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Casse gueule garanti: qu'est-ce que "l'art opérationnel"?


Tancrède

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Pour ce qui est de l'action de la 4° DCR, là encore quelle caricature... La 4° DCR s'est vue décerner une citation à l’ordre de l’Armée, qui fut promptement annulée par Vichy par la suite. Mais surtout quand de Gaulle la prend sous son commandement elle est encore en cours de formation. Il doit attaquer avec les chars de sa division seuls, sans soutien sérieux d'infanterie, et on voudrait que son action ait eu un succès contre les nombreuses divisions allemandes du "couloir des panzers"? Il eût fallu lancer les quatre DCR et deux ou trois divisions d'infanterie motorisées pour pouvoir être efficace. Ce procès en inefficacité est ridicule.

A Crecy, sa mission est difficile techniquement certes mais à abbeville, il a en face de lui un seul régiment allemand et attaque avec une division certes formée de façon ad-hoc mais renforcée et puissante : son commandement à cette occasion est complétement déficitaire et médiocre

Ce n'est pas écorné la légende de l'homme que de dire qu'il n'était certainement pas un grand tacticien

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Personne n'a jamais présenté de Gaulle comme un Manstein.

J'aurai plutôt pu dire Guderian, mais ca aurait porté à confusion entre le théoricien et le tacticien.

Peut être pas ici mais ailleurs je sais que c'est le cas.

Comme un Guderian ou un Liddel Hart oui, en raison de son livre et de son action pour faire passer ses idées auprès du commandement de l'époque. Sinon, tu l'as lu "Vers l'armée de métier"?

Eh bien oui, justement.

Je le cite son article de janvier 1935, ce qui est développé dans son ouvrage est juste une version longue de ce texte.

LA REVUE HEBDOMADAIRE — (31e ANNÉE — N°2)

— 12 JANVIER 1935 —

[137]

COMMENT FAIRE UNE ARMÉE DE MÉTIER (1)

« Il faut se piquer d'être raisonnable

et non point d'avoir raison. »

(JOUBERT.)

A quelles objections se heurtait, vers 1900, le règne

naissant du sport ! Combien de gens, alors, maudissaient

l'automobile ! Que de familles eussent cru tout perdu à

la pensée que les jeunes filles pourraient, un jour, sortir

seules ! Le rappel de ces souvenirs fait, à présent, sourire

l'âge mûr et rire aux éclats la jeunesse.

Ainsi, nos générations, élevées dans le culte exclusif de

la nation armée, et marquées par une guerre où la qualité

disparaissait sous la masse, semblaient, récemment

encore, fixées dans leurs conceptions. Il y a quelques

années, l'idée seule d'ajouter un instrument professionnel

au système des contingents servant à court terme et des

foules mobilisées eût provoqué, dans notre pays un éton-

nement général. Il faut dire que certaines illusions exté-

rieures et intérieures et les tendances momentanées de

l'école politique dirigeante contribuaient à inspirer un

pareil état d'esprit. Que les temps sont changés, déjà !

(1) Les circonstances actuelles imposent à la Revue Hebdo-

madaire de passer en revue toutes les thèses que suscite la

nécessaire réorganisation de notre armée. Après les études que

nous avons publiées l'année dernière sur la Guerre brusquée, et

le plaidoyer pour l'Armée nationale de Civis, voici la démon-

stration de la nécessité et de la possibilité de créer une

Armée de métier. - N.D.L.R.

[138]

Sans doute, la création d'un corps formé de spécialistes

soulève-t-elle encore des objections. Mais l'idée point, se

répand, s'impose. L'armée de métier, sortie du royaume

des chimères, en est aujourd'hui à l'ère des discussions.

Il est vrai que les circonstances, pour ne pas dire la

force des choses, précipitent cette évolution. Dans l'ordre

politique, le réarmement de l'Allemagne et l'avènement

à Berlin d'un régime par excellence guerrier placent

la France et ses alliés devant une sorte de menace latente.

Au point de vue stratégique, les raisons que certains

peuvent avoir de rechercher par l'attaque brusquée un

grand avantage initial se rencontrent avec les possibilités

de vitesse et de puissance que le moteur terrestre et

aérien procure aux armées modernes. Sur le terrain

technique, les progrès de certains matériels, avant

tout les chars et l'artillerie, en font dans la ma-

noeuvre des éléments prépondérants, mais les rendent

en revanche de plus en plus coûteux, complexes et déli-

cats. Enfin, dans le domaine moral, se dessine après tant

de troubles un désir de retour aux vieilles assises des

sociétés, dont la vertu militaire est l'une des plus solides.

Dès lors reparaît dans les esprits l'idée de répondre à ces

tendances conjuguées par le moyen d'un corps profes-

sionnel toujours prêt à l'action rapide, tirant des engins

nouveaux tout le rendement dont ils sont susceptibles,

formant des cadres de choix pour la nation mobilisée

et ranimant l'ardeur des vrais soldats. Bref, une armée

de métier, motorisée tout entière, blindée pour une large

part, école des chefs grands et petits, foyer d'esprit mili-

taire.

Cependant, si précipité est le rythme de l'évolution, si

naturelle l'appréhension à l'égard des changements, que

beaucoup, tout en admettant qu'une telle réforme serait

souhaitable ne s'y rallient point encore et fondent leurs

hésitations sur des impossibilités pratiques. Peut-être

ceux-là n'ont-ils point discerné que le même enchaîne-

[139]

ment de faits qui mène à la conception d'un instrument

de guerre nouveau engendre aussi les conditions qui le

rendent réalisable : preuve de l'obscure harmonie qui

préside aux affaires des hommes. Les besoins ne se déve-

loppent qu'à la mesure des objets destinés à les satis-

faire. Il est aisé de montrer que la constitution d'une

armée d'élite est actuellement possible.

— II —

Ce corps de qualité aurait à servir d'avant-garde à la

nation mobilisée, en intervenant sans délai soit à l'in-

térieur de nos propres frontières, soit sur le sol des

États amis qui sont les marches de la France, soit sur le

territoire adverse. Puis, une fois la masse des contingents

et des réserves engagée à son tour, l'instrument d'élite

deviendrait, entre les mains du commandement, un élé-

ment de manoeuvre et de surprise, propre à créer « l'évé-

nement » dans une bataille générale. Il serait donc une

« armée » susceptible d'un front, d'une profondeur, d'une

articulation qui lui permettraient d'opérer en quelque

sorte isolément. On est conduit, en conséquence, à lui

attribuer une force et une composition de l'ordre de

six divisions de ligne, une division légère, des éléments

de réserve générale et les services correspondants. Enfin,

il faudrait le motoriser intégralement pour tous les ter-

rains et lui assurer une grande puissance de feu, de rup-

ture et d'exploitation.

Chaque division de ligne pourrait comprendre : une

forte brigade de chars (un régiment lourd, un régiment

moyen, un bataillon léger); une brigade d'infanterie

(deux régiments, un bataillon de chasseurs) ; une brigade

d'artillerie (un régiment lourd, un régiment léger); un

groupe de reconnaissance; un bataillon du génie; un

bataillon de transmissions et d'observation; un bataillon

de camouflage ; les services de la division,

[140]

La division légère serait formée (comme elle l'est déjà)

d'après les mêmes principes, mais avec des éléments plus

rapides et moins lourds.

Les réserves générales comporteraient tout au moins :

deux brigades d'artillerie lourde, un régiment de D. C. A.,

un régiment du génie (pontonniers), un régiment de

transmissions.

Le calcul des experts, pour une telle armée, unités

combattantes et services, donne un total d'effectifs

d'environ 98 000 hommes.

Il faut noter que, dans ce total, n'entreraient pas uni-

quement des Français. Il serait logique et raisonnable d'in-

corporer à cette armée de métier certains éléments indi-

gènes qui, d'ores et déjà, sont présents dans la Métropole.

Des douze régiments d'infanterie prévus, quatre pour-

raient être constitués de Nord-Africains choisis et ser-

vant à long terme. D'ailleurs, la plupart des services :

organes de ravitaillement de l'infanterie ou des chars,

colonnes de ravitaillement de l'artillerie, trains et con-

vois des divisions et de l'armée, utiliseraient avec avan-

tage des auxiliaires nord-africains, voire coloniaux (en

particulier annamites pour le camouflage, le service de

santé). Bref, 18 000 indigènes seraient à décompter, qui

limiteraient à 80 000 le nombre des Français de cette

armée de métier.

Pour pouvoir apprécier s'il est possible, ou non, de

recruter ces volontaires, il y a lieu de chiffrer également

le nombre des militaires de carrière qui devraient, par

ailleurs, être maintenus à l'encadrement des autres frac-

tions de l'armée française. Les sources officielles (rapport

du budget de la guerre pour l'exercice 1935) fixent

à 85 000 le nombre des « nécessaires » de cette catégorie,

pour l'ensemble des troupes de la métropole et d'outremer,

non comprises celles des troupes coloniales qui servent

aux colonies (budget des colonies).

Mais la création de l'armée professionnelle entraînerait

[141]

la dissolution de quelques-unes des unités du type actuel.

On peut admettre globalement que les six divisions de

ligne mécanisées remplaceraient quatre des vingt divi-

sions métropolitaines et une des cinq divisions de la force

mobile (pas davantage. d'ailleurs, étant donné les diffé-

rences dans la composition et dans les conditions d'em-

ploi). D'autre part, les six brigades de chars et les deux

brigades d'artillerie lourde prévues pour le corps d'élite,

prendraient respectivement la place d'une partie des

régiments de chars et de plusieurs des régiments d'artil-

lerie lourde qui existent aujourd'hui. Diverses compen-

sations partielles pourraient être envisagées aussi pour

les troupes du génie, les transmissions, les services.

Enfin, la division légère mécanisée, qui est constituée

déjà et comprend, du reste, une proportion croissante

de militaires de carrière, serait tout bonnement trans-

férée au corps de manoeuvre professionnel. Bref, tout se

passerait comme si l'ensemble des troupes françaises du

contingent et de la force mobile était réduit de cinq

divisions d'infanterie, une division légère mécanisée, plu-

sieurs régiments de chars, quatre régiments d'artillerie

lourde, divers éléments spéciaux, au profit de créations

nouvelles, sans que cet aménagement doive impliquer,

naturellement, aucune diminution dans l'effectif total des

contingents servant à court terme ni dans celui des

appelés ou engagés Nord-Africains et Coloniaux. Le

nombre des militaires de carrière nécessaires à l'encadre-

ment des unités restantes de l'ancien type ne serait

donc plus de 85 000, mais de 70 000 tout au plus.

Quatre-vingt mille constituant le corps de manoeuvre,

70 000 encadrant la masse, font un total de 150 000 Fran-

çais volontaires pour servir au delà de la durée légale.

C'est ce total de 150 000 hommes qu'il s'agirait de trouver.

Or, le rapport du budget de la Guerre fait connaître

que ceux des éléments de l'armée française qui relèvent

de ce budget atteindront, en 1935, le chiffre moyen de

[142]

90 000 avec majoration appréciable en fin d'année. Ledit

rapport admet, qu'à la même date, 13 000 spécialistes

auront été recrutés, tandis que la garde mobile comptera

environ 15 000 hommes. Enfin, et outre ces militaires

de carrière, spécialistes ou gardes-mobiles, il faut tenir

compte des jeunes gens engagés à plus ou moins long

terme, mais qui n'ont pas encore dépassé leur première

année de service. L'effectif de cette catégorie, variable

d'une année à l'autre, est évalué à 12 000 en moyenne.

On peut donc faire état de 130 000 Français, au moins,

volontaires pour la profession et présents sous les dra-

peaux. Encore n'y comprend-on pas les militaires de

carrière français servant aux colonies, ou dans les forma-

tions auxiliaires de l'Afrique du Nord, ou dans les troupes

syriennes et libanaises, ou dans les services de l'éducation

physique, ou dans la Légion étrangère, ou dans la gendar-

merie, ou dans la garde républicaine de Paris, ou dans

les sapeurs-pompiers, (près de 50 000 en tout). Il n'est

pas sans intérêt de remarquer à ce propos que, compte

tenu de 40 000 officiers de terre, de mer et de l'air et

des maistrances de la marine et de l'aviation, le nombre

de nos concitoyens qui font métier des armes approche

aujourd'hui de 240 000. On voit quelle créance méritait

la fameuse « loi », naguère si répandue, et suivant laquelle

la France ne serait organiquement capable de fournir

que 100 000 militaires professionnels.

Ainsi donc, sans réduire en rien l'encadrement de cha-

cune des unités du type actuel, sans toucher en quoi

que ce soit aux troupes des colonies, ni aux formations

auxiliaires d'outre-mer, ni aux corps spéciaux nécessaires

de la métropole, sans tailler le moins du monde dans les

services et établissements, et tout en laissant aux forti-

fications les spécialistes indispensables, il suffirait d'in-

corporer 20 000 volontaires de plus (13 pour 100 du

total) et de transformer la garde mobile pour disposer

intégralement en nombre du personnel de l'armée d'élite.

[143]

Cependant, le simple calcul des nécessaires et des exis-

tants ne donnerait qu'une idée incomplète du problème

de personnel qu'il faudrait résoudre. En effet, quelque

intéressant et varié que doive être le service dans les

troupes de qualité, surtout si l'on établit une permutation

périodique entre les hommes affectés aux diverses spé-

cialités, et si l'on organise l'émulation du haut en bas

de l'échelle, on ne saurait imaginer que de jeunes volon-

taires jouent indéfiniment le rôle de soldats du rang. Six

années, voilà, semble-t-il, quelle devrait être, pour la

plupart d'entre eux, la durée de leur service dans les

unités professionnelles, quitte à leur attribuer entre temps

les galons de sergent ou de maréchal des logis. Ensuite,

garçons de vingt-six ans, ils sortiraient du service rompus

au métier, pourvus d'une éducation militaire complète,

pleins d'autoritë, de confiance en soi, de prestige, pour

devenir sous-officiers d'encadrement. Comme le nombre

des Français nécessaires aux formations d'élite est évalué

à 80 000 environ, dont 10 000 constituant leurs propres

cadres seraient des briscards plus âgés, et qu'un certain

déchet doit être prévu, tout le problème reviendrait à

recruter chaque année 12 000 volontaires pour le métier

des armes. Qui peut douter que l'attrait propre à des

corps techniques et brillants, exploité par une politique

des cadres vraiment pratique et soutenue, déterminerait

aisément, dans une nation telle que la nôtre, ce courant

régulier de vocations militaires, alors qu'il s'en faut

de bien peu pour qu'il ne soit acquis déjà ?

Il ya lieu de remarquer que l'armée active ne pourrait

utiliser la totalité des cadres qui sortiraient annuelle-

ment des formations professionnelles. En effet, les mili-

taires de carrière, pour leur grande majorité, devraient

être mis à la retraite à quinze ans de service, soit après

six années passées dans les rangs des corps de qualité,

et neuf dans l'encadrement des unités du contingent,

d'outre-mer ou d'élite. Cet encadrement, comportant

[144]

quatre-vingt mille gradés (70 000 pour les troupes du

type actuel, 10 000 pour celles de métier), n'absorberait

chaque année qu'environ neuf mille sujets, alors que près

de douze mille sortiraient du corps d'élite. On trouverait

dans cet excédent le moyen d'entretenir l'émulation des

volontaires pendant leur service dans l'armée profession-

nelle et de quoi pourvoir au recrutement de la gendar-

merie, de la garde républicaine de Paris, des sapeurs-

pompiers, etc... (un millier annuellement). Resterait

à libérer chaque année environ deux mille sous-officiers

âgés de vingt-six ans, qu'il serait aisé de placer dans des

emplois de l'État ou dans l'industrie et qui renforceraient

les cadres des formations de réserve.

On voit comment l'armée de métier, tout en dotant

la France d'un instrument de manoeuvre de premier

ordre, formerait en même temps des cadres d'une valeur

éprouvée et dont l'afflux régulier donnerait à toutes les

unités une impulsion incomparable. A cet égard, les corps

d'élite pourraient offrir également aux cadres de la réserve

des moyens d'instruction et un milieu de formation qui

leur font aujourd'hui défaut. Tous les conscrits destinés

à devenir officiers de réserve et beaucoup des futurs sous-

officiers y feraient avec avantage au moins une partie de

leur service actif. La contagion d'ardeur des belles troupes,

l'intérêt propre au matériel bien employé, la permanence

d'unités constituées pour la manoeuvre, permettraient

de donner à ces jeunes gens choisis une empreinte pra-

tique et morale qu'ils ne reçoivent guère à présent. En

outre, les écoles de perfectionnement utiliseraient avec

grand profit, pour leurs exercices réels, ces unités toujours

disponibles. Qu'on veuille mesurer, enfin, l'ampleur et la

richesse du champ d'expériences techniques et tactiques

qu'y trouveraient le commandement et les états-majors.

[145]

— III —

Mais, pour que l'année de métier vaille la peine qu'on

la mette au monde, ce n'est pas tout de lui promettre un

personnel choisi. Il faut pouvoir, également, lui donner

un matériel exceptionnel. La philosophie de l'institution

consiste dans l'emploi combiné d'engins très perfec-

tionnés par des hommes rompus à leur maniement. Or,

ce matériel, la technique moderne est-elle en mesure de

le procurer ?

Ce qu'une armée d'un pareil type présenterait d'essen-

tiellement nouveau consisterait surtout dans une très

large dotation en chars rapides de puissance variée, dans

une artillerie capable de tirer en tous azimuths et de

se déplacer vite, dans la motorisation complète, pour

circuler en tous terrains, de l'ensemble de l'infanterie,

du génie, des troupes de transmissions, enfin dans un

vaste système de camouflage actif aussi bien que passif.

Chacune de ces conditions est, en effet, indispensable et,

d'ailleurs, liée aux autres. En outre, en pareille matière,

l'à peu près et la lésinerie seraient à proscrire avant tout.

Or, c'est un fait que tous les grands pays construisent

des chars lourds, moyens et légers, dont la vitesse, la

protection, le rayon d'action, l'armement assurent à qui

les emploie, là où il les emploie, cette capacité de sur-

prise, de rupture et d'exploitation qui est le postulat

de l'armée de métier. A partir du moment où les chars

peuvent, comme c'est le cas, porter et mettre en oeuvre

à vive allure, loin de leurs bases, sous un blindage épais,

quel que soit le terrain, des canons à tir rapide, des armes

automatiques, des lance-bombes et lance-grenades, la

première condition technique d'un corps de choc motorisé

est réalisée du coup. D'autre part, le système de

l'affût biflèche et la traction mécanique, chenilles ou

six roues, pennettent maintenant à l'artillerie de s'adapter,

[146]

en fait de balistique, de tactique, de conduite de tir,

de ravitaillement, à la manoeuvre complexe et mobile

des éléments blindés. Un 75 moderne peut tirer, à vo-

lonté, sur tout le tour de l'horizon, sous les angles les plus

variés, en usant d'une sorte unique de charge et de pro-

jectile. Il existe des pièces lourdes courtes, à tir rapide et

plongeant, qui ne se dépointent plus et des pièces lourdes

longues tous azimuths, à mise en batterie presque ins-

tantanée, d'une portée de trente kilomètres. Le moteur,

la chenille et le pneumatique donnent à ce matériel,

aussi bien qu'à l'infanterie, la faculté d'évoluer par monts

et par vaux, à la même allure moyenne que les chars.

Pour ce qui est du camouflage, les fumées et brouillards

artificiels, épandus par l'aviation ou projetés à partir

du sol, procurent aux troupes bien en mains des ressources

presque illimitées, à condition qu'on veuille et

qu'on sache s'en servir. Enfin, la télégraphie sans fil,

la radiophonie, l'autogire permettent de relier entre elles

et de commander les fractions les plus mobiles.

A quoi bon, cependant, s'exalter sur tant de progrès,

s'il était démontré que les finances de l'État sont impuis-

santes à nous les offrir ? Mieux vaudrait, en ce cas, nous

résigner sans discours et, tel le pauvre hère qui hausse

les épaules devant le magasin de luxe, nous accommoder

de la médiocrité. Mais si la dépense n'excédait pas nos

moyens, nous serions inexcusables de rester démunis

ou de nous contenter de cotes mal taillées par peur

des mots ou révérence à l'égard de principes périmés. Il

faut aller au fond des choses et chiffrer ce que coûterait

la création d'une armée de manoeuvre mécanisée.

On voudra bien, d'abord, observer que la division

légère existe déjà de pied en cap. Quant au matériel

d'artillerie adéquat aux formations en cause, il est, dès

à présent, en service pour la plus grande partie et en

construction pour le reste. Sans entrer dans le détail

des transformations de l'artillerie actuellement en cours,

[147]

on peut avancer que cette arme est virtuellement en

mesure de fournir aux six divisions de ligne et aux ré-

serves générales de l'armée de métier l'espèce et la quan-

tité du matériel qu'il leur faudrait. Il n'y aurait là

aucune dépense qui ne soit faite ou engagée.

Il en est sensiblement de même pour l'armement et

l'équipement de l'infanterie d'élïte. Par contre, ce serait

une grande entreprise que de doter les trente-trois mille

fantassins et chasseurs, ainsi que les dix mille sapeurs

et camoufleurs, des voitures tous-terrains destinées à les

transporter avec leurs armes, munitions, outils et bagages.

Ces voitures, de types variés suivant qu'elles seraient

destinées à telles ou telles unités, allant depuis le véhi-

cule léger jusqu'au car ou au camion à roues multiples

ou à chenilles, atteindraient à peu près le nombre de

sept mille. Comme il s'agirait là d'un matériel de qualité

et qu'on doit prévoir, au surplus, pour cette masse de

voitures, un équipement particulier, des réserves consi-

dérables d'échanges et de remplacements, des stocks de

carburants et d'huiles, il est raisonnable de compter

que chacun des sept mille véhicules reviendrait, en

moyenne, à cent mille francs, au total sept cents millions.

Mais les chars ? Ces dominateurs seraient nombreux

et coûteraient cher. Pour réaliser la dotation complète,

il en faudrait : 432 lourds (288 de ligne, 144 de rempla-

cement) à un million et demi pièce ; 1 296 moyens (864

de ligne, 432 de remplacement) à sept cent mille francs;

540 légers (360 de ligne, 180 de remplacement) à quatre

cent mille. En tout un milliard sept cent soixante et onze

millions, que l'on doit arrondir à deux milliards afin de

tenir compte des ateliers, parcs, outillages, voitures

annexes et moyens de ravitaillement, sur lesquels toute

restriction pourrait avoir les pires conséquences.

Enfin, l'équipement complet des sept divisions d'élite

et des réserves générales, en fait de moyens de transmis-

sions « dernier cri » (radiophonie, notamment), les larges

[148]

dotations à prévoir en matériel d'observation et de repé-

rage, l'organisation adéquate de certains services, en,

particulier Intendance et Santé, reviendraient à deux

cents millions.

Trois milliards, tel est, au grand total, l'ordre de gran-

deur des dépenses qu'entraînerait la création de l'instru-

ment de manoeuvre spécialisé. Mais il est évident que les

charges consécutives devraient être réparties sur plu-

sieurs exercices budgétaires car on ne peut penser à faire

sortir de terre l'armée de métier en un instant. L'enrô-

lement des jeunes volontaires, les changements d'affec-

tation et l'adaptation des cadres, l'installation, les fa-

brications de matériel, les expériences, les changements

dans l'organisation, ne pourraient être réalisés que pro-

gressivement. Les crédits correspondants porteraient donc

sur quatre ou cinq années. A supposer que la réforme

soit entamée immédiatement, les exercices de 1935 à

1940 auraient à supporter, de ce fait, en moyenne six

cents millions de dépenses chacun.

Mais ce ne seraient pas là, à beaucoup près, des charges

supplémentaires. On doit, en effet, déduire de ces chiffres

une partie de ceux qui sont inscrits déjà ou qui, en toute

hypothèse, devront l'être ultérieurement pour les fabri-

cations du matériel neuf nécessaire à l'armée française.

Que l'on crée, ou non, des divisions professionnelles, il

faudra bien, de toute manière, et sous peine de nous con-

damner à une infériorité grave vis-à-vis d'autres puis-

sances, pourvoir au remplacement des chars modèle 1918

par d'autres de types modernes, mécaniser une partie

de nos unités d'infanterie, poursuivre la motorisation

de l'artillerie, de la cavalerie, du génie, des services,

perfectionner les moyens de transmissions. En somme, le

corps de manoeuvre ne ferait que recevoir en forte pro-

portion ce matériel neuf, puissant et délicat, dont, dès

aujourd'hui, le plan d'armement prévoit la construction,

tout au moins pour une partie, et dont le financement est

[149]

en cours ou envisagé. Seulement ce matériel serait

groupé dans des conditions et mis aux mains de gens

tels que le meilleur rendement pourrait en être tiré. En

tenant compte de cet élément, on constate que la création

du corps de manoeuvre est, budgétairement parlant, très

aisément concevable.

— IV —

Le mouvement se prouve en marchant. L'expérience

qui fera l'essai d'une fraction de l'armée de métier ne

manquera pas de révéler toutes les vertus du système.

Le jour où la première des divisions d'élite déploiera sur

le terrain d'un exercice combiné sa vitesse et sa puissance,

où son échelon blindé, lié avec l'aviation, couvert

d'éléments légers, déchirera tout à coup le voile du ca-

mouflage et entamera l'attaque à la vitesse d'un cheval

au galop, où son infanterie, rompue à la manoeuvre,

usant pour se déplacer tour à tour de ses jambes et de

ses voïtures, appuiera les chars d'objectif en objectif

en organisant des bases solides de feu et de recours, où

son artillerie tous-azimuths et tous-terrains fera la preuve

qu'elle est capable de concentrer à tout moment, de près

aussi bien que de loin, le tir de toutes ses pièces, ce jour-là

l'armée française prendra conscience d'un art nouveau

et connaîtra la voie des gloires futures.

Et quand, pour la première fois, ce terrible instrument

défilera dans nos villes, faisant trembler le sol sous ses

engins et ses canons modernes, montrant au seul aspect

des soldats d'élite ce que la vocation, le métier, l'esprit

militaires donnent aux troupes de fort et de grand, alors

le peuple français, secoué d'un frisson trop longtemps

oublié, sentira renaître en son coeur la nécessaire fierté

des armes.

CHARLES DE GAULLE

L'idée de la division blindée pour percer sur les arrières ennemis n'a en soi rien de novateur en 1934: elle existait déja chez Estienne "le Père des chars" (presentée lors de sa conférence de 1920) et Fuller chez les anglais en 1918 (son plan pour l'attaque finale alliée en 1919 prévoit d'utiliser des chars assez mobiles pour être utilisés à la manière des stosstruppen et encercler des unités allemandes).

Le général Estienne a dit (extrait):

« Imaginez, Messieurs, au formidable avantage stratégique et tactique que prendrait sur les lourdes armées du plus récent passé, cent mille hommes capables de couvrir quatre vingt kilomètres en une seule nuit avec armes et bagages dans une direction et à tout moment. Il suffirait pour cela de huit mille camions ou tracteurs automobiles et de quatre mille chars à chenilles et montés par une troupe de choc de vingt mille hommes. »

En somme, les ingrédients du blitzkrieg existent déja lors de la fin de la première guerre mondiale, sous différentes variantes selon les auteurs (utilisation en rupture ou en exploitation, proportion chars/infanterie, etc.). Seul le matériel ne peut pas suivre en 1918 (le char le plus rapide, le whippet britannique, va au maximum à 13km/h sur route).

LE point de DG est que l'arme blindée doit être professionnelle pour être un outil utile. Il attache une très grande importance à la qualité du recrutement et à la force morale, l'organigramme étant essentiellement une redite du général Estienne d'une manière plus littéraire et rhétorique.

Cet ouvrage n'est ni un ouvrage de doctrine, ni de tactique, ni te technique. Ce qui assez logique puisque c'est la question du recrutement qui intéresse DG, ainsi que la géostratgie. Je ne connais pas d'ouvrage dans laquel DG aurait abordé les questions tactiques et techniques.

Pour ce qui est de l'action de la 4° DCR, là encore quelle caricature... La 4° DCR s'est vue décerner une citation à l’ordre de l’Armée, qui fut promptement annulée par Vichy par la suite. Mais surtout quand de Gaulle la prend sous son commandement elle est encore en cours de formation. Il doit attaquer avec les chars de sa division seuls, sans soutien sérieux d'infanterie, et on voudrait que son action ait eu un succès contre les nombreuses divisions allemandes du "couloir des panzers"? Il eût fallu lancer les quatre DCR et deux ou trois divisions d'infanterie motorisées pour pouvoir être efficace. Ce procès en inefficacité est ridicule.

A Abbeville il faut preuve de peu d'originalité en reprenant à chaque fois les mêmes axes d'attaques, ceux utilisés par les anglais avant lui, sans chercher la manoeuvre ni changer ses plans. L'attaque est arrêtée par 3 88mm qui font un carton sur des chars sans soutien. Henri de wailly, qui est un auteur de référence et sérieux car très bien documenté à partir d'archives à la fois françaises et allemandes, et qui n'est pas spécialement antigaulliste, compare son entêtement à celui des chevaliers français à crecy.

Au final son échec face à un seul régiment allemand (et non de nombreuses divisions!) est très décevant pour une DCR renforcée.

L'homme est un très grand politique, un stratège brillant, mais le fait est que ce n'est pas un tacticien. Ce n'est pas écorner une légende, c'est décrire la réalité de l'homme.

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En somme, les ingrédients du blitzkrieg existent déja lors de la fin de la première guerre mondiale, sous différentes variantes selon les auteurs (utilisation en rupture ou en exploitation, proportion chars/infanterie, etc.). Seul le matériel ne peut pas suivre en 1918 (le char le plus rapide, le whippet britannique, va au maximum à 13km/h sur route).

LE point de DG est que l'arme blindée doit être professionnelle pour être un outil utile. Il attache une très grande importance à la qualité du recrutement et à la force morale, l'organigramme étant essentiellement une redite du général Estienne d'une manière plus littéraire et rhétorique.

Cet ouvrage n'est ni un ouvrage de doctrine, ni de tactique, ni te technique. Ce qui assez logique puisque c'est la question du recrutement qui intéresse DG, ainsi que la géostratgie. Je ne connais pas d'ouvrage dans laquel DG aurait abordé les questions tactiques et techniques.

Les tacticiens et officiers "techniciens" français de l'époque, notamment ceux qui ont dirigé et analysé les fameuses manoeuvres des Ardennes, ont critiqué son livre en disant qu'il n'apportait rien qu'il n'avaient déjà énoncé, et qu'il ne parlait qu'en termes vagues et généraux..... A ceci près qu'ils n'ont pas pigé que c'était un ouvrage politique bien plus que militaire, voyant large et abordant le problème sous le vrai angle pertinent, à savoir pas la faisabilité technique, mais le besoin stratégique et ses implications budgétaires et militaires, mais surtout sociales et politiques. Le développement côté recrutement, c'est aussi son école de pensée première (Ardant du Picq) qui parle, pas à tort d'ailleurs: c'est un point crucial dans l'absolu, mais surtout à l'époque un facteur décisif face à une Wehrmacht sur-élitiste eu égard à son "moule" de l'armée d'armistice qu'a érigé la République de Weimar.

L'idée de la division blindée pour percer sur les arrières ennemis n'a en soi rien de novateur en 1934: elle existait déja chez Estienne "le Père des chars" (presentée lors de sa conférence de 1920) et Fuller chez les anglais en 1918 (son plan pour l'attaque finale alliée en 1919 prévoit d'utiliser des chars assez mobiles pour être utilisés à la manière des stosstruppen et encercler des unités allemandes).

Estienne imagine moins une division blindée comme unité tactique/opérative autonome qu'un corps à part entière, ou plutôt une armée mobile de réserve stratégique (apparemment monobloc dans sa vision) capable d'effectuer la percée et de contraindre l'adversaire au retrait où à l'enveloppement, dans le droit fil de la configuration tactique de la 1ère GM et de son front continu à forte densité et forte profondeur, avec une stratégie fondée sur le jeu des réserves (il me semble).

Bref, il imagine "l'instrument" de "la" percée, vu comme un outil monobloc, ce qui est en fait plus une réponse à la configuration (l'art opératif) de la Grande Guerre qu'une conception dans l'absolu. et il ne le pense pas, comme De Gaulle, par rapport au reste de l'armée, soit en ne prenant pas en compte la ponction opérée par son "corps" sur le reste des capacités des forces: les 8000 camions mentionnés représentent à eux seuls le tiers ou plus du parc de camions français en 1918, élément qui offre la mobilité opérationnelle qui est le vrai avantage allié, et avant tout pour l'artillerie et sa log. Soit une ponction qui déshabillerait Pierre pour habiller un jeune Paul qui perdrait de sa pertinence si Pierre ne pouvait plus suivre :lol:, il me semble.

L'autre aspect important de la DB comme concept est de dimensionner précisément la capacité  et de la subdiviser en fonction de besoins opérationnels identifiés comme pertinents.

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Petit problème terminologico-ontologico-épistémologique (ouf ! j’ai réussie à le dire…) : quelle est le terme le plus approprié ? Doit-on dire « opérationnelle », ou user du qualificatif «d’opératif » pour ne pas confondre avec ce qui est en lien aux opérations militaire, et donc contingent ; en sus, dans mes lectures je vois de plus en plus employer le terme « d’opératique »…

C’est à y perdre son latin…

Alors ? « Troussage d’insecte » *, ou important problème de définition ?

* Le copyright de cette herseuse formule reviens à jojo :lol: ;)

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  • 2 months later...

J’ai fait quelques recherches, et je n’ai pas trouvé grand-chose d’intéressant sur les GMO soviétiques de la guerre froide : que des platitudes.

Quelqu’un peut nous faire un topo rapide sur eux. Orbat, effectifs, dotations en matérielles. Etc ?

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  • 1 month later...

Je relis Shimon Naveh sur la genese de l'art operationnel sovietique, et des l'entre deux guerre, les theoriciens sovietiques avaient enonce des concepts cle et ceci des l'analyse du retour d'experience de la guerre civile et de la guerre russo-polonaise:

Moment: Le moment d'un des elements du systeme combattant est sa capacite a mener des operation en profondeur, profondeur spatiale (operer loin de sa base de depart) et temporelle (operer longtemps apres son depart) pour infliger un choc au systeme ennemi. Pour y parvenir il faut de la vitesse et pas uniquement de la "velocite" a echelle tactique, de la mobilite, de la "masse" (puissance de feu et nombre) et de la "furtivite" (par intoxication, tempo superieur a l'adversaire, coups de main via detachement avance et forces speciales). Pour maximiser le moment, les sovietiques en sont venue a essayer de creer des formations a la fois massives (corps ou armee), inter armes, et blindees/mecanisees ou aeromobiles et qui seraient epargnees le plus possibles de la tache de produire la breche sur le front afin de maximiser leur masse, et avec un fort accent sur la logistique et le geni pour maximiser la vitesse et la mobilite sur la "profondeur".

Realiser un "Choc": Oter sa synergie au systeme adverse, en de fractionner les elements du systeme adverse sur les deux dimensions (les unites vis a vis de leurs voisines sur le front, le front par rapport a l'arriere) + Oter au systeme adverse la maitrise de l'espace en placant dans sa profondeur une masse mobile qui l'empeche d'organiser d'autres lignes de defense+ Oter a l'adversaire la maitrise du temps la rapidite devant imposer un tempo eleve a l'adversaire.

Par retour d'experience de la guerre civile russe, les penseurs se sont rendu compte que la destruction totale et instantannee du systeme adverse etait un leurre, et au lieu de cela, il fallait substituer a la quete de la destruction la quete du choc par la maximisation du moment. Et c'etait theoriquement et conceptuellement beaucoup plus clair et coherent que la "Blitzkrieg".

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La Blitzkrieg a en fait plus été inventée après la campagne de France comme un outil de propagande et une image que comme un réel concept opérationnel impliquant une organisation systématique, une politique industrielle réalisée en conséquence....

Mais au final, les Russes ont inventé la tactique à l'échelle des armées et groupes d'armées :lol: (pour le versant "emploi" de leur concept opératif): une fois l'objectif désigné (résultant d'une compréhension du dispositif adverse dans le temps, l'espace et la politique), il s'agit de frapper durablement tout un pan de la défense adverse en tapant son centre de décision et d'organisation. Les divisions et corps d'armée occidentaux, américains surtout, semblent vraiment trop lourds, patauds, lents et massifs pour pouvoir s'adapter. Et contre productifs chaque fois que le centre d'une division est atteint: c'est 20-25 000h qui se retrouvent éparpillés d'un coup en sous-unités sans grand impact à l'échelle stratégique, dès lors que l'échelon de commandement divisionnaire est touché, détruit ou même contraint de bouger plus vite qu'il ne le peut réellement (pas vraiment des QG super mobiles).

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Mais au final, les Russes ont inventé la tactique à l'échelle des armées et groupes d'armées

Tactique differente et guidee par un objectif  different de celle des unites plus petites c'est a dire le choc systemique et la reduction progressive de la profondeur strategique adverse au lieu de la destruction totale et systematique de toutes ses forces armees comme le preconise la theorie Clausewitzienne (le but de la guerre serait d'anihiler la volonte de l'adversaire en detruisant ses forces armees sur le champs de bataille). C'est cet unique objectif que les penseurs sovietiques ont juge realisable devant la masse enorme des armees modernes induits par la levee en masse et l'industrialisation. Une des causes que les sovietiques ont identifie a l'impasse de la premiere guerre mondiale, c'est justement le passage de la tactique des petites unites a celle des grandes et tres grandes unites sans evolution theorique et conceptuelle (un corps agit comme une grosse division, une armee comme un gros corps et un front comme une grosse armee pour faire caricatural) et sans tenir compte de la resilience des forces armees d'un etat moderne.

La Blitzkrieg a en fait plus été inventée après la campagne de France comme un outil de propagande et une image que comme un réel concept opérationnel impliquant une organisation systématique, une politique industrielle réalisée en conséquence....

Par une cruelle  ironie de l'histoire militaire, Guderian qu'on designait comme le maitre de la Blitzkrieg n'aurait ete, d'apres l'auteur, qu'un excellent tacticien de la guerre blindee sans grande conscience de la pensee operative moderne. Par contre, la vieille garde de la Reichswehr que celui-ci denonce tant dans ses memoires (conservateurs qui n'ont pas vu venir la revolution blindee) auraient commence a sortir du carcan clausewitzien et on leur doit par ailleurs un excellent manuel sur la defense en profondeur. Ce que serait la Blitzkrieg, une infiltration sur une ou deux ailes prelude a un encerclement de masse et a une destruction systematique, sauf que le Panzerdivision remplace les Sturmtruppen.
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Par une cruelle  ironie de l'histoire militaire, Guderian qu'on designait comme le maitre de la Blitzkrieg n'aurait ete, d'apres l'auteur, qu'un excellent tacticien de la guerre blindee sans grande conscience de la pensee operative moderne. Par contre, la vieille garde de la Reichswehr que celui-ci denonce tant dans ses memoires (conservateurs qui n'ont pas vu venir la revolution blindee) auraient commence a sortir du carcan clausewitzien et on leur doit par ailleurs un excellent manuel sur la defense en profondeur. Ce que serait la Blitzkrieg, une infiltration sur une ou deux ailes prelude a un encerclement de masse et a une destruction systematique, sauf que le Panzerdivision remplace les Sturmtruppen.

Sur ce point Naveh a été dépassé et les études récentes ( Zabecki notamment ) montrent que les allemands concevaient véritablement l'art opératif dès la première guerre mondiale même si il s'agit encore d'une pensée incompléte

Par ailleurs si Gudérian n'est effectivement pas un trés grand chef opératif ( bien que son action sur le front de "l'est" à partir de septembre ou octobre 44 soit trés correcte seulement contre-carrée par l'incompétence totale de Hitler ), la Heer en 1939-1945 a un nombre important de bons ou trés bons chefs opératifs comme Rundsted, Bock, Kesselring, à un degré moindre Halder et Jodl ( le dernier trés sous-estimé car faible devant Hitler mais ayant de bonnes capacités d'officier d'état-major ) et à un degré trés supérieur Manstein

La thése d'une heer seulement tactique ( vulgarisée notamment par Lopez dans ses 2 derniers ouvrages ) me semble trés fortement exagérée et érronée

Ce qui est vrai par contre, c'est l'absence en Allemagne d'une vraie doctrine opérative dans les années 30 au sens de la manoeuvre en profondeur , la blitzkrieg n'étant qu'un terme utilisé après les évennements et pas une doctrine au sens strict du terme.

Cette absence de doctrine ne signifie toutefois pas que les allemands ignorent ce qu'est l'échelle opérative : là dessus il suffit juste de lire les mémoires des grands chefs allemands ( Gudérian, Manstein ) pour se rendre compte qu'ils savent de ce quoi il s'agit

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J'ai bien compris que les allemands ont pratique les operations en profondeur notamment en defense, deja formalisee par les manuels "operations defensives" de Beck avec notamment un echelon mobile pour intercepter et fixer l'EPR rouge.

Sans doute que cote sovietique, la propension a theoriser et a essayer de produire une doctrine systematique et coherente vient du Marxisme.

Par contre, a l'ouest, on etait vraiment a l'ouest, quand je pense que Churchill esperait battre les sovietiques par une sorte de blitzkrieg avec une bataille decisive quelque part dans la region de l'Oder...

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J'ai bien compris que les allemands ont pratique les operations en profondeur notamment en defense, deja formalisee par les manuels "operations defensives" de Beck avec notamment un echelon mobile pour intercepter et fixer l'EPR rouge.

La défense en profondeur n'a jamais été pratiquée à cause de Hitler qui ne pouvait concevoir autre chose qu'une défense statique

Par contre et c'est là où je veux en venir, la pratique allemande de la guerre ne se résume pas à la recherche systématique et mécanique de l'encerclement comme le soutient Lopez, au contraire la plupart des grands chefs allemands sont capables d'articuler une pensée opérative prenant en compte l'espace ( la profondeur du champ de bataille ), le temps et le caractère politique.....

Seul Hitler est limité à une vision tactique ou stratégique du champ de bataille

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le choc systemique et la reduction progressive de la profondeur strategique adverse au lieu de la destruction totale et systematique de toutes ses forces armees comme le preconise la theorie Clausewitzienne

J'entends bien, mais pour moi ce que préconise Clausewitz n'est pas vraiment différent: le seul point de Clausewitz qui est remis en cause en apparence ici, c'est la question de l'échelle: au moment où il écrit, et plus encore celui où il a formé sa pensée, les armées, mêmes grossies par une conscription plus ou moins universelle, sont encore une "chose" concentrée/concentrable en un seul endroit sur une carte à petite échelle, soit un "objet" potentiellement destructible en une grande bataille qui est encore une réalité susceptible d'arriver. Pour les plus grandes nations, il peut y avoir plusieurs armées de campagne, mais encore une fois, pour schématiser, il s'agit d'un dispositif d'une centaine de milliers d'hommes (pour caricatureret faire vite en donnant un ordre de grandeur) plus sa traîne logistique. Donc à tout péter 2 ou 3 sont réellement en campagne, au maximum, pour les grands pays européens, soit un dispositif militaire fait pour la grande bataille décisive et qui ne peut réellement y échapper parce que tout le monde est à pied (passé l'arrivée sur théâtre d'opération qui peut se faire en train dès les années 1840 comme l'Autriche l'a montré avec l'affaire d'Olmütz) et surtout le matériel et l'intendance.

Donc il suffit de transposer Clausewitz à des échelles supérieures, et non s'y opposer: la bataille décisive qu'il préconise comme l'idéal à rechercher est simplement transposée de la même façon, avant tout parce que le choc systémique qui est infligeable à son époque se réalise au niveau d'une armée en campagne qui concentre en un lieu donné le même potentiel (relatif à chaque époque) qui est infiniment plus dilué dans l'espace en général et la profondeur en particulier quand arrive l'ère des grandes guerres industrielles, essentiellement en 14 (mais des prémices se voient en 1870 et pendant la guerre de sécession), mais encore plus avec la guerre mécanisée qui pointe en 39. La bataille d'anéantissement à laquelle pense Clausewitz est exactement ce que préconisent les Soviétiques: elle n'est pas nécessairement plus sanglante qu'une autre, et personne ne vise à anéantir l'adversaire bataillon par bataillon, le seul but d'une bataille, comme Napoléon l'avait montré, étant de taper le centre de l'armée adverse, de briser sa ligne, de la contraindre à se disloquer et d'anéantir dans la poursuite les ilôts de résistance restés en place comme ceux qui ont fui en unités constituées.

Mais pour des raisons pratiques (des armées à pied, des effectifs en dizaines ou centaines de milliers, une coordination à la voix et au visuel), géographiques (centres urbains moins vastes, réserves alimentaires plus réduites, capacité industrielle réduite, distances plus grandes -pour une Europe pensée "à pieds"-, centres moins atteignables, routes et axes plus rares et réduits, ralentissant les progressions) et politiques, Clausewitz (comme Napoléon) a surtout été mal transcrit à l'époque mécanique. Le facteur politique est d'autant plus important: Clausewitz raisonne à une époque où une armée en campagne est une part plus importante d'un dispositif militaire, et infiniment plus concentrée, à la tête duquel se trouve en plus souvent un décideur politique si ce n'est même LE décideur politique pour certaines, ce qui fait de certaines armées (au moins une dans les 3 ou 4 que peut aligner un grand pays) un véritable centre, un pivot, un centre prioritaire et politique pour un stratège.

Seulement là où Napoléon et Clausewitz exposent ou pratiquent leurs vues en raisonnant avec des escadrons et bataillons de percée  et d'exploitation, et des bataillons pour fixer, il faut voir la transposition à l'ère industrielle et mécanisée directement à l'échelle des divisions et armées soviétiques de percée et d'exploitation. La division/armée blindée soviétique, c'est la brigade de cuirassiers et dragons napoléonienne, l'armée motorisée, ce sont les brigades et groupes d'escadrons de hussards et chasseurs. Et la bataille napoléonienne sur ses 3 à 6km de front, c'est le front soviétique de plusieurs centaines de kilomètres. Précisément parce que ce qui a changé, ce sont les échelles, absolument pas les principes et leur mise en oeuvre. L'anéantissement recherché est toujours le même: celui du dispositif ennemi en tant que force organisée de grande échelle capable d'atteindre, menacer ou saisir un objectif stratégique (et de s'en servir à fins politiques).

Seulement il faut lire la chose dans son entièreté, c'est-à-dire voir une armée non en tant que telle, mais ce qu'elle est par rapport au pays dont elle émane ET à une époque donnée, dans l'intégralité de l'espace temps, de la structure politique, culturelle et économique de son époque. Apparemment, c'est une lecture que les officiers d'EM occidentaux, allemands en tête, n'ont fait que partiellement à partir des années 1870, confondant sur plusieurs points principes généraux et réalités pratiques du front franco-allemand (petit, réduit, connu, étroit, de moins en moins profond) sur lequel ils se focalisaient de plus en plus.

Bref, il faut voir ce qu'est le système combattant lui-même et ce qu'il est dans un dispositif politique et militaire. De même, il faut revoir à l'aune de ces nouvelles échelles ce qu'est la bataille, en revenant à son principe en oubliant sa réalité physique qui, dans l'essentiel de l'histoire, a été contrainte par les moyens de mobilisation, de soutien, de transport et de communication, à se dérouler dans un lieu donné ne couvrant pas une surface énorme. Et la bataille, en principe, c'est une concentration d'une part très significative du potentiel militaire dans un espace temps restreint (par rapport aux "opérations courantes") pour obtenir un résultat potentiellement important au niveau politique (donc sur le déroulement de la guerre). Autre facteur qui peut avoir joué: la focalisation de la lecture des campagnes passées sur le "moment" de la bataille, en oubliant la place relative de la campagne, et de ce qu'on appelait "la petite guerre", ou "les combats" (par opposition à la bataille), culturellement diminués dans leur importance, leur place.... Turenne en son temps ("peu de batailles, beaucoup de combats".... Et c'est ce qu'il faisait: la bataille, il ne la jouait qu'à coup sûr), puis Napoléon, ont beaucoup détonné dans leurs époques respectives précisément parce qu'ils ont pensé à l'échelle de la campagne et non appliqué une pensée de bataille et de sièges à une campagne; tous deux ont connu un succès particulier parce qu'ils ont trouvé cet échelon adéquat. Il est possible de dire qu'ils étaient des chefs opératifs nettement plus que leurs adversaires.

Et ça, seuls les Soviets ont réellement su le lire ET adapter l'organisation militaire à cette façon de lire, contrairement à l'occident qui, même en en ayant une certaine conscience (surtout après 14), n'a pas réellement cherché à penser l'organisation militaire à cette "échelle de lecture".

Désolé, c'est fumeux, mais c'est ma petite lecture très personnelle.

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  • 2 months later...

Petite remontée de topic pour poser une question à la cantonnade.

A votre avis, dans quelle mesure la pensée stratégique, opérationnelle et tactique a été influencée dans les derniers siècles par la réalité physique des affrontements les plus dramatiques, à savoir les guerres entre pays ouest-européens? Je me faisais la réflexion en constatant l'emphase portée sur le conflit franco-allemand qui a drainé beaucoup d'énergies à se focaliser sur un théâtre unique dont les principes ont pu fortement influer sur la conception de la guerre en général, surtout par exemple côté allemand, les leçons (pensée, délais, modes d'organisation, densité prévue du champ de bataille, conception des distances et de la rapidité des effets militaires et politiques....) d'un théâtre particulier ayant tendance à avoir pu être retenues comme des leçons absolues pour toute guerre et toute organisation/préparation militaire (politique, humaine, doctrinale et matérielle).

Quoique vraie dans beaucoup de domaines, cette transposition a aussi ses limites, et a pu imposer un carcan mental faussant la perception des théoriciens, stratégistes et concepteurs militaires au fil des décennies, conditionnés qu'ils étaient par une somme assez limitée de conflits potentiels, essentiellement à leurs frontières et face à une gamme d'adversaires non seulement limitée en variété, mais aussi des adversaires récurrents, auxquels ils étaient habitués. Forme de nombrilisme occidental tout comme déformation d'une "adaptation au milieu" bien naturelle, cette tendance est-elle réelle selon vous?

Les théâtres lointains et formes de guerre différentes ont pu jouer pour montrer la relativité de cette conception de la guerre et de son implémentation en art opérationnel (et de là en tactique), et avec elle toute la conception organisationnelle, humaine et matérielle, mais le simple fait de la naissance de l'art opérationnel soviétique, conçu dans un "monde à part" (l'URSS, soit un lieu plus vaste et mouvant en terme de front, avec surtout un renouvellement massif des cadres et de l'atmosphère intellectuelle), a pu montrer à quel point on peut pointer du doigt un phénomène d'évolution en vase clos pour les grandes puissances d'alors, habituées à se friter entre elles dans un club somme toute restreint.

Cela peut renvoyer par exemple à la confrontation entre Romains et Perses, où les Romains n'ont jamais réellement su ou pu appréhender la différence représentée par les Parthes et Perses en terme de conception de la guerre, et donc jamais leur porter un coup décisif, leur seuls réels succès durables étant la défense de leurs possessions au Moyen Orient. De même, le monde grec post alexandrien s'est enfermé dans une dialectique de la guerre entre adversaires proches sinon similaires au cours des guerres des diadoques, ne parvenant pas à gérer l'arrivée du nouvel acteur qu'était Rome dont pourtant les différences militaires étaient plus du registre tactique (grande et petite tactique) que réellement opérationnel, stratégique, culturel ou politique.

Ca vous inspire ou je délire?

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Donc dans un exemple allemand ça serait une vision militaire très tactique, de l'ordre de la division, suffisamment puissante pour affronter la France et un front Belgique - Ardennes - Alsace mais incapable de saisir l'échelle soviétique et donc d'anticiper au niveau de la planification tactique, stratégique et logistique ?

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Je me pose la question justement: le front franco allemand s'est rétréci au fil des siècles (densification des réseaux routiers, cartographie, transports modernes, discipline et logistique des armées, croissance démographique et urbaine qui densifie les lieux d'appros et relais logistiques, progrès des communications et impact sur la coordination....) et ce simple fait a de plus en plus corrélé la pensée stratégique, opérationnelle et tactique qui se trouvèrent de plus en plus confondues. Les objectifs politiques sont plus atteignables et interdépendants, la réalité tactique a un impact stratégique plus direct.... L'évolution des centres économiques à l'ère industrielle (sur la frontière franco-allemande notamment), l'interdépendance accrue des Etats ont joué aussi, de même que le mouvement de centralisation qui accompagne le développement de l'Etat moderne.

Autre famille de facteurs, l'évolution militaire: immense croissance des armées, permanente jusqu'au XXème siècle, complexification et spécialisation des dispositifs, accroissement de la profondeur du dispositif proprement militaire, changement de la jonction entre l'opérationnel et l'arrière, le besoin matériel accru et les structures de production, entre le politique et le militaire, croissance administrative/logistique des armées.... La stratégie et l'art opérationnel ne peuvent plus être pensés de la même façon, perdent l'échelle humaine, et l'étude de ces domaines et de leurs liens est un champ immense qui est de facto conditionné par les guerres probables, essentiellement le conflit franco-allemand et ceux qui y sont liés dans un espace régional au final réduit.

Les Russes, mais surtout les Russes d'après 1918 (aussi bien par changement d'élites pensantes, de cadre de réflexion et d'organisation, que par retex de la guerre mondiale et de la guerre civile), bénéficient d'un cadre de réflexion différent et d'un recul qui a pu aider à se sortir d'un paradigme de vase clos conditionné par la prééminence d'un cadre stratégique quand même très spécifique. Cela leur aurait permis d'envisager la question différemment et de mieux appréhender la guerre moderne et son changement d'échelle et de nature, en fait de le faire plus complètement que du côté occidental où l'échelle du théâtre et le parallélisme/mimétisme constant d'adversaires inchangés ou évoluant peu (et en miroir) a handicapé la réflexion en la soumettant trop à des conditions plus constantes.

Mais je me pose la question, rien de plus.

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Ca vous inspire ou je délire?

Pas du délire nan

Mais ca vient de plus loin que la 1er/2eme GM.

Disons que si je simplifie à l'extreme (cad si je met à part quelques novateurs qui ont voulus sortir du carcan) la façon occidentale en 1940 de faire la guerre (je parle des alliés de l'Ouest, la doctrine allemande étant différente en raison du temps de reflexion imposé par l'entre 2 guerre) est directement inspirée par la 1er GM elle même inspirée par la guerre de 1870 elle même inspirée par les guerres napoléoniennes elles même inspirée par la guerre en dentelle elle même inspirée par la guerre de 30 ans qui est inspirée par la guerre de 100 ans.

C'est très simpliste mais on retrouve le choc frontal de rupture (assuré par selon la période la lance de cavalerie, de l'infanterie d'élite ou des chars au choix) avec un appui plus ou moins massif pour éroder l'adversaire avant le contact (feu roulant d'infanterie ou grande batterie ou arbaletriers génois  ;) )

En fait la victoire est recherchée par la destruction frontale de l'adversaire qu'il s'agisse de chevaliers, poilus ou gardes suisses dans la majorité des cas.

Il faut attendre des tacticiens surs de leur fait et ayant un niveau de responsabilité elevé pour sortir de ce schéma (je pense à Napoléon qui au début de carrière joue plus sur le mouvement que sur le choc ce qu'il va malheureusement inverser en fin de carrière)

D'autres cultures ne concoivent pas la guerre selon ce schéma. En ce sens l'art opérationnel soviétique me fait assez penser entre un mélange réussi de chevalerie à l'occidentale et exploitation à la mongole, les russes ayant toujours eté entre les 2 mondes.

Les chinois par exemple vont rarement engager immédiatement une action frontale mais plutot commencer par des actions périphériques. Cela est du à tant leur histoire militaire (histoire des 5 royaumes puis 7 royaumes combattants ou en raison des changements d'alliance ou de rapports de force constant, il vallait mieux eviter l'assaut direct immédiat) qu'à leur histoire philosophique

Bon maintenant je ne sais pas si c'est moi qui délire  :lol:

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D'autres cultures ne concoivent pas la guerre selon ce schéma. En ce sens l'art opérationnel soviétique me fait assez penser entre un mélange réussi de chevalerie à l'occidentale et exploitation à la mongole, les russes ayant toujours eté entre les 2 mondes.

Pas d'accord, les russes reprennent énormément de Clausewitz, juste qu'ils l'adaptent au moteur diesel. En fait allemands et russes font pareil à des échelles différentes avec pour les russes, une approche "biologique" de l'armée. En d'autres termes on tronçonne des fonctions du corps humain afin d'isoler chaque membre et organe pour l'écraser ensuite.

L'approche chinoise/mongole est différente il me semble. Si on lit Sun Tzu (je restitue de tête), il ne faut pas perdre de temps pour écraser l'ennemi. Ya comme une idée de frontal malgré tout. Par contre oui objectif périphérique si on n'a pas les moyens de casser l'ensemble dès le début. C'est toujours bon pour le moral et ça ne mange pas de pain dit-il, en gros.

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(....)

Bon maintenant je ne sais pas si c'est moi qui délire 

Non mais je réfléchissais selon d'autres paramètres en raison du changement dans la nature et la structure des Etats et des économies entre le XVIIème et le XXème siècle, et de façon concomittante dans l'espace temps des théâtres opérationnels des pays concernés, même si les théâtres sont géographiquement les mêmes: un chef d'armée en campagne pendant la guerre de Trente Ans a autour de 20 000h en moyenne sous ses ordres les bonnes semaines  :lol:, dans une Europe bien moins peuplée, mise en valeur (routes, villes, réserves/surplus agricoles, réseau logistique militaire en termes de bases et de réserves en bouffe et armes....) et habitée, avec au-dessus de lui un Etat très sommaire avec peu de moyens de contrôle, et sous lui une armée moins contrainte par un cadre juridique, un cadre économique/logistique, mais aussi autour de lui un territoire vaste et vide où les distances sont immenses. Cet espace temps est accru par les communications de l'époque (routes peu sûres, peu nombreuses, absence de circulation de l'info....): au final, il faut considérer la France de l'époque comme trente à cinquante fois plus grande qu'actuellement, à l'échelle de l'être humain. De plus, cette armée est un bien rare proportionnellement à l'Etat, donc relativement plus stratégique. Et elle n'est pas toujours "sûre" en tant qu'outil: autonomie de décision des grands aristos ou chefs mercenaires (et des ambitieux), autonomie de facto de par la lenteur des communications.... Tout comme la décision centrale n'est pas toujours du tout pertinente en raison toujours de la lenteur du cycle de l'info (et d'autres facteurs: mauvais décideur, facteurs politiques internes, rivalités personnelles....).  

Des décideurs opérationnels et stratégiques de l'époque peuvent, ne serait-ce que par la différence d'espace temps, séparer plus nettement les niveaux stratégiques, opérationnels et tactiques qu'à lère révolutionnaire puis plus encore industrielle. C'est un des facteurs qui expliquent l'importance bien plus grande des villes fortifiées et noeuds de communication comme objectifs stratégiques dont la possession pèse plus dans les négos de paix. En revanche, la rareté relative des forces armées fait de chaque pion de manoeuvre un objectif plus stratégique, qu'on risque moins, même si tactiquement (mais uniquement tactiquement), la tendance à rechercher le choc frontal sur le champ de bataille reste plutôt une constante occidentale. On peut noter quelques faits intéressants: sous Louis XIV, l'armée française tend par exemple à moins rechercher l'offensive à tout crin et à devenir une armée plus défensive tactiquement et surtout stratégiquement, ce qui se voit à l'évolution des proportions entre cavalerie (en baisse), infanterie (en hausse nette), artillerie (en hausse énorme), génie (institutionalisation et croissance) et forces légères (institutionnalisation et croissance exponentielle).

Mais à la fin du XVIIIème siècle, l'Europe n'a plus le même visage: la densité des réseaux routiers a explosé, la croissance démographique aussi, et avec elle la mise en valeur des terres, amenant une croissance urbaine énorme, des réserves alimentaires immensément plus importantes, parallèlement au développement des Etats et de leurs administrations, et plus encore de la taille de leurs armées, de leur professionalisation, de leur spécialisation.... On ne réfléchit plus dans le même espace temps, évolution que l'ère industrielle va multiplier par un facteur énorme.

Désormais, ce sont les armées qui ne sont pas une denrée rare, alors que l'espace est réduit: la confusion entre tactique, niveau opérationnel et échelon stratégique, en même temps que la focalisation sur un ou deux théâtres opérationnels absolument dominants avec un nombre d'adversaires restreint et se structurant sans cesse un peu plus (en interne et les uns par rapport aux autres) me semble alors devenir une constante.

De fait, avant le XVIIIème siècle, l'espace temps dans lequel se déroulait l'histoire militaire occidentale autorisait plus de variété, et la façon de penser les opérations "à l'orientale" comme tu dis, était tout à fait présente, fait qui se voit par exemple dans la stratégie anglaise de la guerre de cent ans avec les grandes chevauchées, mais aussi pendant la guerre de trente ans (Turenne en est un grand exemple). La recherche du choc frontal décisif n'est en fait pendant très longtemps qu'une spécificité tactique qui n'a de réalité que sur le champ de bataille proprement dit et pas tant que ça à l'échelle de la campagne. Sauf pendant l'exception historique que fut l'idéologie chevaleresque à son point de décadence pendant la première partie de la guerre de cent ans.

L'âge révolutionnaire-industrielle a fait évoluer cela: c'est l'âge des guerres désormais totales entre adversaires étatiques de grande puissance, mais le tout empaqueté dans un théâtre d'opération restreint géographiquement. Si le premier aspect peut conduire à des concepts absolus et valables, le deuxième me semble lié à un espace spécifique -l'Europe de l'ouest-, fait qui entraîne une confusion difficile à démêler entre niveaux opérationnel et tactique. La paralysie tactique de 1914 n'est perçue par exemple que tactiquement par les Allemands, peut-être en partie pour cette raison (et ils se sont renforcés dans cette opinion en croyant trouver une solution tactique à l'est face à un adversaire en décrépitude accélérée) alors que la réflexion russe des années 20-30 identifie le blocage comme répondant à des logiques non seulement tactiques, mais aussi politiques, économiques.... Fait plus facile à constater pour eux du fait de leur double expérience (celle constatée à l'ouest et celle vécue chez eux) qui permet de mieux voir certaines choses du simple fait de la taille du front russe et des distances et délais impliqués par leur front et la géographie de leur pays. Objectifs plus dilatés dans l'espace, profondeur gigantesque, front immense.... Le front continu n'existe pas chez eux, et toute concentration implique d'autres logiques et organisations. Ajoute à cela une vision plus fondée sur les organisations humaines (et politiques en particulier) et leur fonctionnement, et tu peux voir comment ils pensent la guerre en termes d'objectifs à frapper, de l'ordre dans lequel les frapper, donc d'organisation et d'équipement militaires à bâtir pour atteindre ces objectifs.

Cela semble plus facile à identifier sur leur front que sur un front occidental continu où la concentration est extrême, les distances courtes, et donc la confution entre objectifs et moyens plus grande.

Désolé si c'est confus, mais ça l'est aussi dans ma caboche :-[ :-X.

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Pas d'accord, les russes reprennent énormément de Clausewitz

Comme tout le monde (après tout ils sont aussi européens et ont été influencés dès le 18e par les pensées doctrinales de "l'ouest")

Mais ils ne l'appliquent pas dans sa totalité (à savoir une bataille d'anéantissement frontal de l'adversaire)

L'exploitation sur les arrières et dans la profondeur (à l'opposé de l'exploitation pour l'enveloppement allemande) est quelque chose qui est assez classique chez les peuples cavaliers et états dotés de plaines rases et de steppes

Et l'art opératif soviétique est tout à fait cela : fixation du front par un choc puis exploitation sur l'arrière quitte à ne pas revenir pour finir le front avancé de l'adversaire (alors que les allemands ferment systématiquement les poches pour avoir une destruction complète de l'organigramme de l'adversaire mais avec une perte de tempo stratégique)

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Mais ils ne l'appliquent pas dans sa totalité (à savoir une bataille d'anéantissement frontal de l'adversaire)

Pour moi c'est justement ça du Clausewitz version ère industrielle, comme j'ai essayé de l'expliquer maladroitement plus haut: à l'époque de Clausewitz, anéantir l'armée de campagne adverse (ou au max les 2 ou 3 qu'il a) est de fait la décision puisque c'est là tout le potentiel militaire immédiat et disponible, donc en terme stratégique, le seul obstacle à l'imposition de sa volonté à l'autre. Une armée de campagne à son époque est encore une concentration majeure du potentiel stratégique d'un pays et l'essentiel de sa profondeur stratégique, sauf pour la Russie dont la profondeur géographique est si radicalement immense qu'elle impacte tout calcul stratégique (ou tout résultat pour qui n'en tient pas assez compte comme Monsieur Napoléon B. :-[). A l'ère industrielle de la guerre des masses, une armée en campagne n'est plus un élément si déterminant: il y en a plus, elles sont plus nombreuses, donc moins rares et la profondeur stratégique de l'adversaire tient autant à sa puissance en termes d'unités opérationnelles qu'à sa capacité à en remettre en ligne et pour ce faire à mobiliser les énergies de son pays.

Mais la différence entre occident et Russie sur ce plan, c'est qu'en occident, cette profondeur est relativisée par les distances très courte, donc par l'impact proportionnellement plus grand d'un choc rapide qui peut potentiellement amener plus vite une décision politique: Paris n'est pas loin du front après tout, et le potentiel industriel français n'est pas loin non plus (en grande partie), ce qui focalise toute la pensée allemande. La Russie peut se remettre de chocs bien plus terribles parce que son dispositif stratégique (en terme d'objectifs) est plus dilaté dans l'espace temps et que son front ne peut être continu, rendant la ressource que sont les unités opérationnelles plus rares au kilomètre carré, donc à employer avec plus de pertinence, plus de temps de réflexion (que le match de coups réflexes entre Français et Allemands). Et ce surtout à l'aune de l'organisation politique, économique et militaire d'alors qui multiplie les centres importants à taper et les objectifs à saisir ou détruire pour les Russes s'ils veulent porter des coups décisifs. Pour eux, à l'échelle de leur front, la confusion est plus évitable et la discrimination plus facile. Ce qui leur prendra du temps, c'est d'avoir une capacité tactique apte à concrétiser ces objectifs alors que les Allemands, qui ont cette capacité tactique, ne la mette qu'au service d'une perception pensée pour un autre théâtre. Ils s'adaptent quand même, évidemment, mais jamais assez.

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Et l'art opératif soviétique est tout à fait cela : fixation du front par un choc puis exploitation sur l'arrière quitte à ne pas revenir pour finir le front avancé de l'adversaire (alors que les allemands ferment systématiquement les poches pour avoir une destruction complète de l'organigramme de l'adversaire mais avec une perte de tempo stratégique)

Attention ça c'est la vision qui a été développée par certains auteurs comme Lopez par ex mais c'est loin d'être vrai dans la réalité.

Quand on étudie l'art militaire allemand, il est clair que les allemands ont pris Cannes comme exemple de perfection tactique

Il est aussi clair que l'encerclement tactique est systématiquement recherché par Hitler durant la seconde guerre mondiale mais les militaires allemands de la première et de la deuxième guerre mondiale sont beaucoup moins enfermés dans un carcan tactique qu'on le croit et savent parfaitement viser en profondeur pour désarticuler totalement un dispositif ennemi au détriment d'un encerclement tactique quand ce choix doit être fait

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La Russie peut se remettre de chocs bien plus terribles parce que son dispositif stratégique (en terme d'objectifs) est plus dilaté dans l'espace temps et que son front ne peut être continu, rendant la ressource que sont les unités opérationnelles plus rares au kilomètre carré, donc à employer avec plus de pertinence, plus de temps de réflexion (que le match de coups réflexes entre Français et Allemands). Et ce surtout à l'aune de l'organisation politique, économique et militaire d'alors qui multiplie les centres importants à taper et les objectifs à saisir ou détruire pour les Russes s'ils veulent porter des coups décisifs. Pour eux, à l'échelle de leur front, la confusion est plus évitable et la discrimination plus facile. Ce qui leur prendra du temps, c'est d'avoir une capacité tactique apte à concrétiser ces objectifs alors que les Allemands, qui ont cette capacité tactique, ne la mette qu'au service d'une perception pensée pour un autre théâtre. Ils s'adaptent quand même, évidemment, mais jamais assez.

De fait je pense comme toi que la géographie et l'histoire russe a modelé leur doctrine militaire depuis le moyen age (comme nous). D'ou leurs tactiques (apprises à la dure de Kalkha river à la bataille des frontières en 1941) d'echanger de l'espace contre du temps, de l'espace contre une attrition adverse puis de faire volte face pour creuser loin dans le dispositif adverse.

Cela dit c'est aussi faisable (je le disais au dessus) car une grosse partie de la Russie debouche sur des plaines très larges facilitant ce type de doctrine (la même que celle des peuples cavaliers). C'est effectivement inappliquable entre la France et l'Allemagne ou la concentration des forces donnent d'emblée la nécessité d'un engagement frontal étant donné que les centres de décision sont à portée en 1 ou 2 saut de fronts comme tu l'as précisé. C'est vrai aussi à mon sens bien avant la IIe GM (voir la guerre de 7 ans ou celle de 100 ans)

La France a un centre étatique et de richesses trop decentré (même s'il en a pas tant l'air que cela) et proche des adversaires potentiels. Ce qui l'oblige en fait régulièrement soit à des batailles de frontières (Revolution, guerre de 7 ans) soit de pousser les frontières pour se donner un peu de profondeur stratégique (Guerre de succession d'Espagne, guerre de 100 ans avec l'episode contre les bourguignons notamment). Elle est aussi entourée d'ennemis sur TOUT les cotés ce qui l'oblige à la doctrine forcée de la mobilité-légéreté de façon à pouvoir agir sur n'importe quelle frontière si besoin

Y'a finalement assez peu de pays européens dans cette situation.

L'Angleterre est une ile

L'Allemagne a lontemps été éclatée, avec des centres de décisions morcelés (qu'on retrouve dans son organisation politique à base de Lander à defaut de son organisation et histoire militaire)

L'Italie a sa capitale décalée en profondeur, de même pour l'Espagne et ne sont menacées que par un ou 2 cotés à la fois

La Hollande donne sur la mer ainsi que le Portugal

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  • 1 month later...

Guerres & Histoire : L'Art Opératif

PIERRE GRUMBERG, rédacteur en chef adjoint de Guerres et Histoire, reçoit MICHEL GOYA, colonel et historien du Premier conflit mondial et titulaire de la chaire d'histoire militaire de l'école de guerre et BENOIST BIHAN, chercheur en étude stratégique et rédacteur en chef adjoint d'Histoire et Stratégie, pour évoquer le sujet de l'art opératif en 1918.

http-~~-//www.youtube.com/watch?v=fDHeMOkpc1U&feature=player_embedded

http-~~-//www.youtube.com/watch?v=EjvAUqpAdRs&feature=mfu_in_order&list=UL

http-~~-//www.youtube.com/watch?v=4_JDog7WNA4&feature=autoplay&list=ULEjvAUqpAdRs&lf=mfu_in_order&playnext=1

Par contre les deux dernières partie ne sont pas encore postées.

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