g4lly Posté(e) le 6 juillet Share Posté(e) le 6 juillet https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/07/06/apres-des-images-de-gendarmes-crevant-a-coups-de-couteau-un-canot-de-migrants-dans-la-manche-la-doctrine-de-la-france-en-question_6619300_3224.html Après des images de gendarmes crevant à coups de couteau un canot de migrants dans la Manche, la doctrine de la France en question La vidéo, tournée dans le Pas-de-Calais et diffusée vendredi 4 juillet par la BBC, accrédite l’idée d’un changement en cours du cadre d’intervention, côté français, lors de l’interception de bateaux dans la bande littorale. Image extraite d’une vidéo diffusée le 4 juillet 2025 par la BBC, sur laquelle des gendarmes français crèvent à coups de couteau un canot pneumatique chargé de plusieurs dizaines de migrants. CAPTURE D’ECRAN BBC « Le ministère de l’intérieur fait pleinement confiance au préfet et aux forces de sécurité intérieure. (…) Les gendarmes, avec de l’eau jusqu’aux genoux, sont intervenus pour sauver les personnes en péril. » Samedi 5 juillet, place Beauvau, on tente de circonscrire la polémique. Des images diffusées la veille par la chaîne anglaise BBC montrent des gendarmes, dans le Pas-de-Calais, s’avancer à pied dans la mer vers un canot pneumatique chargé de plusieurs dizaines de migrants et le crever à coups de couteau. Le gouvernement britannique s’est aussitôt félicité d’un « durcissement » de l’action des Français pour empêcher les traversées de la Manche, entreprise à laquelle concourt Londres à travers le versement d’au moins 760 millions d’euros à Paris depuis 2018. « Nous voyons de nouvelles tactiques utilisées pour perturber ces bateaux avant qu’ils ne commencent leur voyage », s’est réjoui un porte-parole du premier ministre travailliste, Keir Starmer. La crevaison des bateaux en mer n’est pas une pratique inédite. Une enquête parue en mars 2024, Le Monde (en partenariat avec le média à but non lucratif Lighthouse Reports) la documentait déjà. A l’époque, les autorités contestaient néanmoins y recourir. Sous la pression des Britanniques et face aux records de traversées de la Manche (plus de 20 000 arrivées depuis le début de l’année), le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, est décidé à franchir un nouveau cap. « Faire évoluer le cadre » Le 27 février, lors d’une conférence de presse au Touquet (Pas-de-Calais) en présence de son homologue britannique, Yvette Cooper, M. Retailleau a plaidé pour un « changement de doctrine d’intervention », évoquant la possibilité d’« arraisonner » les « taxi-boats », ces embarcations qui longent la côte et récupèrent les migrants directement à l’eau pour éviter les interceptions sur les plages. Jusque-là, une instruction du préfet maritime de mars 2023 avait ouvert la voie à l’interception d’un « taxi-boat », dans le cas où « moins de trois personnes » seraient à bord. Le ministère de l’intérieur veut aller beaucoup plus loin. Si, lorsqu’il était secrétaire général à la mer, de 2022 à 2024, Didier Lallement s’était opposé à toute opération de lutte contre l’immigration clandestine en mer, son successeur, Xavier Ducept, a été mandaté pour « formuler une proposition visant à faire évoluer le cadre (…) en raison notamment des enjeux de responsabilité pénale liés à toute interception effectuée pour une autre raison que le secours ». Cette réflexion n’est pas encore tout à fait aboutie, même si les Britanniques voudraient que des annonces soient faites lors du sommet franco-britannique, le 10 juillet. M. Retailleau y a aussi intérêt, alors qu’il négocie pour obtenir une enveloppe budgétaire supplémentaire de la part des Britanniques. L’attente se fait d’autant plus pressante que les négociations sont laborieuses autour d’un accord franco-britannique sur le modèle de l’accord Union européenne-Turquie. Celui-ci prévoirait la reprise par la France d’un migrant arrivé en small-boat en contrepartie d’une admission légale au Royaume-Uni d’un autre migrant présent en France. Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Trois ans après le plus grave naufrage de migrants dans la Manche, des traversées toujours plus mortelles Sollicitée sur le sujet des interceptions en mer, la ministre de la mer, Agnès Pannier-Runacher, assure au Monde qu’il n’y a « pas de divergence » et appuie la démarche : « Il faut intervenir dans les premiers mètres où on a pied, précise-t-elle. On doit pouvoir appréhender le passeur avant la montée des migrants. » D’après nos informations, les tensions sont pourtant récurrentes entre le ministère de l’intérieur et celui de la mer sur ce sujet. « Jusqu’en 2025, on a eu des arbitrages favorables de Matignon », relate une source anonyme au ministère de la mer. « Ça va être un carnage » Une situation qui souffre de plus en plus de contestation : « En mer, il y a plein d’endroits où on fait autre chose que du sauvetage, argumentait, il y a quelques mois, un cadre du ministère de l’intérieur interrogé par Le Monde. La Marine fait par exemple de l’abordage de bateaux qui transportent des stupéfiants. Dans la Manche, on pourrait peut-être aussi arraisonner des bateaux, être plus offensif. » « Plusieurs fois, l’Etat s’est posé la question, poursuit la source au ministère de la mer. Mais si vous arraisonnez, un jour ou l’autre, ça va cabaner. Faire de la police en mer, cela nécessite une doctrine d’emploi et, une des possibilités, c’est de devoir faire de la reprise de vive force d’une embarcation. Ça demande des compétences techniques très spécialisées et qui ne sont pas maîtrisées par l’ensemble des forces de l’ordre. » Une vision partagée par des marins sauveteurs du littoral nord. « S’il y a un mouvement de panique, les gens tombent à l’eau », prévient l’un d’eux sous le couvert de l’anonymat. Un second appuie : « Un départ, c’est 80 personnes qui hurlent. Si jamais vous rajoutez de la pression policière, ça va être un carnage. Il y a des gros phénomènes de marée, les gens peuvent tomber dans un trou d’eau. Aujourd’hui déjà, 80 % des morts ont lieu très près des côtes. » Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Les naufrages de migrants se succèdent dans la Manche En mars, l’association Utopia 56 a saisi la justice du cas d’une femme turque tombée dans le coma en novembre 2024 après que des gendarmes ont crevé le canot pneumatique dans lequel elle se trouvait, provoquant la chute à l’eau de passagers. Quinze personnes au moins sont décédées lors de tentatives de traversée depuis le début de l’année. Si certaines ont été victimes du naufrage de leur embarcation en mer, une partie sont mortes étouffées à bord des canots ou noyées lors des phases d’embarquement. « Les gens meurent dans les 300 premiers mètres du fait de la précipitation des départs, considère Félicie Penneron, coordinatrice de l’antenne de Grande-Synthe (Nord) de l’association Utopia 56. Depuis cet hiver, on a été davantage témoins de départs en “taxi-boat” pour échapper à l’intervention policière. Les risques sont plus élevés, notamment d’hypothermie. On craint de plus en plus de brutalités et de mises en danger. » Julia Pascual Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
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