé le recrutement des Officiers des Equipages. Dans les deux cas, ce recrutement était (est?) interne dans le vivier des Officiers Mariniers (Alias les sous-officiers dans les autres armées). 

Pour Fusilier: oui, le corps des OE n'a pas été mis en extinction brutale, mais progressive. Plus de recrutement, mais absorption "au mérite" dans le corps des Officiers Spécialisés. Un de mes anciens patrons lorsque j'étais officier marinier est ainsi passé de quatre galons OE à cinq panachés chez les OSM, et il a fini capitaine de vaisseau spécialisé

[HK]

1 hour ago, mudrets said:

Les OE sont affectés par rotation dans les différents services du bord, pour mieux en connaître les particularités. Pour ma part, je n'avais que très peu apprécié l'affectation Artillerie, et j'ai fini par être ... artilleur (missilier). 

Merci pour ce poste tres intéressant.

Par curiosité pourquoi l’Artillerie ne t’avait pas accroché, et qu’est ce qui t’a fait changer d’idée un peu plus tard? Plus globalement, quelles étaient les spécialités les plus (et les moins) recherchées / réputées?

Modifié le 20 février 2021 par HK

[mudrets]

J'étais plutôt intéressé par le côté plus opérationnel qu'ouvraient les spécialités de détecteur ou de lutte ASM. Mais ma première affectation a fait que j'ai été employé comme chef du service missiles-artillerie sur un A69 en armement. Il faut croire que je m'en étais bien tiré, puisque le commandant a orienté mon "choix" vers la spécialité d'artilleur.

J'ai tout de même fini par être plongé dans les opérations, à bord d'un bâtiment lance-missiles anti-aériens.

Les spécialités les plus porteuses étaient en fait les deux premières que j'ai cité. Après chaque spécialité avait ses fanas, par exemple pour ceux qui optaient pour la spécialité de Fusilier, les Transmetteurs qui chapeautaient toute la partie conduite du navire, et donc la navigation.

Modifié le 20 février 2021 par mudrets

[Hirondelle]

J’ai triché : suis allé réviser mes grades sur internet 

Pingouin ? En provenance de l’aéronavale ?

Et encore en amont, Mudrets : qu’est-ce qui te tourne vers la Marine ?

Fusilier : tu racontes toi aussi, Jeanne ou pas, si ça a un rapport avec la Marine ?)

[mudrets]

Pingouin: surnom donné au personnel non volant de l'aéronavale. L'histoire serait que cela viendrait des biplans à bout de potentiel à qui on rognait les ailes pour ne pas qu'ils puissent décoller et que l'on employait pour familiariser les candidats pilotes au roulage au sol, avec une vue bouchée sur l'avant. 

Le fait d'être arrivé à Brest, à la mutation de mon père (qui n'était pas du tout dans l'armée, ni dans la marine).

 

Pour Hirondelle, moi aussi une question

"Dans mon très très lointain souvenir (habité 3 ans à Moscou du tps de Brejnev, j’étais pas vieux), c’est rudement bon le thé russe."

Ah bon, pour y faire quoi ?

[Hirondelle]

Père diplo : j’ai grandi nourri au Ferrera Rocho et à changer de pays tous les 3 ans.

Ce qui m’a offert la seule occasion de mettre le pied sur une coque grise : visite du Suffren en escale à Naples quand j’étais ado, déjeuner avec le cdt...Souvenir assez précis. Notamment de la finition «brute » du bord et des armes.

[Hirondelle]

Artilleur et missilier, c’est toujours la même spécialité ? Et ça s’articule comment avec les détecteurs/radaristes ?

[Fusilier]

il y a 32 minutes, Hirondelle a dit :

Artilleur et missilier, c’est toujours la même spécialité

Je crois que tout ça a été regroupé dans les "techniciens systèmes d'armes "  & "mécaniciens d'armes" 

[Benoitleg]

Ah la Jeanne en escale à l'étranger, quel souvenir !  

Longer le quai en passant devant le Geo Leygues puis la Jeanne, montrer son carton blanc d'invitation, et monter à bord (tenue "formal" exigée ), l'impression était déjà forte.

On profitait ensuite du point de vue dominant sur le port d'accueil, à partir de la plateforme arrière, impressionnant..... 

Un fois là, le champagne était bon, la cuisine française excellente (surtout en expatriation depuis des mois dans un environnement culinaire "exotique") et le service irréprochable.

Ca fleurait le vieux cuivre et l'acier et quand on accédait au carré des officiers (Because  une coloc' de type absolument féminin et vraiment sympathique qui ouvrait la voie dans tout le bord ) , c'était encore meilleur .

Et un de mes collègues d'alors a fait la Jeanne et le Geo Leygues  de la poupe à la proue en compagnie de joyeux marins qui l'ont fait un peu trop boire. Le résultat, un quasi coma, aucun souvenir de la soirée et notre patron a porté plainte auprès de l'autorité du bord. Parait-il que les joyeux marins ont été privés de débarquement à l'escale suivante ...

Modifié le 20 février 2021 par Benoitleg

[mudrets]

Il y a 5 heures, Fusilier a dit :

Je crois que tout ça a été regroupé dans les "techniciens systèmes d'armes "  & "mécaniciens d'armes" 

Pour les officiers mariniers, oui. Il y avait (a?) aussi les radaristes d'arme (DETARM)

Pour les officiers, non. J'ai passé un an en école à étudier tout du 100mm au Crotale, en passant par leMM-38, le Masurca...

Pour le Tartar, c'était un stage supplémentaire aux US que l'on ne pouvait suivre qu’après un examen de langues à l'ambassade US à Paris

 

Il y a 4 heures, Benoitleg a dit :

Ah la Jeanne en escale à l'étranger, quel souvenir ! 

Exact, tout cela.

Mais quand on est officier élève à bord, on va au premier par curiosité, au second par habitude. Et après le troisième on se lasse des sempiternelles questions "Vous venez d'où? Vous allez où?". Et des sauterelles avides sur les buffets

A tel point qu'il y a à la fin un "tour de corvée" chez les officiers élèves pour assurer une présence.

[Hirondelle]

Tatar / Masurca. Comment s’est on retrouvé avec 2 systèmes si proches ? 

Le Malafon, ç’était géré par les artilleurs ou les spécialistes ASM (il me semble que tu as fait ça aussi, Mudrets ?). D’ailleurs, sur un bateau, est-ce plutôt fluide entre les services, ou compartimenté ?

Les cocktails : tu m’avais l’air bien sauvage Mudrets ! A cet âge, après quelques semaines entres bonshommes, voir quelques jupes, discuter avec des civils, ça doit aérer un peu. Mais apparemment vos chefs ne vous quittez pas trop de l’oeil : chahuts, bizuts, tradition? 

[mudrets]

Pour Tartar / Masurca: le système français était plus lourd, nécessitant des bâtiments plus gros: les Suffren, la Jeanne (projet seulement), le Colbert. Le Tartar au départ avait une portée beaucoup plus faible et ne nécessitait que des bâtiments de tonnage plus faible comme les T-47. Mais peu à peu le Tartar a connu des évolutions qui ont allongé sa portée: d'abord l'ITR (Improved Tartar Retrofit), puis le SM1 est arrivé

Pour le Malafon, c'était bien un engin appartenant aux ASM... mais faisant appel au radar de tir arrière appartenant aux boums sur les T-47. Les services sont bien compartimentés, ce qui n'empêche de se soutenir en cas de souci. Le tout étant une question de personnes comme souvent.

Pour les coquetèles, le problème est que bien souvent la liste relevait des autorités diplomatiques locales, et que l'on avait à faire à la même tranche de population. Puisque tu parles de voir quelques jupes, le commandant de la marine nippone nous avait honoré d'une réception. Il avait invité toute un groupe de jeunes femmes pour nous tenir compagnie. Soit. Mais comment pouvoir échanger quand aucun des deux bords ne parle la langue de l'autre ?

A l'époque j'avais déjà 26 ans et j'étais marié et père de famille !!!

[Hirondelle]

il y a 12 minutes, mudrets a dit :

Mais comment pouvoir échanger quand aucun des deux bords ne parle la langue de l'autre ?

A l'époque j'avais déjà 26 ans et j'étais marié et père de famille !!!

On danse, on émerveille sagement, plaisir d’esthète, pas de glouton 

Bon, ça avait l’air moins rigolo que je n’imaginais. Passage de l’Equateur ?

Sur les bateaux écoles, il y a un mess « stagiaires »?

Le Masurca avait-il des performances importantes à sa maturité (3eme itération à ce que je lis)? Je me souviens avoir lu que les débuts avaient été très laborieux.

(je viens de me rendre compte que c’est Tartar : toujours cru que c’était Tatar...)

[mudrets]

Oui, passage de l'Equateur. Je l'ai passé à bord de la conserve, le Forbin. Ambiance plus "détendue" que sur la Jeanne (moins de monde autour)

Oui, il y avait un carré Officiers élèves, avec un bar bien à part du reste

Je n'ai pas "donné" au Masurca, donc je ne saurai répondre avec exactitude. Il y avait néanmoins une école Masurca et une école Tartar au sein de la Marine, chacun défendant son bout de gras. Un de mes pachas (issu de l'"école" Masurca) nous avait fait tout un plat sur la maintenance "supplémentaire" que les équipes Tartar auraient effectué avant tout tir d'exercice. Le tir du lendemain fait sans maintenance approfondie lui a montré qu'il était dans l'erreur.

 

 

[Hirondelle]

Un missilier, ça «donne » sur un nombre restreint d’armes durant sa carrière pour amortir sa formation, ou on contraire la marine essaie d’organiser des parcours pour avoir des personnels plus polyvalents ?

[mudrets]

Ouh là!

J'ai connu comme chef de service le 100mm digital des avisos A69, le MM-38, le 100mm analogique (Escorteur d'escadre ASM, aviso escorteur), le Tartar, le 57 mm, le 20 mm. Mais d'autres ont après connu le Crotale, le 100mm des F67, ou même avant le 127 mm etc...

Donc cela restait très varié. La formation d'un an en Ecole de Spécialité te permettait d'appréhender rapidement les subtilités des différents systèmes d'armes en fonction des cases à remplir

 

[Hirondelle]

Tu as donc fait du canon aussi. Beaucoup.

Ton avis sur le présent et l’avenir de ces armes : ciws, mer/mer, avt... Le mouton à 5 pattes peut-il exister selon toi ?

Je me rends mal compte des spécificités «navales » des tubes : portée, cadence, précision, alimentation automatique, grosses soutes, maintenance, effets... La mise en batterie, la permanence (ou non) de la veille...

Est-ce désormais juste un effecteur moins cher ?

Jamais vu un canon tirer en même temps qu’un missile. C’est possible j’imagine ?

Après je te laisse respirer, promis  Mais j’y reviendrai !) 

Je vais essayer de trouver des récits de Jeanne à poster, ça doit exister sur le Net.

 

edit : Mudrets, je voulais te dire un mot par MP mais tu apparais comme ne pouvant pas recevoir de msg

Modifié le 21 février 2021 par Hirondelle

[mudrets]

OK, c'est corrigé pour les courriels

Pour le canon, à l'époque c'était 70 coups par an par tourelle de 100 mm. Entre octobre 1977 et mai 1978, j'en ai tiré quatre cents pour les essais de mis en service de l'A69 Cdt de Pimodan

Après, je n'ai plus compté.

Comme chef du groupement Tartar et chef de service Missart, j'ai 15 lancements à mon tableau de chasse, dont le premier SM1 de la marine Nationale.

Tirer au canon et au missile en même temps ne pose qu'un seul problème, celui de l'organisation du bord. Le drame de l'Airbus abattu par l'USS Vincennes est là pour le rappeler .

L'intérêt du canon, c'est que la munition est beaucoup moins chère qu'un missile et l'on peut donc en tirer plus. La simulation a en effet des limites, parce que prendre la décision d'ouvrir le feu réellement, le bruit engendré et la fumée ne peuvent pas encore être simulés. J'avais mis à plusieurs reprises des adjoints devant cette décision, et leurs remarques après le tir montrait bien à quel point cela peut-être stressant. 

Pour l'avenir, tout dépend de ce que l'on perçoit comme nouvelle menace et la doctrine de l'emploi. Il est clair que plus la masse à manœuvrer est importante, et plus la demande d'énergie est forte. Laisser les moteurs tourner dans le vide n'est pas imaginable, du fait de leur usure. Donc passer brutalement d'une situation "normale" à une mise en œuvre va demander du temps. Ce qui à mon humble avis va ouvrir de plus en plus la porte à des systèmes automatisés fonctionnant sur le principe du veto. 

Mais le canon reste aussi un très gros avantage, parce qu'il permet de graduer son usage, notamment en matière de police des mers: coup à blanc, semonce, tir au but ... Pour le missile cela reste du tout ourien.

A+

 

[Hirondelle]

il y a 7 minutes, mudrets a dit :

OK, c'est corrigé pour les courriels

Toujours pas Mudrets.

Pas d’urgence, hein !)

Modifié le 21 février 2021 par Hirondelle

[ARMEN56]

Quelques plans du navire ( source SHD , plan navires avant le piratage)

A l’invitation d’un « sécuritar » , rappel d’un tour du bord en images juste avant la campagne 2007/2008

Passerelle

Coursives et « ustensiles »

Locaux vie

Machine avant

PC sécurité

Plage arrière

Plage avant

Pont d’envol

Soute maitre de manœuvre