Popular Post Tancrède Posted April 9, 2020 Popular Post Share Posted April 9, 2020 (edited) Plutôt que de partir en dérivations perpétuelles sur des topics dédiés à un sujet (plus ou moins) précis, je propose ici de parler de l'industrie du divertissement audiovisuel dans son ensemble, vu qu'il devient à notre époque impossible, et surtout peu pertinent, de l'envisager en plusieurs entités séparées genre ciné, télé (pour ce que ça veut encore dire), jeux vidéos.... C'est désormais entièrement à voir comme un tout, formé sur la base de contenus qui sont écoulés, dérivés, diversifiés, exploités et consommés sur différents vecteurs/médias et pensés ainsi dès l'abord, contrairement à une période antérieure très récente (et qui est encore effective dans une certaine mesure, surtout dans beaucoup de mentalités du métier) où l'on pensait sur base d'un vecteur de diffusion principal, les autres fournissant des alternatives secondaires et revenus complémentaires hors du "plat principal". Et la présente crise, comme beaucoup de crises majeures, est un vrai cygne noir pour le secteur, mais aussi un gigantesque accélérateur du changement: dans les estimations actuelles les plus optimistes, par exemple, le box office américain de cette année représentera à peine plus de la moitié de celui de l'an dernier (fourchette estimée entre 5,5 et 7 milliards contre 12 l'an dernier, soit le niveau de revenus des années 90), les hypothèses les plus réalistes incitant au pessimisme étant donné, outre les mois d'inactivité, les forts risques de "2ème vague" (voire plus) du virus, et l'impact lourd sur les comportements sociaux des consommateurs, surtout sur le sujet des rassemblements dans des espaces clos. Globalement, on pourrait passer d'un box office de 42 milliards en 2019, à un situé quelque part entre 22 et 25 milliards selon des hypothèses jugées plutôt optimistes (l'impact sur les comportements sociaux, avant tout les rassemblements dans des cinés, bars, restaus.... Est difficilement évaluable, et l'impact sur le pouvoir d'achat et donc les priorités de dépenses, est sûr d'être fort). Rien que les 2 premiers marchés, USA/Amérique du Nord et Chine, sont littéralement défoncés par la crise (les cinés sont fermés en Chine depuis janvier), alors qu'ils pèsent à eux deux autour de 40-43% du marché mondial. Les alternatives sont désormais nombreuses, mais n'ont pas le même impact produit par produit, limitent drastiquement la capacité à créer des films ou séries "événements" permettant à certains de surnager facilement au sein de ce qui est désormais un maelström de productions, et surtout, surtout, n'offrent pas du tout les mêmes retours sur investissement étant donné le modèle très partiellement satisfaisant que constitue le streaming, où le revenu est celui de l'abonnement ou de la consommation à la demande (où beaucoup peuvent voir un produit pour un prix unique, et où l'achat est de ce fait un one shot moins rentable et fidélisateur), et où il est moins aisé d'identifier ce qui cause non seulement l'achat, mais sa récurrence, alors même que l'incitation pour les plates-formes est de produire beaucoup plus (ce qui est TRES cher). Et tout cela arrive alors que toutes les grandes plates-formes, soit de plus en plus de grandes entités intégrées (studio/distributeur, producteur, exhibiteur -streaming, chaînes télés, BD, livres...) et multimédias, adossées à de très grandes entités capitalistiques exploitant tout le spectre de la production (cycle de vie du film/de la série, produits dérivés, spin offs, parcs d'attractions....) et couvrant aussi d'autres secteurs d'activités (Apple, Amazon, Disney, Comcast....), ces grandes plates-formes, donc, sont très lourdement endettées (Netflix, Disney, Warner....), souvent loin au-delà du supportable, le secteur ayant passé la dernière décennie pris entre la nécessité de changements et d'adaptation coûteux, et une vraie bulle financière, les deux incitant de façon très malsaine à claquer beaucoup de "dumb money". D'où les contrats hallucinants, la quantité de productions de merde obéissant à des motifs de connivance, d'activisme politique/idéologique, de promotion/d'aide de copains ou fantaisies futiles à la mode d'Hollywood, ou encore les gigantesques opérations de rachat hors de prix -heum.... Fox- et l'ambition de tous de monter des dizaines de services de streaming dont 90% étaient sûrs de claquer vite. Bref, une bulle. Et là, ça craque de partout: Disney, qui reposait avant tout sur ses parcs et semblait encore invincible il y a 3 semaines, saigne vite et fort vu que les dits parcs sont fermés et coûtent dix blindes à chaque seconde (et vu l'impact sociétal et économique, ils souffriront bien au-delà de la fin du confinement). Dès les prémisses du confinement, la boîte aux grandes oreilles a du emprunter 6 milliards rien que pour garder la lumière allumée, et vient d'en reprendre pour 7 de plus. Rapidement, les géants du secteur sont potentiellement en train de devenir des junk bonds et commencent à envisager de tailler leurs organisations à la machette, alors même que tout le monde ou presque est coincé à domicile et n'a que des écrans à regarder.... Ecrans qui rapportent beaucoup moins produit par produit que le "grand", et surtout que ce que tout le monde croyait ou voulait croire ou faire croire il y a encore peu. C'est le business du futur, mais il n'est pas correctement évalué, et tout le monde a déjà vendu sa chemise pour en être alors même que, en conséquence du virus, les "streaming wars" viennent de se surintensifier en ampleur et en rapidité. L'offre sera donc lourdement impactée, vu ce qu'une bonne part de la demande va se prendre dans la gueule. Les premiers soldats à tomber vont être les salles et réseaux de salles de cinéma, déjà un secteur fragile avant la crise vu les lourds investissements qu'ils ont du sans cesse consentir ces 2 dernières décennies sous pression des studios, la propension croissante des gens à se contenter du petit écran, et la dureté des négos avec des distributeurs de plus en plus puissants en comparaison (sur la participation aux productions, les conditions, délais et tarifs de diffusion, le partage des ventes....). Rien qu'aux USA, il y avait plus de 5400 cinémas avant la crise: parions qu'il y en aura beaucoup moins après et que leurs prospects pour la suite ne seront pas joyeux. Le grand réseau de salles AMC, leader aux USA, devra ainsi probablement déposer le bilan (pas forcément fermer toutes ses portes cependant, mais ça dépendra beaucoup des désirs d'investissement). Bref, avant de m'égarer trop dans les conséquences de la présente crise pour ce qui reste un sujet général, le point est que, face aux changements imposés par l'évolution structurelle du secteur ces 10 dernières années (plus massifs que pendant les 30 précédentes) et la crise conjoncturelle présente, tout ce qui alimente notre consommation de fiction audiovisuelle va en prendre un énorme coup. Avec des conséquences bonnes et mauvaises, vu que les parts de marché vont brutalement devenir beaucoup plus chères, et que les business models tels qu'on les concevait il y a encore quelques semaines vont drastiquement changer, accélérant certaines évolutions, et cassant complètement diverses tendances, avec en toile de fond des financements qui pourraient devenir beaucoup, beaucoup plus rares et moins aisés à obtenir et gaspiller. Des impressions, des infos, des idées? Edited May 1, 2020 by Tancrède 1 1 1 2 Link to comment Share on other sites More sharing options...
Kiriyama Posted April 9, 2020 Share Posted April 9, 2020 (edited) Je connais très mal le sujet, mais j'ai juste un souhait : qu'il y ait un petit nettoyage dans la production de l'industrie audiovisuelle et un recentrage sur davantage de qualité. J'ai pris une carte prépayée Netflix pour pouvoir regarder la troisième saison de Shooter (après avoir attendu longtemps qu'elle sorte en DVD) et j'ai fait un petit tour sur l'offre proposée. Elle est hyper abondante, mais la qualité a quand même l'air déplorable. J'ai essayé de visionner pas mal de chance, poussé par la curiosité, et je n'ai quasiment jamais réussir à finir une seule saison de ce que j'ai commencé à regarder, Scams et Dare Me. Pour le reste, j'ai regardé pas mal de choses et c'est généralement… mauvais. Les séries sont vraiment chiantes, se ressemblent toutes très fortement (intrigues, personnages…), c'est généralement très basique au niveau de la réalisation, peu spectaculaire pour des séries qui le devraient (par exemple Narco Mexico, ultra chiant). Tout ça donne l'impression d'être tourné à la chaîne. Pour les studios de cinéma, idem. Edited April 9, 2020 by Kiriyama Link to comment Share on other sites More sharing options...
Tancrède Posted April 9, 2020 Author Share Posted April 9, 2020 1 hour ago, Kiriyama said: Je connais très mal le sujet, mais j'ai juste un souhait : qu'il y ait un petit nettoyage dans la production de l'industrie audiovisuelle et un recentrage sur davantage de qualité. J'ai pris une carte prépayée Netflix pour pouvoir regarder la troisième saison de Shooter (après avoir attendu longtemps qu'elle sorte en DVD) et j'ai fait un petit tour sur l'offre proposée. Elle est hyper abondante, mais la qualité a quand même l'air déplorable. J'ai essayé de visionner pas mal de chance, poussé par la curiosité, et je n'ai quasiment jamais réussir à finir une seule saison de ce que j'ai commencé à regarder, Scams et Dare Me. Pour le reste, j'ai regardé pas mal de choses et c'est généralement… mauvais. Les séries sont vraiment chiantes, se ressemblent toutes très fortement (intrigues, personnages…), c'est généralement très basique au niveau de la réalisation, peu spectaculaire pour des séries qui le devraient (par exemple Narco Mexico, ultra chiant). Tout ça donne l'impression d'être tourné à la chaîne. Pour les studios de cinéma, idem. C'est une statistique que j'ai déjà citée, mais elle est utile: en 2015-2016, il se produisait 5 fois plus de séries (et films pour diffusion télé/streaming/vidéo on demand) qu'en 2001, alors que ni le nombre de paires d'yeux, ni le nombre d'heures consacrées à la fiction audiovisuelle, ni surtout le budget moyen dispo par personne n'avaient été multipliés par un tel facteur (même pas par deux en fait). Et depuis 2016, les streaming wars ont commencé, avec Netflix se payant une concurrence toujours plus forte, aggressive et très financée: Apple, Amazon, HBOMax (avec Warner), Peacock (= Universal/Comcast/Dreamworks/NBC), Disney+ et Hulu (= Disney+Fox+ABC+Lucasfilm+Marvel+Pixar), et tout un tas de Networks et de plus petites entités qui toutes tentent leur chance (genre CBS Access, AMC...). Le tout représente des dizaines, centaines de milliards d'investissement. Avec pour résultat une concurrence qui s'est faite dans sa version la plus aggressive, soit par un raz de marée de productions réalisées à des coûts ahurissants, ce qui a amené les méga contrats (pour des réalisateurs, sociétés de prod et acteurs) des dernières années, basés sur un endettement jusque très récemment pas/peu compté; une bataille de la surenchère permanente sur tous les aspects du métier, avec bien peu "d'oversight" et de self control. Bref, une vraie gabegie qui, pour ce qui nous intéresse, a du encore multiplier le nombre de productions par 3 ou 4 depuis 2016. Alors certes, ces grands services de streaming essaient désormais d'aborder leur plate-forme comme un outil mondial visant une demande mondiale, mais là, non seulement les autres régions du monde développent aussi leurs offres, mais plus encore, elles développent leurs productions. Des accords de coopération et de cofinancements se multiplient, mais comme pour le ciné, la demande nord américaine reste le coeur des visées de ces boîtes US (plus rentable, plus harmonieuse culturellement, plus prévisible pour eux, et une place de marché plus manageable sur le plan réglementaire via un lobbying infiniment plus rôdé et intégré), et la coopération implique de facto plus de partage et moins de pouvoir de peser (ainsi que moins de pouvoir dans les choix de prod et la conduite des projets: c'est qu'il y a un fort lobby de la prod aux USA, avec beaucoup de monde à alimenter). Mais la crise a des chances de tout changer, en réduisant drastiquement l'accès aux masses de "dumb money" qui étaient encore dispo il y a 3 semaines, et en renvoyant les studios à la masse de dette qu'ils ont accumulé, et qui va maintenant peser d'autant plus lourdement que les recettes vont prendre un coup massif dans un premier temps, et un autre très conséquent pendant une longue période. L'impact sera conséquent pour le nombre de prods et leur tarification (ce sera moins byzance pour les réalisateurs, les acteurs, les cadres, les notes de frais....), mais savoir ce qu'il en sera pour la sélection des projets et la façon dont ils essaieront de différencier par la qualité, c'est encore à voir. 1 Link to comment Share on other sites More sharing options...
Berezech Posted April 10, 2020 Share Posted April 10, 2020 Faut voir qui va douiller, mais j'avoue ne pas réussir à verser une larme pour l'industrie du divertissement audiovisuel. Elle fonctionne par cycle et elle avait poussé le pêché trèèèèès loin lors de la phase euphorique de celui-ci. Pas grand chose de bien intelligent à dire en dehors de ça. On risque curieusement de voir essentiellement survivre les structures publiques audiovisuelle, avec les bons et les mauvais côtés que ça comporte. (regarder Louis la Brocante, Drucker, le JT de Fr2 le reste de son existence sonne comme une malédiction), la mafia CNC va s'en tirer ... malheureusement. La demande restera forte, donc il y aura une industrie après la crise. Peut être qu'on aura une phase un peu comme celle qui a suivi la fin de l'âge d'or d'Hollywood ou un cinéma d'auteur plus simple et nécessitant moins d'investissement deviendra plus bankable que les superproductions. (dur à imaginer mais ce fut brièvement le cas). Ensuite les leçons seront oubliées, business as usual ... 2 Link to comment Share on other sites More sharing options...
Popular Post Tancrède Posted April 30, 2020 Author Popular Post Share Posted April 30, 2020 (edited) Si comme souvent les "leçons" seront oubliées, ça ne veut pas dire qu'elles le seront toutes, ni surtout que les changements apportés par cette crise n'imposeront pas ce que la réflexion interne du secteur serait incapable de produire par elle-même. Et en ce moment, la structuration du secteur au niveau des producteurs/distributeurs, d'une part, et les formes que prennent les exhibiteurs, d'autre part, semblent appelées à déterminer l'essentiel de ce qui se passera, sur fond d'un tarissement certain des sources de financement tous azimuths autant via l'effondrement localisé de la demande (les salles de ciné, plus le massif resserrement de portefeuille des spectateurs) que par l'impact de la crise sur les autres revenus des groupes animant l'industrie. Le premier touché est évidemment le plus gros: Disney. L'un des seuls groupes non adossés à une entreprise géante et couvrant de multiples secteurs d'activité (Disney étant son propre géant, mais très spécialisé dans le divertissement), Disney, qui semblait hier invincible, a des problèmes, ayant déjà du emprunter plus de 12 milliards dans les 2 premières semaines de fermeture rien que pour garder la lumière allumée, licencier pas loin de la moitié de ses effectifs (surtout les parcs et hôtels, mais aussi dans la prod ciné et ailleurs), et raquant des sommes inimaginables chaque jour pour maintenir, même avec peu de personnel, ses parcs et hôtels qui restent sa première source de revenu (jusqu'en mars: maintenant, c'est le premier gouffre, au moins jusqu'en août où un début de reprise d'activité réduite pourrait commencer). Les autres grands studios, adossés à de très grosses boîtes d'autres secteurs (Sony, Comcast....) dont ils sont tout ou partie de la division média/divertissement, ne sont guère plus à la fête, puisque la diffusion est LE point qui pose problème. Et c'est justement là que le grand changement déjà en germe avant la crise pourrait se trouver accéléré: le plus grand réseau de salles de ciné, AMC, s'est mis en banqueroute (chapter 11: ça veut pas dire la clé sous la porte), et les autres ne sont guère mieux. Mais, AMC en tête, ils mènent maintenant un combat tactique avec les studios pour que ceux-ci ne diffusent pas leurs grosses productions qui auraient du ou devraient sortir pendant la crise, via streaming, et surtout PPV. Si le modèle économique a ses limites, voire n'est pas encore au point, c'est pourtant dans cette direction que toutes les attentions se tournent. Il y a quelques jours, AMC a opéré des représailles contre Universal en annonçant qu'ils ne diffuseront pas, quand viendra la reprise, des films de ce studio, car Universal a sorti son film animé "Trolls World Tour" directement en PPV, avec un certain succès (100 millions en une semaine et des brouettes, et diffusé ainsi, 100% de la recette est pour le studio, contre 50 à 60% au mieux en salle américaine -et moins à l'étranger). C'est moins qu'un bon démarrage en salle pour un film important (Troll est une franchise "milieu de gamme", et ce 2ème volet a quand même fait en 2 semaines nettement plus que le premier), mais c'est suffisant pour commencer à faire peur aux salles de ciné, qui sont aussi des partenaires de prod impliqués à divers stades de la vie d'un film. Seulement, les seules choses qui maintiennent réellement le marché des salles de ciné ne semblent plus des avantages si décisifs: - il y a l'attrait de la foule pour le spectateur, sorte de confirmation/validation par autrui, d'effet de mode à suivre et/ou d'ambiance à vivre. C'est un atout réel, mais relativisé, et qui plus est en partie contrebalancé par le PPV où, pour 20 à 40 dollars ou plus, un groupe de gens peut disposer du visionnage pour 24-48h en se cotisant (impact réduit par individu, très en-dessous du prix en salle) et avoir une partie du même effet (en plus sans inconnus, et, on peut le supposer, sans inconnus se comportant mal) - il y a le grand écran avec tous les développements technos récents: c'est ZE avantage des salles, très partiellement compensé par les progrès du home cinema. Mais on va pouvoir commencer à réellement évaluer à quel point une portion importante du public y attache tant d'importance que ça - il y a le contexte légal/contractuel: c'est ZE talon d'Achille qui commencera à être réellement testé, beaucoup plus vite maintenant que la crise accélère tout ce qui était en gestation. Il y a aux USA une obligation de diffuser EXCLUSIVEMENT en salle pour 90 jours avant de pouvoir envisager un DVD/produit home video, et je crois 75 jours pour du PPV/streaming (digital). Et avec tous les développements et les dizaines de milliards d'investissement dans des services streaming et PPV récemment (même les grands intermédiaires de vente de tickets, tous plus ou moins rattachés à des studios, ont développé des options PPV, qu'ils ont beaucoup renforcé, surtout depuis fin mars), la tentation d'une stratégie alternative devient réellement très forte, et beaucoup va dépendre des calculs que font les studios actuellement quand à ce à quoi le public est prêt. Cette obligation contractuelle forçant un monopole sur l'exclusivité va sembler de plus en plus comme un poids que peu apprécient. Le box office est sur une pente structurellement descendante depuis maintenant un bout de temps, malgré les chiffres impressionnants qui sont souvent claironnés: concurrence des écrans individuels (home video, streaming, appareils portables....), chèreté maintenant importante de l'option cinéma (ticket, bouffe/boisson, mais aussi déplacement/parking, investissement en temps/dérangement), volonté des studios de contrôler une plus grande part du processus de la conception à la diffusion (et donc de garder plus de la recette), tout y concourt. Et en face, les réseaux de salles ne se portent pas bien en raison des énormes investissements consentis ces 2 dernières décennies sous la pression du public et des studios (3D, IMAX, multiplexes....) et des faibles marges bénéficiaires (studios puissants et rapaces). En bref, si même 10-15% du public allant au cinéma décide qu'aller en salle n'offre réellement aucun avantage comparé aux autres options, on peut dire que ce marché est cuit, du moins dans sa forme et sa taille actuelles, ainsi que dans l'importance qu'il tient encore dans la vie d'un film, surtout un gros. Le marché pourrait donc se resserrer gravement en ce qui concerne les salles de cinéma qui deviendraient de plus en plus un produit de "luxe"/prestige pour le lancement et les marges de films-événements (ce qui était déjà en train de se passer, si on observe le BO des 10-15 dernières années), et une certaine "expérience" pour la partie du public qui aime ça: des installations plus prestigieuses et luxueuses, avec une techno de pointe et des services accrus (lieu social? Evénementiel? Soirées? Un peu ce qu'était l'opéra avant?), mais en nombre infiniment réduit. Et là, ça rejoint le cadre général du marché: moins d'argent sera disponible en raison des pertes encourues et des emprunts contractés pendant la crise, et les perspectives structurelles du Box Office aggravées par l'impact de la crise sur la demande, au moins pour un ou deux ans, semblent indiquer que beaucoup moins de "dumb money" ira s'investir dans des projets de films et séries à l'heure même où les streaming wars vont redoubler d'intensité pour dominer le marché. On parlait déjà aun début de la crise d'un rachat de Disney par Apple (dont Apple TV ne semble pas percer des masses, ou convaincre avec sa prod), vu le cash qu'a cette boîte, mais Disney reste un gros morceau et on ne sait pas où en est le trésor de guerre d'Apple pendant cette crise (surtout qu'ils ont d'autres trucs en vue j'imagine). Mais cette rumeur indique bien où on en est, et ce qui tend à se profiler: concentrations autour de groupes plus diversifiés, et surtout une volonté de contrôle de la filière, le tout dans le cadre d'un marché qui pourrait bien à terme ne plus vraiment supporter des projets de films comme les mega blockbusters des 2 dernières décennies dont les budgets se chiffrent en centaines de millions (en doublant tout ce qu'on voit admis pour prendre en compte le marketing). Si la diffusion en salles est rabotée pour 1 an et poursuit son déclin structurel, que son rôle est moins favorisé par les studios, et qu'en face, le business model par film produit n'est pas au point, ou un peu plus limité, en terme de résultats alors même qu'il faut, pour faire face à l'hyper concurrence des services de streaming, produire beaucoup, et peut-être aussi prendre plus de risques sur le contenu.... La conclusion est qu'il va falloir produire plus petit: des grosses prods qui ne seront plus à 200-300 millions pièce (ou plus), mais 60 à 100 au grand maximum. Des cycles de production plus courts, une diffusion en PPV avec option achat (un délai et un surplus de 5 dollars sur le prix du PPV semble être la formule en vogue qui est testée), des chiffres d'affaires plus plafonnés (mais avec une recette conservée intégralement par des studios qui sont aussi les exhibiteurs, une chose rendue illégale au milieu du XXème siècle aux USA pour les salles de ciné), ce pourrait être le business model qui vient, plus vite qu'on aurait pu le penser jusqu'il y a 2 mois. Evidemment, pour l'instant Universal, qui a répondu à la menace d'AMC crânement, en assumant son choix comme venant d'une stratégie voulue, est encore un cas isolé (et essaie de garder des liens avec les réseaux de salles), mais ce studio rejoint l'enfant maudit du secteur, Netflix, qui avait dès le début été mis au ban de la "bonne société" des réseaux traditionnels de par son business model: aucun de leurs films n'a jamais été accepté en salles de ciné, et ils sont toujours tricards dans les cérémonies de récompenses du secteur (les grandes). Les seuls films estampillés Netflix qui ont vu le grand écran sont passés par des salles achetées ou construites par.... Netflix (peu nombreuses). Edited May 3, 2020 by Tancrède 1 1 3 Link to comment Share on other sites More sharing options...
Tancrède Posted July 30, 2020 Author Share Posted July 30, 2020 (edited) Un point qui va aller au-delà des films prévus pour 2020: AMC (le plus grand réseau de salles de ciné aux USA) vient de signer un accord avec Universal (avec lequel AMC était en bisbille depuis le début du confinement) selon lequel le délai séparant la sortie en salle d'un film de sa mise en disponibilité pour les services de vidéo à la demande, passera à 17 jours, contre 90 précédemment. Il est à attendre qu'un tel changement sera rapidement étendu aux autres réseaux de salles et aux autres studios. Le délai de 90 jours était lui-même un compromis historique négocié quand les DVDs et le VOD/Pay per view sont apparus, remplaçant celui établi quand le magnétoscope est devenu disponible (alors un délai de 6 mois), qui lui-même succédait au premier du genre, celui concernant le délai de diffusion télévisée (et qui dura une trentaine d'années avant le magnéto), quand les films avaient une carrière en salle de plus d'un an (voire plusieurs années pendant les première décennies) avant d'avoir une concurrence à domicile. Et maintenant.... 17 jours. Autant dire, comme beaucoup d'experts du secteur le clament depuis hier, que le cinéma en salles, du moins tel que nous le connaissons, a vécu. Surtout si l'on ajoute les contraintes imposées par le coronavirus et la crise économique qu'il a amené: des dettes qui s'accumulent pour les salles, productions et studios, un avenir visible de demande bien moins nombreuse et solvable, une incertitude encore grande sur un éventuel retour à la normale (combien de temps avant un vaccin ou une "herd immunity"? Le principe même de tels rassemblements de foules en espace clos sera t-il encore viable à l'avenir? Les salles devront-elles être des espaces avec la distanciation établie comme norme permanente, donc de faibles densités?)... Tout est en suspens, et personne n'anticipe désormais un retour du marché tel qu'il était, avec notamment la capacité à lancer des films approchant ou dépassant le milliard de recettes en salle. Parallèlement, la guerre du streaming se renforce, et dans des conditions dégueulasses vu le niveau d'endettement qui a été atteint pour créer ces services (dont la plupart ne sont pas rentables et ne risquent pas de l'être avant un moment... Mais sont le seul jeu à jouer) et les pourvoir d'une offre conséquente et qui incite à signer ET rester dessus. La surenchère est nécessaire pour faire face et développer, mais crucifiante au regard de l'état des finances. Il est donc à craindre: - que les hyper-productions soient désormais moins nombreuses, voire disparaissent: on verra des séries budgétées comme des blockbusters du bas de fourchette, qui seront les produits phares, quelques films approchant ce niveau (voire les derniers Netflix comme Extraction ou The Old Guard: ils ont cerné une formule) mais restant sous un certain seuil (et encore, ces trucs ont été produits pré-pandémie)... Et on verra des avalanches de trucs beaucoup moins chers. Savoir si un effort d'épuration pour retrouver de la qualité (et ne plus avoir de l'idéologie lourdingue, ou beaucoup moins), taper dans le système hollywoodien (sureffectif, effets de chapelles fermées, systématisme des carrières où l'on "échoue vers le haut"...) et se concentrer mieux et plus sur moins de projets tous azimuths, reste encore un débat. - que le péquin moyen ait perdu l'habitude d'aller au cinéma: c'est un vrai problème étant donné que, comme d'autres activités qui étaient, jusqu'en mars, des faits "du quotidien", le cinéma a disparu des habitudes qu'on ne questionne que modérément, ce qui est une part conséquente de ce qui crée des consommateurs, et qui plus est des consommateurs fidèles, voire assidus. Il suffit de 2-3 semaines, en moyenne, pour se débarrasser d'une habitude ou de la remettre sérieusement en question là où on ne l'interrogeait même pas avant. Ca, et le prix moyen que le ciné avait déjà atteint avant (surtout pour les familles) la pandémie, vont amener des changements potentiellement durables et importants dans les comportements. Le ciné n'est pas une habitude sans conséquence: ça demande un effort (anticipation, déplacement/parking, attente...) que, au vu des alternatives désormais dispo, on peut plus facilement remettre en perspective. Les séries qui se sont permises d'attendre 2 ans avant de reproduire une saison ont en très grande majorité perdu durablement 20 à 40% de leur audience de base, alors qu'il suffit d'appuyer sur une télécommande pour les regarder. La dynamique du cinéma a été perdue pendant ces mois de confinement, alors même que s'est déclenchée une crise économique avec peu de précédents comparables, et que des alternatives bien moins chères et demandant bien moins de dérangement sont disponibles, et seront désormais disponibles pour un même produit moins de trois semaines après le lancement en salle.... Quid des chances de ce marché de jamais récupérer, simplement parce que le consommateur post covid n'est plus la même personne et s'est adapté à un nouveau contexte? - que les réseaux de salles de ciné, et plus encore les salles indépendantes et petits réseaux, vont morfler dans des proportions que l'on n'a jamais vues. Le cas le plus probable est que les grands réseaux réduiront immensément la voilure côté quantité de salles, et feront de celles qui restent des lieux de prestige, avec un confort et des prestations hallucinants, pour une "expérience" de visionnage proposant un avantage compétitif très net comparé à la vidéo domestique (dont le prix et la commodité ne sont pas concurrençables pour les salles et le seront toujours moins désormais). Mais le ticket d'entrée ou l'abonnement seront prohibitifs pour le péquin lambda, sauf grande occasion ou occasionnelle période de promotion. Bref, ce sera la nouvelle version de l'Opéra façon XIXème siècle. Je caricature peut-être un peu, mais entre les progrès de la vidéo à domicile, les budgets resserrés (et l'emmerdement d'avoir à se bouger pour aller s'entasser dans une salle pleine de gens emmerdants) et les délais désormais très courts entre sortie en salle et dispo online, le principe traditionnel du cinéma vient juste de crever, alors même qu'il survivait mal (pour les salles et les petits/moyens studios encore plus que pour les gros studios) déjà avant (même les friandises et boissons surtarifés ne suffisaient plus à compenser). Après la mort des cinés de quartier au profit des plus grosses implantations, puis des multiplexes, on est là en face d'une mutation accélérée vers le stade peut-être final de la salle de ciné: sa rareté extrême et sa conversion vers un loisir de luxe, réservé à bien moins de gens qui seuls pourront voir les "gros" films sur un écran géant. Edited July 30, 2020 by Tancrède Link to comment Share on other sites More sharing options...
Kiriyama Posted July 31, 2020 Share Posted July 31, 2020 (edited) Salut ! Je ne pense pas que le coronavirus engendrera un réel changement de comportement des populations, une fois que l'épidémie sera passée. Ce n'est pas la première fois que l'on pense que "plus rien ne sera comme avant" alors qu'au final, une fois la crise passée, tout le monde reprend ses habitudes. D'ailleurs, dès que les confinement a été levé, les gens se sont de nouveaux rassemblés. Je me demande même si une fois l'épidémie passée, les gens ne vont pas davantage aller au cinéma pour "fêter ça"... Après, je pense qu'on va peut-être atteindre une sorte de plafond concernant le budget des séries et films. Les films coûtent de plus en plus cher et les gadins sont quand même de plus en plus nombreux : les studios vondront peut-être réduire la voilure. Surtout que le budget ne se reflète pas forcément dans la qualité du film. Terminator Dark Fate a coûté 185 millions de dollars, tout en étant moins réussi que le premier Terminator de 1983 qui en avait coûtés 6,4 millions... Pour les séries, surtout des services de streaming, leur sort m'indiffère un peu. J'ai expliqué mon expérience Netflix, et je ne regretterai pas que ces séries médiocres disparaissent ou qu'il y ait un fameux nettoyage dans ce machin. Edited July 31, 2020 by Kiriyama Link to comment Share on other sites More sharing options...
Tancrède Posted July 31, 2020 Author Share Posted July 31, 2020 (edited) 8 hours ago, Kiriyama said: Salut ! Je ne pense pas que le coronavirus engendrera un réel changement de comportement des populations, une fois que l'épidémie sera passée. Ce n'est pas la première fois que l'on pense que "plus rien ne sera comme avant" alors qu'au final, une fois la crise passée, tout le monde reprend ses habitudes. D'ailleurs, dès que les confinement a été levé, les gens se sont de nouveaux rassemblés. Je me demande même si une fois l'épidémie passée, les gens ne vont pas davantage aller au cinéma pour "fêter ça".. Le CA global du cinéma en salles est en baisse structurelle depuis longtemps; l'immense succès d'un nombre très réduit de gros films et franchises masque un peu la chose en concentrant l'attention, mais la simple réalité est que le home cinema, via le hardware (grands écrans à tarif accessible, systèmes sonores...) et le software (DVD/Blu Rays, VOD/PPV, Streaming), ainsi que les écrans portables (à commencer par les téléphones), mais aussi la concurrence d'autres médias plus "proches" du public en termes de goûts et d'addiction (youtube, tiktok...), tout cela a largement tapé dans le temps d'attention disponible, les budgets et les préférences. Surtout avec un cinéma en salle devenu une expérience chère (tickets, friandises, déplacement...) et dérangeant plus les habitudes à une époque où les goûts se sont modelés sur une offre favorisant le confort et la customisation. C'est pas un mystère que le CA de l'industrie est en baisse continue depuis un bail sur les marchés matures (il y a des zones de croissance, Chine en tête, quoiqu'ils semblent atteindre leur plafond/vitesse de croisière) et que personne, déjà avant la pandémie, n'y voyait un grand avenir hors d'un nombre nettement réduit de "gros" films-événements pour lesquels le visionnage sur un écran géant continue à apporter un bénéfice net. Mais avant la pandémie, c'était quand il y avait 90 jours pour exploiter un film en salles. Maintenant, ce sera 17; autant dire que cette période d'exploitation représente désormais un marché drastiquement réduit, voire n'offrant que peu d'intérêt pour le public. Ce simple changement de durée négociée d'exploitation EST l'indicateur du changement, qu'on le veuille ou non; il définit la taille du marché, donc les contraintes pour ceux qui en dépendent. Et pour les changements d'habitude du public, la question n'est pas de savoir s'il y a une portion du public qui va ou non s'empresser d'aller refaire ce qu'elle faisait avant de la même façon en se foutant du nouveau contexte, voire précisément pour s'asseoir sur les injonctions de distanciation, mais de voir quelle portion du public va intégrer dans son comportement la "nouvelle normalité", et à quel degré. Il n'y a pas besoin que la grande majorité change significativement, ni même que la majorité le fasse: pour la façon dont les films se rentabilisent, ce qui fait la différence entre succès et échec, il suffit que 20, 15 ou même 10% de l'audience ciné générale se dise que les lieux clos et climatisés où s'entassent densément un tas de gens ne sont pas une bonne idée, surtout quand on peut avoir la même chose à domicile et pour bien moins cher, sans déplacement et sans les voisins qui jouent des coudes, parlent, consultent leur portable, puent la sueur, mâchent bruyamment ou se lèvent (ou si c'est le cas, c'est au moins des gens qu'on connaît). Les familles avec enfants (le public chéri), en particulier, seront les premières à risquer de s'orienter dans ce sens. Et il y a aussi à craindre une perte importante du public âgé, le plus vulnérable. 15-20% de perte plus ou moins totale et durable de l'audience, c'est pas nécessairement une estimation haute. Surtout quand il suffit désormais d'attendre juste 17 jours pour avoir le nouveau film-événement sur son écran à domicile, qu'on peut voir à sa convenance (pauses, confort, silence autour, dispo pour 24-48h en VOD, puis à volonté en streaming). Ce qui restera de l'audience hardcore du ciné en salle, ce sont ceux qui tiennent vraiment à l'écran géant, ceux qui se laissent manipuler par la hype autour d'un film, et ceux qui ont besoin du sentiment de validation par la foule qu'on a en salle (qui aide à créer ou renforcer les impressions positives, limiter ou annuler les négatives, donne la "réassurance du troupeau" à nos cerveaux grégaires). Edited July 31, 2020 by Tancrède 1 Link to comment Share on other sites More sharing options...
Chronos Posted August 1, 2020 Share Posted August 1, 2020 (edited) Le 30/07/2020 à 15:54, Tancrède a dit : (...) Après la mort des cinés de quartier au profit des plus grosses implantations, puis des multiplexes, on est là en face d'une mutation accélérée vers le stade peut-être final de la salle de ciné: sa rareté extrême et sa conversion vers un loisir de luxe, réservé à bien moins de gens qui seuls pourront voir les "gros" films sur un écran géant. Je dois dire que la fin des Nachos puants et du public grossier attiré par les blockbusters médiocres pourrait m'inciter à retourner dans un cinéma plus souvent et pour voir autre chose que ce qui doit être vu au cinéma pour être apprécié (genre SF et films qui impliquent nécessairement des écrans de qualité très supérieure pour l'expérience). Edited August 1, 2020 by Chronos Link to comment Share on other sites More sharing options...
Shorr kan Posted August 1, 2020 Share Posted August 1, 2020 1 Link to comment Share on other sites More sharing options...
elannion Posted August 14, 2020 Share Posted August 14, 2020 Le 01/08/2020 à 04:47, Shorr kan a dit : Durendal c'est réellement amélioré ces derniers temps je trouve Autant je trouve ces vlogs inutiles (comme tout les vlogs de fait. . .) autant sur ces vidéos plus travaillées c'est vraiment pas mal. On sent vraiment une évolution depuis ces débuts. Là où d'autres stagnent 1 Link to comment Share on other sites More sharing options...
Tancrède Posted August 14, 2020 Author Share Posted August 14, 2020 (edited) Complément d'information sur la mutation des cinémas décrite plus haut... La semaine dernière, une cour d'appel fédérale américaine a de fait cassé une loi des années 60 qui avait révolutionné l'industrie du cinéma en forçant la séparation des studios et des salles de cinéma que, jusqu'à cette époque, ils possédaient en propre, favorisant le paysage économique actuel de ce secteur. A l'ère du streaming et des réseaux de salles de cinéma qui, même avant COVID, galéraient et voyaient leur audience en baisse structurelle (mal compensée par des augmentations de prix qui maintenaient de plus en plus artificiellement le CA à l'insatisfaction de toutes les parties prenantes), il a été jugé que cela plaçait les studios en désavantage face à des entités comme Netflix, tout en étant aussi injuste à l'égard de Netflix et consorts en raison du barrage oligarchique posé à la diffusion en salle de leur production (qui rapporte potentiellement plus dans un premier temps) et, par là, à leur accès aux grands prix du cinéma (qui exigent la diffusion en salles). Netflix avait acheté quelques salles pour circonvenir cette barrière, avec un succès pour l'instant mitigé. Mais ce changement va logiquement aboutir à une concentration encore plus grande autour de gros acteurs qui seront à la fois producteurs ("fabrication" des oeuvres), distributeurs (vente, marketing, négociation des contrats pour la diffusion partout dans le monde, rédaction et contrôle des droits...) et exhibiteurs (sites streaming et VOD, télé, DVD/Blu ray et salles de ciné), concentration qui sera de toute façon aussi accrue par la poursuite des "streaming wars" à ce jour intenables dans le temps un peu long (trop de sites de streaming à 10-15$/mois, moins de binge à l'avenir, diffusion plus diluée dans le temps, fidélisation "forcée" par abonnements à engagement sur plus d'un mois...). On aura des coopérations sur sites à plusieurs opérateurs, des "bouquets" groupés, ou plus simplement, des fusions/acquisitions. On est déjà, essentiellement, à 6 gros acteurs qui de fait contrôlent la production américaine; il est fort possible qu'on passe à 4 d'ici quelques années, ce qui n'augure pas bien de l'avenir de la création, surtout si ces distributeurs contrôlent aussi tous les moyens de diffusion dans un secteur où le coût d'accès au marché est désormais TRES élevé (site de streaming ou réseau de salle de ciné, plus accès aux productions pour diffusion = extrêmement cher, avec une incitation forte dans des réseaux et sites "propriétaires", à empêcher la concurrence de réussir en barrant/limitant l'accès). Les salles de ciné indépendante sont quasi certaines de disparaître, sauf pour le cas d'excentricités de gens riches qui se foutent de perdre du fric, des cas d'oeuvres caritatives, ou encore des "derniers des Mohicans" qui y dédieront leur vie (et leur santé mentale et financière). Ajoutons à cela la moindre concurrence induite par des réseaux de salles de ciné "propriétaires", qui ne fera que renforcer la probable courbe très ascendante du prix du ticket de cinoche, pour en faire un loisir de luxe avec moins de salles, mais des trucs hallucinants qui essaieront de produire des expériences très marquantes. S'il faut en croire la vidéo ci-dessus.... Z'ont pas encore trouvé ce qui améliore vraiment une séance de matage de film. Y'a peut-être en fait pas grand-chose à améliorer hors de l'hygiène et du mauvais comportement des autres spectateurs.... La future salle de ciné sera t-elle une sorte de géode où chacun est dans un box sensoriel individuel vous coupant des autres personnes présentes? Mais comment aller pisser en cas d'urgence me demanderez-vous... Edited August 23, 2020 by Tancrède Link to comment Share on other sites More sharing options...
rendbo Posted August 16, 2020 Share Posted August 16, 2020 une vidéo super intéressante sur le choix de Disney de sortir Mulan directement en acaht sur sa plateforme VOD pour le doux prix d'une trentaine de dollars. Par ce choix, quel avenir pour la salle de cinéma ? 1 Link to comment Share on other sites More sharing options...
Tancrède Posted October 13, 2020 Author Share Posted October 13, 2020 (edited) Dans la foulée de Warner et Universal qui ont déjà annoncé des changements dans ce sens, la nouvelle direction de Disney vient de dire que la société se recentrait en priorité absolue sur le streaming (Disney +, Hulu, ESPN), aux dépends de la programmation pour le ciné, dans le cadre d'une réorganisation spécifiquement adaptée à la chose où la diffusion en salle devient une chose de second ordre, subordonnée aux besoins et formats requis pour la diffusion en ligne. La chose suit les protestations répétées des réseaux de salles de ciné qui, après une première session de bras de fer avant l'été avec les studios (qui avait donné l'impression que ces réseaux avaient pu s'imposer un peu), ont recommencé à râler face aux confinements prolongés (surtout dans les Etats les plus densément dotés en salles et rentables), aux diffusions unilatéralement opérées ou annoncées pour le streaming, ou encore (pour les plus "gros" produits) reportées aux calendes grecques (aucun calendrier ferme). Le plus grand de ces réseaux, AMC, dont les difficultés ont été largement commentées depuis avril, est désormais pour ainsi dire annoncé en banqueroute totale pour la fin de l'année, alors même que le 2ème réseau (oublié le nom), qui est aussi le plus important exhibiteur au RU, est en train de déposer le bilan, et que des pétitions de stars se sont multipliées pour demander une aide massive de la part de l'Etat. 85% de chute de fréquentation par rapport à la même période en 2019 feront cela... De même qu'aucun film digne de ce nom sorti en salle ou prévu à l'horizon. Le secteur sous sa forme actuelle est désormais en cours d'effondrement, et la chose sera inexorable à moins d'un vrai deus ex machina qui, à ce stade, ne peut qu'être un plan de sauvetage véritablement massif de l'Etat fédéral (les investissements chinois massifs dans les salles sont désormais caducs, et les studios, qui pourraient le faire, n'aideront pas, ou attendront de racheter sélectivement à l'encan), qui ne pourra arriver qu'en cas d'une administration Biden avec majorité absolue au Congrès, cad en janvier (donc sans doute trop tard). Et même là, le marché a peut-être déjà changé de nature en soi, ce qui rendrait ce plan aussi coûteux qu'inutile. Et la chose arrive alors que le business model du streaming/VOD est tout sauf établi: c'est pour l'instant encore un gouffre à fric qui suppose beaucoup d'endettement et ne rapporte pas du tout assez pour ce qui est des très grosses productions, avec un nombre encore non évaluable de places au soleil: on ne sait pas ce que le consommateur moyen est prêt à dépenser en souscriptions multiples, ni ce qu'il est prêt à débourser pour des films en VOD dont il sait qu'ils deviendront accessibles en streaming "normal" quelques mois plus tard, et encore moins quel sera le comportement de consommation dans ce secteur dans les années de crise économique et récupération qui viennent. Mais Disney, le plus gros studio du monde, qui annonce aussi fermement sa réorientation stratégique, c'est vraiment un tournant brutal et massif qui fait plus que confirmer les périphrases et manoeuvres des mois passés par les autres studios: même le bras de fer d'Universal avec AMC fait maintenant pâle figure, et le deal des 17 jours de diffusion en salle contingentés fait maintenant "has been". Vu le caractère essentiel du marché américain, tant pour la rentabilisation en salle que pour ce qui concerne les directions prises par les studios en matière de production, l'impact sur nos salles de ciné et l'offre audiovisuelle sera direct et massif: c'est un problème qui s'exporte sans trop de délais. Si vous avez des actions dans des réseaux de salles.... Edited October 13, 2020 by Tancrède 1 1 Link to comment Share on other sites More sharing options...
elannion Posted October 14, 2020 Share Posted October 14, 2020 paradoxalement cela pourrait donner un coup de fouet aux films français (et des autres européens) et asiatiques (notamment coréen). Avec la chute programmée du nombre de films US à sortir sur grand écran cela va mécaniquement augmenter la proportion des autres. Il sera intéressant de voir l'audience de Kaamelot le film pour voir s'il va bénéficier d'une report de spectateurs (sous réserve que ce soir l'autre décide pas de suicider totalement l'industrie du loisir. . .) Par contre je vois absolument pas comment Disney espère survivre d'ici à 5 ans; . . Après le bust immense qu'est le rachat de la licence SW (et ils sont dedans jusqu'au coup) penser un seul instant qu'une masse suffisante de gens accepteront le payperview (et sacrément conséquent) pour ne serait ce que rembourser les coûts de production. . . ça doit être de sacrés "cador" au board directionnel de Disney. . . 1 Link to comment Share on other sites More sharing options...
Patrick Posted October 14, 2020 Share Posted October 14, 2020 Il y a 1 heure, elannion a dit : ça doit être de sacrés "cador" au board directionnel de Disney. . . Tu parles de gens qui ont filmé Mulan au Xinjiang et remercient dans les crédits du film les administrations des camps de concentration pour Ouighours qui y sont situés et où se déroulent toutes sortes d'horreurs? Link to comment Share on other sites More sharing options...
clem200 Posted October 14, 2020 Share Posted October 14, 2020 Il y a 2 heures, elannion a dit : Par contre je vois absolument pas comment Disney espère survivre d'ici à 5 ans; . . Après le bust immense qu'est le rachat de la licence SW (et ils sont dedans jusqu'au coup) penser un seul instant qu'une masse suffisante de gens accepteront le payperview (et sacrément conséquent) pour ne serait ce que rembourser les coûts de production. . . Pour Mulan il suffit que 10% de leurs abonnés Disney+ paient pour rembourser la prod Pour une famille de 4 personnes ça coûte beaucoup moins chère Link to comment Share on other sites More sharing options...
Tancrède Posted October 14, 2020 Author Share Posted October 14, 2020 (edited) On 10/14/2020 at 4:37 PM, elannion said: paradoxalement cela pourrait donner un coup de fouet aux films français (et des autres européens) et asiatiques (notamment coréen). Avec la chute programmée du nombre de films US à sortir sur grand écran cela va mécaniquement augmenter la proportion des autres. Il sera intéressant de voir l'audience de Kaamelot le film pour voir s'il va bénéficier d'une report de spectateurs (sous réserve que ce soir l'autre décide pas de suicider totalement l'industrie du loisir. . .) Par contre je vois absolument pas comment Disney espère survivre d'ici à 5 ans; . . Après le bust immense qu'est le rachat de la licence SW (et ils sont dedans jusqu'au coup) penser un seul instant qu'une masse suffisante de gens accepteront le payperview (et sacrément conséquent) pour ne serait ce que rembourser les coûts de production. . . ça doit être de sacrés "cador" au board directionnel de Disney. . . J'écoutais justement un professionel français du secteur tout à l'heure, qui disait que les productions et projets de productions recevant le feu vert (et le flouze) avaient explosé en Europe ces derniers mois, principalement via Netflix et consorts. Grosso modo, beaucoup des budgets américains de production se sont exportés pour le moment (vu qu'ils ont déjà raté la rentrée -pas de sorties en grand nombre pour septembre/octobre/novembre- et qu'il n'y a pas de fin en vue), quelques projets se faisant avec des équipes US hors du pays, l'essentiel se faisant avec les productions locales (Europe et Am Sud principalement, mais aussi Corée/Japon et Inde). Disney est en phase de reconstruction de la marque SW, de reconnection avec une fanbase qu'ils espèrent encore atteignable (en nombre suffisant), d'abord à travers The Mandalorian, ensuite via une floppée de projets streaming (dont un encore sous la tutelle de KK -par contrat- dont ils espèrent se débarrasser quand elle sera partie), soit nouveaux, soit refourbis (des projets en cours à la sauce KK), ensuite, quand le terrain aura été travaillé, par les projets de "gros" films actuellement en développement (Lucas/Favreau/Filoni) dont on se demande cependant s'ils auront un vecteur de diffusion capable de payer pour le niveau de coût que cela implique. Mais payer pour l'investissement total consenti jusqu'ici dans SW (beaucoup plus que le seul prix d'achat de 4+ milliards: on doit être bien au-delà de 11, maintenant, avec rien de comparable côté rentrées)) est maintenant un projet de long/très long terme, pas le "cash grab" dont les décideurs étaient certains au début. Quote ça doit être de sacrés "cador" au board directionnel de Disney. . . Tellement que Bob Eisner a été de fait remplacé depuis quelques mois. Mais je crois que le rachat de SW est la moindre des choses qui lui est reprochée: celui de Fox (70+ milliards), avec que des coûts et des flops depuis, les fait tiquer beaucoup plus malgré le niveau de cash flow continu qu'offre le catalogue Fox. On 10/14/2020 at 7:02 PM, clem200 said: Pour Mulan il suffit que 10% de leurs abonnés Disney+ paient pour rembourser la prod Pour une famille de 4 personnes ça coûte beaucoup moins chère Il suffit.... Et ce n'est pas arrivé. Très loin de là. Malgré une brève annonce par un opérateur internet de chiffres mirobolants: le film est un flop. Au mieux, il aura de la fréquentation quand il deviendra gratuit pour les abonnés, fin novembre. Et ça, ça ne rapporte rien, parce qu'il est maintenant très douteux que ce film soit un facteur d'abonnements supplémentaires. Sic transit... Edited October 15, 2020 by Tancrède 1 Link to comment Share on other sites More sharing options...
clem200 Posted October 14, 2020 Share Posted October 14, 2020 il y a 15 minutes, Tancrède a dit : Il suffit.... Et ce n'est pas arrivé. Très loin de là. Malgré une brève annonce par un opérateur internet de chiffres mirobolants: le film est un flop. Au mieux, il aura de la fréquentation quand il deviendra gratuit pour les abonnés, fin novembre. Et ça, ça ne rapporte rien, parce qu'il est maintenant très douteux que ce film soit un facteur d'abonnements supplémentaires. Sic transit... On a de vrais chiffres de Disney ? Link to comment Share on other sites More sharing options...
Phacochère Posted October 14, 2020 Share Posted October 14, 2020 (edited) Il faut comprendre qu'un projet Comme Mulan, de la décision à la sortie en salle c'est un pari de plusieurs années... On assume les décision d'autres, avec des moyens conséquents engagés et outre le succès ou le flop, il faut trouver le meilleur moyen de le commercialiser dans un contexte oû ne pas perdre d'argent est déjà une gajure. Quand je regarde la réclame Disney Maus, il présente comme chaque opérateur streaming un catalogue. Toutefois Disney dans la tête des gens, c'est Disney... du fait que le quidam n'a pas en tête toute l'offre et le catalogue proposable et acquis. Dès lors et depuis, pubs à gogo et sous le logo est rappelé: Pixar, Marvel, star wars, national,Geographic afin que cela imprime. Je ne me fais pas de soucis sur leur capacité toujours plus grande à proposer du contenu par acquisition de marques ou par les studios acquis. Leur nouveau métier, c'est le portail. La belle au bois dormant à bien bossé ces dernières années mais vient de se faire remercier de Disneyworld. Changement de modèle cocotte... Edited October 14, 2020 by Phacochère Syntaxe Link to comment Share on other sites More sharing options...
Tancrède Posted October 14, 2020 Author Share Posted October 14, 2020 (edited) 23 hours ago, clem200 said: On a de vrais chiffres de Disney ? Nope. Ce qui en soi est un indicateur: si c'était un succès via la VOD (les 30 dollars demandés en plus de l'abonnement à Disney +), on aurait tous les détails, soit directement claironnés, soit en exposé à l'assemblée générale des actionnaires ou à la réunion d'investisseurs qui se sont tenus tout récemment et, par coïncidence, peu après la sortie de Mulan. Les actionnaires sont pas contents, et les investisseurs sont maintenant plutôt timides, ce qui est la raison pour laquelle Bob Chapek fait en ce moment beaucoup de ramdam autour de ses grandes réformes (30 000 licenciements dans les parcs et plus encore à venir, réorganisation massive de la prod fiction audiovisuelle, centrage sur le streaming et lâchage complet des réseaux de salles...) et lance de grandes visions d'avenir avec beaucoup de marketing.... Pour faire oublier les déficits abyssaux des parcs, qui sont d'ordinaire LA vache à lait de Disney, qui couvre les coûts, déficits et conneries d'autres départements comme les films, domaine à risque par nature qui peut en plus être torpillé par diverses formes de parasitage/décadence. Mais aussi pour couvrir le succès tout relatif du streaming (comparé aux dépenses consenties), d'autant plus ralenti (malgré un démarrage somme toute impressionnant -environs 60-65 millions d'abonnés sur les 3 "chaînes") que la crise économique est maintenant là et bien là, et que l'arrêt des productions se fait sentir vraiment très fort: très peu de nouveaux produits, surtout des attractifs, donc beaucoup de gens qui s'abonnent le font brièvement, juste pour pomper dans le catalogue existant aussi vite que possible et lâcher l'affaire ensuite. C'est un comportement récurrent sur le streaming, mais Netflix l'a mieux géré (avec une avalanche de prod permanente jusqu'à Covid). Pour revenir à Mulan, il y a en plus eu de nombreuses fuites sur les mauvais résultats du film, en plus de l'absence de résultats sur le grand écran aux USA (évidemment) et en Chine, où il a été mal vu et a fait polémique, alors qu'il a aussi fait polémique en occident pour d'autres raisons (le remerciement à l'administration des camps de concentration chinois, le comportement de la star par rapport à HK, l'image ambigue de Disney depuis un moment...). Pour ce qui est du développement de Disney, le problème est que maintenant, ils sont aux abois financièrement, et risquent de l'être pour longtemps: ils n'ont rien pour remplacer le genre de cash que rapportaient les parcs, hôtels et croisières (qui, en l'absence de clientèle ou d'ouverture, deviennent des gouffres à fric mensuels aussi dommageables qu'ils sont des cornes d'abondance en temps normal), ils se sont beaucoup endettés dans les années Eisner avec des acquisitions énormes (Fox/Hulu, Marvel, SW...) et de lourds investissements (dont seul le streaming semble aujourd'hui malin: les immenses sommes investies dans les parcs existants, la création de nouveaux.... Sont maintenant un boulet), et malgré Marvel, la branche ciné n'a pas été un énorme centre de profits. Ce pourrait même être pire avec une majorité démocrate: les 4 dernières années, leurs 2 centres de profits conséquents ont été les parcs.... Et la stratégie fiscale facilitée par la politique du Donald (le orange, pas le canard), qui risque fort de passer à la poubelle. Et, cerise (grosse cerise) sur le gâteau: depuis le début de la crise Covid, ils ont emprunté autour de 20 milliards (du moins ce qu'on sait qu'ils ont emprunté) rien que pour garder la lumière allumée. C'est tout le problème d'un tel mastodonte aussi spécialisé: quand ça va, ça va vraiment bien. Quand le secteur merde, ça va très mal, très vite, et à grande échelle. Edited October 15, 2020 by Tancrède 1 1 Link to comment Share on other sites More sharing options...
Kiriyama Posted October 15, 2020 Share Posted October 15, 2020 Mais est-ce que sans le Covid, Disney aurait quand même bu la tasse ? Link to comment Share on other sites More sharing options...
Tancrède Posted October 15, 2020 Author Share Posted October 15, 2020 (edited) On 10/15/2020 at 8:03 AM, Kiriyama said: Mais est-ce que sans le Covid, Disney aurait quand même bu la tasse ? Non, en tout cas pas dans l'immédiat: la dette pesait lourd, et les investissements consentis (et ceux aussi importants à venir) pour Disney + aussi, mais les parcs étaient là pour compenser. Pour ce qui est des films, l'urgence à réformer SW était déjà en cours, même si le COVID l'a sans doute beaucoup accélérée, et on pouvait commencer à avoir des doutes sur la capacité de Marvel à performer autant qu'auparavant, étant donné l'achèvement du cycle "historique" avec Endgame (et le départ des persos emblématiques). Pour Marvel, la probable disparition, en tant que poids lourd financier, de la rente ciné des films-événements géants (le gros blockbuster pourrait devenir une rareté, voire une relique, et avec lui ses recettes en milliards et sa capacité à porter une vaste franchise diversifiée), pourrait être un sérieux coup à la rentabilité de la franchise; qui était portée par ce gigantisme permanent (la "série télé la plus chère de l'Histoire", comme on l'a appelée) et la hype que chaque blockbuster permettait (avec l'effet d'entraînement sur un tas de trucs). Mais dans l'ensemble, Disney pouvait largement continuer, y compris à faire de lourdes erreurs: les parcs payaient pour tout. Ils auraient pu cependant, eu égard au poids de la dette et à des problèmes répétitifs (taux de ratés important dans la prod ciné/télé, grogne sociale dans les parcs qui recevait de la pub -notamment boostée par Abigail Disney, actionnaire conséquent et membre éminent de LA famille historique), commencer à encourir une certaine frilosité des investisseurs et un mécontentement des actionnaires en raison de retours pouvant commencer à baisser, mais au global, ils étaient assez tranquilles et pouvaient se permettre d'être optimiste. il y aura maintenant, cependant, outre l'énorme problème né du COVID, un questionnement sur ce qui vient de devenir le pilier de la nouvelle stratégie, le streaming: les chiffres affichés pour le démarrage de Disney +, l'offre commune avec les 2 autres services de la maison (Hulu et ESPN), peuvent être tout aussi illusoires que, souvent, la comptabilité publiée de Disney. En effet, les 65 millions d'abonnés (sur les 3 services) annoncés dans le premier mois profitent d'un énorme effet d'aubaine initial lié à beaucoup, beaucoup de discounts et d'offres gratuites inclues dans les diverses formes de packaging qui ont accompagné le lancement, notamment une option gratuite ou tarif réduit avec l'offre du fournisseur d'accès Verizon (l'un des plus gros aux USA), dont l'expiration pourrait taper très lourd dans le nombre d'abonnements annoncé (comptés comme payants, mais de fait gratuits... Avec fort risque de départs quand il faut commencer à raquer). Le silence sur les chiffres depuis peut, ou non, laisser penser qu'une fois ce moment passé, le nombre d'abonnés, ou la progression des abonnements, ou le taux de fidélité, ou plusieurs de ces choses, n'est pas à la hauteur des attentes. C'est désormais un marché hyper concurrentiel que TOUS les acteurs du secteur veulent absolument occuper, et où ils concentrent leurs investissements, tant le niveau de priorité en est devenu caricaturalement important. Et Netflix a plusieurs longueurs d'avance, tandis qu'Amazon Vidéo a un avantage bâti dans son offre même (on y est abonné simplement en étant membre d'Amazon Prime, le service internet payant le plus souscrit au monde, ou pas loin s'en faut). Et il reste à démontrer à combien de services les consommateurs sont prêts à s'abonner 1) durablement (pas en faisant un mois ici et là) et 2) en même temps: à 10-15 dollars/euros/mois et par service, quel est le plafond moyen? Les anciens bouquets câbles/satellites/TNT offraient un bien plus large panorama de l'ensemble d'une offre sur un marché que 2 à 3 de ces services. S'il faut souscrire à 4 ou plus pour couvrir un spectre similaire dans le nouveau paysage audiovisuel, le consommateur moyen, en tout cas aux USA, va regretter ce que feu son abonnement au câble lui proposait. Surtout quand youtube & co lui fournit gratuitement l'essentiel de ce qu'il veut voir hors de la fiction pure. Disney est un cas archétypique d'une entité dont à peu près tous les éléments qui étaient ses forces en faisant l'acteur dominant du marché du divertissement en début d'année... Sont devenus les faiblesses en faisant peut-être le plus vulnérable/fragile des géants de ce même marché actuellement. Les parcs, hôtels et croisières, immensément rentables, sont maintenant des gouffres à fric sans rentrées. Marvel, LA plus profitable des franchises multimédia de l'histoire, a maintenant perdu sa dynamique qui dépendait étroitement de 3 sorties de blockbusters liés chaque année dans un maximum de salles de ciné. SW est à peine entrée en convalescence, et rien d'autre ne peut sortir au ciné, alors même que les coûts n'ont pas diminué pendant la période et que l'endettement s'est énormément alourdi et que la demande sera maintenant moins solvable pour au moins plusieurs années. Rude! Edited October 16, 2020 by Tancrède 1 1 Link to comment Share on other sites More sharing options...
rogue0 Posted October 20, 2020 Share Posted October 20, 2020 Le 09/04/2020 à 13:26, Tancrède a dit : Plutôt que de partir en dérivations perpétuelles sur des topics dédiés à un sujet (plus ou moins) précis, je propose ici de parler de l'industrie du divertissement audiovisuel dans son ensemble J'approuve l'idée. Quid de faire de même pour l'autre méta-sujet récurrent, sur les évolutions et dérives des médias (traditionnels et internet) ? Pour que ça reste encore dans la charte du forum, on peut le mettre sous l'angle : Média et société : résilience, propagande, et solutions. (je viens d'en voir une bien belle sur Mr Timpone et Journatic) Link to comment Share on other sites More sharing options...
rogue0 Posted October 20, 2020 Share Posted October 20, 2020 (edited) Le 14/10/2020 à 21:47, Tancrède a dit : Pour revenir à Mulan, il y a en plus eu de nombreuses fuites sur les mauvais résultats du film, en plus de l'absence de résultats sur le grand écran aux USA (évidemment) et en Chine, où il a été mal vu et a fait polémique, alors qu'il a aussi fait polémique en occident pour d'autres raisons (le remerciement à l'administration des camps de concentration chinois, le comportement de la star par rapport à HK, l'image ambigue de Disney depuis un moment...). J'en profite pour rebondir sur un autre grand changement en cours sur le marché du cinéma (et par extension du divertissement). Le marché chinois du cinéma a finalement dépassé le marché US, un peu en avance sur les prévisions (avec un coup de pouce de la pandémie de Covid, sous contrôle en Chine ... à l'inverse des USA, ahem). https://news.sky.com/story/china-overtakes-us-as-worlds-biggest-movie-box-office-in-2020-12108349 Les studios US avaient depuis longtemps parié sur la croissance du marché chinois, en se pliant aux contraintes (autocensure + censures locales : exemple le blouson de Top Gun 2). Le pari a parfois été rentable financièrement (cf liste des nanars sauvé par le marché chinois) https://www.allocine.fr/diaporamas/cinema/diaporama-18663974/#page=11 (Je ne dirais pas si ça valait le coup de se censurer pour ça). Sauf que les chinois semblent se détourner du cinéma étranger : peu importe la raison (tensions US-Chine, différence de cultures, protectionnisme - pas de jugement, nous on le fait aussi -, etc). https://www.lopinion.fr/edition/wsj/hollywood-perd-influence-box-office-chinois-206692 Du coup, en mettant les pieds dans le plat: Hollywood va t-il se détourner de lui-même du marché chinois ? Sinon, les lobby US vont-ils siffler la fin de la récré, et réclamer du cinéma patriotique et propagandiste ? En d'autres termes, verra t on bientôt Rambo 6 : mission Pékin avec des bad guys chinois ? Les chinois vont-ils tenter d'investir les industries du divertissement (cinéma, séries) pour "vendre" la Chine à l'étranger ? (comme les sud-coréens l'ont fait avec succès , mais sans aspect de propagande, avec leurs excellents films et séries depuis 20 ans) (avis perso, je n'y crois pas : ça a peu de chance de marcher, ça ne les intéresse pas, et y aurait de fortes résistances) Aurais-je assez de chips pour tenir pendant les reconfinements à venir ? :-) EDIT: à noter que le cinéma physique en Chine avait aussi atteint ses limites, et va probablement basculer sur le streaming.https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/cinema-tencent-inquiet-de-la-decroissance-du-box-office-chinois-1162416 Edited October 20, 2020 by rogue0 1 Link to comment Share on other sites More sharing options...
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