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Oui mais encore une fois, ça part du principe que le drone vole haut en terrain dégagé. De fait un drone à fibre optique, ou pire un drone autonome avec une IA avancée à l'intérieur, peut voler très bas, utiliser le micro-relief, les bosquets ou autre pour se cacher, et foncer sur sa cible au dernier moment. En terrain centre-européen, riche en micro-relief et en foret, on parle potentiellement d'une cible qui ne sera pas visible avant les 100 ou même 50 derniers mètres. Il faut se sortir de la tête les images de drones guidés par radio qui volent assez haut avant de "plonger" sur leurs cibles. C'est un procédé qui est déjà en voie d'obsolescence et ce n'est pas comme ça que la guerre de demain sera menée. C'est pour ça que toute l'idée de protection via une détection "lointaine" ne peut pas fonctionner. Un drone qui vole à 2m de haut n'évolue pas dans un espace fluide, il évolue dans un espace irrégulier, compartimenté, avec de nombreux obstacles qui lui permettent de se cacher, et même la meilleure optronique du monde ne peut rien si ton drone est caché derrière une maison ou un talus ou un bosquet.
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Effectivement. Alors dans ce cas, le combat mécanisé est mort.
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Potentiellement j'imagine. Mais en tout cas je ne suis pas convaincu par l'idée du 7,62 seul pour faire de l'anti-drone. Je sais que les américains essayent de faire ça en utilisant les 7,62 téléopérées sur leurs M1 Abrams, mais utiliser une munition "unitaire" pour toucher une cible aussi petite et agile me semble hautement douteux. S'il faut 3 ou 4s de tir continu pour abattre un drone c'est déjà trop. Il faut vraiment que le système soit capable de déchainer un "cône de feu" assez large et dense pour abattre le drone immédiatement même s'il manoeuvre en approche terminale. Pour ça que j'imagine le concept de la grenaille. La limite étant qu'un drone FPV est étonnamment résistant avec son châssis en fibre de carbone. J'avais vu des essais ukrainiens où, même lorsque le drone est touché (hélices, caméra), il garde assez d'énergie cinétique pour se crasher sur la cible par inertie, ce qui déclenche quand même la charge qu'il embarque. Pour ça que sur un véhicule où le poids n'est pas un soucis, la solution est peut être d'employer des cartouches beaucoup plus grosses (style calibre 8 ou similaire) pour avoir des plombs avec une puissance d'arrêt suffisante.
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Je suis très pessimiste sur la capacité à "voir le drone" et à l'éliminer avant qu'il atteigne le champ de bataille. Un FPV à fibre optique (et demain totalement autonome avec une IA embarquée) peut voler à 1m du sol, utiliser le microrelief pour se cacher; il peut se poser par terre 15 minutes planqué à la lisière d'une forêt en attendant que ton blindé arrive à proximité. Sur un objet aussi maniable et qui peut désormais s'affranchir des contraintes du relief et d'une transmission sans fil, je pense que réfléchir en terme de "cible aérienne" est même trompeur. Ce n'est pas un véhicule aérien au sens classique du terme, c'est à dire évoluant suffisamment haut pour qu'on puisse le voir de loin. Il peut voler haut s'il le faut, mais il peut aussi slalomer entre les arbres et les building, ne jamais monter et n'apparaître soudainement que pour l'attaque terminale, souvent à moins de 100m du véhicule cible, le tout à + de 100km/h. Dans ces conditions, je ne vois que le concept de CIWS et d'autoprotection de chaque véhicule comme parade vraiment robuste. Si le projet c'est d'avoir des "engins antidrones" disposés tous les 100m, ça ne fonctionnera à mon humble avis pas du tout face à une armée sérieuse qui sait ce qu'elle fait avec ses FPV. Sur le design basique du CIWS, j'imagine une suite de caméras tout autour du véhicule, reliées à une IA centrale avec machine vision qui permet d'avoir en permanence une vision à 360° de l'environnement autour du véhicule. On peut éventuellement imaginer également du LIDAR puisque cette technologie se démocratise et devient abordable avec son intégration dans la production automobile. L'IA contrôle ensuite une ou plusieurs tourelles (pour minimiser les angles morts) qui balancent de la grenaille pour abattre le drone à - de 20m. Je précise que ce système n'a pas besoin de coûter une fortune, je pense même qu'il peut être extrêmement bon marché si confié aux bonnes personnes et pas à des entreprises qui vendent des tourelleaux téléopérés à 300 000€ pièce. Les caméras ça ne coute virtuellement plus rien. Pas besoin d'un truc capable de filmer une mouche à 2km par une nuit de brouillard, des caméras grade civil style "caméra de surveillance avec capacité en basse lumière" à 150$ pièce feront parfaitement l'affaire. L'IA de machine vision qui tourne derrière, pareil. Les modèles font des progrès fulgurants, y compris en opensource. Le hardware pour les faire tourner est de moins en moins onéreux également. Toutes les briques technologiques existent et je suis absolument certain qu'une start-up douée peut concevoir un produit qui répond aux specs pour moins de 50 000$ pièce une fois industrialisé. Pour rappel on paye des tourelleaux téléopérés 6 fois ce prix. Et ce système est selon moi ce qui fera la différence entre un cercueil roulant, ce que sont aujourd'hui tous les véhicules blindés qui évoluent à moins de 10km du front, et un véhicule qui garde un minimum de survivabilité (et donc d'utilité) sur le champ de bataille moderne.
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Je suis extrêmement sceptique sur tous les systèmes basés sur des missiles, aussi légers soient-ils, pour faire du VSHORAD "mobile". Je pense que ces systèmes ont un intérêt pour faire du VSHORAD face à des drones lourds style Shaed, pour protéger des infrastructure fixes (une raffinerie, par exemple, au hasard). Si le projet est de taper du FPV avec ça, on en revient aux deux problèmes fondamentaux qui rendent ces solutions inadaptés : le nombre de drones en face, leur coût dérisoire, et la grande difficulté à les détecter à temps. Plus globalement, l'idée même de véhicules dédiés à la menace anti-FPV, qui créeraient une "bulle" au sein de laquelle un groupe blindé pourrait agir en sécurité, me semble totalement illusoire. On parle de drones ultra-manoeuvrant, volant bas, pouvant surgir par groupe de 5 d'une foret ou de derrière un relief et foncer sur vos véhicules sans préavis quelconque. Le temps de réaction est si court, qu'aucun véhicule anti-drone posté même à 50m ne pourra faire quoi que ce soit en temps utile, quand bien même il aurait un angle de tir adéquat (ce qui n'est pas certain avec des drones à fibre optique qui volent au ras du sol). Pour avoir une place sur le champ de bataille moderne, tout véhicule évoluant à moins de 10-15km de la ligne de front devra être capable d'assurer son auto-défense terminale contre les drones qui le ciblent. On va problamement en arriver à une forme de tourelle CIWS sur chaque véhicule capable de détruire les drones à - de 20m. Il faudra un système entièrement automatisé via IA avec protection et surveillance à 360°, car jamais un humain n'aura le temps de réaction nécessaire pour être efficace. Le système d'arme pourrait typiquement se baser sur du calibre 12 (ou supérieur) tirant une forme de grenaille.
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Guerre Russie-Ukraine 2022+ : géopolitique et économie
CortoMaltese a répondu à un(e) sujet de Skw dans Politique etrangère / Relations internationales
Et dire que fut un temps j'étais proche de la mouvance Cercle Aristote/Pierre-Yves Rougeyron... Quel naufrage. -
Guerre Russie-Ukraine 2022+ : géopolitique et économie
CortoMaltese a répondu à un(e) sujet de Skw dans Politique etrangère / Relations internationales
Ah mais je suis d'accord que ce n'est pas ce qu'on va faire, c'est totalement injouable politiquement à tous les niveaux. Je dis que si on on voulait maximiser notre "utilité militaire" avec les moyens qu'on a c'est ce qu'on devrait faire. Car aujourd'hui l'Ukraine manque avant tout d'hommes. Mais c'est inaudible politiquement. L'idée c'est de fournir une petite force high-tech et décisive derrière une masse d'Ukrainiens pour faire la "sale guerre". Mais cette masse n'est pas suffisante. Sauf que tout le monde dira, à juste titre, "si les ukrainiens ne sont pas prêts à mourir dans leurs propres tranchées, il n'y a aucune raison que nos enfants le fassent". Et ces gens auront honnêtement un peu raison. L'Ukraine ne manque pas d'hommes au sens démographique du terme. L'Ukraine "libre" a au moins l'équivalent de 30 millions d'habitants en équivalent hommes adultes (la plupart des réfugiés sont des femmes/enfants/personnes âgées) Mais quand tu choisis de ne pas mobiliser tes moins de 25 ans, quand ton système de conscription est ridiculement inefficace et quand la moitié des hommes sous les drapeaux sont planqués dans des postes à la con loin du front alors que t'as des mecs qui ont pas été rotationnés depuis 18 mois en première ligne, tu ne peux pas exiger de pays situés à 1500km d'ici de faire le taf à ta place. -
Guerre Russie-Ukraine 2022+ : géopolitique et économie
CortoMaltese a répondu à un(e) sujet de Skw dans Politique etrangère / Relations internationales
Je confirme que le char en l'état actuel des choses est une arme obsolète comme l'essentiel des blindés lourds. Le jour où vous avez un char capable de résister/détruire à une 30aines de FPV arrivant sur lui en 10 minutes, peut-être que vous pourrez manœuvrer à nouveau. Personne n'a ça en stock déployée à échelle industrielle pour l'instant. Et oui, la plupart des EM sont paralysés par l'inertie politique et institutionnelle, la dépendance aux sentiers, et plus globalement un manque de connaissance. Prenez les gens qui pèsent vraiment dans les EM européens. Combien s'infligent 5h de vidéos de combats en Ukraine par jour ? combien ont vraiment une idée claire de la manière dont ils vont manoeuvrer avec des centaines de drones FPV à fibre optique qui leur fonce dessus après que leur compagnie blindée ait été détectée 15km derrière la ligne de front par les centaines de moyens ISR divers qui grouillent dans le ciel ? Je ne dis pas que tout le monde est bête et que personne dans les armées occidentales ne réfléchit à tout ça, mais les armées en tant qu'institutions et les politiques qui leur achètent les armes (j'inclus aussi les industriels qui les fabriquent) sont pour des raisons structurels très longs à réagir. Que des états européens passent des achats de char aujourd'hui n'est absolument pas la preuve que c'est une arme pertinente. Et peut-être d'ailleurs que d'ici à ce qu'ils les reçoivent, dans 5 ou 6 ans, ça le sera redevenu, car on aura mis au point une tourelle d'auto-défense plug&play qui peut détruire tous les FPV qui s'approchent. Je n'en sais rien. Mais ce que je sais, c'est que vous mettez une brigade blindée américaine, allemande, française ou britannique aujourd'hui en Ukraine avec le matos qu'elle possède actuellement, elle subira des pertes très lourdes et sous-performera, malgré un niveau tactique et de professionnalisme très supérieur à tout ce qui se fait aujourd'hui sur le champ de bataille ukrainien, Oui ça compensera jusqu'à un certain point l'inadéquation de son modèle et de ses équipements avec la réalité de la guerre, mais pas suffisamment pour lui permettre de briller. Si l'Europe voulait monter une force de dissuasion crédible à installer en Ukraine après le cessez-le-feu, ou même pour intervenir aujourd'hui, elle a besoin : - de 200 000 pax, principalement des fantassins (en effort relatif à la population c'est équivalent à ce que déployaient les américains en Irak entre 2003 et 2008, donc on est très loin de la mobilisation générale et de la conscription forcée) - de beaucoup de matos de BTP pour construire des fortifications sérieuses (ça restera l'un des points les plus inexcusables de la conduite de la guerre ukrainienne) - d'une force de supériorité aérienne décente (250-300 avions de combat sur le théatre + quelques AWACS, ce que l'Europe peut fournir seule) - d'un peu plus de défense anti-aérienne (pareil, il y a ce qu'il faut en Europe) - de beaucoup, beaucoup de drones - d'un gros volontarisme industriel sur tous les équipements innovants qui répondent à des problématiques militaires réelles, avec beaucoup de pognons là où il en faut et des boucles de conception/test/production très courtes (typiquement sur des moyens de lutte contre les Shaed et les drones FPV) Tout ça est industriellement, économiquement et humainement très largement à la portée de l'Europe, et peut être soutenu sans y consacrer 25% de son PIB. Ca vous semble pourtant totalement irréaliste comme effort ? Absolument. Pour des raisons de volonté politique. Je pense qu'il n'est pas inutile dans le sens où il vaut mieux une brigade blindée que rien du tout, je pense par contre qu'il est très sous-optimal en terme de ratio efficacité militaire/dépense et qu'il vient du fait que c'est une liste de course typique d'un modèle de guerre traditionnel qui n'est ni particulièrement efficace en l'état ni même nécessaire si le projet est de défendre ta frontière. Les armées sont des institutions conservatrices, et les armées occidentales qui ont connus 30 ans de disette budgétaire à se battre pour chaque programme le sont d'autant plus. Et je ne parle même pas des politiques. -
Guerre Russie-Ukraine 2022+ : géopolitique et économie
CortoMaltese a répondu à un(e) sujet de Skw dans Politique etrangère / Relations internationales
Le problème fondamental, c'est que tout l'OTAN est enfermé dans un fantasme d'une guerre mécanisée de haute intensité, qui a l'immense avantage d'être potentiellement courte, et l'immense désavantage de nécessiter tout un tas d'enabler et des capacités logistiques pharaoniques. La réalité pourtant, c'est que même si on parvenait (et j'inclus les américains) à monter de belles brigades blindées et mécanisées pour les envoyer combattre en Ukraine, elles sous-performeraient très certainement. Personne n'a aujourd'hui une solution technique industrialisable pour contrer le problème posé par la transparence du champ de bataille et la prolifération des drones. On a pu se moquer de la nullité des russes dans la conduite de leurs groupes de combat mécanisés qui étaient détectés à 15km et étaient annihilés en rase campagne avant même de toucher la ligne ukrainienne. Oui ils étaient nuls, oui tactiquement le niveau était bas. Mais un groupe mécanisé OTAN aujourd'hui se ferait étrillée également. Il ne peut pas y avoir de guerre mécanisée de haute intensité dans ces conditions face à un adversaire nombreux et très bien équipés en drones. Pourquoi je dis tout ça ? car tout le blabla sur les "enablers" et le déficit européen en la matière (la raison pour laquelle on aurait besoin des USA pour intervenir en Ukraine) n'a aucun sens ici. La vérité c'est que pour une force de maintien de la paix, et plus largement pour une force défensive, on a pas besoin de brigades mécanisées avec 250 IFV et 80 MBT qui têtent la production pétrolière du Kowait toutes les 12h. La guerre d'Ukraine est une guerre de drone et secondairement d'infanterie. Si tu as la capacité de générer des drones et de générer des fantassins légers, tu as la capacité de jouer. Le Royaume-Uni peut-il produire des drones FPV et équiper 25 000 pax comme fantassin léger ? évidemment. La France aussi, l'Allemagne aussi. En fait le point où l'Europe a l'avantage sur les USA est sur le nombre de militaires d'actives, donc il n'y a aucun problème de ce côté là. Mais puisque ce n'est pas l'hypothèse faite dans les Etats-Majors qui fantasment Desert Storm, et qu'on reste dans une optique d'OPEX confortable (donc rotation tous les 3 à 4 mois, train logistique dantesque) plutôt que dans l'optique de fourrer des fantassins au fond d'une tranchée dans le Donbass. Car ça implique des pertes, ça implique un conflit qui n'a pas d'horizon de fin bien défini, et tout ça, ça effraye autant les politiques que les Etats-Majors. Mais c'est donc bien purement et uniquement une question de volonté politique. Londres a tout à fait les moyens physiques d'envoyer des fantassins serrer les dents dans une tranchée, mais il n'a pas les moyens d'envoyer de jolis groupes de combats avec Challenger, Warrior et tout ce qui suit, et de les rotationner correctement tous les 3 mois tout en leur fournissant EVASAN en 30 minutes, supériorité aérienne garantie et artillerie ennemie détruite. Londres n'a pas les moyens de promettre une guerre propre à la Irak 1991/2003 où tu gagnes en 6 semaines, ou de guerres "invisibles" à la Afghanistan/Irak 2004-2008 où tu perds un pax toutes les 3 semaines. Si on avait 15 000 fantassins légers professionnels anglais ou français avec de l'ATGM et des drones autour du saillant de Pokrovsk, je peux vous assurer que les russes avanceraient probablement pas aussi facilement. La même chose est vraie pour la défense des pays baltes. Vous n'avez pas besoin de 4000 Leopard 2 et d'énormes brigades mécanisées impossibles à déplacer tant elles sont lourdes. Vous avez besoin de drones, d'énormement de drones, de champs de mines, de tranchées, et de fantassins. Et vous n'avez donc pas besoin des américains ou de belles brigades avec des M1A2 et des Bradley. Fournir des fantassins n'est pas difficile techniquement, mais c'est par contre, une nouvelle fois, très difficile politiquement, surtout quand ces fantassins meurent. -
Guerre Russie-Ukraine 2022+ : géopolitique et économie
CortoMaltese a répondu à un(e) sujet de Skw dans Politique etrangère / Relations internationales
Et bien, oui, c'est... une guerre. A noter toutefois qu'en fait, hormis du nucléaire, la Russie n'a pas grand chose dans son arsenal qui puisse vraiment toucher la France. Du point le occidental de la Russie à Strasbourg il y a 1800km. C'est moins si on part du principe qu'elle peut utiliser la Biélorussie mais ça implique une géométrie de force très défavorable au plan aérien comme terrestre puisque la Biélorussie forme un saillant en territoire OTANien. Dans son arsenal je vois le Kinjal, certaines versions du Kalibr, pas grand chose d'autre. -
Guerre Russie-Ukraine 2022+ : géopolitique et économie
CortoMaltese a répondu à un(e) sujet de Skw dans Politique etrangère / Relations internationales
Je suis en partie d'accord avec toi, mais en partie seulement. Pour les leaders européens, il s'agit de gérer une opinion publique qui ne veut absolument pas de la guerre, mais a de la sympathie pour l'Ukraine (et cette sympathie demeure, même après 3 ans de guerre). La réalité donc, c'est que si un pays décidait d'y aller unilatéralement, il serait tout seul, personne ne le suivrait, et le politicien qui aurait décidé ça perdrait très certainement les élections suivantes. A l'inverse, en cas de troupes européennes qui s'installeraient en Ukraine après un éventuel cessez-le-feu, la situation est assez différente. D'une part, la temporalité fait que ça peut être coordonné avec potentiellement plusieurs pays dans le projet. D'autre part, cela serait beaucoup plus acceptable pour les opinions publiques européennes (même si ça ne sera pas gagné non plus). De même, si la Russie attaque une nouvelle fois, et a fortiori si elle tue au passage des soldats européens postés en Ukraine, soudainement la situation est toute autre. On a posté des troupes pour assurer la paix, elles sont attaquées, on doit répondre. Dans un cas on a déclaré la guerre à la Russie, dans l'autre c'est elle qui nous a déclaré la guerre de fait. Autrement dit, politiquement il est (peut-être) envisageable de faire la guerre à la Russie si elle attaque des soldats qu'on aurait posté en Ukraine dans un contexte de cessez-le-feu, mais pas de l'attaquer maintenant, alors qu'on a pas de soldats en Ukraine et qu'elle ne nous attaque pas. Dans un cas c'est un "non" définitif de la part de l'opinion publique, dans l'autre c'est un "peut-être" si on veut être optimiste concernant le consentement à la guerre. Donc je comprend que ça paraisse artificiel, et ça l'est d'une certaine manière, mais le fait qu'on ne déclare pas la guerre à la Russie aujourd'hui ne signifie pas qu'on ne la ferait pas si elle attaquait nos soldats placés en Ukraine après un cessez-le-feu. (De toute façon, puisqu'il n'y aura vraisemblablement pas de cessez-le-feu dans ces conditions, toutes ces discussions sont performatives) -
Guerre Russie-Ukraine 2022+ : géopolitique et économie
CortoMaltese a répondu à un(e) sujet de Skw dans Politique etrangère / Relations internationales
"M. Trump et les dirigeants européens ont convenu que le secrétaire d'État Marco Rubio dirigerait un groupe de travail composé de conseillers à la sécurité nationale et de responsables de l'OTAN afin de rédiger des garanties de sécurité pour l'Ukraine, ont déclaré des responsables européens informés des discussions. Les garanties de sécurité comporteront quatre éléments : une présence militaire, des défenses aériennes, des armements et la surveillance d'une cessation des hostilités, selon les responsables européens. Les États-Unis pourraient apporter un soutien militaire indirect aux forces de maintien de la paix européennes de différentes manières, sans pour autant envoyer des troupes américaines sur le terrain." Ça c'est plutôt bon signe sur le fait que les européens sont arrivés à embarquer sur le principe les américains dans leur plan. Rubio est un bon choix puisque c'est probablement le plus anti-russe des gros poissons de l'administration US. Après, non seulement, ça peut changer très vite au gré des humeurs de Trump, mais surtout il faut bien garder en tête que ce plan n'a d'autres vocations que d'être refusé catégoriquement par Moscou, qui l'a d'ors et déjà explicitement réaffirmé hier alors que la rencontre à la maison Blanche n'était même pas terminée. Toute la question est de savoir comment Trump va réagir quand il va (enfin) comprendre qu'il ne peut y avoir d'accord dans ces conditions. Je serais Zelensky, je jouerais au con et je demanderais à Trump d'appeler son ami Vladimir pour définir une date de rencontre trilatérale au plus vite, pour obliger ce dernier à être celui qui refuse (car Poutine n'acceptera jamais une rencontre avec Zelensky dans ces conditions et avant que que l'Ukraine ait explicitement accepté la version russe de l'accord) -
Guerre Russie-Ukraine 2022+ : géopolitique et économie
CortoMaltese a répondu à un(e) sujet de Skw dans Politique etrangère / Relations internationales
Il y a beaucoup de vrai dans ce que dit Araud. Toute cette séquence ressemble surtout à un énorme quiproquo soigneusement entretenu à la fois par les Russes et par les Européens, au détriment des Américains. Les « garanties de sécurité » que Moscou se dit prêt à accepter sont en fait toujours les mêmes qu’à Istanbul : un cadre russo-américain donnant à chacun un droit de veto sur l’autre. Rien à voir donc avec de véritables « garanties de sécurité » contre la Russie, telles que les Européens les envisagent. Witkoff, incapable de saisir cette nuance, n’a évidemment pas su l’expliquer à Trump, qui n'aurait de toute façon probablement rien voulu savoir tant il veut se convaincre qu'un deal est proche. En parallèle, les Européens cherchent à convaincre Trump d’endosser une logique très différente : un dispositif qui assure qu’une nouvelle agression russe entraînerait automatiquement une réponse militaire européenne, avec un soutien américain plus ou moins direct. Les deux visions sont totalement inconciliables, et l’accord n’a dès lors aucune chance d’aboutir. Tout l’enjeu devient alors de rallier Trump à sa cause dans le jeu de blâme qui suivra l'échec désormais prévisible des négociations. -
Guerre Russie-Ukraine 2022+ : géopolitique et économie
CortoMaltese a répondu à un(e) sujet de Skw dans Politique etrangère / Relations internationales
Quelques réflexions complémentaires, toujours sur la base de l'article de Reuters qui indique que Poutine serait "ouverts à une forme de garanties de sécurités pour l'Ukraines" et que Trump y a lui même semblé ouvert dans son appel avec les leaders européens hier matin. https://www.reuters.com/world/china/outline-emerges-putins-offer-end-his-war-ukraine-2025-08-17/ Si tout ça est au moins à moitié vrai, alors il faut, côté des européens, regarder les choses froidement et être intelligents avec les cartes qu'on a en main. La poursuite de la guerre conduit probablement à une perte progressive du Donbass pour l’Ukraine, avec un risque non nul d’effondrement militaire. Côté russe, l’endurance n’est pas illimitée, mais la dynamique est clairement pour eux et leurs problèmes me semblent infiniment plus gérables à court et moyen terme que ceux de Kyiv. Le recrutement russe semble aller un peu moins bien que je ne le croyais jusqu'à récemment, et repose visiblement sur une part importantes des détenus en pré-procès, qu'on incite fortement à racheter leur faute en allant servir la Mère Patrie, mais le volume tient. L’économie faiblit, mais toujours moins que celle de l'Ukraine. Pas de fronde sociale notable. Je pense donc que la Russie peut soutenir l’effort encore un à deux ans au minimum, et je n’en dirais pas autant pour l’Ukraine. Conséquence logique, cet accord est “bon” au sens où il est sans doute moins mauvais que la poursuite des combats. Si l’Ukraine s’en sort avec un demi oblast en moins, quelques concessions symboliques (co-officialité du russe et reconnaissance de la Crimée), mais conserve son indépendance, ne subit pas de limitations sur ses capacités militaires et obtient surtout des garanties de sécurité occidentales, alors c’est vraisemblablement le meilleur scénario accessible. Quelles que soient les vraies intentions de Poutine, le point central pour Kyiv et les Européens, si une ouverture existe réellement, ce sont les garanties de sécurité. Autant viser haut dès le départ. Proposons un dispositif “type article 5” garanti par la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, les États-Unis et tout État crédible volontaire. Proposons aussi un stationnement concret, par exemple la 11e BP à Kharkiv et une brigade britannique à Kyiv. Bref, le maximum. Aux Européens qui ont l’oreille de Trump (Stubb, Stoltenberg) de déployer toute la diplomatie nécessaire, et même toutes les flagorneries obsequieuses imaginables s'il faut en passer par là, pour le convaincre que ces garanties sont raisonnables et indispensables. Si ça passe, Poutine devra soit accepter, ce qui serait un gain net pour l’Ukraine, soit prendre le risque d’apparaître désormais comme l’obstacle à la paix. S’il n’était pas sérieux dès le départ, la guerre continuerait de toute façon, mais avec une chance de garder Trump du “bon côté”, ce qu’un refus sec de Kyiv sur le fond ne permettrait pas. Si on n’arrive pas à embarquer Trump et que Poutine ne lâche rien, alors, à condition que les autres points correspondent bien à ce que Reuters décrit ce matin, il faudra probablement encourager très fermement Zelensky à signer en l’état, même sans garanties de sécurité très solides. Le cas le plus délicat serait paradoxalement celui où Poutine est réellement prêt à un accord raisonnable, Trump suit sur les garanties, mais où Moscou accepte toutefois le risque de tout faire capoter précisément sur cette question. On entrerait alors dans une zone grise où la bonne décision dépendrait de l’ampleur réelle des sanctions américaines qui suivraient, de leur impact sur la Russie et, au final, de la trajectoire militaire sur un an. Les garanties ont une vertu, elles contraignent la Russie à révéler ses intentions au-delà du cessez-le-feu. Si Poutine paraît sérieux sur l’arrêt des combats, mais refuse catégoriquement toute garantie, c’est mauvais signe. Cela suggère une reprise de la guerre à terme, ou au minimum une coercition permanente de l’Ukraine par la menace. De telles intentions hostiles réduisent mécaniquement la valeur du deal côté ukrainien, car au mieux la souveraineté resterait fragilisée, au pire le conflit reprendrait plus tard depuis une position plus précaire. En même temps, si l’on suppose une armée ukrainienne proche de la rupture et des sanctions américaines à effet marginal sur le potentiel militaire russe à court terme, alors il vaut peut-être mieux un accord sans garanties que la poursuite de la guerre, même avec un Trump plutôt pro-ukrainien. On n’en est pas là. De toute façon de nouvelles fuites sur le contenu des discussions américano-russes peuvent très vite rendre toutes mes divagations caduques.