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[LPM] Loi Programmation Militaire


xav

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Il est vrai que la gestion budgétaire de la GB est un peu hiératique. Avec des à coups. Malgré cela, si on parle de leur Marine, comme l'Italie d'ailleurs,ils ont un coeur de flotte un peu plus important que le nôtre avec leurs 6 classe horizon (2 pour la MN), 12 type 23 et l'arrivée prochaine des type 26/31 (8 fremm/3(+2...) FLF pour la MN). Et pour le contexte, avec la 2eme ZEE mondiale et des tensions qui se profilent sur certaines parties, on a un manque certains de moyens de ce côté là. Le rattrapage est en cours mais il va mettre 10 ans et c'est pas optimal... On paye les errances du passé.

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Il y a 4 heures, pascal a dit :

çà fait plus de 20 ans que le tonnage de la MN se rapproche de celui de la RN, ils auront 8 T26 et n'ont plus 12 T23

Oui c'est vrai surtout à la vue de l'écart qu'on a connu à d'autres époques. Mais avec à terme 6 Type 45, 8 Type 26, 5 Type 31 avec des tonnages importants et un armements fournit, on voit un maintien de capacités dans le long terme. Autour de cela, avec les 2 PA, les 7 SNA et une flotte logistique bien équipée, la RN semble pouvoir rester dans le top des marines de guerre.

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Je modèrerais un peu

Les Britanniques envisagent déjà de remplacer les T45 a priori mal nés et dont actuellement 1 seul exemplaire serait ops ... 8 T26 5 T31 c'est le format MN ...

2 PA avec du F-35 B (mouais) en coloc avec la RAF (re-mouais) et sans AEW digne de ce nom ... (bof)

Là où je trouve qu'ils sont très > c'est sur la flotlog et les hélicos sans discussion

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Audition du DGA, très intéressant. Le FCASW a l'air à l'article de la mort.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cion_def/l15cion_def2122015_compte-rendu#

Citation

M. Jean-Michel Jacques, président. Monsieur le délégué général pour l’armement, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de la présidente Françoise Dumas, retenue par des obligations liées à sa fonction.

Notre commission se réjouit de vous auditionner pour la cinquième année consécutive dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances initiale, ce qui n’est pas banal. Il y a cinq ans, lors de votre audition du 18 octobre 2017, nous étions pour la plupart préoccupés par les conséquences potentielles de l’annulation de près de 850 millions d’euros de crédits d’équipement. Aujourd’hui, vous avez devant vous un auditoire conscient d’examiner un budget de la défense dont le montant, qui avoisine 41 milliards d’euros, est historique.

Nous sommes très heureux de dialoguer avec vous sur les grands équilibres du projet de loi de finances pour 2022, notamment sur le programme 146 Équipement des forces, dont vous partagez la responsabilité avec le chef d’état-major des armées. Ce programme est doté de plus de 17 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 14,5 milliards en crédits de paiement. Ces chiffres sont conformes à la trajectoire prévue par la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025. Cette audition vous permettra, je l’espère, de détailler les principales commandes et livraisons que ces crédits permettront de financer.

Nous aurons également l’occasion de discuter du programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense, qui inclut la sous-section Études amont, dont est chargée la direction générale de l’armement (DGA). Le projet de loi de finances consacre l’ambition du Président de la République et du Gouvernement de porter le budget des études amont à 1 milliard d’euros. Cet effort significatif est indispensable, compte tenu de l’accélération de l’innovation technologique et de la relance d’une forme de course aux armements. Pourriez-vous nous dire comment la DGA et l’Agence de l’innovation de défense (AID) préparent les guerres de demain, dont certains champs sont nouveaux ?

Nous souhaiterions également que vous dressiez un bilan actualisé des programmes menés en coopération et des éventuelles difficultés rencontrées dans leur mise en œuvre. J’admets nourrir des préoccupations, et je ne suis sans doute pas le seul, au sujet des zones d’ombre de la coopération franco-britannique, qui a été fragilisée par l’affaire australienne et l’annonce de l’alliance AUKUS. Dans ce contexte, il serait bienvenu de faire le point sur l’avenir du programme futur missile anti-navire / futur missile de croisière (FMAN/FMC), d’autant qu’il s’agit d’un sujet de préoccupation pour MBDA.

Par ailleurs, la coopération avec l’Allemagne a suscité quelques déceptions, qu’a d’abord masquées la bonne avancée des programmes de système de combat aérien du futur (SCAF) et Eurodrone. Je pense notamment au programme d’avion de patrouille maritime franco-allemand MAWS, ainsi qu’au programme de modernisation de l’hélicoptère Tigre, dans lequel l’Allemagne n’a pas souhaité s’engager.

Nos autres coopérations à l’échelle européenne, notamment avec la Belgique et l’Espagne, semblent plus sereines. Une délégation de notre commission s’est rendue il y a quelques semaines dans ces deux pays et y a constaté une véritable appétence pour le renforcement de la collaboration avec la France.

Enfin, la récente signature d’un partenariat stratégique avec la Grèce présage de belles perspectives, dans la continuité des succès rencontrés à l’export, pour le Rafale et pour nos frégates multimissions (FREMM), fabriquées à Lorient. Vous aurez sans doute à cœur de dresser un état des lieux de nos exportations et des prévisions en la matière.

Avant de vous céder la parole, je salue le travail de qualité réalisé par les rapporteurs pour avis successivement chargés du programme 146, Jean-Charles Larsonneur et Christophe Lejeune, lequel est en déplacement ce jour sur la base aérienne de Saint-Dizier.

M. Joël Barre, délégué général pour l’armement. Je suis très heureux de me trouver à nouveau devant vous pour faire le point sur notre politique d’armement et sur l’avancement de nos programmes dans le cadre de la LPM 2019-2025.

L’année 2022, qui est la quatrième année d’exécution de la LPM 2019-2025, sera caractérisée par une forte augmentation du budget du programme 146. Les crédits de paiement s’élèveront à 14,5 milliards d’euros, contre 10 milliards en 2017, soit une augmentation – considérable – de 45 % en cinq ans, qui atteste l’effort particulièrement important que le Président de la République, le Gouvernement et le Parlement ont voulu accomplir en matière de défense, notamment s’agissant de l’équipement des forces.

Cette forte augmentation des crédits a notamment rendu possibles plusieurs livraisons emblématiques. Trente-deux véhicules blindés multirôles (VBMR) Griffon ont ainsi été déployés dans la bande sahélo-saharienne. Nous avons tenu le rendez-vous du groupement tactique interarmes (GTIA) 2021, dans le cadre duquel sont employés ces véhicules.

S’agissant de la marine, nous avons livré le Suffren en 2020, en dépit des contraintes imposées par la crise du covid-19, notamment le respect de la distanciation physique. Ce premier sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) de nouvelle génération, de la classe Barracuda, a procédé au premier tir d’un missile de croisière naval à partir d’un sous-marin, offrant à la France une capacité nouvelle. Nous avons également livré à la marine quatre FREMM depuis 2017 et trois avions de patrouille maritime rénovés ATL2.

Nous avons continué à livrer des A400M Atlas, qui donnent pleine satisfaction à notre armée de l’air et de l’espace – c’est à elle de le dire, mais je ne crois pas trop m’avancer en l’affirmant. Nous avons également livré des A330 MRTT Phénix. L’action combinée des A400M, des A330 MRTT Phénix et des A330 acquis dans le cadre du plan de soutien gouvernemental à l’aéronautique a démontré son efficacité dans le cadre de l’opération Apagan, lors de l’évacuation de Kaboul, au mois d’août dernier.

S’agissant de l’espace, nous avons lancé, à la fin de l’année 2020, le deuxième satellite de la composante spatiale optique (CSO), lequel se caractérise par un niveau de résolution extrêmement élevé, en raison d’une altitude orbitale plus basse que celle du premier satellite. Nous lancerons la semaine prochaine le premier satellite de télécommunications de nouvelle génération Syracuse 4A depuis Kourou, avec un lanceur Ariane, et, début novembre, les satellites d’interception électromagnétique du programme de capacité de renseignement électromagnétique spatiale (CERES), au moyen d’un lanceur Vega.

Ces quelques exemples de livraisons à nos armées, conformes à leurs besoins, illustrent la façon dont nous avons fait usage des ressources qui nous ont été allouées dans le programme 146 depuis 2017.

Par ailleurs, nous avons réalisé, au cours des quatre dernières années, des essais et des expérimentations que je qualifierai de remarquables : deux tirs de missiles M51 à partir d’un sous-marin, ainsi qu’un tir d’évaluation technico-opérationnelle du missile air-sol de moyenne portée amélioré (ASMP-A) sous avion, depuis un Rafale, et son premier tir de développement. La dissuasion, qui fait partie des priorités de notre politique de défense, doit régulièrement faire la preuve de sa crédibilité. Le succès des essais en est la meilleure preuve.

Parmi nos livraisons emblématiques, j’évoquerai enfin celle des premiers systèmes de mini-drones de renseignement (SMDR). Si le projet de drone tactique, le fameux Safran Patroller, a pris du retard, le SMDR, en revanche, a obtenu sa qualification et a été livré à l’armée de terre, qui l’utilise dans ses opérations extérieures (OPEX) depuis plusieurs mois.

Nous renforçons notre politique d’investissement dans le domaine de l’espace, en application du récent ajustement annuel de la programmation militaire (A2PM) 2021. En 2022, 646 millions d’euros en crédits de paiement seront consacrés à l’espace. Les précédentes LPM prévoyaient des montants de l’ordre de 400 millions, ce qui donne la mesure de l’ampleur de l’effort consenti. Nous nous renforçons également dans le domaine du cyberespace, grâce à 230 millions d’euros en crédits de paiement en 2022. La DGA compte 600 ingénieurs travaillant dans le domaine de la cyberdéfense, à Bruz, au sein de la DGA Maîtrise de l’information (DGA-MI), au profit des opérationnels des armées et de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Leur effectif sera porté à un millier dans les années à venir, ce qui constitue un effort significatif.

La lutte antidrone est également devenue une priorité. Nous avons livré il y a quelques jours les premières bulles de protection permanente destinées à sécuriser les points fixes, par exemple en région parisienne, dans le cadre d’événements sportifs, tels que la coupe du monde de rugby, prévue en 2023, et les Jeux olympiques, prévus en 2024. Nous avons complété la dotation des armées en fusils brouilleurs. Nous avons commencé il y a quelques semaines, à Biscarosse, dans le cadre de la DGA Essais de missiles (DGA-EM), l’expérimentation d’une arme laser permettant de détruire des drones, développée par la société Cilas.

Par ailleurs, nous commençons l’expérimentation de capacités d’observation des fonds marins, qui sont un enjeu important. Il s’agit de surveiller les environnements des câbles sous-marins, qui acheminent une grande part du trafic internet, notamment ceux reliant l’Europe aux États-Unis.

Telles sont les grandes lignes de la politique d’investissement que nous menons dans le cadre du programme 146.

J’en viens à l’innovation, qui est indispensable pour assurer la supériorité technologique de nos armées, dont dépend leur supériorité opérationnelle. Nous devons continuer à développer notre politique en la matière. Nous atteindrons en 2022, comme prévu, le milliard d’euros en crédits de paiement. Un peu plus de 800 millions d’euros seront consacrés aux programmes technologiques de défense, que l’on appelait récemment encore « études amont », afin de préparer l’avenir. Un peu moins de 200 millions d’euros seront dédiés à l’innovation ouverte, qui consiste à capter les innovations obtenues dans d’autres domaines que celui de la défense et susceptibles de provoquer des ruptures technologiques dans nos systèmes.

L’augmentation des crédits de paiement du programme 144, par rapport à la précédente LPM et au budget de 2017, est comprise entre 250 et 300 millions d’euros. Ce surcroît de ressources est réparti de la manière suivante : 150 millions d’euros sont consacrés à la préparation des programmes futurs, notamment ceux que nous menons en coopération et ceux visant au développement de nos capacités spatiales ; 70 millions d’euros sont consacrés aux technologies émergentes de rupture, telles que les armes hypersoniques, les armes à énergie dirigée (AED), les composants critiques et les capteurs quantiques ; 30 millions d’euros, si ma mémoire est bonne, sont destinés à alimenter le fonds innovation défense (FID) créé cette année en complément du fonds Definvest ; 15 millions d’euros sont consacrés à la recherche, sous forme de partenariats thématiques avec tel ou tel établissement scientifique, et à des appels à projets ciblés.

J’en viens aux programmes que nous menons en coopération. S’agissant des programmes franco-allemands, on m’a récemment demandé si je voyais le verre à moitié plein ou à moitié vide. J’ai répondu que je préfère le voir à moitié plein, au moins pour le programme Eurodrone. Passons en revue les cinq programmes annoncés à l’issue du conseil des ministres franco-allemand du 13 juillet 2017, lors duquel la chancelière Merkel et le président Macron ont relancé la dynamique de coopération en matière d’armement.

S’agissant de l’Eurodrone, nous sommes sur le point d’obtenir le feu vert des Italiens, après l’examen du projet par le Parlement italien depuis la fin du mois d’août. Nous attendons l’accord de la partie espagnole dans les jours à venir. L’Allemagne et la France ayant déjà approuvé le lancement du programme, nous pourrons alors notifier le contrat afférent à Airbus Allemagne, qui est en est le maître d’œuvre, en association avec ses deux partenaires que sont Leonardo et Dassault.

S’agissant du SCAF, que nous réalisons avec l’Allemagne et avec l’Espagne, nous avons fait signer par les trois ministres concernés l’accord de coopération relatif à la phase 2021-2027, qui doit aboutir à la démonstration en vol d’une première étape du système. Nous préparons la notification du contrat. En effet, la DGA, en tant qu’agence contractante, doit notifier le contrat, au nom des trois pays, aux maîtres d’œuvre des cinq principaux piliers du programme – l’avion, le moteur, le cloud de combat, les effecteurs déportés et les capteurs. Le contrat doit être signé par chaque maître d’œuvre.

Airbus Allemagne, chargé du cloud de combat et des effecteurs déportés, l’a signé. La coentreprise Eumet – qui réunit Safran Aircraft Engines et MTU Aero Engines –, maître d’œuvre du moteur, ne devrait pas tarder à le signer. Nous attendons la signature de la maison Dassault, maître d’œuvre de l’avion, qui mène des négociations difficiles sur l’organisation et le partage du travail avec ses partenaires principaux que sont Airbus Allemagne et Airbus Espagne. Nous devons traiter cette difficulté au cours des semaines à venir, pour aboutir mi-novembre à la signature du contrat de la DGA et des contrats afférents qui associent les maîtres d’œuvre à leurs principaux partenaires.

Sur le programme de char de combat du futur (MGCS), troisième programme à l’ordre du jour du sommet Merkel-Macron de juillet 2017, nous poursuivons l’étude d’architecture d’ensemble du système, lancée début 2020. Elle devait s’achever début 2022, mais sera prolongée jusqu’à l’été, le temps de finaliser l’organisation industrielle nécessaire à l’engagement des travaux technologiques. Après la création de l’alliance industrielle KMW + Nexter Defense Systems (KNDS) en 2016, il nous a fallu, à la demande de l’Allemagne, intégrer Rheinmetall. L’organisation n’étant toujours pas consolidée, nous avons besoin d’un délai supplémentaire pour y parvenir, d’où la prolongation de l’étude d’architecture système.

Les Allemands nous ont indiqué qu’ils n’étaient pas encore prêts à nous suivre sur le standard 3 de l’hélicoptère de combat Tigre, qui est une évolution nécessaire pour l’armée de terre. Nous devons lancer ce programme pour être au rendez-vous capacitaire de 2028. C’est pourquoi nous préparons son engagement dans un cadre bilatéral avec les Espagnols. J’étais à Madrid le même jour que vous et j’y serai à nouveau le 4 novembre, en espérant que nous pourrons finaliser les conditions de lancement de cette opération avec les Espagnols, tout en laissant la porte ouverte aux Allemands pendant encore quelques mois, jusqu’à la mi-2022.

Dernier sujet avec l’Allemagne, le projet d’avion de patrouille maritime MAWS. Sur ce dossier, nos amis allemands nous ont clairement déçus puisqu’ils ont décidé unilatéralement d’acheter cinq avions P-8A Poseidon de Boeing pour remplacer leurs appareils actuels, en service jusqu’en 2025. Or, nous travaillions ensemble, jusqu’à présent, en vue du rendez-vous de 2035. À cette date, leurs P-8A seront encore en service. En conséquence, dans le meilleur des cas, leur décision désynchronisera les calendriers de renouvellement des capacités de nos deux pays. Nous travaillons en interne à partir de cette situation nouvelle. Une fois finalisés nos engagements sur l’Eurodrone et le SCAF, nous reprendrons les discussions avec nos amis allemands sur le MAWS.

Avec les Belges, les choses se passent très bien. Le projet de coopération Capacité motorisée (CaMo) permet à la DGA d’acheter pour le compte des Belges des engins du programme Scorpion de Nexter – des Griffon et des Jaguar. Cela représente une hausse de la charge de production de 20 % pour Nexter et les industriels associés. Si ce projet a débuté par l’exportation de matériel français, il débouche désormais sur une véritable coopération puisque nous avons reçu l’accord des Belges pour engager avec eux le développement du futur véhicule blindé d’aide à l’engagement (VBAE).

Vous m’avez interrogé sur le Royaume-Uni. Il m’est difficile, donc, d’éviter la question, dans un contexte euro-britannique et bilatéral que vous connaissez mieux que moi… Le projet de lutte contre les mines navales (MMCM), est en cours de réalisation Nous sommes parfaitement en ligne sur la conduite de programme. Ce programme, qui comporte la définition, la réalisation et la qualification de deux prototypes d’un système de drones navals, a fait l’objet d’une phase de prototypage et de démonstration jusqu’en 2020. Les premiers matériels seront opérationnels d’ici à la fin 2022.

S’agissant du programme FMAN/FMC, la situation est plus compliquée. La phase de conception et de faisabilité a abouti à un projet commun, mais avec deux concepts de missiles – subsonique furtif d’un côté, supersonique manœuvrant de l’autre. Cela s’explique par des différences sur les besoins opérationnels ainsi que par des préférences différentes s’agissant des capacités technologiques et industrielles. Il s’ensuit que la coopération est relativement limitée, puisqu’elle se situe à hauteur de 10 %. Ainsi, pour leur missile turbopropulseur (TP), les Britanniques effectuent 90 % du travail et nous en faisons 10 %, et vice-versa pour le missile à statoréacteur, ou ramjet (RJ). Il sera difficile de consolider le programme sans la manifestation claire d’une confiance réciproque entre nos deux pays.

Une clarification doit malgré tout intervenir d’ici à la fin du mois. En effet, les Britanniques doivent équiper leurs frégates T26 à l’horizon 2028 avec leurs missiles TP, tandis que nous avons besoin d’engager le développement du missile RJ pour être au rendez-vous du futur missile anti-navire et du missile de destruction des défenses aériennes ennemies (DEAD) à l’horizon 2030.

En conséquence, d’ici à la fin octobre, soit nous arrivons à restaurer le minimum de confiance politique nécessaire entre nos deux pays pour engager cette coopération et, dans ce cas, nous démarrerons sur la base de ce que je viens de vous résumer, avec un rendez-vous dans dix-huit mois après la première phase de définition, soit le climat des relations entre nos deux pays ne s’y prête pas, ou plus, et nous entamerons seuls le développement des missiles RJ supersoniques.

À l’échelle communautaire, en 2019 et en 2020, nous avons obtenu de bons résultats dans le cadre de l’Action préparatoire sur la recherche en matière de défense (PADR) et du programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense (PEDID), qui visait à préparer le lancement des volets recherche et développement du Fonds européen de la défense (FED) pour la période 2021-2027 : 80 % des projets que nous avions proposés ont été retenus.

Le système de coopération est particulièrement inclusif, puisque, pour le PEDID, notre pays est associé à vingt-quatre des vingt-six États de l’Union européenne autres que la France. En outre, hors appels à projets, nous avons obtenu une contribution significative du PEDID, de l’ordre d’une centaine de millions d’euros, pour l’EuroMale, et un versement en faveur du programme de radio logicielle européenne (ESSOR) de 35 millions d’euros.

Le PADR et le PEDID ont donc montré leur efficacité et leur intérêt. Nous poursuivrons notre travail avec le Fonds européen de la défense. D’ici à début décembre, avec notre soutien, les industriels doivent déposer leurs projets pour la première tranche du FED, celle de 2021, dotée d’un budget total de 1,2 milliard d’euros.

Je veux dire un mot au sujet de notre base industrielle et technologique de défense (BITD), car tout cela ne serait pas réalisable sans une industrie forte, compétente, compétitive et souveraine dans un grand nombre de domaines. Nous la soutenons et continuerons à la soutenir.

Au printemps 2020, quand le Gouvernement a lancé un plan de soutien à l’aéronautique dans le cadre du plan de relance, nous y avons contribué en anticipant plusieurs commandes de matériel militaire. Toutes les commandes sont désormais notifiées, pour un montant total de 600 millions d’euros. Nous avons pérennisé le dispositif de suivi des 1 200 entreprises les plus sensibles de la BITD, afin de savoir si elles rencontraient des difficultés liées à la crise sanitaire et si elles avaient besoin d’aide, qu’il s’agisse du recours aux prêts gouvernementaux, de l’anticipation de commandes ou de paiement, etc. En 2021, nous avons pérennisé ce dispositif, qui a montré son efficacité, car la crise n’est pas terminée.

La mission PME de la DGA est particulièrement attentive à la santé des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire (ETI). Elle suit et accompagne environ 4 000 PME et ETI. Parmi elles, 500 sont considérées comme stratégiques car elles disposent de technologies ou de savoir-faire indispensables, qui doivent rester souverains. Nous les soutenons donc de manière générale, mais également, plus récemment, en leur proposant un dispositif d’aide à la cybersécurité par le biais d’un diagnostic de leurs vulnérabilités, puis de propositions d’actions.

Il est évidemment indispensable que la BITD exporte car les exportations représentent 20 à 30 % du chiffre d’affaires global de l’industrie de défense. En raison de la crise du covid, l’année 2020 a été marquée par un nombre relativement faible de prises de commandes par rapport aux années précédentes – elles ont représenté un peu moins de 5 milliards d’euros.

L’année 2021 se présente mieux grâce aux commandes de Rafale et de frégates de la part de la Grèce. Bien sûr, pour les trois frégates, il faut attendre la concrétisation de l’accord par la signature d’un contrat en bonne et due forme, qui devrait intervenir d’ici à la fin de l’année. Il en est de même pour la concrétisation de l’achat de six Rafale supplémentaires, annoncé par le Premier ministre grec, M. Kyriákos Mitsotákis, il y a quelques jours. D’ici à la fin de l’année, nous devrions également concrétiser l’achat de Rafale d’occasion par la Croatie. Grâce à ces commandes, l’année 2021 retrouvera le niveau des années antérieures à 2020. L’infléchissement des ventes vers les pays européens devrait sans nul doute être confirmé.

Tout cela n’existerait pas sans un travail collaboratif : l’écosystème de l’armement est un triangle constitué des armées, de la DGA et de l’industrie, au service de la satisfaction des besoins de nos forces.

Je me souviens de ma première audition au sein de votre commission, en octobre 2017. J’y avais été quelque peu bousculé. Vous aviez insisté sur le fait qu’il nous fallait revoir notre manière de travailler, engager des réformes... Comme vous pouvez le constater, nous avons réformé, nous avons appliqué de nouvelles méthodes de préparation et de conduite des opérations d’armement, pour gagner en efficacité et en agilité. En phase de préparation, nous avons renforcé l’approche capacitaire afin de définir les programmes du futur non pas en silos, mais de manière plus systémique. Cela permet aussi d’assurer la cohérence d’ensemble de la préparation et de la conduite de nos différents programmes, avec des calendriers en phase, des matériels qui se complètent, etc.

Nous avons considérablement accru le travail collaboratif avec les états-majors en multipliant les plateaux communs aux équipes de la DGA et des armées, en réalisant des documents uniques tant en amont – au stade du besoin – qu’en aval – au moment des essais de qualification et de l’expérimentation. Nous conduisons désormais nos opérations d’armement de manière incrémentale, des rendez-vous permettant d’introduire l’innovation technologique au fur et à mesure de sa maturation. Nous privilégions la modularité des systèmes afin que les rendez-vous précités puissent être tenus sur le plan technique. En outre, dès le démarrage des programmes, nous recherchons systématiquement la coopération – c’est l’orientation stratégique qui nous a été fixée – et prenons également en compte les besoins d’exportabilité concernant les équipements et matériels que nous développons, ce qui explique sans doute les succès que nous rencontrons.

Enfin, dès le démarrage d’un programme, nous intégrons également sa dimension « infrastructures » qui était auparavant traitée de manière moins cohérente et rigoureuse que ce qu’elle mérite, ainsi que la stratégie de soutien. Nous développons ainsi une approche très globale.

Je citerai un exemple pour illustrer le travail réalisé : en phase de préparation, en liaison avec les armées, nous multiplions les modélisations, simulations et évaluations pour analyser différents systèmes, à l’aide d’outils informatiques installés au centre d’analyse technico-opérationnelle de défense (CATOD) de la DGA à Arcueil. Nous avons bénéficié d’un cofinancement du fonds pour la transformation de l’action publique (FTAP) de 6 millions d’euros, soit 50 % de l’investissement de modernisation de l’outil. Le montant est faible au regard des investissements de la DGA, mais significatif des efforts de la DGA, qui ont été salués par cet organisme public.

Mme Françoise Ballet-Blu. Depuis quatre ans chez Airbus, une centaine de salariés travaillent discrètement sur un projet de drone capable de surveiller la Terre pendant de longues heures à plus de 20 kilomètres d’altitude, au-dessus du trafic aérien mais au-dessous des satellites. Après avoir effectué de nombreux tests et essais, la société vient d’annoncer que le Zephyr est prêt à fournir des images d’une précision redoutable. La France ne peut que s’enorgueillir d’être capable de telles innovations – et ce n’est pas la seule.

La quatrième année d’application de la LPM illustre à nouveau l’importance que le Gouvernement accorde à l’innovation, 1 milliard d’euros étant consacré à la recherche et au développement. Les industries militaires sont un secteur moteur et la part des dépenses en recherche et développement y est décisive.

Dans un contexte de mondialisation et d’évolution des menaces, pensez-vous que la part que la France consacre à l’innovation est suffisante ? Ne faudrait-il pas accélérer et augmenter la dotation globale du Fonds européen de la défense, notamment en matière d’innovation militaire ?

Mme Lise Magnier. Je m’exprime au nom de Jean-Charles Larsonneur, qui est retenu dans sa circonscription en raison d’un déplacement ministériel. Notre collègue m’a chargé de vous saluer, Monsieur le délégué général, et de vous remercier très sincèrement pour le travail accompli.

Le budget des armées a constamment évolué pour s’adapter au changement du contexte stratégique. Après avoir intégré les programmes spatiaux, la maquette budgétaire comporte désormais une ligne relative à la lutte antidrones, qui est dotée de 70 millions d’euros en AE et de 22 millions en CP. C’est une véritable avancée.

Dans le domaine offensif, la livraison des premiers drones tactiques Patroller en 2022 permettra à l’armée de terre de faire un saut capacitaire majeur, ce dont nous nous réjouissons. Il s’agit désormais d’avancer concernant le projet de SDAM (système de drone aérien pour la marine), auquel 19 millions en AE et 8 millions en CP seront consacrés. Que recouvrent ces montants, et quel est l’état d’avancement de ce programme en particulier ?

Mon collègue m’a demandé de revenir sur deux sujets cruciaux pour sa circonscription. En 2022, le premier module du futur système de lutte antimines sera livré, et des infrastructures seront créées à Brest pour l’accueillir. Pouvez-vous détailler ce que recouvrent les 130 millions d’euros de CP affectés à ce programme ? Le deuxième point, que vous avez déjà évoqué, concerne le successeur de l’ATL2, notre avion de patrouille maritime. Avec la commande allemande de cinq avions P8 Poseidon, le programme MAWS est clairement en difficulté. Peut-on envisager une solution souveraine pour pallier les effets de la décision allemande ? Pourrait-il s’agir du Falcon 10X ?

M. Jean-Jacques Bridey. Merci, Monsieur le délégué général, de nous avoir présenté les livraisons et l’avancement des différents programmes. Si les résultats sont bons, c’est parce qu’ils sont conformes à ce que prévoyait la loi de programmation militaire et aussi parce qu’il existe une plus grande fluidité depuis quatre ou cinq ans entre la DGA, les chefs d’état-major et les industriels s’agissant du travail et de la réflexion, en amont comme dans le suivi des programmes. Nous en avions parlé lorsque vous êtes arrivé en octobre 2017 : j’avais souligné la nécessité d’une transformation des méthodes de travail. En effet, lorsqu’il n’y avait pas une bonne coopération entre ces trois grands acteurs, on constatait des retards ou des changements dans les demandes des uns et des autres. J’ai vécu personnellement ces difficultés durant la précédente législature. Les acteurs avaient du mal à se parler. La situation a bien été redressée, à la satisfaction de tous – des militaires, bien entendu, mais aussi des industriels et de vos équipes.

Il y a quelques jours, lors de la présentation du plan d’investissement France 2030, le Président de la République a cité, parmi la dizaine de briques de ce programme, trois éléments qui présentent une certaine dualité : la constitution d’une filière de réacteurs nucléaires de petite taille, qui n’existent pas encore au niveau industriel ; l’exploration des grands fonds marins ; la poursuite de l’exploration de l’espace. Du fait de cette dualité, la DGA sera-t-elle associée ? Comment peut-elle participer à un investissement supplémentaire dans ces trois filières exemplaires et nécessaires pour le développement de notre autonomie stratégique ?

J’aimerais également avoir plus de précisions concernant le Tigre. Quelles seront les conséquences de la réduction de la coopération aux seuls Espagnols ? Le mode de financement ne sera pas le même si les Allemands ne participent pas. Cela se traduira-t-il par un retard, un amoindrissement du programme ou un effort d’investissement supplémentaire de la DGA, à enveloppe globale constante ?

Ma dernière question porte sur vos équipes. Vous avez plus de travail, notamment parce que certains programmes s’accélèrent. Nous venons de recevoir, dans cette salle, les associations professionnelles nationales de militaires : les représentants des personnels de la DGA se sont inquiétés de cette suractivité. Ils ont relevé, en particulier, que commander trois avions de plus n’est pas tout à fait la même chose que remplir un panier sur Amazon. L’augmentation de vos effectifs sera-t-elle bien corrélée avec celle de l’activité ?

M. Stéphane Vojetta. Merci pour la clarté de votre présentation, Monsieur le délégué général. J’aborderai d’abord la remontée en puissance de l’aviation de transport tactique et stratégique. L’opération Apagan a mis en lumière la performance du couple A400M-MRTT, comme le chef d’état-major de l’armée de l’air l’a rappelé ce matin lors de son audition. Après des difficultés initiales, l’A400M fait enfin la preuve de son efficacité. Pourriez-vous nous indiquer si de nouvelles qualifications sont encore attendues ou si vous estimez que cet appareil est pleinement opérationnel ? S’agissant du MRTT, je souhaiterais que vous nous rappeliez le calendrier de livraison des sept appareils que nous attendons. Et surtout, alors que la chaîne de conversion des A330 en MRTT arrivera prochainement à son terme, pensez-vous qu’il est possible et souhaitable d’accélérer la conversion des trois A330 commandés dans le cadre du plan de soutien au secteur aéronautique, et dont deux ont déjà été livrés ? Enfin, quid d’un A200M ?

En tant que député de la cinquième circonscription des Français de l’étranger, qui couvre notamment l’Espagne, j’aimerais revenir sur les programmes que nous conduisons en coopération avec ce pays. Vous avez notamment évoqué dans votre exposé liminaire le Tigre standard 3. J’ai bien pris note du fait que le retrait allemand nous contraignait pour l’instant au choix du bilatéralisme, avec l’Espagne, pour ce projet. Au-delà de la question des implications possibles sur le développement du programme, cela pourrait-il ouvrir de nouvelles pistes de coopérations stratégiques renforcées avec l’Espagne ?

M. Jean-Michel Jacques, président. J’ajoute une question. À la suite des annonces récentes, pouvez-vous faire le point sur le groupe Ariane ? Ses activités duales nous intéressent au plus haut point.

M. Joël Barre. Nous suivons de près le projet de nos amis d’Airbus, plutôt tendance britannique si j’ose dire. Nous étudions aussi les capacités d’observation et de communication intermédiaires entre les avions et les satellites.

Il y a, en gros, deux types de systèmes. S’agissant des High Altitude Pseudo-Satellites (HAPS), nous avons soutenu un projet de Thales Alenia Space, nommé Stratobus, qui fait partie des propositions que la maison Thales va faire dans le cadre du Fonds européen de la défense. Nous avons ensuite vu apparaître le projet Zephyr, qui est plutôt un MAPS, un Medium Altitude Pseudo-Satellite, puisque son altitude est d’environ 20 kilomètres, contre 30 kilomètres dans le cas d’un HAPS. Deuxième différence, nous avons compris que le Zephyr, tel qu’il est imaginé actuellement par Airbus, doit avoir une charge utile de 5 à 10 kg, ce qui est peu par rapport aux 100 ou 200 kg de charge utile que nous cherchons à avoir dans le cadre des HAPS.

Nous sommes attentifs à ce genre de développements. Pour l’instant, nous n’avons pas envisagé de financer de tels projets autrement qu’à travers une coopération européenne, à savoir le Fonds européen de la défense. Comme les Britanniques n’y participent pas, le Zephyr ne sera pas concerné de sitôt, évidemment.

Vous m’avez demandé si le Fonds européen de la défense investirait suffisamment d’argent. J’observe simplement que 8 milliards sont prévus pour la période 2021-2027, alors que rien de tel n’existait avant 2019. Certains ont regretté que le montant ne soit pas de 13 milliards, mais on passe de 0 à 8, et 8 milliards d’euros pour des actions de recherche et de pré-développement, même sur sept ans, représentent un pas en avant. J’espère évidemment que les pas en avant se multiplieront et deviendront de plus en plus importants lors des exercices suivants, mais ce qui est prévu est significatif. Nous comptons bien nous appuyer dessus.

Si nous devions mener le programme MAWS au niveau national en l’absence d’un partenariat avec les Allemands, je ne vois pas pourquoi nous nous focaliserions d’emblée sur le Falcon 10X. Les travaux ont commencé par une étude système à laquelle les avionneurs n’étaient pas associés. Que l’on continue sous forme de coopération ou sur le plan national, il faut regarder les différentes possibilités de plateformes, et il n’y a pas que Dassault en Europe. On peut aussi envisager des plateformes d’Airbus et même, peut-être, de plus bas niveau en matière de performances, du côté d’ATR, voire de CASA, même si cela ne reviendrait pas du tout à jouer dans la même cour. Laissez-nous le temps de faire les études et les analyses nécessaires. Jusqu’à présent, nous n’avons pas travaillé sur la plateforme en tant que telle.

En ce qui concerne la guerre des mines, nous sommes en train d’achever la réalisation des premiers systèmes, qui seront livrés à la fois à la Royal Navy et à la marine nationale d’ici à la fin 2022. Il peut y avoir des difficultés de calendrier pour tel ou tel composant du système, mais ce n’est rien de dramatique. Nous avançons relativement bien avec nos amis britanniques malgré le contexte.

S’agissant du SDAM, nous avons décidé un renforcement dans le cadre du plan de relance de 2020, avec l’achat d’un système supplémentaire. La livraison de ce deuxième drone est prévue en septembre 2022, avant les essais en mer sur une frégate FREMM.

Merci d’avoir rappelé que nous avons notablement progressé, en particulier dans le cadre du dialogue avec les armées, pour assurer ce que vous avez appelé, Monsieur Bridey, de la fluidité dans la préparation et la conduite des programmes. Nous avons essayé de chiffrer les gains de temps réalisés grâce à l’amélioration des méthodes.

En ce qui concerne le porte-avions nucléaire de nouvelle génération, nous avons réalisé en deux ans le plateau de conception qui a conduit à la décision, prise par le Président de la République, de lancer le programme.

L’élaboration des documents uniques de besoins permet de regrouper l’expression du besoin militaire et l’élaboration par la DGA de la spécification technique qui est contractualisée avec l’industriel, ce qui se faisait auparavant en deux temps. Nous avons estimé que le nouveau processus a permis de gagner deux mois sur quinze pour la négociation et la rédaction des documents contractuels du programme AVSIMAR (avions de surveillance et d’intervention maritime), qui s’appelle désormais Albatros. S’agissant des patrouilleurs océaniques, pour lesquels le contrat de définition vient d’être notifié, nous avons gagné deux à trois mois.

Pour le Griffon, la durée des essais de validation, qualification et expérimentation a été de trois ans contre quatre ans et demi selon l’ancienne méthode. Pour ce qui est du Barracuda, en 2020, malgré toutes les contraintes liées à la crise du covid – les marins devaient partir avec des machines pour effectuer des tests PCR –, la durée des essais de qualification a été ramenée de treize à six mois et demi grâce à une préparation intégrée avec les armées et l’industrie et aux travaux de modélisation, de simulation et d’évaluation.

Je pense, et j’espère que les armées vous le confirmeront, que nous avons réalisé un pas en avant très significatif dans ce domaine.

J’en viens maintenant à vos questions plus particulières.

Vous avez raison, le plan France 2030 pourra favoriser la dualité de trois filières concernées par les annonces du Président de la République.

Les investissements en faveur du SMR (Small Modular Reactor) permettront à TechnicAtome et Naval Group de mettre un pied civil, si je puis dire, dans la technologie de la propulsion navale présente dans nos sous-marins et sur notre porte-avions. Cette nouvelle dualité s’ajoutera à celle dont nous bénéficions déjà dans les secteurs aéronautique et spatial : aussi aurons-nous désormais des industriels qui s’appuieront sur deux jambes plutôt que sur une seule. Lors de la crise qui a frappé le secteur de l’aéronautique en 2020, on a bien vu que les entreprises duales, présentes à la fois sur les marchés de l’aéronautique militaire et de l’aéronautique civile, bénéficiaient d’un avantage significatif. La dualité dans le domaine de la propulsion navale est donc une très bonne chose, à condition, évidemment, que la branche civile n’aspire pas les compétences et les expertises dont ont besoin TechnicAtome et Naval Group – mais je ne vois pas pourquoi les deux branches ne pourraient pas s’articuler harmonieusement.

De même, la maîtrise des fonds marins est un domaine parfaitement dual. Nous sommes amenés à nous y intéresser car c’est un champ de conflictualité : quand certains Etats promènent quelque chose autour des câbles sous-marins à 6 000 mètres de profondeur, ce n’est sans doute pas parce qu’ils cherchent des pâquerettes ! Nous devons nous doter des moyens de surveiller ce qui se passe dans les fonds marins, à 6 000 mètres de profondeur. À cet enjeu militaire s’ajoute un enjeu civil, du fait de l’importance de ces lignes de télécommunication. Je me réjouis que nous puissions, là aussi, trouver des synergies entre des applications civiles et des applications militaires.

L’espace est un autre exemple de domaine dual. Nous sommes déjà engagés dans des projets de microsatellites ou de nanosatellites, en tant que capacités militaires. Je pense au programme Kineis, qui a pris la suite du système Argos et qui permettra de doter les objets spatiaux d’une composante dite AIS (Automatic Identification System), ainsi qu’aux projets de microsatellites que nous conduisons avec des start-up bretonnes, Cailabs et Unseenlabs. Vous imaginez sans peine que de tels projets peuvent être d’une grande aide dans le domaine du renseignement.

Les annonces du Président de la République au sujet du plan France 2030 peuvent donc donner une nouvelle impulsion à la dimension duale de certains de nos domaines de compétences. En revanche, il ne faudrait pas que ce nouveau plan aspire des crédits prévus dans le cadre de la LPM 2019-2025 – j’espère qu’il nous apportera plutôt de nouvelles ressources.

S’agissant du programme Tigre standard 3, que nous mènerons donc sans les Allemands et avec les seuls Espagnols, je vous rassure tout de suite : la partie française entend engager ce programme sans dépasser l’enveloppe budgétaire ni le calendrier initialement prévus. Puisque nous perdons une partie des intérêts de la coopération en perdant un partenaire, nous avons demandé à nos partenaires espagnols d’accomplir des efforts, conjointement aux nôtres, en vue d’optimiser encore davantage notre coopération et rapprocher au maximum les configurations des machines française et espagnole, de manière à diminuer les coûts de développement nécessaires. Nous y sommes presque. Si je dois me rendre prochainement à Madrid, c’est notamment pour tenter de conclure un accord définitif sur ce sujet.

M. Jean-Jacques Bridey. Sans incidence calendaire ni budgétaire ?

M. Joël Barre. Absolument.

Vous m’avez enfin interrogé, Monsieur Bridey, sur l’équation charges-capacités de la maison DGA. Je ne vous cache pas que la situation est tendue. Nous l’avons dit tout à l’heure, la dotation du programme 146 est passée de 10 milliards d’euros en 2017 à 14,5 milliards dans le PLF pour 2022, soit une hausse de 45 % en cinq ans. Cette augmentation budgétaire ne s’est pas accompagnée d’un accroissement de 45 % de mes effectifs, qui correspondrait à 4 500 personnes. En revanche, nous avons créé, de mémoire, 500 postes depuis 2017 et nous en créerons 950 à l’horizon 2023. L’un des leviers qui nous permet de résoudre cette équation charges-capacités est donc l’augmentation des ressources.

Nous avons aussi revu nos processus – j’ai cité tout à l’heure quelques exemples de gains d’efficacité qui se répercutent sur nos équipes. Nous nous appuyons également sur des établissements publics lorsque ceux-ci peuvent travailler pour nous en délégation de maîtrise d’ouvrage : nous fonctionnons de la sorte avec le Centre national d’études spatiales (CNES) dans le domaine spatial et avec le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) dans le domaine du nucléaire et de la propulsion navale. Nous pouvons également sous-traiter des activités à tel ou tel industriel si ce dernier est indépendant du maître d’œuvre avec qui nous contractualisons.

À chaque fois que je participe à une réunion interne, on me réclame des effectifs supplémentaires. Je réponds alors qu’il faut partager les effectifs accordés au titre de l’évolution de la trajectoire de la LPM. La DGA a pris de l’avance sur la trajectoire initiale en termes d’effectifs accordés, parce que les armées ont, de leur côté, pris du retard par rapport à la trajectoire globale, du fait de difficultés de recrutement. Nous devons conserver cette avance – nous y sommes parvenus en 2021 et 2022 – et actionner tous les leviers possibles pour faire face à l’augmentation de la charge de maîtrise d’ouvrage consécutive à la hausse des crédits des programmes 146 et 144.

Monsieur Vojetta, vous m’avez interrogé sur l’aviation de transport. Le dernier standard d’A400M, le SOC3, atteindra sa pleine capacité tactique en 2022. L’essentiel a déjà été fourni : ainsi, nous avons récemment qualifié le parachutage par les deux portes latérales et par la soute. Je ne sais plus ce qui nous manque, mais cela ne doit pas être significatif puisque l’armée de l’air et de l’espace, qui ne manque jamais de me signaler le moindre problème capacitaire, ne m’en a pas parlé. Je suppose que le général Mille, que vous avez auditionné, vous a dit qu’il était satisfait de l’A400M, tant en termes de performance que de disponibilité. Nous espérons rencontrer le même succès à l’exportation.

S’agissant des trois derniers MRTT attendus par les armées, ils seront livrés en 2023, mais au format A330. La conversion de ces avions en MRTT est prévue en 2026, c’est-à-dire après la période couverte par la LPM actuelle. Nous verrons s’il est possible d’accélérer cette opération lors du prochain ajustement de la programmation militaire.

Je sais que certaines études sont en cours sur un A200M mais, pour le moment, je ne connais rien de cet appareil. Là encore, il s’agit d’un bon sujet à traiter lors du prochain ajustement de la programmation militaire.

En matière de coopération avec les Espagnols, les avancées peinent à aboutir concrètement dans le domaine de la radio logicielle. Il s’agit de la nouvelle technologie de radio destinée à être embarquée dans les véhicules terrestres et les avions – en d’autres termes, c’est le système radio du futur. Cela fait référence, pour la DGA, au programme CONTACT, et pour Thales, à un produit que le groupe fabrique et veut exporter sous le nom de SYNAPS. Le programme ESSOR, que j’ai évoqué tout à l’heure, est la base technologique commune à toutes ces radios logicielles du futur. L’Espagne y participe, et j’ai signé avec mes homologues espagnols une lettre d’intention à ce sujet en 2020. Le président de la République française et le premier ministre espagnol ont eux-mêmes évoqué une coopération dans ce domaine dans le compte rendu du sommet franco-espagnol de Montauban en 2021. Malgré  ce climat particulièrement propice à la coopération, les Espagnols, pour équiper certains de leurs véhicules terrestres, se sont récemment tournés vers Elbit et Telefónica, face aux propositions de Thales et Indra. En outre, il nous reste à conclure la coopération envisagée en matière de SYNAPS modulaire, c’est-à-dire porté sur le dos d’un fantassin ou, après adaptation, embarqué dans un véhicule. Mes homologues espagnols m’ont indiqué déjà posséder des radios Elbit, auxquelles leurs armées sont habituées, et que jusqu’à présent, les propositions de Thales-Indra ne leur avaient pas apporté entière satisfaction. Je leur ai donc proposé d’organiser une réunion, le 4 novembre à Madrid, afin que nous puissions recréer un climat favorable à cette coopération. La radio logicielle peut constituer un champ de coopération structurant pour nos armées et nos industriels, et qui a été béni au plus haut niveau des deux États.

Dans le cadre du FED, nous travaillons très bien avec les Espagnols. Un grand nombre de projets et d’actions préparatoires que j’ai cités tout à l’heure sont réalisés avec l’Espagne.

Une coopération franco-espagnole pourrait aussi être envisagée dans le domaine de l’espace, car nos partenaires s’intéressent à l’imagerie satellitaire CSO. Nous avons préparé un accord de coopération sur ce sujet, Mon objectif étant de confirmer l’engagement de la France et de l’Espagne sur le Tigre et la radiologicielle d’ici la fin de l’année, avant de signer un accord sur CSO. Tout cela doit faire l’objet d’un accord global, car c’est une véritable coopération stratégique qui se met en place entre nos deux pays. L’Espagne souhaite également travailler en étroite coopération avec nous et investir dans le domaine de la défense, mais nous attendons toujours son feu vert au sujet de l’Eurodrone.

M. Stéphane Vojetta. Il y a d’autres coopérations dont le principe a été acté à Montauban mais dont nous attendons toujours la concrétisation !

M. Joël Barre. Vous m’avez posé, Monsieur le président, une dernière question au sujet d’ArianeGroup. Cette société a deux jambes, la jambe Ariane et la jambe M51. Nous avons absolument besoin d’ArianeGroup pour ce qui concerne les missiles M51 dont sont dotées nos forces nucléaires océaniques et, à ce titre, nous fixons à cette société un certain nombre de lignes rouges. Les évolutions observées dans le domaine des lanceurs civils ne doivent absolument pas remettre en cause la capacité d’ArianeGroup à assurer la maîtrise d’œuvre, l’intégration et l’architecture système du lanceur et des missiles de demain.

Par ailleurs, le programme Ariane 6 est, pour le groupe, source de difficultés majeures. Ce programme a pris au moins deux ans de retard, et nous espérons que le premier vol pourra avoir lieu d’ici à la fin de l’année 2022. Le modèle d’exploitation d’Ariane 6 a dû être remis à plat car les hypothèses initiales relatives au nombre de satellites à lancer et au coût de ces lancements, qui dataient de 2014, se sont écroulées. Sur le plan des principes, l’Agence spatiale européenne (ESA) a adopté une résolution au mois d’août dernier, mais les engagements financiers des États membres doivent encore être confirmés lors d’une conférence ministérielle en novembre 2022.

Dans ce contexte, ArianeGroup a été obligé d’engager un plan de réduction d’effectifs portant sur 600 équivalents temps plein – un peu plus de 500 en France et un peu moins de 100 en Allemagne. L’effort de rationalisation porte essentiellement sur les fonctions support. Il n’altère en rien les capacités de maîtrise d’œuvre s’agissant des missiles M51 – au contraire, il transfère des effectifs techniques du secteur des lanceurs vers celui des missiles.

Nous restons très attentifs : la situation est maîtrisée pour l’instant mais, pour que nous soyons définitivement rassurés, il faudrait sortir de la crise qui touche depuis deux ans le secteur des lanceurs en Europe. Bien entendu, lorsque nous avons besoin de services de lancement, nous les achetons en Europe, pas aux États-Unis ! Je ne vise personne…

M. Jean-Michel Jacques, président. Je vous remercie, Monsieur le délégué général, non seulement pour vos réponses très précises et très argumentées, mais également pour le travail de longue haleine que vous menez depuis près de cinq ans pour adapter votre organisation à notre environnement mouvant. Ces changements ne sont jamais faciles à conduire car ils touchent à l’humain. Grâce à vous et à vos équipes, chaque euro que la nation consacre à la défense de notre pays est optimisé.

M. Joël Barre. J’aurai grand plaisir à transmettre vos remerciements à toutes nos équipes, qui sont sur le pont en permanence. J’espère que les résultats que nous obtenons satisfont le Parlement, ainsi que nos armées, au service desquelles nous travaillons.

 

 

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Le CEMA, avec beaucoup de franc-parler. Il tempère sévèrement les ambitions en Indo-Pacifique:

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cion_def/l15cion_def2122004_compte-rendu#

Citation

 

 Mme la présidente Françoise Dumas. Général, c’est la première fois que nous vous entendons depuis votre nomination en tant que chef d’état-major des armées. Elle récompense un parcours militaire sans faute et une personnalité affirmée qui refuse de se laisser dicter sa conduite par les faits accomplis et est soucieuse de développer, devant toute situation, une véritable réflexion stratégique. Cela explique que vous ayez notre confiance.

Ma première question est personnelle. Après avoir quitté l’uniforme de chef de l’armée de terre pour endosser celui de chef d’état-major des armées, décide-t-on et réfléchit-on autrement ?

 Lors de votre dernière audition devant notre commission, vous aviez soutenu une conception de la nouvelle conflictualité substituant au triptyque traditionnel paix-crise-guerre le triptyque compétition-contestation-affrontement. Sommes-nous prêts à affronter ces trois phases, à commencer par la première, pour gagner « la guerre avant la guerre » ? Le projet de budget pour 2022 est-il de nature à renforcer notre positionnement dans chacune d’entre elles ? Comment entendez-vous adapter la vision stratégique que l’état-major des armées avait formulée en 2018 ?

 La loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 s’est voulue celle de la réparation et de la modernisation. À mi-course, la trajectoire a été strictement respectée, même si les marches les plus hautes sont encore devant nous. Quel bilan faites-vous de la modernisation de nos équipements ? Les armées ont-elles su prendre le tournant exigé par le développement numérique et le développement d’une vaste conflictualité de plus en plus hybride ? Les priorités affichées par le budget pour 2022, en termes de cyber, d’innovation et d’espace sont-elles de nature à pleinement vous satisfaire ?

 Avez-vous identifié des retards préoccupants dans certains programmes ? Vos déclarations montrent que vous n’avez jamais été obsédé par la course au matériel le plus performant. Le « juste besoin technologique » ou « l’emploi soutenable des matériels en situation opérationnelle », pour reprendre vos expressions, vous importent davantage. Comment comptez-vous tenir sur cette une ligne de crête parfois difficile à suivre ?

 Chacun reconnaît en vous un chef soucieux du moral de ses troupes, ce qui passe par la qualité de leur vie quotidienne, par une réponse à leurs aspirations et à celles de leurs familles. Les priorités accordées dans le projet de budget pour 2022 aux petits équipements, à l’amélioration des conditions d’hébergement et de logement et à la mise en œuvre du plan famille sont-elles de nature à vous satisfaire ?

 Enfin, quelles conséquences tirez-vous du récent arrêt de la Cour de justice européenne sur l’application de la directive du temps de travail des militaires ? Remet-elle en cause leur disponibilité en tout temps et en tout lieu ? Nous sommes nombreux sur ces bancs à considérer que cette décision est susceptible de mettre en cause la capacité des armées à remplir pleinement leurs missions. Elle risque de porter gravement atteinte à votre singularité, à notre capacité à faire face à l’évolution des conflictualités dans le monde, à la construction de l’Europe de la défense qui fait l’objet de l’ambition du Président de la République.

 

Général Thierry Burkhard, chef d’état-major des armées. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi d’abord de vous remercier de me donner l’opportunité de m’exprimer devant la représentation nationale. Vous l’avez rappelé, nous nous sommes vus régulièrement ces dernières années, dans le cadre de mes fonctions précédentes, mais comme c’est la première fois que vous m’auditionnez en tant que chef d’état-major des armées. Aussi, je vous retourne la question : allez-vous m’interroger différemment ?

 Mon propos liminaire sera divisé trois parties : un point de situation sur les opérations, la présentation succincte des grandes lignes de ma vision stratégique et mon appréciation de chef d’état-major des armées sur ce projet de loi de finances (PLF) pour 2022.

 À mes yeux, la mission des armées comporte deux volets : d’une part, la défense de la France et des Français contre la dangerosité du monde, finalité pour laquelle nous n’avons pas le droit de ne pas être au rendez-vous, et d’autre part, la contribution des armées à la protection des Français face à la dangerosité du quotidien.

 Bien que moins structurante et nécessitant des moyens moindres, cette mission est tout aussi importante. Je le rappelle souvent aux chefs d’état-major et aux unités que je visite, les Français perçoivent probablement plus cet aspect que la protection contre la dangerosité du monde. Je pense aujourd’hui à l’appui aux pouvoirs publics face au COVID et aux catastrophes naturelles et à la lutte contre la menace terroriste sur le sol national. Nous sommes toujours là pour contribuer à protéger les Français, vous pouvez nous aider à le mettre en valeur, vous qui représentez les territoires.

 Ce panorama des opérations illustrera l’engagement des armées françaises, ces derniers mois, face à la dangerosité du monde et face à la dangerosité du quotidien.

 L’opération Apagan menée en Afghanistan illustre ainsi la dangerosité du monde. En raison de la dégradation de la situation, les armées ont déclenché sans préavis une opération d’évacuation de ressortissants, en étroite collaboration avec le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, le ministère de l’Intérieur et avec nos alliés. Complexe, elle a permis de mettre en sécurité un peu moins de 3 000 personnes au moyen d’un pont aérien organisé en deux boucles : Kaboul-Abou Dabi et Abou Dabi-Paris.

Il est intéressant d’observer dans cette opération la mise en œuvre des capacités des armées, qui sont le fruit de la LPM. Les A400M assuraient la majeure partie des vols entre Kaboul et Abou Dhabi, tandis que les A330-MRTT Phénix réalisaient la plupart des vols entre Abou Dhabi et Paris. Effectuer cette opération avec nos anciens matériels, c’est-à-dire des C-160 et KC135, aurait été autrement plus difficile. Aucune mission n’a été remise en cause à la suite d’une indisponibilité du matériel, ce qui représente un tour de force. Cela ne doit pas occulter le savoir-faire des équipages, la capacité d’organisation des militaires déployés à l’aéroport de Kaboul ou l’importance du travail effectué par la base aérienne 104, qui a absorbé ce flux quasiment bord à bord afin de réduire au minimum le temps de présence aux Émirats arabes unis (EAU) avant de repartir pour Paris.

 Je souligne notre réactivité, en plein été. Il convient de noter l’utilité du point d’appui aux EAU et de nos forces prépositionnées. En pareil cas, l’ensemble de la mission est placé sous les ordres d’un chef, en l’occurrence l’amiral Fayard, actuel commandant des forces françaises aux EAU, qui en devient le contrôleur opérationnel et qui mobilise l'ensemble des capacités placées sous ses ordres aux EAU.

 Je souligne enfin le soutien total que nous ont apporté les autorités émiriennes, qui ont grandement facilité notre travail. Tous les pays n’accepteraient pas de voir transiter chez eux des gens sans visa, dont on a seulement les noms sur des listes. Grâce à une confiance mutuelle, les autorités émiriennes savaient que l’opération prendra le minimum de temps et que tous ceux qui ont été évacués de Kaboul seraient acheminés vers Paris.

 Au Sahel, nous avons commencé à adapter le dispositif de l’opération Barkhane. Décidée par le Président de la République, cette adaptation vise à rééquilibrer les missions conduites sur le terrain. Jusqu’alors, notre priorité allait à l’engagement direct, de façon autonome si nécessaire, ou en appui du partenaire. La mission va évoluer vers davantage de partenariat militaire de combat. Nous nous engagerons uniquement en appui des forces partenaires maliennes et nigériennes. Nous allons conserver et développer la coopération avec ces différents pays, en volume et qualitativement, par domaine, avec un effort particulier sur la troisième dimension, où la marge de progrès est importante et peut produire un effet qualitatif significatif. Le volet réassurance demeure, principalement à partir de nos moyens aériens, en appui des postes ou des convois des forces partenaires.

 La lutte antiterroriste, menée par les forces spéciales, se poursuit.

 Le partenariat militaire de combat est au cœur de la mission de la Task Force Takuba, composée de forces spéciales de plusieurs pays européens : Belgique, Danemark, Estonie, France, Italie, Pays-Bas, Portugal, Suède, République Tchèque. C’est un bel exemple de frémissement de la naissance d’un esprit européen de défense et de la prise de conscience du besoin d’intervenir de manière combinée, loin au-delà de ses propres frontières.

 Ce rééquilibrage des missions implique également un redéploiement géographique. Dès lors qu’on n’opère plus seul, nous devons être localisés là où se trouvent les forces partenaires. D’où la rétrocession aux autorités maliennes et à la MINUSMA (mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali) des postes de Tessalit, à l’extrême nord, de Kidal, au nord-est, et de Tombouctou. Le redéploiement a commencé. Ceux d’entre vous qui se sont rendus sur ces théâtres d’opérations savent qu’on ne calcule pas les déplacements en distance mais en jours. C’est un tour de force logistique. D’un point de vue sécuritaire, cela reste sensible, mais je suis confiant en notre capacité de le réaliser. Le transfert de ces postes en nous réarticulant sur une zone Ménaka-Gao-Gossi, le long des frontières avec le Niger et le Burkina, pourrait être opéré d’ici la fin de l’année ou au début de l’année prochaine.

Je suis confiant mais je reste préoccupé par l’évolution de la relation franco-malienne, qui pourrait nous compliquer la tâche, suite à l’irruption d’un autre acteur sous la forme de la société militaire privée Wagner, derrière laquelle se trouve la Russie. Cela témoigne de l’omniprésence de nos grands compétiteurs qui ne lâchent rien mais cherchent à s’imposer et à gagner en influence. Attendons de voir comment la situation évoluera, mon objectif étant de ne pas perdre l’initiative et de maîtriser le tempo des actions en cours. Cela illustre bien le caractère stratégique des crises auxquelles nous sommes confrontés. Il n’y a plus uniquement sur le théâtre les niveaux tactiques et opératif ; le niveau stratégique y est partout présent.

 Concernant l’opération de réassurance de l’OTAN, Lynx, dans les pays baltes, depuis 2017 nous déployons régulièrement un sous-groupement tactique interarmes (SGTIA) soit en Lituanie, au sein d’un bataillon allemand, soit en Estonie, au sein d’un bataillon britannique, comme c’est le cas aujourd’hui. Cette année, nous avons augmenté notre déploiement, pour un créneau d’un an au lieu de huit mois. Alors que nos SGTIA étaient jusqu’à présent à dominante mécanisée, composés de véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI) et de quelques chars Leclerc, pour la première fois nous avons engagé un SGTIA blindé composé de plus de chars Leclerc que de VBCI. Cela reste néanmoins une structure mixte comprenant des moyens blindés, mécanisés, de génie et des moyens d’observation d’artillerie accompagnés de moyens de soutien.

 Cela montre la détermination de la France à prendre sa part dans la défense de l’Europe et sa crédibilité comme allié au sein de l’OTAN. Cela illustre aussi les liens qui nous unissent à notre allié estonien. Vous le savez, les Estoniens ont été les premiers à engager un contingent, d’abord dans le cadre de l’opération Barkhane, puis au sein de la force Takuba.               Pour les unités déployées au sein de la mission Lynx, c’est également l’occasion d’une préparation opérationnelle interarmes et interalliée de haut niveau tournée vers la haute intensité.

 Les armées sont également très engagées sur le territoire national pour contribuer à la protection des Français. Chaque été, l’opération Héphaïstos participe à la lutte contre les feux de forêt. Les armées interviennent en appui des formations militaires de la sécurité civile et des sapeurs-pompiers, dont c’est le métier à part entière. La campagne 2021, qui s’est déroulée de fin juin à mi-septembre, a couvert vingt-trois départements et mobilisé quotidiennement cinquante militaires, qui ont été engagés sur 148 feux de forêt.

 Concernant l’opération Résilience, je mettrai l’accent sur le déploiement opéré aux Antilles. Depuis le 3 août, un module militaire de réanimation (MMR) de vingt lits a été activé par quatre-vingts militaires du service de santé des armées (SSA) et de l’armée de terre, insérés dans le centre hospitalier universitaire de Martinique. Au 30 septembre, plus de cent patients avaient été pris en charge. La situation évoluant favorablement, on s’oriente vers la fermeture progressive de ce MMR.

 Dans le cadre de l’opération Résilience, les armées contribuent au fonctionnement des centres de vaccination. Le SSA assure la vaccination du public au sein de ses hôpitaux, ouverts à tous, tandis que les armées ont installé des pôles militaires de vaccination (PMV) dont elles assurent l’accueil, le filtrage, la direction et le soutien logistique, du personnel soignant civil réalisant les actes médicaux. Au total, les hôpitaux d’instruction des armées (HIA) et les PMV ont injecté un million de doses. En outre, à eux seuls, la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris et le Bataillon des marins-pompiers de Marseille ont injecté 1,4 million de doses, en totale autonomie, avec leurs moyens propres, ce qui représente un effort hors norme.

 Les armées engagent en permanence 30 000 militaires en posture opérationnelle. L’armée française est une armée d’emploi, ce qui représente une vraie force. Notre monde est toujours plus incertain et dangereux, la conflictualité s’étend. Les armées doivent prendre en compte ces évolutions de fond pour garantir notre capacité à remplir les missions et les anticiper.

 J’en viens aux grandes lignes de ma vision stratégique, qui procède de la transformation considérable du contexte. Nous vivons dans un monde tripolaire dominé par trois puissances majeures, ce qui est inédit. Par ailleurs, deux de ces puissances entretiennent une très forte interdépendance économique, ce qui complique l’analyse et les jeux des uns et des autres. Si le réarmement est établi depuis assez longtemps, la détermination de certains à utiliser ces armes acquises est plus récente.

 Au-delà du rôle croissant des grands compétiteurs – Russie, Chine – je note également celui de la Turquie, de l’Iran et d’autres, et leur désinhibition vis-à-vis de l’emploi de la puissance militaire, ce qui se manifeste, sur le terrain, par davantage d’interactions, de frictions, voire un risque d’escalade aux niveaux tactique et opératif. Notre liberté d’action, comme nous venons de le constater en Afrique, s’en trouve contrainte. C’est un monde où les interactions ont davantage de portée stratégique. Cette évolution est récente mais nette.

 Vous le savez, l’ambition du Président de la République est de positionner la France comme puissance d’équilibre face à nos grands compétiteurs. Pour les armées, il est à la fois complexe et exigeant d’assumer ce statut. Cela implique de se montrer offensif sans jamais, ou rarement, bénéficier d’un rapport de force favorable, de saisir chaque opportunité très rapidement, tout en restant cohérent sur le long terme. Il faut être à la fois meneur et rassembleur. Vous le voyez, la posture n’est pas aisée mais elle est essentielle dans le contexte international.

 Cette stratégie de puissance d’équilibre portée par le chef des armées est le point de départ de ma réflexion : il s’agit de déterminer de quelle manière, par quelles voies et avec quels moyens les armées vont contribuer à cette stratégie ?

 De fait, le continuum « paix-crise-guerre », qui était notre grille de lecture stratégique depuis la fin de la guerre froide, ne suffit plus pour prendre en compte la complexité de la conflictualité. Le triptyque « compétition-contestation-affrontement » nous semble plus adapté. Je n’ai pas la prétention de dire que ce triptyque doit être universellement reconnu mais il nous est utile pour cadrer la réflexion des armées et expliquer leur positionnement.

 La compétition entre les nations, devenue le mode normal d’expression de la puissance, se déroule quotidiennement dans tous les domaines : diplomatique, informationnel, militaire, économique, juridique, technologique, industriel ou encore culturel. Pour jouer leur rôle dans la compétition, les armées doivent contribuer à la connaissance des compétiteurs, proposer des options militaires pertinentes dans tous les milieux et dans tous les champs, et participer à la signification de la détermination de la France, dans le cadre d’une stratégie globale et cohérente. Il s’agit d’infléchir la détermination de nos adversaires. Une grande partie du jeu se déroule dès ce moment et constitue une forme de « guerre avant la guerre ». La compétition n’est pas la guerre, mais déjà un premier engagement en amont.

 La contestation apparaît lorsqu’un acteur choisit de transgresser les règles communément admises. Les armées contribuent alors à lever l’incertitude, à empêcher l’imposition du fait accompli et à décourager l’adversaire. Durant cette phase, il faut être capable de réagir très vite et de manière déterminée. C’est ce que j’appelle la guerre « juste avant » la guerre.

 Enfin, l’affrontement survient lorsque l’un des acteurs, voulant pousser son avantage, persiste à recourir à la force pour atteindre ses objectifs et provoque une réaction d’un niveau au moins équivalent. C’est « la guerre ». Les armées doivent être capables de détecter les signaux faibles pour anticiper la bascule vers l’affrontement puis, si nécessaire, livrer bataille et gagner la guerre.

 Dès lors, quelle est mon ambition pour les armées ?

 L’effort doit d’abord porter sur les situations de compétition pour signifier notre détermination, prévenir le risque de fait accompli et d’escalade. L’enjeu est donc, pour les armées françaises, de « gagner la guerre avant la guerre », tout en étant apte à s’engager dans un affrontement de haute intensité. Autrement dit, notre objectif est de maintenir notre niveau d’ambition en faisant face d’abord à la menace la plus probable et en nous préparant à affronter la menace la plus dangereuse.

 En ce sens, l’ambition opérationnelle 2030, fixée par la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale, reste la référence pertinente. En effet, pour gagner la guerre avant la guerre, il faut être crédible et prêt à l’épreuve du feu.

 Pour cela, il faut non seulement cultiver l’audace et la prise de risque, ce qui suppose, effort majeur, d’être capable de travailler autrement, mais également s’engager dans trois directions.

 Il s’agit tout d’abord de renforcer et soutenir la communauté humaine des armées, qui représente notre richesse et notre force principale. Elle doit être résiliente, compétente et nous devons en exploiter la richesse et la diversité.

 Il faudra ensuite développer les capacités et adapter l’organisation des armées pour conquérir une supériorité multi-milieux et multi-champs, dans des domaines de conflictualité de plus en plus larges.

 Enfin, il faut faire de l’entraînement une nouvelle dimension des combats à mener en lien avec nos partenaires : se préparer aux opérations, envoyer des messages et être capable d’agir en coalition.

 La version définitive de cette vision stratégique sera diffusée dans le courant du mois. Vous en serez naturellement destinataires et nous pourrons échanger plus longuement sur le sujet si vous le souhaitez.

 J’en arrive au projet de loi de finances.

 Dans la continuité d’une exécution à l’euro près depuis 2019, ce PLF nous fournit les moyens d’atteindre les objectifs qui nous ont été fixés.

 Depuis 2019, dans le cadre d’un effort de défense soutenu, la LPM nous permet de réparer ce qui doit l’être et de renforcer la cohérence de notre modèle. Ce PLF s’inscrit dans la continuité de cet effort, et il y a là un motif de satisfaction évident. Il s’agit notamment de renforcer la communauté humaine des armées, qui est le premier axe de la vision stratégique, et de combler progressivement les ruptures temporaires de capacité, tout en continuant d’investir dans les domaines clés ou émergents.

 Le premier thème est évidemment le soutien « à hauteur d’homme ». Le PLF pour 2022 prévoit 1,6 milliard d’euros pour les petits équipements et le soutien de l’homme. Cela profite directement à nos soldats, aviateurs et marins, grâce à la livraison d’armement individuel : HK416, fusil de tireur d’élite, jumelles de vision nocturne, équipements spécifiques des forces spéciales ou encore l’acquisition de matériels de manutention et d’outillage destinés à la maintenance des équipements dans les bases, ports ou régiments.

 Le Plan hébergement, élément capital, bénéficie de 266 millions d’euros, ce qui se traduira notamment par la commande d’environ 5000 places d’hébergement et le financement d’une quarantaine d’opérations d’infrastructure supplémentaires, l’année prochaine.

 Ce PLF verra également la livraison de capacités majeures. Vous le percevez et les soldats le voient, les effets de la LPM commencent à être directement observables au sein des unités et des bases. L’année prochaine, pour l’armée de Terre, dans le cadre du programme Scorpion, 245 véhicules blindés, dont 119 Griffon, 108 Serval, les premiers à être livrés, et 18 Jaguar seront livrés aux régiments. Pour la marine, nous allons recevoir la deuxième frégate La Fayette rénovée et le premier bâtiment de ravitaillement de la flotte, le Jacques-Chevallier. Pour l’armée de l’air et de l’espace, deux A400M et trois MRTT supplémentaires seront livrés.

 Le PLF pour 2022 poursuit également la mise en cohérence de nos capacités. Ainsi, le sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) Suffren, outil exceptionnel, sera doté de missiles de croisière navals (MdCN) dont nous allons acquérir un troisième lot. Des missiles SCALP rénovés seront mis à la disposition de notre aviation de combat. Ces livraisons de MdCN et SCALP accroissent nos capacités de frappe dans la profondeur.

 En appui direct de notre vision stratégique, l’enjeu est d’être capable de gagner la guerre avant la guerre, en décourageant nos compétiteurs. À cet égard, le PLF pour 2022 reflète l’ajustement de la LPM décidé cette année afin de poursuivre le développement de notre aptitude à agir dans les nouveaux champs de conflictualité. Je pense à notre capacité à agir dans les domaines prioritaires que sont le cyber, la zone exo-atmosphérique et les fonds marins, mais aussi à des sujets spécifiques comme la lutte anti-drones.

 Dans le domaine spatial, le programme CERES (Capacité d'Écoute et de Renseignement Électromagnétique Spatiale) sera mis en service en 2022.

 Dans le cyber, nous faisons un effort important, notamment dans le domaine des ressources humaines, avec la création de 376 postes de cyber-combattants.

 Concernant les fonds marins, nous lancerons l’acquisition d’une première capacité exploratoire composée d’un drone et d’un robot sous-marin grands fonds.

 Enfin, dans la continuité de la création du programme de lutte anti-drone (LAD), qui structure nos efforts en ce domaine, nous lancerons l’acquisition de systèmes de protection de sites. Nous prévoyons d’utiliser les premiers systèmes pour la coupe du monde de rugby, en 2023, et les Jeux olympiques, en 2024.

 Dans cette guerre avant la guerre, vous comprenez l’importance d’agir dans le champ des perceptions. La préparation opérationnelle, notamment les grands exercices nationaux et multinationaux, est un moyen d’afficher notre détermination. Nous devons exploiter toutes les occasions qui nous seront offertes de nous entraîner selon les standards les plus élevés, avec nos alliés et nos partenaires, afin de conserver une aptitude opérationnelle élevée et être prêts à nous engager si nécessaire, face à des adversaires capables d’employer des moyens du même niveau. Je pense, par exemple, au déni d’accès et aux stratégies hybrides.

 J’en arrive au rapport entre le PLF pour 2022 et le deuxième volet de l’ambition de ma vision stratégique, c’est-à-dire la capacité à s’engager dans un affrontement de haute intensité, qui fonde notre crédibilité. Plus précisément, l’idée est de disposer d’armées aptes à s’engager dans un conflit de haute intensité au sein d’une coalition, dans des délais de montée en puissance que l’on doit s’attacher à réduire mais qui existeront toujours.

 En toile de fond, l’ambition opérationnelle 2030 sert à la fois de référence et de point à atteindre. Nous ne sommes qu’à mi-chemin de cette ambition. Pour les avoir votés, vous savez les efforts consentis par la nation pour reconstruire un modèle d’armée crédible, équilibré et cohérent. C’est pourquoi je veux insister sur le maintien de la dynamique d’effort de défense initiée par cette LPM. Le contraire se traduirait par des retards, des coûts supplémentaires induits par la renégociation de programmes en cours ou des reports de programmes futurs. Cela nuirait significativement à la capacité opérationnelle des armées. À ce titre, la prochaine LPM sera déterminante pour la crédibilité de notre modèle. Elle devra porter la réalisation des grands programmes structurants qui seront une brique essentielle de cette capacité à s’engager dans l’affrontement. Je pense naturellement au système de combat aérien du futur (SCAF), pour l’armée de l’air et de l’espace, au porte-avions de nouvelle génération (PANG) pour la marine nationale et au système principal de combat terrestre (MGCS – Main Ground Combat system) pour l’armée de terre, autant de capacités indispensables pour s’engager dans le haut du spectre.

 Il s’agira, parallèlement, de poursuivre nos efforts avec agilité et créativité pour nous adapter aux évolutions de la conflictualité.

 Il me semblait important de vous présenter la cohérence que j’entends établir entre nos opérations militaires actuelles ou à venir, la vision stratégique pour les armées et, au-delà de la LPM, l’importance du projet de loi de finances sur lequel vous vous prononcerez. Cet effort de défense nous permettra de faire face aux défis qui se dressent devant nous. Je sais que vous en mesurez toute l’importance.

 

 M. Jacques Marilossian. Le projet de loi de finances pour 2022 est conforme à la loi de programmation militaire 2019-2025. Il concrétise, pour la cinquième année de suite, les efforts budgétaires voulus par le Président de la République afin de redonner à nos armées les moyens d’atteindre les objectifs fixés par la Revue stratégique de 2017 en bâtissant un modèle d’armée complet et équilibré dans la durée. En étant parfaitement exécutée depuis quatre ans, la LPM permet une régénération capacitaire de nos armées, un renouveau du maintien en condition opérationnelle, un effort majeur dans le recrutement et la formation de nos soldats, marins et pilotes, ainsi qu’un investissement important dans le cyber, l’espace et l’innovation de défense.

 La ministre des armées a déjà annoncé l’accélération de plusieurs programmes de la LPM afin d’adapter nos forces à la multiplication des menaces. Néanmoins, depuis plusieurs années, l’art de la guerre évolue. Si j’ai bien compris vos récentes déclarations, nous devons faire face au nouveau défi stratégique de gagner la guerre avant la guerre, puisque les puissances étatiques comme la Russie ou la Chine développent des actions autres que strictement militaires, dans des domaines multiples comme la diplomatie, la désinformation, l’économie, le spatial ou le droit international. À cela vont s’ajouter les conflits hybrides, un recours permanent aux drones ou à des innovations technologiques militaires, ainsi que l’emploi de milices et de sociétés privées armées, autrement dit, de mercenaires.

 Le dernier exemple de conflit, le plus cruel, à mes yeux, a été la guerre du Haut-Karabakh menée par l’Azerbaïdjan au moyen de drones, de bombes au phosphore et de mercenaires syriens engagés par la Turquie. Nous savons qu’avant le déclenchement de cette guerre, le régime azéri avait pratiqué « la diplomatie du caviar », qui n’est autre qu’une vaste pratique de corruption internationale. Il ne lui restait plus qu’à être soutenu par la Turquie et par des milices islamistes venues de Syrie pour attaquer, avec des drones armés, les forces du Haut-Karabakh.

 Général, la guerre est bien l’affrontement de volontés au moyen de stratégies hybrides qui se développent et évolueront dans les prochaines décennies. Vous l’avez dit, ces volontés sont devenues des compétitions entre puissances étatiques qui obligent la France à investir et à anticiper dans le champ des perceptions, ce qui passe par la lutte informationnelle face à nos adversaires extérieurs, mais aussi à l’intérieur pour maintenir le recrutement dans nos armées où nous connaissons des tensions. Face au développement de cette guerre des perceptions, le projet de loi de finances pour 2022 répond-il suffisamment aux besoins de nos armées ? Ne faudrait-il pas créer un bataillon informationnel ? Si un effort budgétaire supplémentaire était encore possible, quelles seraient les urgences sur le plan capacitaire ?

 M. Jean-Louis Thiériot. Mon général, notre pays présente la singularité d’avoir un modèle d’armée complet pour une puissance d’équilibre qui assume des ambitions mondiales. Les récents événements avec l’Australie et la création de l’alliance AUKUS remettent en question l’avenir de la France comme puissance de la zone indopacifique. Des commentateurs estiment que notre crédibilité est atteinte par les moyens limités que nous sommes capables de déployer dans la zone : pas de navires de premier rang en permanence, des patrouilleurs hors d’âge, des bases qui ne sont pas des vitrines, comme nous en avons aux Émirats arabes unis.

 Pour continuer à peser dans cette zone, devons-nous renforcer notre effort naval ? Je vous pose d’autant plus la question que, dans le cadre de la stratégie Global Britain, le livre blanc britannique publié en mars 2021 met l’accent sur le domaine naval en visant un objectif de trente coques de premier rang à échéance 2030. Comment interprétez-vous ce projet britannique ? Est-il financé ? La France doit-elle aller plus loin dans une stratégie du Sea Power, quitte à renforcer les moyens de la marine ?

 Enfin, mon collègue Jacques Marilossian a évoqué les sociétés militaires privées, notamment le groupe Wagner qui s’apprêterait à jouer un rôle au Mali. La France doit-elle envisager de fixer un cadre réglementaire pour autoriser la création de sociétés militaires privées et disposer aussi de ce soft power ?

 

 Mme Josy Poueyto. L’annulation du contrat de vente de sous-marins à l’Australie a mis la vision stratégique de la France dans l’espace indopacifique sous les feux de l’actualité. Cette affaire a rebattu les cartes dans cette partie du monde où la France est le seul État de l’Union européenne à exercer une présence non négligeable dans une dizaine de millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive (ZEE). Nous sommes la deuxième nation à y être représentés, forts de l’appui d’une force maritime et de la présence d’environ deux millions de ressortissants.

 Le projet de budget pour 2022 répond-il aux nouveaux enjeux qui se dessinent ? Disposons-nous des moyens capables de montrer la voie à des partenaires de l’Union pour défendre les intérêts européens ? Le temps est-il venu de préciser notre concept de prépositionnement, comme le font les Britanniques ? Est-il devenu opportun d’organiser la maintenance directe de bateaux dans le secteur indopacifique ?

 

 M. Thomas Gassilloud. Si nous sommes confiants dans notre chef d’état-major des armes (CEMA), c’est que nous l’avons vu œuvrer comme chef d’état-major de l’armée de terre (CEMAT) et parce que nous retrouvons dans votre parcours aussi bien le légionnaire que le stratège ou le communicant, toutes qualités nécessaires dans vos nouvelles fonctions.

 Depuis la fin de la guerre froide, nous avons vu reculer la défense opérationnelle du territoire. Depuis une dizaine d’années, la gendarmerie est rattachée au ministère de l’intérieur. Ce matin, le directeur général de la gendarmerie nationale a vanté ses bonnes relations avec les armées. Certains pays intègrent dans leur stratégie d’engagement total les forces de sécurité intérieure. C’est un peu moins le cas dans notre pays du fait de la dissuasion nucléaire. Toutefois, dans certains territoires de la République, notamment les territoires d’outre-mer, les premiers qui pourraient s’opposer au fait accompli sont nos gendarmes. Ont-ils toute leur place dans notre stratégie de défense nationale ?

 Concernant la lutte informationnelle, je vous invite à lire le scénario de la Red Team, Chronique d’une mort culturelle annoncée, décrivant une société où les réseaux sociaux ont pris une importance telle que les armées interviennent dans des contextes informationnels très hostiles. De violentes campagnes de désinformation sont menées dans certains théâtres. Il est urgent d’engager fermement une stratégie de lutte informationnelle. Quelles sont les actions urgentes à lancer ?

 La stratégie de puissance d’un pays repose aussi sur des leviers non militaires. Au Sahel, nous voyons bien que l’excellence de nos résultats tactiques n’est pas la seule solution. En tant que chef militaire, vous sentez-vous libre de faire à nos autorités des propositions pour que notre pays puisse recourir à des leviers non militaires ?

 

 M. Jean-Christophe Lagarde. La crise du Covid ayant entraîné le report de préparation de la révision de la LPM après l’élection présidentielle, je souhaite vous faire part de quelques inquiétudes.

 Dans le conflit du Haut-Karabakh comme dans la vallée du Panchir, l’emploi des drones a été déterminant. Les Arméniens ont été écrasés en quelques heures et la vallée du Panchir, réputée inexpugnable, est tombée en trois jours. Nous avions du retard en ce domaine. En cas de conflit chaud, la France est-elle suffisamment armée ?

 Les Russes viennent de tester avec succès des missiles à haute vélocité. Quelle est la capacité de protection de nos bâtiments face à ces nouvelles armes, qu’elles soient chinoises, russes ou autres ?

 La multiplication des drones sous-marins donne plus de chances à des puissances hostiles de repérer un sous-marin adverse. Notre unique sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) en mer pourrait être repéré, voire neutralisé, faisant alors reposer exclusivement la dissuasion sur notre composante aérienne. N’est-il pas temps de changer de posture en mettant deux sous-marins à la mer pour réduire la probabilité de repérer les deux en même temps ?

 Nous savons que les conflits de haute intensité deviennent plus probables. Or, si nous avons un modèle d’armée complète, il est échantillonné. Si un conflit de haute intensité impliquant la France devait survenir, nous n’aurions ni la base militaro-industrielle ni le nombre d’équipements nécessaire pour tenir longtemps, que ce soit en moyens aériens ou en moyens blindés. Ne convient-il pas, pour la montée en charge de la seconde partie de la LPM et de la future LPM, d’engager une réflexion à ce sujet.

 Enfin, vous dites que 2500 hommes sont redéployés au Sahel et que nous ne viendrions plus qu’en soutien. Si le Mali ne veut plus de nous, d’autres pays restent en danger. Si ces événements politiques se produisaient dans les pays voisins, le redéploiement de nos forces est-il envisagé afin de garantir la poursuite de la lutte contre les terroristes ?

 

 M. Bastien Lachaud. Je regrette d’autant plus la tenue à huis clos de cette audition que je ne crois pas avoir entendu de propos de nature à le justifier. Je regrette aussi que la presse ait eu la primeur de votre vision stratégique, avant le Parlement. J’ajoute que la publication tardive des annexes budgétaires nous empêche de vous interroger avec précision sur les budgets des programmes dont vous avez la charge. C’est pourquoi mes questions porteront sur les grandes masses.

 Comment expliquer l’explosion du stock d’autorisations d’engagement du programme Préparation et emploi des forces, qui est passé de 15 à 27 milliards d’euros en deux exercices budgétaires ? Envisagez-vous de le résorber par la création des crédits de paiement correspondants et à quelles échéances ? Dans le même programme, comment expliquer l’augmentation de 30 millions d’euros de la ligne budgétaire Éducation et culture ?

 

 M. Jean Lassalle. Mon général, Mme la ministre des armées nous disait hier que le budget militaire britannique était équivalent à celui de notre pays. Les Anglais ont publié un livre blanc sur la marine et, depuis un petit millénaire, nous savons quelle est notre relation.               Ce budget ne leur offre-t-il pas des possibilités nouvelles d’intervention, d’autant qu’ils sont, au moins moralement, en partie déchargés du rôle, pour nous essentiel, de protection de l’Union européenne ?

 Vous avez évoqué la situation dans la vaste Afrique. J’ai le sentiment que, même bien organisées, nos troupes sont clairsemées sur ces immenses territoires, et nous n’avons plus la base que nous avions au Mali. En Afghanistan, il est difficile de savoir qui fait quoi. Le moment n’est-il pas venu de trouver un autre point d’appui ? Sous la houlette des Russes ou des Turcs, des groupes violents viennent de Syrie. Je crois savoir que les discussions avec le régime syrien ont commencé. N’est-il pas temps d’essayer d’établir, quoi qu’il en coûte, une relation qui garantirait notre sécurité, sachant que dans l’espace indopacifique, nous avons la plus grande façade maritime ?

 

 Général Thierry Burkhard, chef d’état-major des armées. Madame la présidente, je commencerai par répondre à votre première question. Que l’on soit CEMA ou CEMAT, on réfléchit et on décide de la même manière mais pas avec les mêmes lunettes et en ne regardant pas les mêmes choses. Quand j’avais la responsabilité de la préparation des forces, je répondais sur ce sujet. Aujourd’hui, je vous réponds sous l’angle de l’engagement des forces, en tant qu’employeur des unités préparées et opérationnelles.

 Nous avons pris conscience de la nécessité d’agir plus fortement dans le champ informationnel. La ministre présentera prochainement un projet sur la lutte informatique d’influence (L2I). Il convient de mettre en place des structures et une organisation, ce à quoi la vision stratégique contribue. Les armées s’orientent dans cette direction. Le sujet est donc pris en compte, en particulier dans le premier axe de l’ajustement visant à détecter et à contrer.

 Nous manque-t-il des capacités ? Nous travaillons toujours de manière lancée. La LPM visait à réparer l’armée française, puis à la moderniser. Une grande partie des programmes a été engagée, chaînée avec d'autres programmes. Le PANG, le SCAF et le MGCS suivent la mise en place des programmes SCORPION et de frégates de défense et d’intervention (FDI). À la vitesse à laquelle le monde évolue, on ne peut se permettre d’attendre la fin de la LPM pour prévoir une réorientation. L’ajustement vise à un équilibrage, en particulier sur les axes d’effort du PLF 2022. Quand on parle de domaines émergents, j’ai l’impression qu’on est en retard. À mon sens, ce sont des domaines prioritaires bien identifiés comme le cyber, la lutte anti-drone, les drones ou l’espace exo-atmosphérique, l’intelligence artificielle et la numérisation. On peut toujours disserter sur le point de savoir s’il faut un peu plus de ceci ou un peu plus de cela, mais la logique est bonne. Quand on regarde tous les paramètres, on constate que l’on va dans la bonne direction.

 Continuons-nous à peser dans la zone indopacifique ? Faut-il augmenter les moyens navals ? Le Président de la République ne définit pas la France comme une hyperpuissance mais comme une puissance d’équilibre. Tout en me gardant de faire l’exégèse des propos du Président, j’ai dit comment cela pouvait se traduire d’un point de vue militaire. En tant que puissance d’équilibre, on est forcé de jouer un jeu où l’on est rarement en position de force et où l’on doit toujours calculer finement comment agir.

 En outre, qu’on soit hyperpuissance ou, plus encore, puissance d’équilibre, on ne peut tordre la réalité géographique : plus on s’éloigne et moins l’influence est facile à exercer.

 La zone indopacifique est notre zone d’influence la plus éloignée, mais la France y a des intérêts. Sur ces plus de dix millions de kilomètres carrés où vivent deux millions de Français, sont déployés 7 000 militaires, des marins, des aviateurs, des terriens, des gendarmes et des militaires du SMA. Peut-on ou doit-on y consacrer plus de moyens ? En tant que puissance d’équilibre, il convient de savoir peser de manière équilibrée sur l’ensemble du monde. Nous devons raisonner par cercles concentriques et il ne me semble pas incohérent que notre capacité d’influence instantanée y soit moins forte.

 En outre, l’influence d’une puissance d’équilibre ne s’exerce pas uniquement par des capacités militaires. Parler d’une troisième voie dans la zone indopacifique pourrait laisser penser qu’il existe une voie médiane entre la Chine et les États-Unis. Or, en défendant nos valeurs dans le monde entier, en particulier dans la zone indopacifique, nous ne nous situons pas exactement à mi-chemin entre les deux. Nous représentons davantage une deuxième voie et demie qu’une troisième, laquelle revêt néanmoins une grande importance. Pour les États-Unis, un pays avec notre positionnement peut sans doute être utile pour rallier des États, sans les forcer à choisir entre l’un et l’autre, ce qu’en situation normale, ils n’aiment pas faire. Dans ce cadre, nous pouvons leur proposer une forme d’alternative.

 La France ne reconnaît pas et ne veut pas utiliser de « sociétés militaires privées » employant des personnes armées. Il existe de rares exceptions pour la protection de nos bâtiments civils, à la mer, dans des conditions précises définies par la loi. Faut-il y réfléchir ? Il ne faut s’interdire de réfléchir à rien, mais aujourd’hui, le rapport entre inconvénients et avantages n’est pas favorable.

 La France est le seul pays de l’Union européenne ayant à la fois des intérêts, des ressortissants et des possessions dans la zone indopacifique. Si les autres pays sont moins présents, ils le sont quand même. L’Allemagne a déployé une frégate et d’autres s’y déploient plus occasionnellement. Dans ce domaine comme dans d’autres, nous devons exercer un effet d’entraînement pour inciter d’autres pays européens à agir de manière plus coordonnée. Cela ne veut pas dire que nous devrions être plus ensemble là-bas mais que nous pourrions nous répartir la présence. Nous avançons pas à pas mais la Chine dispose d’importants moyens de pression directs ou indirects et, comme puissance d’équilibre, notre force d’entraînement doit être bien mesurée.

 Faut-il réaliser des opérations de maintien en condition opérationnelle de nos bâtiments outre-mer et en particulier dans cette zone ? C’est déjà le cas en grande partie. Entre la Guyane et les Antilles, ces opérations sont mutualisées. Nous avons un dock flottant en Polynésie.

 La gendarmerie s’intègre davantage dans la politique de défense outre-mer que sur le territoire métropolitain. En tout cas, en situation normale, s’il existe des règles de répartition des missions, les échanges sont fréquents. En situation détériorée, cela permet, de partager facilement nos expériences. Vous avez raison de rappeler la demande d’entraînement du DGGN pour ses pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG), après les trois gendarmes tués à Saint-Just. Rapidement mis en place, le dispositif fonctionne très bien.

 J’ai mentionné le fait qu’un rapport sur la lutte informationnelle était en préparation. Nous devons progresser rapidement car nos marges de progrès sont importantes.

 Concernant les leviers de puissance, beaucoup d’entre vous sont allés sur les théâtres d’opérations. Le levier militaire ne suffit pas. C’est pourquoi on parle des « trois D » : défense, développement, diplomatie. Cela doit être fortement coordonné. Ai-je toute liberté pour faire des propositions dans ce domaine ? On a la liberté qu’on prend, mais ce n’est pas toujours suffisant, non en raison de la mauvaise volonté des acteurs, mais parce que pour ces sujets, les temps sont différents. Nous pouvons faire mieux, mais beaucoup est déjà fait. En particulier, dans la bande sahélo-saharienne, un responsable de l’agence française de développement (AFD) est positionné auprès du COMANFOR de Barkhane pour faciliter la synchronisation des projets de développement. La diplomatie est un levier qui peut s’exercer sur la gouvernance des pays de la région, même si la tâche n’est pas facile.

 C’est vrai, les drones sont un élément déterminant. On ne peut plus dire que la France est en retard, mais elle n’est pas encore en avance… Le CEMAT que vous auditionnerez bientôt vous parlera de l’arrivée du Patroller. Des capacités sont en cours de déploiement. Le Reaper Bloc 5 a été déployé. Vous direz que nous avons moins de drones que la Turquie. Oui, nous devons continuer à faire un effort pour les drones. Ils ont un effet important sur le champ de bataille lorsque certaines conditions sont réunies. Ce n’est pas l’arme absolue permettant de tout faire en toutes circonstances. C’est aussi une excellente arme de guerre informationnelle, toujours séduisante, car on ne montre que des images où le drone voit sa cible, tire et l’atteint, alors que cela ne se passe pas toujours exactement comme ça. Mais l’effet psychologique n’en est pas moins négligeable. Quelqu’un avait dit que le ciel du Haut-Karabakh avait été obscurci par l’arrivée de drones adverses : c’est justement l’image que cherche à donner celui qui les emploie.

 Un tir russe de missile à haute vélocité a été effectué récemment. Ils ne sont pas les seuls à en développer mais c’est un vrai sujet. Le tir d’un missile n’en fait pas une arme opérationnelle mais il doit inciter à engager des réflexions en matière de défense et de vulnérabilité. C’est la course permanente entre le bouclier et l’épée.

 Concernant le risque lié à la multiplication des drones sous-marins, celle-ci réduit peut-être la marge de manœuvre d’un SNLE en patrouille, mais celle-ci demeure incontestable. Rappelons que nous avons deux composantes nucléaires, afin qu’aucun adversaire ne puisse penser pouvoir annihiler notre dissuasion grâce à une percée technologique.

 

 M. Jean-Christophe Lagarde. Pourquoi pas deux SNLE à la mer ?

 

 Général Thierry Burkhard, chef d’état-major des armées. Parce qu’il n’y a pas de besoin et que pour tenir une posture permanente à deux, il en faudrait sans doute six, avec le nombre de têtes correspondantes.

 Vous pouvez voir notre modèle comme échantillonnaire. Le modèle britannique l’est un peu moins grâce à un effort accru sur certaines niches et l’abandon complet ou quasi-complet de certaines capacités. Je ne critique pas la posture britannique mais, outre le fait qu’un pays est une île et l’autre plutôt continental, la grande différence entre les armées française et britannique, c’est qu’en France, quand le centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) prépare une opération, il recommande la plupart du temps au pouvoir politique de la conduire en coalition. Mais, à défaut de coalition – en clair, si les Américains décident de ne pas s’engager – il peut et doit toujours être en mesure de proposer une option au Président de la République. Les Britanniques conçoivent très probablement de s’engager uniquement au sein d’une coalition avec les Américains, ce qui induit des différences de conception de nos modèles d’armée.

 L’opération Barkhane, ce ne sont pas 2 500 militaires, mais un peu plus de 5 000, avant la diminution prévue. Même avec 5 000 hommes, on ne peut tenir la bande sahélo-saharienne. Y mettrait-on la totalité de l’armée française que ce serait probablement encore insuffisant. Ce n’est pas, stricto sensu, une question de volume. C’est le message adressé par le Président de la République aux pays de la région : c’est à eux d’être capables d’assurer leur sécurité. Nous pouvons les aider mais ils ne doivent pas penser que nous le ferons à leur place.

 Je n’ai bien évidemment pas donné la primeur de la Vision stratégique à la presse mais aux militaires que je commande. Vendredi dernier, j’ai tenu la réunion des commandeurs, auxquels j’ai livré ma vision stratégique, parce que c’est à eux qu’elle s’adresse. Vous êtes aussi informés par la presse et je vous en ai dit davantage que vous n’en avez lu dans les journaux.

 La réforme du maintien en condition opérationnelle (MCO) aéronautiques passe par un changement de stratégie et l’introduction de contrats verticalisés. Souscrits sur un temps plus long et sur un périmètre plus large, ils induisent des engagements initiaux importants, ce qui explique l’augmentation du niveau des autorisations d’engagement. Les flottes soutenues, lorsqu’elles sont anciennes, nécessitent également d’intégrer la gestion de fin de vie aux contrats.

 J’ai répondu au sujet des budgets britannique et français. Les Britanniques ne se positionnent pas de la même manière. Outre la nécessité d’avoir la capacité d’intervenir seuls, nous souhaitons pouvoir conduire une coalition, ce qui nécessite des moyens spécifiques.

 Dans la BSS, nous sommes dispersés comme nous pouvons l’être avec les effectifs dont nous disposons. En Afrique, il ne faut jamais s’appuyer sur un seul point. Nous avons plusieurs points d’appui et nous devons évoluer. D’ailleurs, le Mali a-t-il jamais été considéré comme un point d’appui ? C’était le point d’application majeur de l’opération Barkhane, mais ce n’était pas véritablement notre point d’appui. Nos points d’appui historiques dans la région sont le Tchad et la Côte d’Ivoire, avec le Sénégal et le Gabon. Nous avons d’autres partenaires avec lesquels cela se passe très bien, comme le Niger où nous sommes installés.

 

 Mme Patricia Mirallès. L’armée française est reconnue pour sa rusticité. Ce terme révèle la capacité d’adaptation de nos cadres et de leurs troupes, qui résulte de la qualité de formation de nos officiers, sous-officiers, soldats de toutes nos armées, mais aussi de leur qualité d’initiative et de la liberté d’action qui leur est accordée. Cette marge de manœuvre est toutefois entravée par la lourdeur administrative. L’application, ces dernières décennies, de critères de jugement et d’évaluation civils à cet espace si particulier a conduit à une judiciarisation parfois outrancière de nos armées. Au-delà des désagréments quotidiens, cette lourdeur administrative contraint l’esprit d’initiative de nos chefs et menace la cohérence opérationnelle de nos forces. Cette tendance se reflète également dans la gestion foncière et infrastructurelle de nos armées. Les unités sont régulièrement confrontées à des appels d’offres ouverts à des entreprises privées pour réaliser des travaux que certaines unités de nos armées seraient en mesure de réaliser. Comment améliorer la fluidité d’action de nos cadres et comment pouvons-nous les aider à y parvenir ?

 

 M. Jean-Jacques Ferrara. Général, puisque vous évoquiez la capacité de la France à faire montre de sa puissance dans l’espace indopacifique, permettez-moi de rappeler à mes collègues qu’en 2021, l’armée de l’air et de l’espace a déployé plusieurs Rafale et des MRTT en moins de quarante-huit heures à Tahiti, dans le cadre de la mission Heiphara, en simulant un raid et une frappe. Cela a été remarqué par nos alliés américains.

Les Grecs et les Croates souhaitent acquérir des Rafale R. Les douze appareils d’occasion destinés à la Grèce et les douze appareils sans doute acquis demain par la Croatie, soit vingt-quatre appareils, seront prélevés sur l’armée de l’air et de l’espace, qui en compte 102. Certes, après la commande par la ministre des armées de douze appareils neufs attendus d’ici à 2025, nous pouvons espérer que l’armée de l’air dispose de 117 appareils à l’horizon 2025, contre les 129 initialement prévus par la LPM, mais cette ponction n’est pas sans conséquence.

 Je m’interroge sur l’éventuelle contribution de l’Aéronavale au soutien à l’exportation du Rafale. Plusieurs pistes sont envisagées, de la tenue plus régulière par les Rafale marine du plot ouest de la posture permanente de sûreté aérienne à leur participation accrue à l’opération Chammal depuis la base aérienne projetée en Jordanie, sans oublier une contribution à la formation des équipages étrangers. On nous dit que l’état-major des armées a engagé des réflexions à ce sujet. Comment envisagez-vous les choses ? Ni marin ni aviateur, on ne pourra pas vous accuser de partialité.

 Quelle est votre appréciation du format de l’aviation de combat dans la perspective d’un conflit de haute intensité ? Si la masse n’est pas tout, elle est indispensable. En vingt-cinq ans, nous serons passés de 374 à 225 avions de combat. Les Rafale sont polyvalents, mais pas les Mirage. Une étude de l’Institut français des relations internationales (IFRI) relève que la cible du Livre blanc, fixée à 300 avions de combat polyvalents pour 2025, a été réduite de 25 % en dix ans, alors même que la supériorité aérienne occidentale est remise en cause. C’est pourquoi, il y a tout juste un an, à votre place, votre prédécesseur indiquait que, malgré la LPM, l’armée française ne saurait se mesurer à des adversaires équivalents dans le cadre de combats de haute intensité. Le format de l’aviation de combat aux horizons 2025 et 2030 vous paraît-il à la hauteur des enjeux ?

 

 M. Christophe Lejeune. Mon général, en tant que rapporteur des crédits du programme 146, mes interrogations porteront sur l’investissement dans les nouveaux champs de conflictualité, le spatial, le cyber ou les grands fonds marins, au cœur de l’actualisation de la Revue stratégique. La documentation budgétaire n’est toutefois pas toujours lisible, au point que les parlementaires peinent parfois à mesurer la réalité et le contour des investissements.

 L’année 2022 verra la livraison de nouvelles capacités de renseignement, d’observation et de télécommunications spatiales dans le cadre des programmes CERES, CS0 MUSIS et Syracuse. Où en sont les réflexions de l’état-major des armées dans le domaine de l’espace ? Nos investissements vous paraissent-ils à la hauteur des enjeux ?

 S’agissant du cyber, le PLF soutient le recrutement de 372 postes et un effort d’investissement de 231 millions d’euros, indispensable pour doter les armées de nouvelles capacités en matière de chiffrement, de cryptographie et de lutte informatique offensive et défensive. Quels seront les efforts poursuivis en 2022 dans le domaine cyber ?

Quant au domaine, ô combien stratégique, des fonds marins, je m’interroge sur l’incidence du report dans le temps du développement du système de lutte anti-mines du futur SLAM-F et du programme CHOF (capacité hydrographique et océanographique du futur) décidé dans le cadre de l’actualisation de la programmation. Cela d’autant que les ressources allouées au domaine des grands fonds apparaissent relativement modestes au regard des enjeux et des initiatives étrangères.

 

 Mme Sereine Mauborgne. Après le redéploiement de l’opération Barkhane, peut-on espérer que le surcoût lié aux opérations extérieures (OPEX) sera moins élevé ?

Concernant la préparation des forces, le durcissement et l’aguerrissement tendront-ils vers des normes plus élevées après le redéploiement de Barkhane ?

 Le prochain rapport budgétaire du programme 178, que je présente, traitera d’un sujet que vous avez développé dans l’armée de terre, la Task Force Simplification, et son effet direct sur le gain de temps de l’entraînement. Quelle est votre vision stratégique de CEMA de la simplification ? Ce travail que vous avez initié porte ses fruits. L’entraînement des PSIG dans les DOM-TOM est un exemple efficient de ce qu’on peut faire en matière de simplification et de subsidiarité.

 Dans le contexte de conflictualité que vous décrivez avec pédagogie, envisagez-vous de créer un état-major dédié à l’urgence opérationnelle ?

 

 M. Fabien Lainé. Général, je vous rassure, nous n’avons pas tous pris ombrage de la présentation de votre vision stratégique dans la presse du soir. Cela se fait dans une démocratie mature et cela nous a permis de mener une réflexion préalable à votre audition et d’enrichir nos échanges.

 Au MODEM, nous nous réjouissons de votre prise de position en faveur de l’idée de « gagner la guerre avant la guerre » car, depuis quatre ans, nous avons proposé, avec plus ou moins de succès, l’introduction de la notion de « guerre hors limites » dans la loi de programmation militaire.

 Pourriez-vous revenir sur la notion de niveau opérationnel dans les moyens de mise en œuvre ? Envisagez-vous des actions interministérielles avec Beauvau ou Bercy, ce qui paraît indispensable pour faire la guerre par des moyens non militaires hybrides, économiques, technologiques et informationnels ?

 

 M. Philippe Meyer. Ce printemps, avec notre collègue Gwendal Rouillard et sous la présidence de Françoise Dumas, nous avons conduit une mission d’information au Moyen-Orient dans la perspective de l’après « Chammal ». Nous avons réalisé quatre-vingts auditions et rencontré nos armées et forces spéciales, aux Émirats, en Irak, dans la partie kurde et en Jordanie. Nous en avons parlé à nos collègues de la commission en juillet et publié notre rapport au mois d’août. Nos armées réalisent un travail remarquable de formation, de surveillance, de soutien aux armées régulières de ces pays pour lutter contre Daech. Les dirigeants des pays et les chefs des armées qui accueillent nos soldats ont souligné l’importance de la présence de la France à leurs côtés, perçue comme une puissance d’équilibre et non comme une puissance de domination. La qualité des relations tissées sur le terrain par nos hommes est reconnue.

 Le retrait brutal et désordonné de l’armée américaine d’Afghanistan éveille des inquiétudes dans l’ensemble des pays du Moyen-Orient. Le risque de déstabilisation par le courant islamiste est réel. Percevez-vous des risques de nouveaux retraits américains dans les pays du Moyen-Orient, en particulier en Irak ? Comment voyez-vous évoluer la présence militaire française dans cette zone ?

 

 Général Thierry Burkhard, chef d’état-major des armées. Vous avez touché du doigt la manière dont nous formons et entraînons notre personnel, leurs qualités et leur choix de rejoindre les armées, ce qui, pour un jeune Français, n’est pas le plus facile ou le plus naturel. Merci d’être allée à leur contact. On vous a parlé de la lourdeur administrative, sujet dont on se plaindra toujours, mais dont nous sommes en partie responsables. Il n’est pas facile d’échapper à la judiciarisation, sauf à être en dehors des normes. En revanche, il faut se battre contre des normes appliquées sans distinction ni finesse, ce qui n’a pas lieu d’être.

 L’armée de terre a engagé une véritable lutte contre la complexité. Comme le dit le général Ollier : « simplifier, c’est compliqué ». Une part de la lourdeur des normes et des procédures nous incombe. Leur application ne se justifie pas toujours, au regard de la qualité des soldats, des officiers ou des sous-officiers. Le contrôle a priori est source de complexité et anti-simplification, alors qu’on peut fluidifier en faisant confiance aux gens. La simplification produit des gains. À l’époque, je n’avais pas trouvé que cela produisait un gain horaire très fort, mais cela donnait du meilleur temps, du temps mieux utilisé. On était plus efficaces, on faisait mieux ce qu’on avait à faire. Un travail plus délié avait aussi une forte incidence sur la santé mentale des gens.

 Du point de vue du CEMA, en termes de simplification, chacune des armées a une bonne partie du travail à faire. Je ne l’ai pas développé dans la présentation que je vous ai faite de la vision stratégique, bien que ce soit un élément essentiel pour « gagner la guerre avant la guerre ». Cela nécessite d’y consacrer du temps et surtout de travailler autrement. Pour l’état-major des armées, travailler autrement, c’est travailler de manière plus fluide, s’appuyer sur des méthodes modernes, de mise en situation comme des wargamings faciles et rapides à mettre en œuvre. Travailler autrement, c’est la mission du major général des armées. Le général Autellet, avec lequel nous sommes parfaitement en phase, s’attachera à faire en sorte que l’état-major des armées conçoive comment travailler autrement. Cela ne sera pas facile dans un système où les habitudes sont ancrées et où l’on croit à ce qu’on fait, mais je suis persuadé que nous pouvons faire beaucoup mieux. Cela requiert une grande part d’exemplarité pour montrer comment faire ce qu’on dit de faire. Partant d’en haut, cela irriguera naturellement les armées, où il faut s’adapter à la manière de faire du niveau supérieur.

 Travailler autrement, c’est aussi privilégier l’audace et la prise de risque. Même dans notre système, on prend de moins en moins de risques. Or si on ne prend pas de risques, on ne peut pas gagner, surtout pour une puissance d’équilibre.

 Merci d’avoir rappelé la remarquable projection de puissance réalisée par l’armée de l’Air et de l’Espace, qui a impressionné tout le monde, y compris nos alliés et amis.

 Il faut se réjouir du choix du Rafale par des pays européens. La Grèce s’équipera en outre de frégates de défense et d’intervention et. Cela montre une prise de conscience de la nécessité d’une défense collective européenne. Quant aux chiffres, en 2025, la cible était de 129 Rafale, mais une fois enlevés les deux fois douze et ajoutés ceux qui seront achetés, on se retrouvera à 117. Votre calcul est juste, il manque bien douze Rafale.

 La contribution de l’Aéronavale est prise en compte par l’état-major des armées, qui réfléchit avec l’armée de l’Air et de l’Espace et la Marine. Pour moi, il n’y a pas de tabou. Les choses sont claires, l’objectif étant d’avoir les capacités les plus complètes possible et le déficit de l’un étant comblé par la petite capacité supplémentaire de l’autre. Une approche organique peut être l’échange de pilotes ou de formations de mécaniciens, des échanges capacitaires, l’accélération de livraisons d’équipements. Nous pouvons aussi partager des missions, comme nos plots de posture permanente de sécurité, mais aussi contribuer à des opérations, à commencer par Chammal.

J’ajoute, sans répondre directement au sujet du manque, que les 117 avions seront plus récents et sans doute plus disponibles que ceux dont nous aurions dû disposer. Les ressources récupérées amélioreront le MCO, donc la disponibilité. En termes de capacité organique, stricto sensu, nous devrions arriver à conduire les missions et l’entraînement. Mais pour faire la guerre, il est vrai que 117 Rafale, ce n’est pas la même chose que 129.

 

 Concernant le format de l’aviation de combat, vous parlez d’une cible à 225 contre 375 dans le passé. En termes de haute intensité, aller à l’affrontement doit se concevoir en coalition. Si nous étions seuls, nous irions quand même, mais nous ne pouvons pas nous dimensionner comme si nous étions sûrs de devoir agir seuls, et les pays européens doivent en avoir conscience. Il serait plus confortable d’avoir 375 avions, mais je ne suis pas sûr que cela corresponde aux moyens d’une puissance d’équilibre. Si vous me les donnez, cependant, je les prends !

 En tant que rapporteur du programme 146, vous m’avez interrogé sur les investissements dans le spatial, le cyber et les grands fonds. J’entends que les documents qui vous sont fournis ne sont pas toujours très lisibles.

 Pour le spatial, vous avez cité les programmes CERES, Musis et Graves. Notre stratégie spatiale est articulée autour de trois axes.

 Le premier est la protection des moyens spatiaux d’intérêt national, donc la capacité à garantir leur employabilité, quelle que soit la situation. Cela passe par une appréciation de la situation spatiale autonome ou la plus autonome possible. Dans ce domaine, nous avons fait de gros progrès.              Le deuxième axe vise à garantir notre accès à l’espace. Il s’agit des plateformes, mais aussi les lanceurs, sur lesquels il faut rester vigilant.

 Le troisième axe concerne la coopération. Dans ce domaine aussi, il est illusoire de croire que la France puisse être une puissance spatiale à elle seule. La coopération, en particulier avec d’autres pays européens, est nécessaire dans un monde devenu un peu plus fragmenté. Nous ne sommes plus considérés comme les leaders du spatial en Europe et nous devons composer un peu plus avec les autres. Être une puissance d’équilibre en Europe, cela veut dire cela aussi. Des coopérations équilibrées sont peut-être plus solides que des coopérations tirées par un leader.

 Dans le cyber, vous avez souligné l’effort en matière de ressources humaines (RH), par la création de 376 postes de cyber-combattants. Peut-être considérerez-vous que c’est peu, mais c’est déjà une augmentation substantielle qui correspond à notre capacité à trouver ces gens sur le marché. Nous ne sommes pas seuls à recruter des spécialistes du cyber. C’est un niveau raisonnable qui représente une tendance satisfaisante.

 À cela s’ajoutent 231 millions d’euros d’équipement, aussi bien pour la lutte informatique offensive (LIO) que pour la lutte information défensive (LID). Cette dernière est importante. Nous le voyons bien par effet miroir. Ce que nous sommes capables de faire, nous ne devons pas croire que nos adversaires le font moins bien.

 La stratégie des fonds marins rejoint le sujet des drones sous-marins. Une stratégie ministérielle va être lancée. J’ai évoqué dans mon intervention liminaire un drone et un robot sous-marin pour prendre nos marques sur les grands fonds, auxquels s’ajoutent d’autres projets de surveillance. Les pays sont encore assez peu partageurs dans ce domaine encore en exploration, nous ne devons pas perdre de temps.

 Concernant les retards pris sur le système de guerre des mines du futur, nous maintenons le lancement de l’étape 2 en 2023. Les livraisons pour l’étape 2 sont décalées d’un an. Ce n’est pas confortable, mais c’est absorbable.

 Nous cherchons à économiser les chasseurs de mines tripartites. Quand on les envoie en mission dans le Golfe, on les déplace sur des barges afin de préserver leur potentiel. C’est ainsi que nous prolongerons leur durée de vie opérationnelle en attendant la mise en service de leur successeur.

 Il est trop tôt pour avoir un montant consolidé du surcoût des OPEX. Nous avons eu à faire face à des activités non prévues, comme l’opération APAGAN. L’interdiction par l’Algérie du survol de son territoire nous conduit à multiplier par deux les heures de vol. Je ne peux pas encore vous donner de chiffre.

 Dans l’armée de terre, le durcissement de l’entraînement et l’augmentation des normes d’entraînement répondent à la volonté de s’entraîner autrement et de fournir un cadre d’entraînement différent. Au centre d’entraînement aux actions en zone urbaine (CENZUB) et au centre d’entraînement du combat (CENTAC), l’armée de Terre introduit davantage d’enseignement à la guerre informationnelle et aux moyens cyber. Elle montre aussi que les unités peuvent se faire piéger par les téléphones portables. Au CENTAC, où des compagnies sont testées au combat, on montre que les soldats qui gardent leur téléphone portable allumé peuvent être détectés. Le déclenchement de tirs d’artillerie adverses peut être provoqué par une détection visuelle ou par drone, mais aussi par la détection d’un téléphone. Lors de l’analyse après action, on explique qu’ils ont été détectés parce que quelqu’un avait utilisé son téléphone portable. Cette situation a été directement vécue lors la mission Lynx, par d’autres contingents que le nôtre, à la suite d’une intrusion par des SMS envoyés par la partie adverse.

 Pourquoi créer un état-major dédié à l’urgence opérationnelle ? Pensez-vous qu’on ne réagit pas assez vite ?

 

 Mme Sereine Mauborgne. Je me posais la question du fait de l’aggravation de la menace.

 

 Général Thierry Burkhard, chef d’état-major des armées. Cette tâche est assurée par le CPCO au niveau stratégique, mais sur les théâtres d’opérations, comme aux EAU, un centre d’opération est activé vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Nos états-majors opérationnels sont capables de réagir en permanence. Sans exclure une plus grande vigilance ou une approche plus stratégique, en termes de réactivité, cette fonction existe déjà. Au CPCO, un officier de quart « opérations » et un officier de quart « renseignement » sont présents dans une salle dédiée vingt-quatre heures sur vingt-quatre, entourés par une demi-douzaine de personnes. Les états-majors opérationnels d’armée sont présents en permanence. L’officier de quart verse un verre d’eau sur le feu, la haute autorité d’astreinte vient avec une bouteille s’il en est besoin, puis on monte au-dessus. Le système est résilient et efficace.

 La guerre dans les champs immatériels ne concerne pas seulement le cyberespace. Nous devons d’abord développer nos capacités, car la structuration doit venir d’assez haut. Nous ne sommes pas complètement armés pour être réellement efficaces dans ce domaine. Cette action ne naît pas aux bas échelons. La guerre informationnelle nécessite des messages bien cadrés, bien orientés et délivrés dans les temps. Quand l’arme aérienne est arrivée, les gens ne savaient pas s’en servir. Ceux qui travaillent dans le domaine de la guerre informationnelle doivent présenter et proposer ce qu’ils sont capables de faire. À l’inverse, les officiers dans les états-majors doivent prendre conscience de ce qu’ils peuvent demander à la guerre informationnelle. Dans l’armée française, l’engagement direct est plus naturel que l’engagement indirect. Or la guerre informationnelle, c’est plutôt de l’engagement indirect. Il faut l’intégrer dès la formation initiale. Cela s’est traduit par exemple, à l’Académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan, par une sensibilisation à la stratégie indirecte décrite par Sun Tzu, en plus de celle de Clausewitz. Cette formation théorique et intellectuelle est nécessaire pour sensibiliser à la stratégie indirecte.

 « Gagner la guerre avant la guerre », c’est ce que nous voulons privilégier, car face à nos grands compétiteurs qui deviendraient nos ennemis, aller à l’affrontement représenterait un coût humain et matériel considérables. Si, contre des groupes armés terroristes, il n’y a guère d’autres moyens d’action que l’engagement direct, en revanche contre nos grands compétiteurs, nous devons privilégier la guerre avant la guerre, être capables de leur taper sur les doigts en cas de guerre « juste avant » la guerre. Si on en arrive à la guerre, on doit être prêts à le faire mais nous n’aurions pas atteint notre objectif.

 Je ne peux vous dire ce que vont faire les Américains. Leur situation n’est pas simple. Des annonces ont fait état de leur retrait de l’Irak, comme le demandait le gouvernement irakien. Ils se posent la question, tiraillés entre la priorité absolue portée sur la zone indopacifique où se joue le leadership mondial et le fait de voir qu’en laissant la place, d’autres arrivent. Même pour eux, il y a tout de même un équilibre à conserver.

 Quant à la France, le Président de la République a clairement indiqué à Bagdad que nous envisagions de rester, que les Américains restent ou pas, à condition que les Irakiens le demandent. Des élections vont avoir lieu. Il faudra observer le positionnement. Le nouveau gouvernement demandera-t-il le maintien d’une présence étrangère ? L’Irak est considéré comme le pays le plus à même de garantir l’équilibre entre l’Iran et les pays du Golfe. La France, puissance d’équilibre, essaie de promouvoir et d’aider un Irak plus solide et le plus stabilisé possible. C’est le sens de l’engagement du Président de la République en faveur d’un positionnement dans cette zone, l’Irak n’étant pas seule au sein d’un arc Irak-Jordanie-Égypte-Liban, qui sont aussi des puissances plutôt stabilisatrices.

 

 Mme la présidente Françoise Dumas. Merci, général, de vous être livré, pour la première fois, à cet exercice global. Nous attendons avec intérêt la version finalisée de votre vision stratégique.

 Il est important pour la représentation nationale d’avoir un échange régulier et approfondi avec vous et vos principaux chefs militaires. Rien ne remplacera ce lien direct et confiant. Cela nous permet de nous faire une idée beaucoup plus précise des enjeux à surmonter, comme vous venez de le montrer avec beaucoup de franchise.

 

 

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il y a 55 minutes, hadriel a dit :

 La zone indopacifique est notre zone d’influence la plus éloignée, mais la France y a des intérêts. Sur ces plus de dix millions de kilomètres carrés où vivent deux millions de Français, sont déployés 7 000 militaires, des marins, des aviateurs, des terriens, des gendarmes et des militaires du SMA. Peut-on ou doit-on y consacrer plus de moyens ? En tant que puissance d’équilibre, il convient de savoir peser de manière équilibrée sur l’ensemble du monde. Nous devons raisonner par cercles concentriques et il ne me semble pas incohérent que notre capacité d’influence instantanée y soit moins forte.

@capmat c'est pour toi.

il y a 55 minutes, hadriel a dit :

 En outre, l’influence d’une puissance d’équilibre ne s’exerce pas uniquement par des capacités militaires. Parler d’une troisième voie dans la zone indopacifique pourrait laisser penser qu’il existe une voie médiane entre la Chine et les États-Unis. Or, en défendant nos valeurs dans le monde entier, en particulier dans la zone indopacifique, nous ne nous situons pas exactement à mi-chemin entre les deux. Nous représentons davantage une deuxième voie et demie qu’une troisième, laquelle revêt néanmoins une grande importance. Pour les États-Unis, un pays avec notre positionnement peut sans doute être utile pour rallier des États, sans les forcer à choisir entre l’un et l’autre, ce qu’en situation normale, ils n’aiment pas faire. Dans ce cadre, nous pouvons leur proposer une forme d’alternative.

Magnifique formule.

 

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il y a une heure, hadriel a dit :

Le CEMA, avec beaucoup de franc-parler. Il tempère sévèrement les ambitions en Indo-Pacifique:

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cion_def/l15cion_def2122004_compte-rendu#

 

C’est assez logique, les usa ont foutu la merde dans tout l’entourage europeen, moyenne orient, russie, turquie et sont sur le depart. Tant que les espaces proches sont pas securisés …

de toute facon maintenant on peut renvoyer les usa a l’australie en cas de besoin ! 

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La même équipe au sénat, je vous fais grâce des propos liminaires et des questions:

Citation

Amiral Pierre Vandier. - Sur l'innovation, l'objectif est de valoriser au maximum les plateformes dont nous disposons. Je vais vous donner quelques exemples. Dans le domaine des drones, nous avons le SDAM, premier « drone hélicoptère ». Sa livraison n'interviendra pas avant 2027, mais nous allons être prochainement en mesure d'évaluer ce drone qui sera capable d'emporter à terminaison cent kilos de charge utile à cent nautiques pendant dix heures. Nous espérons avoir une charge utile multimode. Dans le domaine des lasers, j'ai demandé une accélération du calendrier. Les lasers de puissance peuvent par exemple détruire des drones, ce qui peut permettre de faire des économies de munitions complexes et donc d'être attentif au rapport « price per shoot ». Les lasers peuvent également être une arme de guerre spatiale opérée depuis les bateaux : ils peuvent ainsi aveugler des satellites d'observation pour assurer la dissimulation de forces navales en situation de conflit. Une manoeuvre spatiale a ainsi été intégrée à l'exercice naval Cormoran qui a eu lieu il y a quinze jours. Le dernier axe est celui du Seabed Warfare, c'est-à-dire de la guerre des fonds sous-marins, qui implique la surveillance des fonds sous-marins aux points stratégiques.

En ce qui concerne les coopérations internationales, vous avez évoqué le projet d'avion de patrouille maritime. Effectivement les Allemands ont acquis des P8 américains comme solution intérimaire. On ne sait pas s'il s'agit d'une solution définitive ou temporaire. L'Atlantique 2 doit être remplacé d'ici 2035 et nous savons qu'il faut dix ans pour faire un avion. Nous sommes à l'heure des choix.

Les Britanniques se sont éloignés de nos positions avec le Brexit et AUKUS. Nous conservons une coopération stratégique avec eux dans le domaine nucléaire et dans celui des opérations en Atlantique nord. Le programme FMAN/FMC est actuellement en difficulté car le besoin militaire britannique n'est pas aligné sur le nôtre, principalement sur la question du supersonique. D'une manière générale, cette affaire AUKUS a été douloureuse car nous avions un programme étendu de relations avec l'Australie et le Royaume-Uni. Certes, tant sur le fond que sur la forme, cette manière de faire n'est pas acceptable entre alliés. Mais aujourd'hui, en Indopacifique, le principal sujet est celui de la déstabilisation provoquée par la montée en puissance chinoise. AUKUS, par sa précipitation et son ampleur, est un très bon indicateur de la perception de l'accroissement des tensions par de nombreux pays dans la zone indo-pacifique. Il faudra donc retrouver des moyens de dialogue et d'action avec le Royaume-Uni dans l'Océan indien.

Sur les stocks de munitions, ce point a été pris en compte dans la loi de programmation militaire. Nous atteindrons les objectifs en 2025 pour l'artillerie. Il faudra plus de temps pour les munitions complexes, pour lesquelles nous atteindrons l'objectif en 2030. Ces missiles coûtent cher, leur temps de construction se compte en années et ils ont une durée de vie limitée. L'entretien du stock est donc coûteux. Rappelons que les Chinois ont mis en service une frégate de type 055 qui dispose de cent-vingt lanceurs verticaux. Cette question est donc sensible et devra être abordée dans la LPM future. Depuis l'affaire Hamilton, j'ai demandé à ce que chaque tir soit « le tir du grand soir ». Nous devons en tirer à chaque fois toutes les potentialités par des exercices complexes réalisés avec des observateurs. Il y a quinze jours, j'étais sur la FREMM Provence qui a procédé à une évaluation extrêmement intéressante avec Thales sur nos Aster 15 et nos Aster 30.

Sur les FDI, nous sommes très fiers de constater que leur succès ne se dément pas. Ce seront les FDI 2, 3 et 5 et peut être 7 qui seront prélevées sur la chaîne de production « France » au profit de la Grèce. La Marine recevra la FDI 1 puis la 4. La question est celle de la cadence de production des FDI ultérieures. La cadence est aujourd'hui de neuf mois. La question est de savoir si ce rythme sera maintenu. Si la cadence passe à quinze mois, il faudra attendre 2029 pour que la Marine nationale ait autant de FDI que la Grèce. La question sous-jacente est celle de l'avenir de l'outil de production de Naval Group après la série des FDI. Ceci soulève la question du format de la Marine nationale en Océan indien et dans le Pacifique. Aujourd'hui, la présence est organisée autour des frégates de surveillance qui ont été mises en service dans les années 1990. Ces bateaux sont militairement faiblement équipés, ne disposent pas d'équipements de guerre électronique. Il faut se demander si nous pouvons rester dix ans de plus avec ces bateaux alors que nous nouons des partenariats stratégiques dans la zone. La réponse à cette question passe peut-être par le niveau européen, avec le projet d'« european patrol corvette » (EPC).

Sur le double équipage, qui est l'oeuvre de mon prédécesseur, le programme a été lancé alors que nous constations un effondrement du volontariat à la mer, qui était descendu sous les 50 %. Aujourd'hui, deux FREMM à Toulon et deux FREMM à Brest sont en double équipage. L'objectif du double équipage n'est pas uniquement d'améliorer l'équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle, mais aussi de rentabiliser nos plateformes. Grâce au double équipage, nous sommes passés de cent vingt jours de mer par plateforme à cent quatre-vingt jours de mer et nous avons constaté une amélioration du volontariat à l'embarquement. Le double équipage permet aussi une professionnalisation accrue des marins affectés sur ces navires. À terre, les équipages peuvent s'entraîner sur des simulateurs, travailler sur la doctrine, préparer la prochaine mission. Le niveau de préparation est aujourd'hui bien meilleur sur les navires avec double équipage. Cependant, toute la Marine ne va pas basculer en double équipage. Tous les bateaux ne le nécessitent pas, et c'est coûteux.

Sur le recrutement des marins, je remarque que la Marine nationale réussit aujourd'hui à attirer 4 000 militaires par an. J'espère que cela durera. Les industriels et chefs d'entreprise que je rencontre me disent qu'ils ont beaucoup de difficultés pour recruter et fidéliser de jeunes cadres qualifiés. Notre taux d'affermissement des contrats des recrues est très bon. Notre difficulté est de fidéliser les compétences clés. Nous sommes l'armée dans laquelle le spectre de compétences est le plus vaste. Notre enjeu principal est de fidéliser nos marins et cela passe par un équilibre entre les perspectives de carrière, les perspectives de rémunération et les sujétions. Je remarque aujourd'hui une véritable difficulté à la mobilité géographique liée aux prix de l'immobilier et aux modèles familiaux actuels : 70% des conjoints de marins travaillent, il y a davantage de familles monoparentales, de gardes alternées...L'offre en logements défense ne répond actuellement qu'à une partie des besoins des marins en mobilité. J'attends beaucoup du contrat CEGELOG qui va entrer en vigueur en janvier prochain, et qui vise à mieux gérer, rénover et augmenter le parc immobilier des armées.

Concernant la reconversion, après quinze à dix-sept ans de service, les marins sont fréquemment en position de rejoindre le secteur civil et notre objectif est de les garder. Les primes de lien au service ne permettent pas actuellement de le faire. Nous leur proposons jusqu'à 25 000 €, ce qui représente parfois ce qu'ils gagnent en plus en travaillant ailleurs pendant seulement une année, avec beaucoup moins de contraintes. L'attractivité de nos métiers, la mobilité géographique et la fidélisation de nos marins sont clairement des enjeux à prendre en compte dans les années à venir.

Concernant le MCO, nous subissons toujours des difficultés considérables sur le NH90. Nous avons actuellement quatre hélicoptères disponibles sur vingt-sept. Nous espérons atteindre dix ou onze d'ici un mois. Cette situation est pour partie conjoncturelle, liée à des difficultés chez des sous-traitants. Nous avons aussi des difficultés structurelles qui impliquent de laisser une dizaine de machines chez l'industriel. Sur la partie MCO navale, la Perle sera de nouveau opérationnelle au début de 2023. Le coût total est de 110 M€ dont 50 M€ payés par l'assurance de Naval Group. Sur les indisponibilités, il faut souligner l'effet pervers des décalages dans le cadre du programme 146 qui se traduisent par des surcoûts considérables dans le cadre du programme 178 pour entretenir un matériel vieillissant voire obsolète.

Amiral Pierre Vandier. - Concernant la Nouvelle-Calédonie, la situation décrite par l'article était un peu biaisée car un incendie venait de se déclarer sur un bâtiment et un autre était en maintenance. La situation a évolué, le premier étant désormais en réparation alors que le second est de nouveau en mer. Nous avons positionné le Bougainville, qui vient de Papeete, pour les élections à venir. Je rappelle que le premier des nouveaux patrouilleurs outre-mer est destiné à la Nouvelle-Calédonie. On voit donc que la Nouvelle-Calédonie est très importante dans notre dispositif aéromaritime outremer.

Sur la partie compétition technologique, vous avez évoqué la guerre des fonds sous-marins et le drone de Naval Group. Sur la guerre des fonds sous-marins, nous avons complètement décroché de la technologie « oil and gas » lorsque, dans les années 2000, nous avons fermé la mission d'intervention sous la mer. On s'est rendu compte de notre décrochage lorsqu'on a dû recourir à des moyens « oil and gas » américains pour retrouver le sous-marin La Minerve qui avait disparu au large de Toulon. Nous avons lancé (et ce fut l'un de mes premiers chantiers lors de ma prise de fonction) une stratégie des fonds marins, que j'ai présentée récemment au CEMA et à la ministre. Il y a actuellement un groupe de travail sur ce sujet multidimensionnel, qui recouvre à la fois des questions technologiques, un enjeu de maitrise des entreprises clés du secteur et une dimension de stratégie militaire. Nous sommes en train d'acquérir du matériel : des robots sous-marins d'intervention et des drones (AUV) porteurs de sonars capables de mener des investigations dans des zones très étendues pendant plusieurs jours.

Il n'y a pas eu de discussion entre la Marine et Naval Group sur le drone sous-marin. C'est un projet intéressant pour les marines du Golfe persique par exemple puisqu'il s'agit d'un mini sous-marin à qui on peut confier des missions non éloignées des côtes. La Marine nationale n'a pas exprimé de besoins dans ce domaine-là. En revanche, on regarde avec intérêt les développements technologiques de ce projet dans la mesure où ils pourraient converger un jour avec nos besoins militaires.

Vous avez posé une question sur le projet innovant « EFlyCO ». Ce projet est en cours d'expérimentation avec l'Agence d'Innovation de Défense (AID) mais il n'est pas encore mature.

En ce qui concerne la qualité de la marine chinoise, quand nous avons conduit la mission Émeraude, nous avons estimé que technologiquement la Chine était en avance de quatre ans sur ce que nous avions imaginé. On observe objectivement une montée en gamme. A titre d'exemple, notre Falcon 200 qui, au Japon, participe à la mission de surveillance de l'embargo contre la Corée du Nord, est régulièrement intercepté par des avions de chasse SU30 MKK chinois qui sont alertés par une frégate de défense anti-aérienne positionnée au sud de la Corée du Nord.

Si on se projette en 2030, à ce rythme-là, il est illusoire de croire qu'on continuera à avoir l'ascendant sur une marine chinoise qui ne se serait pas développée. Bien au contraire, elle se développe dans tous les domaines à grande vitesse et c'est bien ce qui inquiète au plus haut point les Américains.

 

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Général d'armée Pierre Schill. - Dans l'hypothèse d'un engagement majeur qui est la perspective d'emploi la plus dangereuse, une division sera engagée dans le cadre d'une coalition face à un ennemi à parité. Dans ce type de combat, l'attrition opérée par notre artillerie et la réaction à l'artillerie adverse sont primordiales. Les besoins en capacités d'artillerie de cette division sont cruciaux, à la fois pour l'artillerie à longue distance et pour celle qui appuie directement les unités au contact. Aujourd'hui, l'armée de Terre possède l'ensemble des capacités mais de façon réduite en termes de masse. Ce sera un enjeu de la prochaine LPM, de pérenniser nos capacités, dont le lance-roquettes unitaire (LRU), et de rééquilibrer l'ensemble de la trame artillerie au sein de l'armée de Terre. L'importance de l'artillerie se confirme également dans le retour d'expérience de nos entraînements à la haute intensité. C'est notamment un des enseignements tirés de notre participation à l'exercice Warfighter 2021 aux États-Unis.

Nous avons également baissé la garde sur une autre capacité qui est celle de la défense sol-air. Il faut la prendre comme une trame globale qui doit être consolidée pour être capable de s'opposer aux menaces actuelles et émergentes, comme au Haut-Karabagh. Ce sera une des briques à prendre en compte dans l'élaboration de la prochaine LPM.

Concernant les moyens lourds de combat, notamment les chars, nous avons un enjeu stratégique, celui de réussir à développer un nouveau char de combat qui succédera au char Leclerc, à l'horizon 2040. L'option choisie est la coopération franco-allemande. Aujourd'hui, il y a une parenthèse due à la situation politique en Allemagne. Dans les prochains mois, il sera primordial de redonner l'impulsion nécessaire à l'avancement du MGCS. C'est un élément stratégique pour l'armée de Terre. L'hélicoptère Tigre standard 3 repose aussi sur un développement capacitaire en coopération. Il s'agit d'une coopération avec les Espagnols, ouverte aux Allemands.

M. Christian Cambon, président. - Y a-t-il une alternative au MGCS ?

Général d'armée Pierre Schill. - Si le MGCS ne peut pas être réalisé avec l'Allemagne, il faudra soit envisager un programme franco-français, soit s'appuyer sur la communauté SCORPION tournée vers le Benelux. De toute façon, il faudra aboutir à la construction d'un nouveau char.

En prenant l'image du ciment autour des briques que sont les programmes, il est clair que l'armée de Terre a un besoin impérieux de petits équipements. La capacité, ce n'est pas seulement l'équipement, c'est-à-dire le matériel lui-même, et aussi l'ensemble de l'environnement, le savoir-faire des soldats et les doctrines qui l'accompagnent. L'arrivée des équipements à hauteur d'homme, notamment les pistolets, les fusils, les jumelles de vision nocturne, participe au bon moral de nos troupes. Vous avez pu voir tous ces équipements sur les stands de l'armée de Terre. Il faut veiller aux investissements sur ces équipements en complément des programmes majeurs.

Un autre pilier est indispensable à l'armée de Terre, celui que constituent l'activité et le maintien en condition de nos équipements. Ce qui m'importe, c'est qu'il y ait de l'activité générée pour nos soldats servant leurs matériels en vue de répondre aux besoins de préparation opérationnelle et ainsi permettre l'engagement de forces entraînées, à même de produire des effets. Le maintien en condition opérationnelle des équipements et leur disponibilité technique ne sont qu'une des composantes de cette capacité.

Sur la question relative à l'activité, les normes d'entraînement LPM ne seront atteintes qu'après l'horizon 2025. En 2021, nous parviendrons à réaliser environ 57% de ces normes. Le PLF pour 2022 nous permettra d'atteindre 64%. Nous bénéficierons d'une progression de 7% d'activité et de normes d'entraînements en 2022. C'est le signe que la disponibilité de nos équipements est en croissance réelle, même si elle reste modeste, notamment pour les hélicoptères. La LPM avait fait le choix de privilégier les investissements sur les premières années puis de renforcer les efforts sur le fonctionnement et le MCO les années suivantes. Les investissements ont crû en même temps que les contrats verticalisés ont été mis en place. Ces derniers devraient donner une meilleure prévisibilité aux industriels et à la programmation des crédits. Ces contrats ont été établis sur la base des normes d'activité prévues par la LPM. J'espère que dans les prochaines années nous auront les ressources financières nécessaires pour mettre le « carburant » dans le fonctionnement optimum de ces contrats modernisés et atteindre ainsi les normes LPM.

Pour l'armée de Terre, l'actualisation de la LPM réalisée au cours de l'année s'est traduite par des ajustements assumés pour répondre à de nouvelles priorités interarmées et de l'armée de Terre. Dorénavant, il est prévu d'atteindre 45% de la cible SCORPION en 2025, alors qu'il était programmé initialement d'atteindre 50%. Cet ajustement du cadencement ne remet pas en cause « l'Ambition 2030 », c'est-à-dire l'objectif d'une « scorpionisation » réalisée à l'horizon 2030. Il nous a permis de sécuriser la pérennisation du char Leclerc, de lancer le véhicule blindé d'aide à l'engagement (VBAE) adapté à l'évolution des attaques par mines pour remplacer le véhicule blindé léger (VBL) vulnérable à cette menace, et de lancer l'engin de combat du génie (ECG). Cette actualisation de la LPM a également permis de renforcer l'activité à l'armée de Terre.

Aujourd'hui, une partie des ressources investies dans le MCO est utilisée pour constituer des stocks et pour accroître notre résilience. C'est une des explications au fait que le taux de disponibilité des équipements ne soit pas directement lié au montant des ressources consacrées au MCO. La structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT) a fait des achats importants de pièces. Ils ont permis, d'une part, d'accroître nos stocks - et donc notre disponibilité initiale en cas d'engagement - et d'autre part, dans un contexte de pandémie, de ne pas subir de pénuries dans le MCO tout en soutenant l'industrie terrestre. Nous avons su anticiper.

Je souhaite revenir sur l'entraînement à la haute intensité. L'objectif est que l'armée de Terre durcisse sa préparation opérationnelle non seulement dans l'hypothèse d'un engagement majeur mais également pour répondre à tout type d'engagement, de la compétition à la contestation et jusqu'à l'affrontement. L'armée de Terre ne doit pas prendre en compte la seule haute intensité. Elle doit, à la fois, asseoir sa crédibilité et avoir la capacité à s'engager face à tout type d'ennemi. La préparation opérationnelle de l'armée de Terre à tous les échelons est donc primordiale dans cette perspective, du niveau des unités élémentaires à celui des brigades et des divisions. J'escompte que les ressources programmées permettront d'accroître les niveaux de préparation opérationnelle en vue des conflits les plus durs.

L'opération Sentinelle a eu un impact sur la préparation opérationnelle. Nos militaires passent en moyenne 140 jours hors de chez eux. C'est un niveau trop élevé pour éviter l'usure, 120 jours par an me paraissent constituer une cible plus raisonnable afin de concilier les déploiements en opération, une préparation opérationnelle renforcée et les indispensables plages de respiration. Un déploiement accru en mission réduit de facto le temps disponible consacré à la préparation opérationnelle. Le dispositif Sentinelle fait partie de nos missions. Je souhaite pouvoir faire preuve d'une plus grande souplesse : monter rapidement en puissance en cas de nécessité et aussi être en mesure d'alléger, d'adapter le dispositif une fois la menace éloignée.

Sur le programme 212 et les leviers à disposition pour renforcer nos liens avec la fonction publique territoriale (FPT), je suis très favorable à ce type de reconversion. Nous recrutons chaque année 14 000 jeunes civils qui rejoignent l'armée de Terre. Ils passent en moyenne sept ans dans nos rangs et quittent le service vers l'âge de 27 ans. Le soldat a été formé, a progressé et a beaucoup appris de son engagement à servir notre pays. Je peux témoigner qu'il est une recrue de choix pour la FPT, particulièrement dans les métiers d'exécution. Nous favorisons les candidatures au dispositif existant pour rejoindre la fonction publique (article L.4139-2 du code de la Défense).

Je considère que les forces morales constituent le socle des capacités de notre armée de Terre, quelles que soient les modalités d'engagement. Aujourd'hui, nous avons la chance d'avoir une armée de Terre extrêmement soudée, pouvant compter sur le soutien de la Nation et bénéficiant de ressources mises à sa disposition.

Le plan d'accompagnement des familles, auquel la ministre a consacré des efforts importants, a généré beaucoup d'attentes et a eu des effets concrets, notamment sur les cartes de circulation SNCF Famille militaire, l'accès des conjoints aux dispositifs de reconversion, d'accompagnement vers l'emploi ou d'aide à l'hébergement.

Il y a eu, pendant longtemps, un sous-investissement dans les infrastructures. Aujourd'hui, des ressources importantes leur sont consacrées. Une partie est mobilisée pour réparer la dette « grise » de l'infrastructure. Une partie est fléchée sur les infrastructures qui accompagnent nos équipements. À mon sens, la priorité donnée à l'investissement dans l'hébergement, dont les premiers bénéficiaires sont nos soldats, doit être poursuivie. Le commandement de l'armée de Terre doit rester associé à la décision. Je pense qu'il ne faut pas avoir une perception trop technique de ce sujet et que la voix du commandement doit être entendue lors des prises de décision sur le choix des chantiers.

Enfin, l'innovation est un domaine très important pour l'armée de Terre. Vous avez cité GAI4A ; je pourrais rajouter l'initiative VULCAIN qui vise à construire une utilisation opérationnelle des robots dans les prochaines décennies. Les études amont restent primordiales pour préparer l'avenir et anticiper les évolutions technologiques. Notre enjeu est de contribuer à structurer davantage la réponse de la base industrielle et technologique de défense (BITD) terrestre autour de nos besoins opérationnels. Toutes les initiatives de convergence, notamment SCORPION, sont de bons leviers pour fédérer ces études nécessaires au développement des équipements futurs.

Général d'armée Pierre Schill. - Sur les questions relatives au recrutement, le contrat opérationnel fixé à l'armée de Terre est d'être capable d'engager une division renforcée en haute intensité face à un ennemi à parité. Si l'ennemi est à parité, il va nous attaquer simultanément par le cyber, par des subversions et par du sabotage sur le territoire national. L'armée de Terre dans son ensemble est taillée pour ce contrat-là. L'armée de Terre a un volume général dimensionné pour l'ensemble de ces tâches. Aujourd'hui, l'armée de Terre recrute les hommes nécessaires pour honorer ce contrat. C'est un bon point d'équilibre. Notre pays est capable de générer environ 14 000 jeunes par an aptes à rejoindre l'armée de Terre, sans oublier les recrutements nécessaires à la réalisation des effectifs de l'armée de l'air, de la marine et de la gendarmerie. C'est une réalité sociologique en France. De nombreux pays voisins n'y arrivent pas, notamment la Grande-Bretagne qui connait des difficultés à recruter. La question n'est pas de savoir si on est capable de recruter davantage dans les années futures mais de faire fonctionner le modèle tel qu'il existe aujourd'hui. Nous avons cette année augmenté le taux de sélection à l'engagement par rapport à l'an dernier. Nous avons eu plus de candidats, presque deux pour un pour les militaires du rang. Par rapport aux années précédentes, le nombre de soldats ayant renouvelé leur contrat est plus important. On considère que pour un tiers de ces renouvellements de contrat, la cause est liée au Covid et à la crise sanitaire, l'accès au marché de l'emploi étant plus difficile. Il y a également des mesures structurelles que nous avons prises, notamment les primes de lien au service, qui ont consolidé cet effet. Aujourd'hui, notre système dans le volume actuel convient. Il est, néanmoins nécessaire d'aller chercher ces jeunes qui, de manière générale, manifestent une véritable envie de servir. Une grande part d'entre eux envisage une carrière militaire en se faisant beaucoup d'idées sur ce que sera leur vie au sein de l'armée de Terre. À nous, quand nous les recevons, de les informer et de les accompagner pour concrétiser cette volonté d'engagement. Nous souhaitons limiter à 25% le nombre de jeunes qui quittent nos rangs au cours des six premiers mois correspondant à la durée de la période probatoire. Nous sommes proches de ce chiffre. La vie en collectivité ou la vie militaire ne pouvant pas convenir pas à tous, le système est en équilibre. Notre armée accueille des jeunes de tout niveau scolaire ou académique. Un des enjeux est de répondre aussi à la montée en gamme des équipements et aux nouvelles compétences techniques qu'elle exige. Il faut donc recruter les jeunes puis les former et les mettre en confiance pour qu'ils soient en mesure de remplir leur mission. Nous constituons une offre de débouché pour la jeunesse résidant outre-mer. Les jeunes ultramarins sont particulièrement volontaires pour s'engager. A titre d'exemple, les outre-mer fournissent à l'armée de Terre chaque année à eux-seuls autant de recrues que la région Île-de-France. Nous avons des débouchés à offrir et nous devons en même temps donner la possibilité de suivre des formations permettant de répondre à nos besoins dans le domaine du cyber, des systèmes d'information et de commandement, des télécommunications... C'est pour cela que nous expérimentons des dispositifs cherchant à améliorer ce type de recrutement. L'école militaire préparatoire technique (EMPT) est destinée à amener des jeunes jusqu'au niveau bac professionnel, qu'il s'agisse de bacs technologiques (STI2D) ou bacs pro dans les domaines de la maintenance terrestre ou aéronautique. Nous devrions avoir 130 inscrits supplémentaires pour suivre une scolarité en 2022 et ainsi atteindre un effectif total de 190 élèves. L'objectif est d'en accueillir 250 par an à l'horizon 2030. Ils seront ensuite engagés comme sous-officiers dans nos forces. Si cette expérimentation fonctionne, nous l'ouvrirons à d'autres domaines, et nous envisagerons de la coupler avec d'autres dispositifs. Nous avons ainsi des classes BTS cyber dans notre lycée militaire de Saint-Cyr l'École pour le recrutement post-bac.

En France, la dissuasion est nucléaire, conformément à notre stratégie de défense. L'armée de Terre est un contributeur secondaire à la dissuasion nucléaire dans la mesure où elle participe à la défense opérationnelle du territoire et des bases nucléaires. Elle permet ainsi la mise en oeuvre de la dissuasion. La dissuasion nucléaire est l'outil pour faire face aux menaces contre nos intérêts vitaux. En cas de menace contre les autres intérêts de la Nation, nous avons besoin de forces conventionnelles puissantes en mesure d'épauler les forces nucléaires et capables de répondre aux tentatives de contournement de la dissuasion par le bas.

J'ai insisté sur l'importance de disposer de crédits d'études amont pour l'armée de Terre car nous avons des domaines techniques émergents pour lesquels nous avons besoin de solutions. Je fonde un espoir dans la mise en oeuvre des nouveaux instruments de l'Union européenne dont le Fonds européen de la défense (FEDef) qui devraient avoir des effets de levier sur la capacité de mobilisation des crédits. Nous aurions intérêt à faire entrer de nouveaux pays partenaires dans la communauté SCORPION, au-delà de la Belgique notre partenaire de CAMo, permettant l'accès à ces nouveaux types de financement.

Comme vous l'avez souligné, le sujet concernant le MGCS est industriel. Il est primordial de reconnaître que sur un tel programme, seule une relation équilibrée peut être envisagée. Si cela n'aboutit pas je pense que nous aurions la possibilité technique de revenir à une solution franco-française mais sans pouvoir partager les coûts. MGCS permet aussi un partage des coûts et une interopérabilité. Cela me permet de vous répondre sur la défense européenne, qui est une question éminemment politique. Il n'y a de défense que s'il y a une volonté politique. L'armée procure des capacités contribuant à proposer des solutions à une problématique ou des objectifs politiques bien définis. Il est important que l'armée de Terre participe à l'élaboration de ces solutions par le biais de l'interopérabilité : interopérabilité capacitaire avec nos partenaires belges, luxembourgeois - qui pourraient nous rejoindre - et néerlandais ; ou interopérabilité opérationnelle comme la Force expéditionnaire interarmées combinée (Combined Joint Expeditionary Force, CJEF) avec les Britanniques, ou encore les Battle groups qui sont à la disposition de l'Union européenne. L'armée est là pour proposer un instrument qui sera ou ne sera pas utilisé. Une part de la légitimité de notre action face à des menaces montantes reposera sur une alliance d'États pour y faire face. Il est par conséquent important que notre armée de Terre apporte les moyens qui permettent cette interopérabilité, y compris dans le fait de prendre la tête d'une coalition ou d'agir comme « nation cadre », à l'instar de la Task force Takuba au Mali.

Pour répondre à la question sur les drones, aujourd'hui nous avons 1 000 drones dans l'armée de Terre. En 2023, nous en aurons 3 000. Ces drones nous offrent une capacité de l'échelon tactique jusqu'à celui de la composante terrestre. Les drones Patroller devraient arriver prochainement. Aujourd'hui, les drones de renseignement déployés au Sahel donnent totale satisfaction. C'est un instrument essentiel qui apporte des capacités opérationnelles supplémentaires. Sur la base d'essais récents et réussis du Patroller, l'industriel, en charge de leur production, doit s'engager sur la qualité et la sécurité de cet appareil. Nous attendons donc cet équipement.

 

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Le CEMAA:

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Mme la présidente Françoise Dumas. Général, ce n’est pas la première fois que nous avons le plaisir de vous accueillir au sein de la commission de la Défense nationale et des forces armées. Nous vous avions en effet reçu le 2 décembre dernier – en tant que sous-chef « Opérations » à l’état-major des armées – dans le cadre du cycle d’auditions que nous tenions alors sur l’opération Barkhane. Pour autant, il s’agit bien de votre première venue en tant que chef d’état-major de l’armée de l’Air et de l’Espace. Permettez-moi de vous en féliciter très chaleureusement aujourd’hui.

Votre nomination à la tête de l’armée de l’Air et de l’Espace intervient au moment où la remontée en puissance soutenue par la LPM commence à pleinement porter ses fruits.

C’est notamment le cas pour l’aviation de transport, le couple constitué de l’A400M et du MRTT Phénix ayant démontré avec éclat sa performance lors de l’opération d’évacuation APAGAN sur laquelle nous avons organisé un cycle d’auditions pour en faire le retour d’expérience. Le double pont aérien dressé entre Kaboul, notre base aérienne Al Dhafra à Abu Dhabi, et Paris a été d’une remarquable efficacité. Au nom de mes collègues, je tenais donc à vous faire part – et à travers vous aux aviateurs – de notre pleine reconnaissance et de notre fierté.

Si l’opération Apagan a été un succès, elle n’est que l’une des manifestations de l’intensité de l’activité opérationnelle de l’armée de l’air au cours de l’année 2021, en France comme sur les théâtres d’opérations extérieures. Et ce n’est pas la reconfiguration de notre dispositif au Sahel qui l’allégera, l’armée de l’Air et de l’Espace ayant vocation à y demeurer fortement engagée, en particulier depuis la base aérienne projetée de Niamey. Nous attendons d’ailleurs de vous que vous puissiez nous dresser un premier bilan de l’activité des drones Reaper en bande sahélo-saharienne.

2021, c’est aussi l’année de la reprise des exercices de grande envergure, qu’ils soient conduits par l’armée de l’Air et de l’Espace seule, en interarmées ou en interalliés. Je pense notamment à l’exercice RHEA de contre-terrorisme, conduit en mars dernier en Méditerranée, ou à la mission HEIFARA, qui a vu le déploiement de plusieurs Rafale et de leurs ravitailleurs A330 Phénix à l’autre bout du globe, dans le ciel polynésien, en moins de 48 heures. Dans les deux cas, ces démonstrations de force et de puissance ont été scrutées avec attention par celles et ceux à qui elles étaient destinées… qu’il s’agisse de nos alliés ou de nos compétiteurs stratégiques. Je n’oublie pas non plus l’exercice annuel VOLFA d’entraînement à la haute intensité, qui se déroule pour cette année jusqu’à demain.

Ce bref détour par les opérations me semblait important car, au fond, c’est bien la finalité du budget que nous examinons que de permettre à nos armées d’être prêtes à répondre aux ordres du Président de la République. Et nous constatons que l’armée de l’Air et de l’Espace a toujours répondu présente.

Votre audition a donc pour but de nous permettre de mieux apprécier les grands équilibres budgétaires du PLF 2022 s’agissant de l’armée de l’Air et de l’Espace, et également d’identifier les éventuels points de tension qui pèsent sur elle.

Dans cette perspective, j’aimerais notamment que vous puissiez nous faire part des conséquences du retrait de service anticipé des Transall, et en particulier des Gabriel. L’achèvement du programme Archange visant à renforcer les capacités de renseignement d’origine électromagnétique n’étant pas prévu à très court terme, nous risquons donc de rencontrer une rupture de capacité en matière de renseignement d’origine électromagnétique. Faut-il selon vous s’en inquiéter ?

Je souhaite également recueillir votre appréciation des incidences du succès du RAFALE à l’export, tant sur le format de l’aviation de combat que sur la capacité de l’armée de l’Air et de l’Espace à former et entraîner les futurs pilotes.

Je ne doute pas que notre rapporteur pour avis, M. Jean-Jacques Ferrara, complétera mes interrogations à ce sujet, puisque c’est à cette question qu’il a décidé de consacrer la partie thématique de son rapport.

J’en profite d’ailleurs pour saluer l’excellence de son travail et son engagement au cours des cinq dernières années. Malgré nos différences politiques, nous partageons, comme avec l’ensemble de mes collègues, le plus profond respect pour celles et ceux qui ont choisi de servir les armes de la France, et la plus grande détermination à leur donner les moyens d’exercer leurs missions.

Général Stéphane Mille, chef d’état-major de l’armée de l’Air et de l’Espace. C’est effectivement la première fois que je m’adresse à vous depuis que j’ai pris mes fonctions de chef d’état-major de l’armée de l’Air et de l’Espace, il y a un mois, et je vous remercie de m’accueillir aujourd’hui. En quelques minutes, je vous dresserai les constats que je fais en arrivant à la tête de l’armée de l’Air et de l’Espace et vous présenterai mes premières priorités. Avant de débuter mon propos, j’ai une pensée pour Hubert Germain qui vient de nous quitter, dernier survivant des Compagnons de la Libération, dont l’exemple inspire encore les jeunes générations. Je pense en particulier aux élèves officiers de l’École de l’air et de l’espace qui portent fièrement la fourragère de l’Ordre de la Libération et que nous verrons, demain, à la cérémonie d’hommage qui aura lieu aux Invalides.

Mon premier constat est que l’armée de l’Air et de l’Espace est engagée sur tous les fronts, et qu’elle est, à chaque fois, au rendez-vous des opérations. Je l’ai constaté dans les différentes fonctions que j’ai occupées au cours des cinq dernières années, au cœur des opérations militaires. C’est une très grande satisfaction pour moi, qui suis désormais à sa tête, de prendre le commandement d’une force capable, dans la durée, de mener les missions que l’on attend d’elle. Cette armée démontre en permanence et sur très court préavis sa capacité à agir sur un très large spectre. C’est le cas sur le territoire national, par ses postures permanentes de sûreté aérienne et de dissuasion nucléaire, et par son soutien à la population, notamment dans l’opération Résilience au cours de laquelle des patients atteints du Covid-19 ont été transportés par les airs d’une région à l’autre, grâce aux appareils dont la LPM nous a dotés.

C’est le cas également sur les théâtres d’opérations extérieures. Chacun connaît l’engagement des aviateurs dans l’opération Barkhane au Sahel, ou Chammal au Levant, mais je me dois de mentionner aussi l’opération Apagan, exemple marquant des derniers mois. Cette opération d’envergure menée depuis l’aéroport de Kaboul du 15 au 27 août dernier a permis d’évacuer un peu plus de 2 800 personnes, dont 142 Français. Elle s’est déroulée sur très court préavis : moins de 48 heures après la décision présidentielle de lancer l’opération, un pont aérien était mis en place entre Kaboul et la métropole via les Émirats arabes unis – j’y reviendrai.

Cette rapidité d’exécution témoigne des atouts intrinsèques de l’armée de l’Air et de l’Espace : son agilité, sa réactivité et sa capacité d’adaptation. Ainsi, nous avons dû innover dans l’urgence tout en maîtrisant les risques, pour rapatrier un maximum de personnes en un nombre restreint de rotations.

Cette opération démontre également l’efficacité et la polyvalence du couple A400M – MRTT. Celui-ci nous a permis pour la première fois de prendre en charge, outre l’évacuation primaire – sortie du territoire et mise en sécurité des personnels –, l’évacuation secondaire vers Paris depuis les Émirats Arabes Unis. Généralement, dans ces situations, les armées mènent à bien l’évacuation primaire et un affrètement par voie aérienne civile est organisé pour l’évacuation secondaire vers la France. En tout, trois A400M, deux MRTT, un A330 et un C-130J ont été mobilisés pour maintenir en permanence le flux de rotations entre Kaboul et Paris.

Cette opération démontre enfin l’importance de notre base aérienne d’Al Dhafra utilisée comme point d’appui, grâce aux accords noués avec les partenaires émiriens, qui a grandement facilité les choses.

L’armée de l’Air et de l’Espace est donc pleinement engagée, et je peux témoigner, pour avoir rencontré les aviateurs engagés sur ces opérations, de leur rôle clé, avec un enthousiasme que vous-même, madame la présidente, et certains d’entre vous avez constaté. Madame la ministre me disait récemment avoir été impressionnée par l’entraide manifeste entre membres d’équipages, personnel d’escale et mécaniciens ; une communauté s’était mise à l’œuvre pour remplir la mission que l’on attendait d’elle – rapatrier les gens au plus vite.

Mon deuxième constat est que l’armée de l’Air et de l’Espace élargit le spectre de son action pour répondre aux nouvelles conflictualités, y compris à l’autre bout de la planète, en intégrant les dimensions cyber et spatial. À ce sujet, je voudrais faire un focus sur la mission de projection de puissance menée en juillet dernier jusqu’en Indopacifique, baptisée HEIFARA. Elle a été une première pour l’armée de l’Air et de l’Espace, à plusieurs titres.

C’est en effet la première fois que nous projetons un ensemble cohérent jusqu’en Polynésie Française, soit 3 Rafale, 2 A330 Phénix et 2 A400M Atlas, et que nous planifions immédiatement à l’arrivée un engagement offensif simulé. Le but n’était donc pas uniquement de se déployer en 40 heures à plus de 17 000 km de la métropole, mais bien de mener un raid à l’autre bout du globe depuis la métropole.

D’autre part, et c’était aussi une première pour nous, la mission a été entièrement commandée depuis Lyon Mont-Verdun, dans notre nouveau centre de commandement, le Centre air de planification et de conduite des opérations (CAPCO). Ce succès permet à la France de figurer parmi les rares pays au monde à disposer d’un tel savoir-faire.

Enfin, la spécificité de cette mission est de s’inscrire dans une approche réellement multimilieux multichamps. D’une part avec un dispositif cyber déployé tout au long de la mission, et d’autre part avec l’intégration de nos capacités spatiales. La réussite de l’opération confirme notre aptitude à protéger notre souveraineté et nos intérêts, même au plus loin de la métropole.

Voici pour les constats. Cela me permet d’en venir à ce nouveau domaine dont l’armée de l’Air a pris la responsabilité en devenant, comme vous le savez, « Armée de l’Air et de l’Espace ».

L’incarnation la plus visible de cette transformation est la montée en puissance du Commandement de l’Espace. Déjà doté d’environ 250 personnes, il s’installe progressivement à Toulouse, où il profitera des synergies avec le CNES.

Le CDE a d’ailleurs mené en mars dernier, depuis le centre spatial toulousain, le premier exercice spatial en Europe, appelé AsterX, en coopération avec nos partenaires américains et allemands. Nous avons simulé une crise internationale avec pas moins de dix-huit scénarios spatiaux différents : attaque sur un satellite français, débris spatiaux menaçant les populations civiles, brouillage de nos satellites de communication… Couronné de succès pour cette première édition, AsterX a vocation à devenir un exercice annuel. Dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne l’année prochaine, l’objectif sera notamment d’approfondir notre coopération avec nos partenaires européens.

Le but est d’entraîner régulièrement nos unités opérationnelles face à des situations auxquelles nous pourrions devoir faire face plus rapidement qu’on ne le pense. L’espace devient en effet de plus en plus disputé. Du fait de l’accroissement exponentiel du nombre de satellites lancés, et de l’arsenalisation de l’espace exo-atmosphérique, on ne peut pas exclure une escalade entre les grandes puissances.

Mais cet élargissement du spectre des menaces n’est pas circonscrit à l’espace. Dans un contexte de désinhibition et de progression technologique fulgurante de certains de nos compétiteurs, l’AAE doit notamment faire face dans le domaine aérien à des stratégies de déni d’accès (en particulier par l’utilisation de systèmes sol-air multicouches très performants) ainsi qu’à un emploi de plus en plus massif et systématique des drones, y compris à usage malveillant. Je ne saurais non plus passer sous silence l’augmentation de la menace de pénétration en profondeur : des avions à long rayon d’action s’approchent régulièrement de nos côtes. Ce contexte explique mes priorités. La première a trait aux ressources humaines. Parce qu’il n’y aura pas de succès opérationnel possible sans les femmes et les hommes qui servent pour défendre les valeurs qui nous unissent : il nous faut attirer et faire rester nos aviateurs. Nous devons recruter, former, entraîner, fidéliser notre personnel en poursuivant les efforts accomplis ces dernières années. La pyramide d’ancienneté des sous-officiers de l’armée de l’air – qui en sont l’ossature puisqu’ils mettent en œuvre les appareils – révèle deux problématiques. La première est un déficit concernant les sous-officiers de six à douze ans d’ancienneté, ceux qui devraient parrainer les jeunes sortant d’école, en conséquence de la révision générale des politiques publiques. La deuxième concerne les cadres les plus expérimentés qui quittent l’Institution plus vite que nous ne l’espérions, alors que nous en avons besoin pour assurer la structure de commandement de notre armée.

L’équation n’est évidemment pas simple, entre cohérence du modèle RH, l’arrivée de nouveaux équipements, le maintien en condition opérationnelle (MCO) et la préparation opérationnelle. C’est mon rôle de CEMAAE de veiller à cet équilibre, pour que l’armée de l’Air et de l’Espace soit toujours au rendez-vous des engagements opérationnels.

Ma deuxième priorité concerne l’aviation de chasse. Les préoccupations sont de tout autant de qualité que de quantité. De qualité, parce que nous avons besoin d’équipements modernes et performants pour remplir nos missions ; c’est tout l’enjeu de la feuille de route Rafale et de la feuille de route SCAF sur lesquelles nous travaillons en parallèle, puisque c’est un ensemble cohérent. Concernant le format de l’aviation de chasse, entre 2023 et 2025, j’aurai de 10 à 20 Rafale en moins par rapport à ce que prévoyait la LPM. C’est une réalité, que nous devrons gérer au mieux. L’année charnière sera 2023 : convergeront les cessions de Rafale à la Grèce avec les retraits programmés des Mirage 2000 D non rénovés et des Mirage 2000 C. Il faudra par ailleurs former sur Rafale nos équipages issus du Mirage 2000, certainement des pilotes croates ainsi que nos jeunes recrues, alors même que la flotte sera dans une période de creux.

D’où le besoin d’améliorer la disponibilité des appareils pour surmonter cette période : j’en viens ainsi à mon troisième point d’attention, le maintien en condition opérationnelle (MCO) aéronautique, sur l’ensemble des flottes.

Le MCO est essentiel pour assurer l’activité de nos équipages. Cela passe par un niveau d’entraînement suffisant, qui peut parfois souffrir d’arbitrages, bien compréhensibles, en faveur des opérations, mais qui est pourtant gage de sécurité aérienne et de crédibilité en opérations.

L’Armée de l’Air et de l’Espace s’inscrit pleinement dans la dynamique ministérielle de la transformation du MCO, selon deux piliers.

D’abord, la verticalisation des contrats. Je me félicite de la dynamique positive qui se dessine sur le plan qualitatif, induisant une fluidification du dialogue avec l’industrie. Nous observons ainsi les premiers signes d’amélioration de la disponibilité de nos aéronefs (c’est notamment vrai pour la flotte A400M, et pour le RAFALE avec le contrat RAVEL qui commence à porter ses fruits).

Deuxième pilier, le projet de soutien opérationnel « SO 4.0 » de l’AAE, qui vise à améliorer la performance de nos Escadrons de Soutien Technique Aéronautique (ESTA), en modernisant la logistique ainsi que la formation et l’environnement de travail des mécaniciens.

J’indiquais tout à l’heure à madame la présidente que nos jeunes officiers ont réorganisé l’ESTA de la base aérienne d’Orléans, conduisant par exemple à réduire la durée des chantiers d’échange de moteur d’A400M de 14 à 7 jours. Ce gain de temps de 50 % a été rendu possible grâce aux outils et dialogue mis en place avec Airbus. M. le député Claude de Ganay, qui était avec moi hier à la base aérienne d’Orléans a constaté ces évolutions.

Les compétences de nos mécaniciens sont d’autant plus essentielles que ce sont eux qui sont projetés en opérations. Lorsque nous avons déployé en 48 heures les A400M à Kaboul, une équipe de nos mécaniciens est montée à bord – et le taux de disponibilité de l’A400M pendant l’opération Apagan a été de 100 %, ce qui est assez extraordinaire pour être souligné.

J’identifie en outre un point de vigilance, que vous avez déjà évoqué, sur la défense Sol-Air, sur ses différents segments, et notamment la lutte anti-drones.

Ces moyens sont utilisés pour protéger nos bases à vocation nucléaire sur le territoire national, mais aussi nos bases aériennes projetées et nos troupes déployées. Ils participent en outre aux dispositifs particuliers de sûreté aérienne, comme lors du G7 de Biarritz, où l’Armée de l’Air et de l’Espace a déployé les premières briques du dispositif de lutte anti-drones sur la base des systèmes MILAD et BASSALT, qui sont en cours d’expérimentations. Nous gardons évidemment en ligne de mire l’échéance des JO 2024.

J’insiste sur ce volet de lutte anti-drones, qui est un vrai enjeu, dans un contexte de diversification du trafic et d’usage croissant des drones dans l’espace aérien : la menace d’usage malveillant des drones grandit, nous devons nous y préparer. Les pays du Moyen-Orient sont déjà touchés et nous pourrions également être concernés. Je pourrai y revenir dans les questions si vous le souhaitez.

Il me semble naturel que l’armée de l’Air et de l’Espace, étant donné son expertise dans la protection et la gestion de la troisième dimension, et le travail qu’elle accomplit depuis des décennies pour coordonner les mouvements aériens, soit au cœur de la coordination de la lutte anti-drones. Je sais que dans leur rapport d’information consacré à l’action aérospatiale de l’État, deux députés membres de la commission ont évoqué certaines hypothèses à ce sujet. Il est essentiel de faire prendre conscience à tous ceux qui veulent utiliser des drones dans l’espace aérien français qu’une coordination est indispensable ; cette coordination devra être organisée.

Enfin, je ne saurais terminer mon propos sans évoquer les perspectives du spatial de défense, et plus particulièrement le Centre d’Excellence Espace pour l’OTAN, qui sera adossé au Commandement de l’Espace à Toulouse. Parce que l’extension de la coopération aux opérations spatiales est une priorité, ce centre travaillera au profit de l’OTAN et de ses partenaires selon quatre piliers : le développement conceptuel, la doctrine, la formation et le retour d’expérience.

Voilà, en quelques minutes, mes premières impressions après ma prise de fonctions en tant que chef d’état-major de l’Armée de l’Air et de l’Espace. Je poursuis bien entendu ma réflexion avec mon équipe de commandement pour construire une vision stratégique, cohérente avec celle que le chef d’état-major des Armées vous a présentée il y a quelques jours. Mon objectif premier demeure que l’Armée de l’Air et de l’Espace soit toujours au rendez-vous des opérations.

Je vous remercie de votre attention. Je vous propose maintenant de visionner un petit film sur l’AAE et je serai ensuite prêt à échanger avec vous !

(Une courte vidéo mettant en images les missions de l’armée de l’Air et de l’Espace est projetée.)

Général Stéphane Mille, chef d’état-major de l’armée de l’Air et de l’Espace. Je vais désormais répondre à vos questions, madame la présidente, sur l’activité du drone Reaper dans la bande sahélo-saharienne. Le drone Reaper a permis un changement d’échelle dans la capacité de renseignement, dans la compréhension et la connaissance de ce qui se passe sur le terrain, et dans la permanence que nous sommes capables d’assurer au-dessus d’une zone d’engagement. Évidemment, la capacité de tirs sur opportunité ouverte en décembre 2019 a ajouté à l’intérêt de cet instrument. Ceci dit, le Reaper est avant tout un outil de renseignement : c’est sa mission principale. Mais, par sa permanence sur le terrain et grâce à son armement, il peut saisir une opportunité. Le Reaper apparaît ainsi comme complémentaire de l’aviation de chasse, qui offre de son côté une plus grande ubiquité propice aux dimensions du théâtre, une réactivité permettant une action dans des délais courts et une capacité de frappe beaucoup plus significative.

S’agissant de la décision de retrait légèrement anticipé du C-160 Gabriel, elle a été prise pour des raisons budgétaires. En effet, suite à l’export de Rafale à la Grèce, l’armée de l’Air et de l’Espace a dû prendre en partie sous enveloppe les recomplètements des pièces, rééquipements des avions et augmentation du marché Ravel pour augmenter la disponibilité de la flotte restante. Afin de préserver un socle indispensable à l’activité organique Rafale, des économies ont dû être trouvées sur d’autres segments. La décision a été prise de retirer l’ensemble de la flotte C160, ancienne et coûteuse. Le successeur du C-160 Gabriel, le système Archange, est attendu en 2026 au mieux. Mais nous ne serons pas entièrement démunis d’ici là, grâce au système ASTAC installé sur les avions de combat, aux drones et aux satellites CERES qui compensent partiellement le retrait du C-160 Gabriel en capacités de renseignement.

La formation liée à ces contrats d’exportation a déjà eu lieu pour les Grecs, il restera à former les Croates, probablement à l’horizon 2023. 2023 verra la convergence de plusieurs facteurs : moins de machines, des effectifs de pilotes croates à former et aussi la reconversion des équipages de Mirage 2000 D et de Mirage 2000 C qui devront être formés au pilotage de Rafale. Il pourrait en résulter un retard de quelques mois dans la formation des pilotes par rapport au schéma idéal. Ce n’est pas une catastrophe : d’autres aléas peuvent aussi provoquer des retards de quelques mois dans la très longue formation d’un pilote de chasse. Enfin, la modernisation de notre outil de formation raccourcit les délais de formation des pilotes, si bien que l’on perd d’un côté, mais on gagne de l’autre. Il n’en reste pas moins que la gestion des flux de formation, notamment sur Rafale, demandera de la vigilance en 2023.

Mme Patricia Mirallès. Je vous remercie pour cet exposé et aussi de nous avoir permis de participer à la mission Poker. J’ai mesuré à cette occasion les facultés d’adaptation de l’équipage quand un problème survient. Il est important pour nous de vivre ces moments pour mieux défendre votre budget. Ainsi, il est prévu dans le projet de loi de finances pour 2022 que les crédits dévolus à la préparation des forces aériennes augmenteront de 149 millions d’euros. Cela suffira-t-il pour assurer la mise à disposition des aéronefs ? Cette hausse ne correspond-elle pas à la couverture de l’explosion des coûts de maintien plutôt qu’à l’amélioration du taux de disponibilité des appareils ? D’autre part, les livraisons d’A400M permettront-elles de réduire le recours à l’affrètement d’avions privés ?

M. Charles de la Verpillière. J’ai également été impressionné par l’exercice Poker de la composante aérienne de la dissuasion nucléaire au départ d’Istres auquel nous avons assisté dans la nuit du 21 au 22 septembre dernier.

Je n’ai pas été entièrement convaincu par les solutions que vous avez esquissées pour compenser le décalage par rapport à l’objectif établi dans la LPM dû aux ventes de Rafale à la Grèce et à la Croatie. Notre groupe ne remet pas en cause le bien-fondé des ventes d’aéronefs d’occasion destinées à satisfaire les besoins de pays amis proches, exposés à certaines menaces de grandes puissances en devenir, mais nous nous interrogeons sur leurs effets pour nos armées. De dix à vingt Rafale manqueront pendant la période 2023-2025 et les solutions envisagées ne nous semblent pas à la mesure d’une montée des périls plus rapide qu’on ne le pensait. Il faut aller bien au-delà, et pour cela une décision politique est nécessaire.

M. Fabien Lainé. Mon général, je salue votre prise de fonction et vous souhaite plein succès dans l’accomplissement de vos nombreuses missions. Alors que la crise afghane a confirmé la nécessité d'accroître nos efforts de coordination capacitaire, technologique et humaine au sein de l’Union européenne, il semble primordial d’œuvrer pour la garantie de l’autonomie stratégique de la France. Le PLF 2022 renforce les crédits alloués au domaine spatial, prévoyant notamment 646 millions d’euros pour soutenir la stratégie projetée pour l’espace. Le Président de la République s’est dit déterminé à investir dans le domaine spatial. Évoquant SpaceX, il a rappelé que l’émergence de nouveaux acteurs du domaine spatial a été permise grâce à l’investissement massif des agences d’État et d’argent fédéral, conjugué à des innovations technologiques bouleversant les pratiques industrielles. Cela entraîne des conséquences sur le comportement des différentes puissances, et l’on comprend bien la nécessité d’avoir créé le commandement de l’espace. Partagez-vous le constat établi par le président Emmanuel Macron que l’État doit travailler avec les nouveaux acteurs spatiaux ? Considérez-vous que les crédits alloués au domaine spatial dans le PLF 2022 permettent de s’engager dans cette voie ?

M. Jean-Charles Larsonneur. Je partage les préoccupations exprimées au sujet du remplacement des avions de chasse Rafale cédés. Les contrats passés avec la Grèce et la Croatie sont de bonnes nouvelles, mais leurs conséquences appellent une grande vigilance. À ce sujet, le projet de budget pour 2022 prévoit 267 millions d’euros en crédits de paiement pour le développement du Rafale au standard F4-1 ; quel calendrier de mise en œuvre est prévu à ce sujet ?

Sur un autre plan, quel est votre rôle au sein du comité des chefs d’état-major, le COCEM ? Chaque chef d’armée s’y rend-il pour décrire ce que serait son arme idéale ou ce comité sert-il à définir une vision globale des armées ?

M. André Chassaigne. Je vous remercie, général, pour votre exposé introductif. J’ai toujours grand plaisir à entendre les nouveaux chefs d’état-major, tenus dans leurs propos à un équilibre aussi précaire qu’un funambule au-dessus des chutes du Niagara, et je constate que vous vous en sortez très bien… Nos industries aéronautiques et spatiales sont souvent duales, œuvrant dans le domaine civil et de défense. Cela a une incidence sur la souveraineté du pays et sur son indépendance en matière de défense nationale. Prenons ArianeGroup, qui étudie et fabrique les lanceurs civils mais aussi le missile M51 de la force de dissuasion nucléaire. Le lanceur Ariane 5 avait été conçu dans une perspective de vols habités avec la navette Hermès, et donc avec une qualité opérationnelle irréprochable pour éviter de perdre des vies. Cette logique est cohérente avec la doctrine du M51, équipé de têtes nucléaires et embarqué à bord de sous-marins qui ne peuvent davantage se permettre la moindre erreur.

La règle de qualité en vue de la sécurité n’a jamais été transgressée. Or, sous prétexte de baisses de coûts et de compétitivité, ArianeGroup a allégé ses contrôles. Ces choix évidemment dictés par des ratios de rentabilité peuvent entraîner des répercussions importantes sur le lanceur de la dissuasion nucléaire. Il y a une dizaine d’années déjà, une crise sans précédent avait été évitée de justesse après que l’on eut décelé des erreurs majeures commises par un sous-traitant sur les ensembles du M51, avec des conséquences financières non négligeables. La direction générale de l’armement (DGA) a récemment fait un audit de la fabrication du M51. Pour 2020, sa fiche de performance qualité est de 11,7 en moyenne, dont 5,6 pour la qualité produit ; cette note parle d’elle-même. Selon la direction d’ArianeGroup, la moyenne établie sur les années 2017 à 2020 est de 20 000 non-conformités. Or, à l’opposé de votre modèle de ressources humaines, le groupe a engagé il y a quelques jours un plan social prévoyant la suppression de 600 postes, les premiers départs devant avoir lieu dès le mois de décembre 2021. Comment se passer en si peu de temps des compétences et des savoir-faire de ceux qui partent ? Quel est le niveau de contrôle de l’État, de la DGA et de l’armée de l’Air et de l’Espace sur la qualité des engins fabriqués par nos industries de la défense française et européenne ?

Enfin, vous avez évoqué le MCO, mais encore faut-il donner les moyens suffisants au Service industriel de l’aéronautique (SIAé) – ou considérer que l’on va tout transférer au secteur privé. Comment ne pas déplorer la fermeture de l’atelier industriel de l’aéronautique de Toul en 2024-2025 avec l’arrêt du Puma ? On aurait pu imaginer d’autres solutions industrielles pour le maintenir. De même, à l’atelier de Clermont-Ferrand, la construction d’un bâtiment pour les hélicoptères est toujours en attente ; dans ces conditions, comment garantir le plan de charge du Tigre ? Encore faut-il avoir les locaux, recruter dans toutes les catégories, et aussi garantir l’avancement des salariés et des augmentations de salaires afin de rendre le SIAé attractif.

M. Jean-Jacques Ferrara, rapporteur pour avis sur la préparation et l’emploi des forces : Air. Plusieurs d’entre nous sommes préoccupés par les conséquences pour l’armée française, de l’exportation d’avions de chasse Rafale. Vous avez l’objectif de parvenir au standard F5 à l’horizon 2035. Pourriez-vous nous en dire davantage sur ce que vous attendez de ce standard face à des puissances qui entendent limiter nos capacités de déplacement dans l’espace ?

En présentant en juillet 2019 le rapport d’information sur l’action aérospatiale de l’État, Christophe Lejeune et moi-même avions conclu à la nécessaire amélioration de la coordination des moyens aériens par le renforcement du commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA). Les choses sont-elles plus satisfaisantes maintenant, notamment dans le cadre de la lutte anti-drones ? Je n’en suis pas sûr.

Général Stéphane Mille, chef d’état-major de l’armée de l’Air et de l’Espace. Pour répondre à de nouvelles questions sur le Rafale, le standard F5 n’est pas encore défini. Nous cherchons à renforcer la connectivité et l’échange de données et nous travaillons à des sujets relatifs à la dissuasion. Les Rafale au standard F4-1 seront livrés à partir de 2022. Ce standard alliera de nouvelles fonctionnalités de connectivité, de survivabilité et de disponibilité. Nous attendons des gains capacitaires dès 2023-2026 et l’ensemble des fonctionnalités prévues avec ce standard en 2027-2030.

L’augmentation de 149 millions d’euros dévolue à la préparation des forces aériennes suffira-t-elle ? Je l’espère. Nous l’avons calculée pour passer l’étape difficile à venir.

Bien entendu, plus nombreux sont les A400M dont nous disposons et plus les affrètements à l’étranger diminuent, mais nous aurons toujours besoin d’appareils supérieurs en volume à l’A400M. La montée en puissance de l’A400M est réelle - il y a un an, mon prédécesseur, le général Lavigne, indiquait que quatre ou cinq A400M étaient disponibles chaque jour ; hier, dix étaient sur le parking de la base aérienne d’Orléans. Pour autant les affrètements ne seront pas supprimés, mais réduits.

Je laisserai le directeur général de l’armement, que vous recevez cet après-midi, répondre à vos questions portant sur la qualité des fabrications des entreprises duales.

En matière d’espace, un important travail de planification des capacités et services dont nous avons besoin est en cours. Nous devons atteindre la capacité de résilience nécessaire pour mener des opérations spatiales militaires ; des discussions ont lieu à ce sujet entre le Centre national d’études spatiales (CNES) et les armées. La menace d’emploi militaire dans l’espace étant désormais réelle, il faut modifier la réglementation établie depuis des années. Il est indispensable de disposer de capacités duales, mais les deux volets doivent désormais être gérés de manière à ce que l’état-major des armées puisse intervenir dans l’espace si une menace se précise. C’est tout l’objectif de l’exercice AsterX, qui vise à anticiper les réponses à des scénarios probables à court et moyen termes.

M. Stéphane Vojetta. AsterX a été, nous avez-vous dit, le premier exercice militaire spatial européen. Dans quel cadre s’est-il déroulé et avec quels autres États ? De quel ordre fut la coopération entre eux ? Quelles sont les conclusions de cet exercice en termes de forces et de faiblesses, s’agissant en particulier du partage de données avec nos partenaires ?

M. Jacques Marilossian. Dans un récent article de la revue Défense et sécurité internationale, le commissaire en chef Rémy Bonte expose qu’opérations aériennes et écologie sont compatibles. Les programmes d’armement comprennent souvent une dimension environnementale et l’armée de l’Air et de l’Espace a des leviers pour réduire son empreinte carbone : la sensibilité de tous les pilotes à l’enjeu écologique, la nécessité d’une résilience écologique, l’emploi de carburant écologique. M. Bonte souligne que pour bâtir la résilience écologique, des crédits spécifiques seraient nécessaires dans des domaines capacitaires mais aussi pour financer des initiatives locales destinées à améliorer la sobriété des bases aériennes. Le PLF 2022 et la LPM permettent-elles à l’armée de l’Air et de l’Espace de répondre au défi de la transition écologique ?

M. Christophe Blanchet. L’opération Apagan s’est heureusement déroulée mais personne n’avait prévu la prise de Kaboul par les Talibans et si l’opération a réussi, c’est aussi parce que les Talibans ne s’y sont pas opposés. En bref, rien ne s’est passé comme prévu. Pour l’exercice AsterX, vous avez travaillé dix-huit scénarios, mais pourquoi ceux-là ? S’agissait-il de scénarios uniquement militaires ? Vous êtes-vous inspirés de la Red Team ? Vous avez envisagé le brouillage de satellites mais avez-vous aussi imaginé une double attaque cyber et brouillage de satellite ? Quels scénarios n’avez-vous pas pensés ?

Mme Françoise Ballet-Blu. Quels moyens de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences sont employés pour pallier les manques d’effectifs qui risquent de gravement vous pénaliser ?

Mme Sereine Mauborgne. Je pousserai plus avant la question de notre collègue Larsonneur en vous demandant de nous communiquer le compte rendu de la réunion du COCEM relative au repli de Barkhane, et de nous dire la vision de l’armée de l’Air et de l’Espace à ce sujet. La question des hélicoptères de transport lourd est d’une particulière importance. Mon collègue Jean-Jacques Ferrara et moi-même avons malheureusement assisté au départ des Merlin de la base de Gao en novembre 2020. La lueur d’espoir est que ces engins sortis de la mission Minusma pourraient revenir au profit de nos forces spéciales dans le contexte du redéploiement à venir ; tout ce qui nous permettra d’être réactifs dans les interventions, notamment les hélicoptères de transport lourd, sera essentiel. D’autre part, participez-vous aux discussions avec le chef d’état-major espagnol sur l’élaboration du standard 3 du Tigre ?

Mme Patricia Mirallès. Rapporteure, avec mon collègue Jean-Louis Thiériot, d’une mission d’information consacrée à la préparation à la haute intensité, je m’interroge sur la cohérence de la politique d’achat des munitions. Ainsi, il a d’abord été question d’acquérir 200 missiles Meteor, puis 100, et 160 finalement. En procédant de la sorte, n’en vient-on pas à un prix unitaire plus élevé que si l’on en était resté aux 200 initialement prévus ?

Général Stéphane Mille, chef d’état-major de l’armée de l’Air et de l’Espace. Les enjeux écologiques sont un sujet de préoccupation, pour les aviateurs comme pour tous les militaires qui sont également des citoyens. De multiples initiatives sont prises pour participer à l’effort collectif, dont l’emploi, pour partie, de biocarburant. Beaucoup de bases aériennes ont des espaces Natura 2000 dont les commandants assurent la protection. Sur la base aérienne de Cazaux, où se trouve l’école des pompiers de l’armée de l’air, l’aire d’entraînement aux incendies n’emploie plus de fuel mais du gaz, et les eaux employées sont réutilisées. La prise en compte de la dimension écologique fait évoluer les installations. Lorsque je dirigeais le CPCO, le chef de la base aérienne projetée H5 m’entretenait régulièrement de son concept d’autonomie électrique grâce à des capteurs solaires. Ces réflexions sur les enjeux écologiques irriguent désormais l’armée de l’Air et de l’Espace.

Concernant AsterX 2021, l’Allemagne et les États-Unis ont participé aux cotés de la France. Dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne en 2022, l’objectif est une ouverture plus large aux pays européens, dont certains se disent déjà intéressés ; l’ouverture du centre d’excellence espace de l’OTAN accélérera d’ailleurs la dynamique européenne.

Les dix-huit scénarios de l’exercice AsterX ont été élaborés par le CDE avec le CNES et la direction du renseignement militaire. Alors que le centre d’opérations n’est pas encore inauguré, ce premier exercice AsterX devait permettre de définir comment intégrer le multi-champs et les multi-capteurs pour défendre plus efficacement notre espace exo-atmosphérique. Nous devons avancer progressivement, et les questions spatiales vont beaucoup nous occuper à l’avenir.

S’agissant de l’adaptation du dispositif Barkhane, nos partenaires – la Minusma, les Européens et les forces armées maliennes – réclament de la réassurance ; au Sahel, la réassurance passe par un dispositif 3D solide. Nos partenaires demanderont donc à ce que la France maintienne une capacité d’intervention, si bien que notre dispositif aérien ne sera modifié que marginalement et continuera de s’appuyer sur la base aérienne projetée de Niamey.

M. Jacques Marilossian. Étant donné l’activité chinoise en Mer de Chine, l’armée française envisage-t-elle d’utiliser là-bas des avions amphibies ?

Général Stéphane Mille, chef d’état-major de l’armée de l’Air et de l’Espace. Il n’existe pas de projets de ce type.

Toujours au sujet de Barkhane, l’augmentation des activités a été rendue possible notamment par les hélicoptères de transport lourd. Les Chinook britanniques étant arrivés avant même le départ des Merlin danois, il n’y a pas eu de rupture. Des transformations de mission se font naturellement en fonction des équipements mis à disposition du commandant de la force. La capacité n’a pas disparu du théâtre. Tout l’enjeu des discussions que j’avais avec mes homologues européens dans mes précédentes fonctions était de mesurer s’ils pouvaient participer à l’opération Barkhane ou à la Task Force Takuba en mettant à disposition des hélicoptères de transport lourd. Comme nous n’en avons pas, nous essayons d’attirer nos partenaires européens sur cette capacité particulière, indispensable au Sahel, où des volumes importants doivent être transportés sur de longues distances.

Sur le plan des ressources humaines, les recrutements ont beaucoup augmenté en 2021, ce qui génère des difficultés de formation que nous cherchons à combler par de nouveaux outils comme la simulation.

Il nous faut aussi tenir compte dans notre recrutement de tous les nouveaux espaces de conflictualité. Nous devons fournir des nouveaux spécialistes du cyber, du spatial. Cela passe évidemment par une gestion active des compétences et des parcours de formation efficaces. Nous avons aussi créé une spécialité du C2 (commandement et conduite des opérations) dans l’armée de l’Air et de l’Espace, car maîtriser le commandement d’une opération complexe est devenu un métier en soi.

Mme la présidente Françoise Dumas. Je vous remercie, général, pour cette belle présentation. L’armée de l’Air et de l’Espace fait face, vous en avez donné de nouvelles preuves. S’agissant du volume de l’aviation de combat d’ici 2025, nous avons mesuré l’ensemble de vos contraintes. Sur la défense sol-air et la lutte anti-drones, il reste encore à faire. Enfin, la montée en puissance du commandement de l’espace passera certainement par l’optimisation des relations avec le CNES. Nous saluons l’ensemble des équipes qui travaillent à vos côtés et l’ensemble des aviateurs, mécaniciens et personnels qui, récemment encore, ont démontré leur engagement et nous apportent un service de très grande qualité.

 

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  • 1 month later...

Propostion LREM pour la defense pour l'apres 2022 avec une revision de la LPM 

Un SNA de plus.  

Construction d'un 4 em PHA pour avoir un groupe amphibie permanent en indo pacfique (ils  proposent de le baser à Singapour) Mais ça c'est impossible car l'état de Singapour refuse toute presence de troupe étrangére permanente sur son sol. Font juste le avitaillement des avions et des navires en transit. 

Augmentation du nombre de patrouilleurs Oceaniques de 10 à 16 Pour avoir une présence permanente en Atlantique, mais aussi en Méditerranée, avec la mission Irini, et dans le golfe d'Oman, avec la mission Agénor, ainsi que dans le Golf de Guinée avec missions Corymbe . 

Accélération du programme European Patrol Corvette (EPC), afin de remplacer les 6 FS des 2030

Achat de Falcon 2000 supplementaires pour la SURMAR en outre mer 

Le  groupe recommande le lancement d'un hélicoptère lourd de 13 tonnes sous la maîtrise d'oeuvre d'Airbus Helicopters. Il estime le marché à 300 appareils

Il recommande égalment de doter l'armée de l'air d'essaims de drones consommables offensifs. Tout comme il n'oublie pas la lutte anti-drones, essentielle dans les opérations extérieures pour protéger les militaires et pour la protection des sites sensibles français et des grands événements organisés par la France

https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/elysee-2022-et-pourquoi-pas-un-groupe-amphibie-permanent-francais-en-indo-pacifique-lrem-902143.html

 

Un truc un peu plus fou faire comme les amercains transformer 2 SNLE en SNA porte misisle de croisiere quand les 2 SNLE NG seront ASA  

 

 

Modifié par Scarabé
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@hadriel  Explique : en quoi le focus sur le Pacifique n'est pas raccord avec l'actualité?  

@Scarabé Merci.  Des choses intéressant. Mais, 6 patrouilleurs de plus...  Vaudrait mieux des frégates en plus , surtout s'ils veulent un groupe en Indo-Pacifique.    J'adore l'idée de transformer deux SNLE.:biggrin:

Modifié par Fusilier
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il y a 14 minutes, hadriel a dit :

Ben l'actualité c'est plutôt le combat blindé en Ukraine. Du coup est-ce qu'il faut renforcer la Marine pour le pacifique ou l'AdT pour défendre la Pologne?

Pour moi l'Ukraine c'est du très court terme alors que leur programme est du moyen/long terme

De plus l'Ukraine nous intéresse parce que c'est à notre porte mais dans le Pacifique on parle de protéger nos territoires richesses et influences internationale

Modifié par clem200
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@hadriel Mis à part le fait que le combat blindé en Ukraine, avec participation Fr, me parait hautement improbable; l'actualité en Indo-Pacifique me parait tout aussi d'actualité que l'actualité à l'Est européen... Voir menaces sur les EAU auxquels nous sommes liés par des accords de défense et des bases in situ. 

Ceci dit, ce qui caractérise les conflits c'est la surprise, stratégie - tactique.  Alors j'ai quelques doutes sur la pertinence d'orienter nôtre stratégie en fonction de l'actualité de la semaine ou du mois, quitte à changer d'orientation la semaine d'après en fonction de la nouvelle actualité.

Une marine se construit sur le temps long, l'actualité n'est pas bonne conseillère, même une "actualité" durable genre "fin de la guerre froide".  

 

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Fusiler.

Suis d accord avec toi mais les PO sont moins cher que les frégates. :bloblaugh:

En gros on en revient aux Avisos.qui faisait tout un tas de mission s par manque de navire. 

Après c est de la com électorale.

Ils ont déjà gratter sur les PO et Avec les prix des métaux et de l électronique qui augmentent rien ne est garantie au tarifs des appels d'offres. . 

Très compliqué si tu en commande 16 sur 7 ans ils vont encore rogner sur les équipements

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@Scarabé  " mais les PO sont moins cher que les frégates" 

Avec le jeu de taquins que je proposais remplacer deux FS Antilles par deux PO (donc 10 + 2 PO)

On dégage du budget, auquel on peut ajouter le budget de 4 PO ( 6 - 2 = 4)  on doit bien arriver à faire pas loin de 2 frégates ( EPC haut spectre /  FDI...)  

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L'Ukraine c'est un exemple, le sujet c'est la défense de l'Europe de l'Est en général. On n'est pas crédibles à réclamer une europe de la défense si on ne se donne pas les moyens de soutenir les pays membres à la frontière.

Pour l'Indo-Pacifique, je veux bien qu'on ait des intérêts à y défendre, mais on peut faire x2 sur la taille de notre Marine et nous serons toujours minuscules par rapport aux chinois. Donc est-ce que ça nous apporte quelque chose d'un déployer un PHA et un SNA?

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@hadriel En Indo-Pacifique on conduit nos opérations avec des moyens de présence qui sont obsolètes.  Donc, avant de poser des hypothèses genre "que va-t-on faire face à la marine chinoise" (dans ce cas, comme en Europe on ne sera pas seuls)  il s'agit de mettre à niveau nos moyens, ce que l'Amiral nomme "accroître la militarité" de nos moyens.  Une des missions de la Marine c'est la "connaissance - anticipation"; dans le Pacifique on participe à des manoeuvres avec des alliés (exemple, exercice annuel Hawai - côte Ouest) qui envoient ce qu'ils ont de mieux...  Donc mettre à jour nos frégates de présence (prévu) et nos moyens Surmar & hélicos (prévu en cours) 

Dans ce cadre, ajouter un SNA et / ou un groupe amphibie ce n'est un "grand luxe" , ça permet d'augmenter le niveau de coopération régional et la capacité d'intervention; peser face à  la Chine ce n'est pas que de l'affrontement direct, c'est aussi de la présence : escales dans les archipels (que la Chine convoite) apporter de l'aide en cas de catastrophe (voir volcan Tonga) exercices etc... 

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Il faudrait déjà combler les lacunes. Muscler le nombre mais également les capacités d'emports et de stock d'armements notamment des frégates 1er et 2eme rang. Il serait également utile de croiseuriser les FREMM/FDA. Mais aussi, il serait opportun d'améliorer les dispo de certains équipements comme le nh90 (en moyenne pour la marine, 5 utilisables sur 27....), A400m (6 sur 18), C130 (3 sur 14), leclerc, rafale... et en renforcer quelques peu les effectifs.

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