C’est un message populaire. fraisedesbois Posté(e) le 3 janvier C’est un message populaire. Share Posté(e) le 3 janvier Suite (2/4) du papier de l’Express daté ce jour Citation Episode 2 : Le stratège de Mortier Septembre 2019. Yannick Dehée, fondateur de Nouveau Monde Editions, passe les portiques du boulevard Mortier, à Paris, au siège de la DGSE. Il est invité à présenter Enigma. Ou comment les Alliés ont réussi à casser le code nazi, devant la direction technique du service secret. L’ouvrage a été rédigé par Dermot Turing, le neveu du mathématicien britannique qui a le premier réussi à décrypter les chiffrages nazis. "Le directeur !" crie l’appariteur quand Bernard Emié pénètre dans l’amphithéâtre avec l’éditeur. Lorsqu’il découvre les espions informaticiens, Dehée est sidéré : "Des gamins ! Il y avait des gens à peine majeurs, des pulls à capuche, des cheveux longs, des cheveux teints." Loin de l’image du militaire musculeux aux cheveux ras. A son arrivée à la DGSE, Bernard Emié trouve un service secret en pleine mutation. Et des attentes énormes. "Vous allez monter dans un TGV. La vitesse ne va faire qu’augmenter. On va vous demander d’être omniscient sur toutes les crises du monde", le prévient le général Jean-Pierre Palasset, son directeur de cabinet, le jour de son entrée en fonction, le 26 juin 2017. Les menaces ont évolué depuis le mandat de son prédécesseur, Bernard Bajolet. "Les années Bajolet ont été marquées par Daech, les attentats. La période de Bernard Emié est plus fine, caractérisée par une accélération et une multiplication des crises", décrit le général Palasset auprès de L’Express. Equipes DGSE-DRM A Mortier, Bernard Emié retrouve son cher Marc Pimond, agent secret croisé à Beyrouth, désormais directeur du renseignement. Avec cet expert du contre-terrorisme, Emié poursuit le combat contre le djihadisme, avec plusieurs succès. Le 16 septembre 2021, il se tient aux côtés de Florence Parly, la ministre des Armées, pour annoncer en conférence de presse l’élimination par drone d’Abou Walid al-Sahraoui, le fondateur de la filiale de Daech au Sahel. Les informations des agents secrets ont permis de le localiser. La frappe de drone a été commandée par les forces spéciales. La collaboration entre les différents services secrets et l’armée s’est considérablement accrue en quelques années. Emié et Parly forment un étonnant duo ; la ministre n’hésite pas à prendre des notes lors de leur rendez-vous bimensuel, elle s’accommode facilement de ce maître espion qui prend beaucoup de place, d’autant mieux que le directeur de cabinet de la femme politique, Martin Briens, est un ancien de la centrale, directeur de la stratégie de 2016 à 2017, resté très informé des actualités de Mortier. Avec Sébastien Lecornu, le ministre depuis 2022, la relation est plus distante ; elle reste cordiale, expliquent invariablement les conseillers. “Je veux savoir si vous serez capables de travailler ensemble", a aussi demandé Emmanuel Macron à chacun des candidats aux postes de directeurs du renseignement, en 2017. Le directeur de la DGSE s’investit dans ce rapprochement. Avec la direction du renseignement militaire (DRM), des équipes communes sont plusieurs fois constituées, à Balard, au siège parisien du ministère des Armées, ou à Mortier. Bernard Emié appelle personnellement et régulièrement le directeur, qu’il s’agisse du général Jean-François Ferlet, jusqu’en 2021, ou du général Eric Vidaud, durant son court mandat de sept mois. "Je suis affligé par votre départ", lui assure le maître espion lorsque le haut gradé est remercié pour cause de mésentente avec le chef d’état-major des armées, en avril 2022. La complicité se poursuit avec son successeur, le général Jacques Langlade de Montgros. "Quels sont vos succès ?" Il n’y a que la paternité des informations remontées au pouvoir politique qui suscite quelques grimaces chez les militaires, le directeur de la Boîte étant parfois soupçonné de garder les éléments les plus sensibles pour les communiquer directement au président de la République. "Il y a des choses qui viennent des Américains et ils ne le précisent pas toujours", grince aussi un ancien directeur d’un service de renseignement qui a travaillé à ses côtés. Mais il n’y a véritablement qu’avec le général Christophe Gomart, directeur de la DRM jusqu’à fin juin 2017, que les relations sont tempétueuses. "Quels sont vos succès ?", le provoque en public le haut gradé, le 22 juin 2022, dans les jardins de l’hôtel des Invalides, lors de la soirée annuelle de l’association des journalistes de défense. "Vous n’en savez rien", cingle en retour Bernard Emié. Depuis, les deux hommes s’ignorent. Réunions à Marigny Avec la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), l’époque de la "guerre des services" semble définitivement dépassée ; face à la menace terroriste, personne ne joue au fier-à-bras. "Il est excellent", répond Bernard Emié quand on évoque son homologue Nicolas Lerner, sans savoir que le directeur du renseignement intérieur sera amené à le remplacer, le 20 décembre 2023. Les deux maîtres espions se voient régulièrement, dont un rendez-vous à trois tous les six mois, avec le coordonnateur du renseignement. Autre réunion immuable depuis 2017 : le sommet mensuel des six patrons des services secrets à l’hôtel de Marigny, dans cette annexe de l’Elysée qui abrite les bureaux du coordonnateur. Pendant une heure et demi, les chefs de l’espionnage devisent autour d’un ordre du jour précis. Une à deux fois par an, Emmanuel Macron anime personnellement cette réunion, qui prend alors le nom de conseil national du renseignement. Durant l’année 2020, Bernard Emié y insiste lourdement pour qu’aucun service de l’Etat ne souscrive au logiciel israélien Pegasus, capable de pirater n’importe quel téléphone mais trop peu sûr en termes d’indépendance vis-à-vis du Mossad. Le président de la République tranche en ce sens à la fin de l’année. Plus prudent. Le scandale éclate en juillet 2021 : les numéros du chef de l’Etat français, d’Edouard Philippe et de quatorze ministres ont été ciblés, pour certains par le Maroc. Depuis la nomination du préfet Pascal Mailhos comme coordonnateur, en janvier 2023, un autre moment d’échanges réunit régulièrement les maîtres espions français après leur rendez-vous mensuel : un déjeuner à l’Elysée classé secret-défense, cadre plus décontracté pour poursuivre des discussions délicates. Aucun attentat projeté depuis l’étranger n’a eu lieu en France depuis le 13 novembre 2015. "Vous allez finir en prison" Pour s’imposer en interne, face à des baronnies parfois solidement constituées, Benard Emié a sa méthode. "Une main de fer dans un gant d’acier", résume un de ses anciens directeurs adjoints. Chaque erreur est sévèrement sanctionnée, souvent par une mise au placard. "Il ne se satisfait pas de demi-réponses, certains l’ont appris à leurs dépens. Mais s’il vous estime, il vous suivra toute votre vie", précise le général Palasset. Gare à ne pas le décevoir. Jean-François Lhuillier en fait l’expérience. Ex-conseiller de Bernard Emié à l’ambassade de Jordanie, cet agent de la DGSE à la retraite se rend à Mortier, en avril 2023, pour présenter son livre L’Homme de Tripoli (Mareuil), un récit de ses années en Libye pour le compte du service de renseignement. "Vous risquez la prison, Jean-François", le houspille le directeur, furieux que l’ouvrage relate le fonctionnement de la Boîte. Le 3 octobre 2023, Lhuillier est placé en garde à vue puis mis en examen pour atteinte au secret-défense. Richard Volange a subi le même traitement, le 15 septembre. Lui a publié Espion, quarante-quatre ans à la DGSE (Talent Editions), ses mémoires, en mai. "La décision a été populaire en interne. Chez les agents en place, il y a un culte du secret et les gens en ont marre que les anciens se servent de la centrale pour leur promo", relève un ex-colonel de la Boîte. La rançon du Bureau des légendes, cette série télé voulue par Bernard Bajolet et qui stimule les candidatures à la DGSE. Bernard Emié poursuit la dynamique, en vantant son service secret dès qu’il le peut, devant les élèves de l’ENA, à Sciences Po, ou devant des think tanks, comme l’Institut Montaigne ou le groupe Bilderberg. Un jour, il fait même visiter ses bureaux à Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur. "Bernard Emié a opté pour une politique active de relations publiques qui sert son service, en le décloisonnant", salue le préfet Pierre de Bousquet de Florian, coordonnateur du renseignement de 2017 à 2020. L’ouverture concerne aussi les journalistes. Plusieurs fois, le directeur général reçoit discrètement, dans son salon privé du boulevard Mortier, des reporters, pour une discussion garantie sans informations classifiées. A la condition qu’ils n’en fassent pas mention dans leurs articles. Défi Poutine Le nombre de candidats est en hausse, avec souvent l’équivalent de 100 prétendants pour deux postes au concours. La centrale connaît plus de difficultés à retenir ses talents. Entre 500 et 700 agents quittent le service chaque année, soit environ 10 % des effectifs. "Les trentenaires ne supportent plus les empilements hiérarchiques", constate fréquemment Emié. A partir de 2021, le maître espion imagine une réforme de la DGSE. Exit les grandes directions, devenues au fil du temps des Etats dans l’Etat presque autonomes. Marc Pimond doit laisser son poste pour une mission en Asie. A la place, une petite dizaine de centres de mission transversaux sont créés, sur l’Afrique, le Sahel, la Russie – avec l’ambition d’investir l’entourage proche de Vladimir Poutine, un no man’s land historique dans la centrale. Un autre de ces pôles concerne le renseignement économique. Bernard Emié a érigé cet enjeu en priorité. Plusieurs grands contrats obtenus par des entreprises françaises l’auraient été grâce au concours du service, glissent des sources proches de la direction. Les détachements dans les grandes entreprises privées sont encouragés. Le nouveau directeur de la recherche et des opérations de la DGSE a ainsi effectué une mobilité chez Total, en 2018. Auprès de la multinationale, cet agent secret s’est notamment occupé d’investissements entre la France et le Nigeria. Dans l’intervalle, Bernard Emié a aussi lancé un autre chantier, plus ambitieux encore. En mai 2021, il a obtenu d’Emmanuel Macron le déménagement de la DGSE au Fort Neuf de Vincennes, dans des locaux ultramodernes. Le projet coûtera 1,4 milliard d’euros. Il permettra d’offrir plus de confort à 7 000 agents de plus en plus à l’étroit à Mortier, calibrée pour moins de 4 000 salariés. Il a surtout un immense avantage : il sanctuarise le renseignement technique au sein de la DGSE et tue dans l’œuf toute velléité de créer une agence spécialisée dans les interceptions informatiques, à l’image de la NSA américaine. Les nouveaux locaux doivent être livrés en 2028. Certains imaginent déjà le nom de la résidence où le directeur général aura son bureau. Elle pourrait s’appeler bâtiment Bernard Emié. (à suivre) 4 2 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Rob1 Posté(e) le 3 janvier Share Posté(e) le 3 janvier Le 03/01/2024 à 16:27, Bocket a dit : l'exceptionnelle réussite de B Emié: la facilitation de la série du Bureau des légendes Ce n'est pas bien mis en valeur dans l'article, mais il dit bien que c'est au crédit du prédécesseur d'Émié et non d'Émié lui-même La série avait commencée à être diffusée deux ans avant l'arrivée de ce dernier au poste de DG. 2 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
C’est un message populaire. Ardachès Posté(e) le 4 janvier C’est un message populaire. Share Posté(e) le 4 janvier … Un incroyable - pour ceux qui n'en n'avais pas connaissance - article du Monde sur … "Les Stations de nombres" ! A lire absolument ! https://www.lemonde.fr/international/article/2024/01/03/a-la-radio-sur-les-ondes-courtes-l-envoutant-mystere-des-stations-de-nombres_6208808_3210.html Révélation A la radio, sur les ondes courtes, l’envoûtant mystère des « stations de nombres » Par Guillaume Origoni Temps de Lecture 14 min. Depuis des décennies, les radioamateurs du monde entier se passionnent pour ces « émissions » d’un genre particulier : elles égrènent d’étranges suites de nombres, en diverses langues. Un rituel énigmatique lié, semble-t-il, au monde du renseignement. Imaginons que vous ayez chez vous un poste de radio acheté avant 1990. Imaginons qu’il soit allumé et réglé sur les ondes courtes. La nuit est avancée. Vous passez de canal en canal, le casque sur les oreilles. Au milieu du crépitement vous parviennent des stations du monde entier et, entre chacune d’entre elles, la bande hertzienne, qui devrait en toute logique être silencieuse, ne l’est pas vraiment. De façon étrange, elle semble vivante, comme hantée. Vous percevez d’abord une série de bips, puis une sorte de berceuse jouée par une boîte à musique un peu déglinguée. Arrive alors, comme venue d’un ailleurs mystérieux, la voix synthétique d’une enfant qui commence à égrener des séries de chiffres par groupes de cinq et en allemand : « Eins, sechs, fünf, neun, null… » Cette scansion se répète plusieurs fois, seuls les chiffres changent. Puis l’enfant finit par se taire. Vous ne le savez peut-être pas, mais vous venez de capter une numbers station, une « station de nombres ». Nuit après nuit, en parcourant les ondes courtes, il est possible d’entendre ainsi des suites de nombres en différentes langues (allemand, anglais, français, russe, chinois…). Parfois, il s’agit d’autres types de sons, des signaux de morse, ou encore le polytone, une série de notes aléatoires ou de perturbations sonores si déroutantes qu’un auditeur non averti les confondra avec des parasites. Ce sont ces chiffres, ces lettres, ces bruits, qui forment le corps de messages, car il s’agit bien de messages. Mais qui les envoie ? A qui sont-ils destinés ? Des générations de radioamateurs se sont posé ces questions. Pour le comprendre, il faut revenir aux origines supposées du phénomène, dans les années 1950. Certains radioamateurs, intrigués par ces « émissions » d’un genre particulier, se mettent à les écouter de manière rigoureuse pour tenter d’élucider le mystère. Au fil du temps, une communauté de passionnés se crée. Dans les décennies suivantes, un homme va peu à peu devenir incontournable dans ce cercle d’initiés : William Thomas Godbey (1936-1996), connu sous le pseudonyme d’« Havana Moon ». Cet officier radio de la marine américaine capte « sa » première station de nombres à la fin des années 1960 et se met lui aussi en tête d’élucider ce mystère. Fasciné par ces rencontres radiophoniques du troisième type, il les étudie avec la méthode de l’enquêteur et la sensibilité du poète dans des livres publiés à compte d’auteur : « Les nombres, écrit-il, peuvent être à la fois messagers d’aventures, de rébellions, d’intrigues et de romances. Les nombres sont Bogart et Bergman. Ils sont Cagney et Lombard. Ils sont le théâtre de l’esprit lorsque celui-ci raisonne dans ses plus hautes fréquences. Ils sont le mystère absolu. » « Bulgarian Betty » et le saxophoniste A la fin des années 1970, d’autres radioamateurs, plus jeunes, captent également les stations audibles aux Etats-Unis et en Europe. Parmi eux, un Américain : Simon Mason. A 14 ans, il a reçu comme cadeau de Noël un récepteur à ondes courtes et n’a pas tardé à s’aventurer dans cet outre-monde hertzien. Peu de temps après, un autre ado américain, Chris Smolinski, futur ingénieur en informatique, découvre les stations de nombres avec son matériel récemment acquis. « J’étais souvent connecté à mes émetteurs-récepteurs, explique-t-il au Monde. Un soir, en 1980, je capte une série de nombres. Je ne parviens pas à en expliquer la nature et le but. Je cherche des informations du côté des radios publiques, mais je reviens bredouille. » En France aussi, le phénomène intrigue. Alain Charret, un ancien militaire de 65 ans, se souvient du sentiment qu’il a éprouvé, à l’adolescence, en captant d’« étranges séries de chiffres diffusées en allemand » : « Lorsque j’entends ces stations de nombres pour la première fois, j’en discute avec le club local de radioamateurs, et eux aussi sont dans l’incapacité de donner une explication. » De part et d’autre de l’Atlantique, ces passionnés notent tout : les fréquences, les dates, les horaires, les chiffres… Emboîtant le pas à « Havana Moon », leur maître à tous, ils échangent ces données par courrier, entre clubs de radioamateurs. Les stations se comptent alors par centaines, et les séries de nombres qu’elles égrènent font l’objet de toutes sortes d’hypothèses. Ne s’agirait-il pas de résultats de loterie ou de bulletins météo ? Ou alors de transactions bancaires, des cours du café, voire de communications codées entre trafiquants de drogue ? Dans son ouvrage Un, dos, cuatro. A Guide to the Number Stations (« un, deux quatre. Un guide des stations de nombres », Tiare, 1987, non traduit), « Havana Moon » fait également état d’émissions entre l’Allemagne de l’Est et l’Amérique du Sud, au milieu des années 1980. D’après lui, des séries de nombres, diffusées en allemand par une voix féminine synthétisée, seraient émises du Chili. L’enquête s’oriente vers la Colonia Dignidad, une secte néonazie, ce qui ajoute au mystère sans vraiment le lever. Autre cas intrigant, évoqué cette fois par Simon Mason : celui d’une station baptisée « Jazz Player », captée une seule fois. On y entendait un air de saxophone, puis une voix de femme énumérant en allemand des groupes de cinq chiffres. Signalons encore une station affublée du nom de « Bulgarian Betty », entendue par les « écouteurs » nord-américains, en 1990, sur 4 030 et 4 882,5 kilohertz (kHz). Des nombres en russe, en polonais, en bulgare, en serbo-croate et en macédonien. Il arrive aussi que les fréquences des vraies radios présentes sur les ondes courtes soient polluées par ces émissions pour le moins singulières. Ainsi, en 1991, pendant la première guerre du Golfe, une auditrice andorrane de la radio publique britannique se plaint de l’interférence causée par une voix de femme qui diffuse des séries de chiffres et parasite le bulletin quotidien d’information. Intriguée, elle demande à la BBC s’il est question d’espionnage. La réponse, par retour de courrier, lui propose une tout autre explication : « Chère madame, il s’agit de bulletins d’enneigement destinés à la maintenance des remontées mécaniques. » A l’aube des années 1990, une autre hypothèse, plus crédible, émerge : ces émissions, captées depuis le début de la guerre froide, seraient un moyen de communication entre services de renseignement et agents clandestins opérant en territoire étranger. Dès lors, la communauté des listeners (« écouteurs ») s’élargit, et les échanges d’informations ne vont pas tarder à se multiplier grâce à Internet. Secret Signals, le CD-ROM dans lequel Simon Mason relate ses recherches, circule de plus en plus, de même que les livres d’« Havana Moon ». Tous suggèrent que les stations de nombres et les stations de bruits sont effectivement consacrées à l’espionnage. Un speakeur qui s’ennuie Pour en savoir plus, « Havana Moon » multiplie les requêtes sous l’auspice du Freedom of Information Act, qui légitime le droit pour n’importe quel citoyen américain de réclamer des informations sur les agissements de l’Etat. Il n’hésite pas à questionner les services de renseignement (NSA, CIA…), la Federal Communications Commission (FCC), instance de régulation des télécommunications, et leur soumet une question simple : « J’ai capté en ondes courtes une transmission en espagnol : 52 145 63 526 89 526. Celle-ci est précédée d’une voix qui répète plusieurs fois en espagnol : “Atencion”. Pouvez-vous me dire de quoi il s’agit, car cette radio n’est pas répertoriée aux Etats-Unis ? » Les réponses sont plus fantaisistes les unes que les autres : « Nous n’avons pas connaissance de telles transmissions et, après enquête de nos services, il apparaît qu’elles proviennent de territoires en dehors de notre compétence et ne concernent donc pas les Etats-Unis, (…) mais, grâce à vous, nous avons maintenant connaissance de ces transmissions, et nous vous remercions de pouvoir clore cette affaire. » Désireux de trouver l’origine géographique des transmissions en espagnol, fréquentes sur la côte est des Etats-Unis, « Havana Moon » entreprend de parcourir la Route One avec sa Chevrolet en suivant un signal radio. Cette piste le conduira à l’Air Force Base de Tequesta, en Floride, et lui vaudra le statut de légende chez les listeners. Alain Charret, passé par l’armée de l’air et un temps détaché à la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), a fini, lui aussi, par apprendre que ces émissions avaient un lien avec l’univers du renseignement. Il était en poste à Berlin quand, pour la première fois, on lui a confirmé que les stations étaient bien destinées à l’espionnage. Au fil des années, l’arrivée dans les rangs des listeners de retraités issus des services de renseignement ou des unités d’écoute des armées occidentales permet d’en savoir davantage. C’est avec cet apport de sang neuf qu’en 1993 deux passionnés, Chris Midgley et Mike Gaufman, créent l’association Enigma. Bientôt rejoints par d’autres membres anonymes, ils établissent la Control List qui recense la nomenclature des transmissions. Adoptée par les listeners du monde entier, elle fait toujours référence de nos jours. Ainsi, les stations émettant en anglais sont classées à la lettre « E », à laquelle est ajouté un numéro (E01, E02…). Le même processus vaut pour les langues slaves (S01, S02…) ou l’allemand (G01, G02…). Les autres langues sont désignées par la lettre « V » (V01, V02…). Les initiés éprouvent une affection particulière pour la station E10. Attribuée au Mossad, le service de renseignement israélien, elle est devenue célèbre à la suite d’une transmission non codée, compréhensible par tous, qui disait simplement : G.O.O.D.N.I.G.H.T. « Je ne peux m’empêcher de penser que ce fameux good night, resté célèbre dans la communauté, s’adressait à nous », ajoute avec malice Chris Smolinski. Lorsque le morse est utilisé pour émettre les séries de nombres ou de lettres, la nomenclature utilise le « M », suivi d’un ou de plusieurs chiffres. Pour la famille des radios polytones, c’est-à-dire celles qui se limitent à la radiodiffusion de notes de musique aléatoires, le sigle « XP » est utilisé. Si une émission est difficile à classer, elle est précédée de la mention unid pour unidentified. Outre ces références, la plupart des stations sont également affublées de surnoms choisis en référence aux génériques de début et de fin de transmission. Ainsi, la V02, qui diffuse des séries de chiffres en espagnol, captée essentiellement aux Etats-Unis, est baptisée « Atencion ». La radio en allemand G02 est désignée sous l’appellation « Swedish Rhapsody », allusion à la berceuse utilisée pour signaler les transmissions. « The Bored Man » est le surnom de la V20, tant l’ennui du speakeur se ressent lorsqu’il transmet ses messages. Citons encore « Six Tones Station », « The Lincolnshire Poacher » ou « Magnetic Fields »… La clé du problème Le pionnier Chris Smolinski détaille la mise en place de cette cartographie de plus en plus précise au cours des années 1990 : « Nous avons structuré notre approche et établi des tableaux de diffusion avec les heures et les fréquences. Nous sommes peu à peu devenus des experts dans ce monde très fermé. Nous avons recoupé les messages en nous basant sur leurs structures et avons compris qu’un même service ou ambassade pouvait être à l’origine de plusieurs radios émettant dans des langues différentes. » A la même époque, un radioamateur anglais, éditeur phonographique, Akin Fernandez, se prend à son tour au jeu. En 1997, il produit une anthologie d’enregistrements regroupant 180 échantillons sonores compilés avec la nomenclature proposée par Enigma. Ce coffret de quatre CD, baptisé The Conet Project, deviendra vite objet culte. Il reste à savoir ce que disent les messages. Une gageure quand on sait qu’ils ont été composés sur le principe du one time pad (OTP, ou « clé à usage unique ») : chaque message, ou série de messages, dispose de son propre code, qu’une seule clé permet de déverrouiller. L’idée est d’éviter les récurrences de chiffres ou de lettres, trop faciles à repérer, donc à déchiffrer. Sans l’OTP correspondant, impossible de comprendre de quoi il retourne. Ce modus operandi est important, car, dans certains procès pour espionnage sur le sol américain, ces fameuses clés à usage unique ont déjà été utilisées comme preuves. Ainsi, en 1998, l’arrestation de cinq agents cubains est restée dans les mémoires comme le plus emblématique de l’utilisation des stations de nombres comme moyen de transmission entre une base et ses agents. Le FBI traquait depuis longtemps les spanish ladies, les stations émettant en espagnol – celles-là mêmes qu’« Havana Moon » avait suivies, des années plus tôt, le long de la Route One. Les cinq agents cubains s’étaient mis à découvert en utilisant un même OTP pour plusieurs messages. Lors de leur arrestation, un poste à ondes courtes et des carnets d’OTP avaient été saisis dans leur habitation. Un autre réseau, composé cette fois d’une dizaine d’agents travaillant pour la Russie, est confondu en 2010 par le FBI. Dans ce dossier, les documents partiellement déclassifiés ne mentionnent pas directement l’utilisation de stations de nombres, mais ils donnent de précieuses indications : la saisie de carnets d’OTP et l’utilisation de postes ondes courtes par les membres du réseau. Le lien entre de telles stations et l’univers de l’espionnage a également été confirmé par des propos de John Winston, assistant chef de la FCC aux Etats-Unis. Invité d’une émission de la National Public Radio, le 26 mai 2000, à New York, il déclare : « Nous n’avons pas l’intention de discuter de ces stations, si seulement elles existent. Cela ne veut pas dire que j’admets le fait que des stations de nombres émettent de ce pays, même si vous affirmez le contraire. Nous en connaissons un grand nombre, mais à l’extérieur du pays. » Autrement dit, les Etats admettent en substance leur existence, mais aucun d’eux ne reconnaît leur utilisation. Pyongyang, YouTube et les agents Si le nombre de stations a fortement baissé depuis la chute de l’URSS, il était toujours possible d’en capter certaines en 2023. Comment l’expliquer, alors que cette technologie peut sembler obsolète à l’heure du numérique ? Une partie de la réponse à cette question tient à la simplicité du dispositif, fiable et peu coûteux. Les postes radio ne font-ils pas partie de l’équipement standard des foyers dans le monde entier ? De la même façon, la propagation des ondes courtes assure une couverture sur des milliers de kilomètres, alors que la couverture globale du Web n’est pas optimale : il existe toujours beaucoup de zones blanches dans lesquelles il est plus facile de capter un signal radio que d’y trouver une connexion Internet, comme il est également plus simple d’acquérir, voire de réparer, une radio dans le Sahara plutôt que d’y dénicher un Apple Store. La fiabilité de cette technologie analogique offre, en outre, une forme de sécurité à l’agent concerné. Pour confondre un espion, il faut en effet des éléments solides. Or, une simple radio sera difficilement considérée comme une preuve recevable devant un tribunal. Si vous avez été assez malin pour faire disparaître à temps les OTP, alors vous n’êtes qu’un citoyen propriétaire d’un poste à l’ancienne. D’où l’utilité de prévoir des carnets d’OTP en papier à cigarette, faciles à brûler, voire à ingérer en cas d’urgence. Autre avantage de ce mode de communication : en situation de collapsus numérique global ou partiel, qu’il soit accidentel ou volontaire, seuls les Etats ayant maintenu et entretenu leurs canaux analogiques seront en mesure de communiquer au plus vite à l’aide de bonnes vieilles radios. Du temps de l’URSS, il arrivait que des émetteurs radio ondes courtes soient installés sur les bateaux espions du KGB, camouflés en chalutiers et battant pour la plupart pavillon cubain. Plus récemment, une enquête conduite par un consortium de journalistes scandinaves, diffusée par Arte, en juin 2023, attestait de la présence, en mer Baltique, de navires commerciaux russes bizarrement équipés d’« antiques postes radio analogiques ». Les journalistes ont révélé que de tels bateaux avaient été repérés la veille de l’explosion du gazoduc russe Nord Stream 2, le 26 septembre 2022. Bien des stations de nombres n’émettent plus de nos jours, mais de nouvelles apparaissent de façon sporadique. D’autres, inactives depuis plusieurs années, ont été de nouveau entendues en mars 2022, au début de l’invasion russe en Ukraine, telle « Lincolnshire Poacher », attribuée à la Royal Air Force, l’armée de l’air britannique. Pour expliquer cette renaissance, le webmaster du blog spécialisé « Signal Monitoring », un listener chevronné qui ne souhaite pas divulguer son identité, avance l’hypothèse suivante : « Les Russes n’ont jamais abandonné les transmissions en ondes courtes et, contrairement à l’idée reçue, leur matériel est très performant. Lorsque, aux premiers jours de l’invasion, nous avons capté la “Lincolnshire Poacher”, nous étions dubitatifs. Les Anglais ne l’utilisent plus depuis quinze ans ? Rapidement, nous avons pensé que les Russes, en utilisant cet indicatif obsolète, voulaient signifier aux Occidentaux la reprise de la guerre froide. » Depuis 2020, on assiste également à l’apparition de modes de transmission hybrides, mêlant l’analogique et le numérique. Ainsi, le 28 août 2020, c’est avec une vidéo déposée sur YouTube que la Corée du Nord s’est adressée à ses agents. Dans le Renseignor, le bulletin hebdomadaire dont il est rédacteur en chef, Alain Charret rapporte à ce propos : « Le fichier vidéo en question dure soixante-cinq secondes. (…) Sur fond d’écran noir, on entend une voix féminine s’exprimant en coréen. La transmission débute par cette phrase : “Chers amis, voici ce que vous devez réviser pour les études de technologie de l’information de l’université d’enseignement à distance.” Vient ensuite une série de références semblant se rapporter à un livre sous la forme “n° 23, page 564”. La vidéo s’achève avec cette phrase : “Voici les missions pour les membres de l’équipe d’exploration 719.” » Cette nouvelle méthode de communication est pour le moins surprenante de la part de Pyongyang : en agissant ainsi, le régime ne met-il pas entre les mains d’une société privée américaine (YouTube) la diffusion de ces messages ? « Pouvoir constructiviste » Depuis l’avènement du numérique, les stations de nombres ont également fait irruption dans le domaine artistique. En 2009, le sculpteur et performeur britannique Matt O’Dell a exposé au Palais de Tokyo une œuvre baptisée Numbers Station Beacon : cette sculpture en bois en forme de mirador et hérissée de haut-parleurs diffusait des enregistrements radio émis en ondes courtes. A cette occasion, Pascal Mouneyres, auteur et critique pour le site Internet Syntone, consacré à l’art radiophonique, s’interrogeait : « Qu’y a-t-il derrière une voix radiodiffusée ? Quelles forces de l’imaginaire sont déclenchées par ces sons aveugles échappés du poste ? A la croisée de ces récits contemporains possibles, le visiteur est confronté à une perte de sens, à des voix qui parlent, mais ne disent rien. A lui de combler les vides et de construire ses propres mythes. Matt O’Dell a fait de sa tour une allégorie un rien menaçante du pouvoir constructiviste de la radio, à savoir sa capacité à frapper les imaginations avec presque rien. » Certains musiciens issus de la scène électropop incluent dans leurs compositions des échantillons sonores tirés des transmissions des stations de nombres : les Ecossais de Boards of Canada, les Londoniens de Stereolab ou les Marseillais de Nasser. Nicolas Viegeolat, l’une des deux têtes pensantes de Nasser, rejoint Matt O’Dell dans sa démarche : « C’est un peu comme si nous guidions ceux qui écoutent nos compos dans un territoire où rien n’est visible, mais où tout est présent. Y compris l’autorité politique et l’ordre social. Une menace constante stimulée par l’imagination. C’est une perspective artistique exaltante ! » Objets d’étude ou de fantasme, ces stations fascinent et stimulent des réflexes archaïques : peur de l’inconnu, peur du vide, peur du silence. Une de ces radios fait toutefois l’objet d’un culte spécial : la station russe UVB-76, baptisée « The Buzzer » par les listeners. Localisée au nord-ouest de Moscou, dans une zone militaire classifiée pendant la guerre froide, cette station émet depuis 1982 sur 4 625 kHz un bourdonnement similaire à une corne de brume, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, vingt-cinq fois par minute. Personne ne sait, à ce jour, à quelle fonction est destiné ce « Buzzer ». Voilà trente ans qu’il excite la curiosité. Certains DJ de la scène techno moscovite en incluent même des enregistrements dans leurs mix. Comme au temps des pionniers, ce bourdonnement alimente des questionnements incessants. Certains sont farfelus : s’agirait-il de messages destinés aux extraterrestres, de contrôle mental pour asservir les populations ? Une autre explication fait tout de même consensus : la fonction du « Buzzer » pourrait être assimilée à la « pédale de l’homme mort », en référence au dispositif de sécurité présent, par exemple, dans les locomotives. Ce système d’alerte entre le conducteur du train et son poste de commandement vise à s’assurer que ledit conducteur n’a pas succombé à un malaise. A intervalles réguliers, il doit appuyer sur une pédale pour signaler qu’il va bien. Le « Buzzer » serait en quelque sorte la pédale de l’homme mort de l’URSS, et donc de l’actuelle Russie. Par ce bourdonnement continu, les officiers du renseignement, les diplomates, les troupes stationnées à l’étranger auraient l’assurance que Moscou et sa région n’ont pas été détruites par une attaque nucléaire. En trente ans d’existence, l’émission continue du « Buzzer » fut interrompue trois fois. Au cours de ces interruptions, dont la dernière date de juin 2010, des voix russes et des séries de chiffres furent entendues. En 2011, un reporter du magazine américain Wired, Peter Savodnik, s’est introduit dans le bâtiment qui héberge l’émetteur du « Buzzer ». Constatant que le complexe militaire est désaffecté depuis deux ans, il s’interroge. Pourquoi entend-on encore le « Buzzer » ? D’où émet-il désormais ? Deux mystères de plus que le journaliste résume par une autre question, à la fin de ce reportage : « Mais qui nourrit encore le chien resté sur le site ? » 3 7 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Eau tarie Posté(e) le 4 janvier Share Posté(e) le 4 janvier Jamais entendu parlé. Sympa ! 1 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
C’est un message populaire. Scarabé Posté(e) le 4 janvier C’est un message populaire. Share Posté(e) le 4 janvier il y a 21 minutes, Eau tarie a dit : Jamais entendu parlé. Sympa ! Moi j'ai ça comme radio un "World Receiver " On capte tout avec en je ne sais combien de langue Je l'avais acheté quand j'étais marin Au milieu de l'Atlantique ou du Pacifique sur le pont d'un navire tu capte tout en onde courte. Je me conectais sur "Radio France Internationale " et je suivais la journée de championat en direct en pleine matinée. Au large des cotes africaines comme ils sont fou de PMU les black RFI diffuse les courses en direct depuis VINCENNES CABOUR CAGNES etc.. c'est alucinant; Sur BBC internationale tu as la premiere league. Je l'ai encore le poste il marche trés bien je le garde en cas de black out . C'est le seule truc qui va te donner des nouvelles 2 1 2 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Eau tarie Posté(e) le 4 janvier Share Posté(e) le 4 janvier AH mais je connais les ondes courtes ! Je m'en suis peu servi par contre. Mais cette histoire de suite de chiffres, jamais entendu parler. Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
C’est un message populaire. Patrick Posté(e) le 4 janvier C’est un message populaire. Share Posté(e) le 4 janvier (modifié) Il y a 2 heures, Eau tarie a dit : AH mais je connais les ondes courtes ! Je m'en suis peu servi par contre. Mais cette histoire de suite de chiffres, jamais entendu parler. C'est pourtant assez célèbre j'ai découvert ça il y a une décennie, c'est très intriguant. Il y a ce site néerlandais (une radio à ondes courtes par internet) bien fichu mais plutôt à réserver aux spécialistes qui permet de les écouter sur une large gamme de fréquences: http://websdr.ewi.utwente.nl:8901/ Source issue de cet article qui le conseille pour écouter certaines stations de nombres: https://gizmodo.com/a-great-way-to-listen-to-those-mysterious-number-stati-1605472855 Modifié le 4 janvier par Patrick 3 3 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
C’est un message populaire. fraisedesbois Posté(e) le 4 janvier C’est un message populaire. Share Posté(e) le 4 janvier (L’Express, 04/01) - Bernard Emié 3/4 DGSE : Biélorussie, Liban... Bernard Emié, le négociateur secret de Macron Episode 3 : Négociateur secret du président Citation Le 26 août 2022, le président algérien Abdelmadjid Tebboune invite à déjeuner Emmanuel Macron, en visite officielle à Alger. Sur la photo prise au déjeuner à la résidence présidentielle de Zeralda, on aperçoit le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, le chef d’état-major des armées, Thierry Burkhard… et Bernard Emié. Présence incongrue que celle du chef de la diplomatie clandestine sur un cliché officiel, ici pour célébrer l’entente sécuritaire entre les deux pays. Il est rarissime qu’un directeur des services secrets accompagne le président de la République lors d’un déplacement à l’étranger. Mais Bernard Emié a su se tailler un rôle inédit ; celui d’envoyé spécial du président dans le monde arabe, cette zone qu’il connaît si bien pour y avoir été ambassadeur à trois reprises. Emmanuel Macron apprécie ce diplomate rigoureux, qui n’hésite pas à secouer l’unanimisme en réunion. "Macron’s pal", le pote de Macron, l’a un jour surnommé le média américain Politico. "Qu’en penses-tu, Bernard ?" lance souvent le chef de l’Etat après l’exposé d’un conseiller. A l’issue des conseils de défense, les deux hommes discutent un moment, debout, dans le couloir du PC Jupiter de l’Elysée, raconte un participant. Un échange classé très secret-défense pendant lequel le maître espion peut proposer des opérations clandestines. "Le président sait que Bernard Emié sait garder un secret. Il n’ira jamais s’épancher auprès de qui que ce soit. C’est précieux", avance le préfet Pierre de Bousquet de Florian, coordonnateur du renseignement de 2017 à 2020. Loukachenko sous pression Lorsque le temps presse, le directeur de la DGSE appelle directement le chef de l’Etat sur son téléphone sécurisé depuis une salle du boulevard Mortier, ou passe par son chef d’état-major particulier. Le cas de figure se produit environ une fois par mois, nous indique un ancien dirigeant de la DGSE. Le feu est alors souvent orange : Emmanuel Macron se révèle bien moins friand des manœuvres clandestines que François Hollande, commanditaire d’une cinquantaine d’opérations antiterroristes entre 2013 et 2017. Il a tout de même avalisé le voyage de Bernard Emié en Biélorussie, le 24 mars 2023, connu sous le nom d’opération Alisia. Le maître espion se rend auprès de l’entourage sécuritaire du président Loukachenko pour l’avertir en détail de la riposte de la France en cas d’engagement de son pays en Ukraine. Le dirigeant renonce finalement à envoyer des troupes. Le président français s’est également rendu trois fois Boulevard Mortier, notamment en novembre 2019, pour y inaugurer le monument aux morts de la DGSE. Il a pu découvrir le bureau du directeur général, rempli de photos personnelles, notamment avec Jacques Chirac ou la reine Elisabeth II. Ministre du monde arabe Un peu comme il a délégué le suivi de la Libye à Paul Soler, un militaire des forces spéciales, Emmanuel Macron aime impliquer son directeur de la DGSE dans sa politique étrangère, dans le secret de leurs rendez-vous en tête-à-tête à l’Elysée, auxquels le coordonnateur du renseignement n’assiste pas. "Le président aime piocher des infos, des avis partout. Parmi ceux qu’il écoute, il y a Bernard", explicite la députée européenne Nathalie Loiseau. D’où une marge de manœuvre appréciable au Moyen-Orient. En Egypte, le président Abdel Fattah al-Sissi a fait du maître espion son interlocuteur direct. En janvier 2018, puis en mars 2021, il le reçoit dans son palais présidentiel. L’occasion d’évoquer la coopération contre le terrorisme mais aussi la géopolitique régionale, comme on le ferait avec un ministre des Affaires étrangères. "Dans un certain nombre de pays, on préfère recevoir le directeur des services secrets que le ministre. C’est plus prestigieux", observe Pierre Servent, ami de trente ans de Bernard Emié. Avec les dignitaires étrangers, le patron des services secrets sait jouer successivement sur les deux registres les plus éloignés, la séduction et l’agressivité. "Il met parfois des décharges de chevrotine, mais des décharges calculées", se souvient un de ses anciens adjoints à la DGSE, à propos de ses entrevues avec ses homologues étrangers. "C’est entre la diplomatie et la manipulation", spécifie un autre de ses anciens conseillers au sein du service secret. Même le directeur de la CIA, William Burns, son ami de vingt-cinq ans depuis qu’ils se sont côtoyés en tant qu’ambassadeurs en Jordanie, de 1998 à 2001, aurait eu droit à une explication glaciale après le mic-mac du contrat Aukus, cette commande de sous-marins nucléaires français dénoncée par l’Australie en septembre 2021, au profit des Etats-Unis et du Royaume-Uni. Revers d’autant plus irritant pour Bernard Emié qu’il avait dîné avec Mathias Cormann, ministre des Finances de l’Australie de 2013 à 2020 et cadre dirigeant de la coalition au pouvoir, en juin 2021. En Turquie, il entretient les meilleures relations avec Hakan Fidan, chef des services secrets de 2015 à 2023 et désormais ministre des Affaires étrangères. Il a connu le haut fonctionnaire lorsque celui-ci était conseiller diplomatique de Recep Tayyip Erdogan. La coopération entre les deux directions aurait produit des "résultats incroyables", vante Bernard Emié lors d’une conférence à Neuilly, le 20 octobre 2021. Malgré l’affaire Metin Ozdemir, du nom d’un ex-vigile du consulat de France à Istanbul convaincu d’espionnage au profit de la DGSE, en 2020. "Quand personne ne se parle, les seuls à se parler sont les services secrets", sourit le général Palasset. "Cellule libanaise" Mais c’est sans doute au Liban que Bernard Emié consacre le plus de temps. Le Premier ministre, Najib Mikati, est un ami de vingt ans. A partir de l’explosion du port de Beyrouth, le 4 août 2020, une étonnante "cellule libanaise" se met en place, entre l’Elysée et le Boulevard Mortier, jusqu’à marginaliser l’envoyé spécial officiel, Pierre Duquesne. Emié y fait équipe avec Emmanuel Bonne, le conseil diplomatique ès qualités du président. Les deux hommes ont été ambassadeurs à Beyrouth, ils ont déjà travaillé ensemble au Quai d’Orsay, de 2002 à 2004, avec le maître espion dans le rôle du supérieur hiérarchique et mentor. Au sein du duo, le directeur de la DGSE est le plus actif auprès des caciques libanais. Il plaide longuement pour la nomination finalement avortée de Moustapha Adib comme Premier ministre. A Paris, il reçoit Walid Jumblatt, Gebran Bassil ou Saad Hariri, parfois dans la résidence haussmannienne réservée aux invités de la DGSE, dans le quartier de la Tour-Maubourg. Le 3 septembre 2020, comble de la surprise lorsque l’agence Reuters titre dans une de ses dépêches que "Bernard Emié apporte son concours pour les réformes" du Liban. Sans doute du jamais-vu pour un espion. Peu à peu, pourtant, la mécanique se grippe. La France échoue à orienter l’élection présidentielle libanaise, infructueuse depuis septembre 2022. Les Français ne parviennent pas plus à faire nommer un gouvernement ou un président de la Banque centrale proches de leurs vues. Le nom du banquier Samir Assaf, ami proche de Bernard Emié, a été souvent évoqué, en vain. Le 7 juin 2023, Emmanuel Macron décide de nommer Jean-Yves Le Drian comme "envoyé personnel pour le Liban". La "cellule" Elysée-Mortier est démantelée. "A Beyrouth, tout le monde a compris l’arrivée de Le Drian comme un désaveu pour le duo Emié-Bonne", indique Joseph Bahout. La fin d’une ère. 6 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Patrick Posté(e) le 4 janvier Share Posté(e) le 4 janvier (modifié) Il y a 2 heures, fraisedesbois a dit : En Turquie, il entretient les meilleures relations avec Hakan Fidan, chef des services secrets de 2015 à 2023 et désormais ministre des Affaires étrangères. Il a connu le haut fonctionnaire lorsque celui-ci était conseiller diplomatique de Recep Tayyip Erdogan. La coopération entre les deux directions aurait produit des "résultats incroyables", vante Bernard Emié lors d’une conférence à Neuilly, le 20 octobre 2021. Malgré l’affaire Metin Ozdemir, du nom d’un ex-vigile du consulat de France à Istanbul convaincu d’espionnage au profit de la DGSE, en 2020. "Quand personne ne se parle, les seuls à se parler sont les services secrets", sourit le général Palasset. Rien que pour ce passage cet individu m'est profondément antipathique. Je ne me souvenais plus que c'était lui mais j'avais été choqué à l'époque de la révélation de cette petite phrase. Modifié le 4 janvier par Patrick Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Clairon Posté(e) le 4 janvier Share Posté(e) le 4 janvier (modifié) Il y a 2 heures, Patrick a dit : Rien que pour ce passage cet individu m'est profondément antipathique. Je ne crois pas qu'on attend ou demande d'un patron des services secrets d'être sympathique .... Clairon Modifié le 4 janvier par Clairon 3 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
fraisedesbois Posté(e) le 4 janvier Share Posté(e) le 4 janvier il y a 12 minutes, Patrick a dit : Rien que pour ce passage cet individu m'est profondément antipathique. Je ne me souvenais plus que c'était lui mais j'avais été choqué à l'époque de la révélation de cette petite phrase. Hé oui, mais que veux tu… "Quand personne ne se parle, les seuls à se parler sont les services secrets" 2 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
mgtstrategy Posté(e) le 4 janvier Share Posté(e) le 4 janvier 14 hours ago, Ardachès said: … Un incroyable - pour ceux qui n'en n'avais pas connaissance - article du Monde sur … "Les Stations de nombres" ! A lire absolument ! https://www.lemonde.fr/international/article/2024/01/03/a-la-radio-sur-les-ondes-courtes-l-envoutant-mystere-des-stations-de-nombres_6208808_3210.html Hide contents A la radio, sur les ondes courtes, l’envoûtant mystère des « stations de nombres » Par Guillaume Origoni Temps de Lecture 14 min. Depuis des décennies, les radioamateurs du monde entier se passionnent pour ces « émissions » d’un genre particulier : elles égrènent d’étranges suites de nombres, en diverses langues. Un rituel énigmatique lié, semble-t-il, au monde du renseignement. Imaginons que vous ayez chez vous un poste de radio acheté avant 1990. Imaginons qu’il soit allumé et réglé sur les ondes courtes. La nuit est avancée. Vous passez de canal en canal, le casque sur les oreilles. Au milieu du crépitement vous parviennent des stations du monde entier et, entre chacune d’entre elles, la bande hertzienne, qui devrait en toute logique être silencieuse, ne l’est pas vraiment. De façon étrange, elle semble vivante, comme hantée. Vous percevez d’abord une série de bips, puis une sorte de berceuse jouée par une boîte à musique un peu déglinguée. Arrive alors, comme venue d’un ailleurs mystérieux, la voix synthétique d’une enfant qui commence à égrener des séries de chiffres par groupes de cinq et en allemand : « Eins, sechs, fünf, neun, null… » Cette scansion se répète plusieurs fois, seuls les chiffres changent. Puis l’enfant finit par se taire. Vous ne le savez peut-être pas, mais vous venez de capter une numbers station, une « station de nombres ». Nuit après nuit, en parcourant les ondes courtes, il est possible d’entendre ainsi des suites de nombres en différentes langues (allemand, anglais, français, russe, chinois…). Parfois, il s’agit d’autres types de sons, des signaux de morse, ou encore le polytone, une série de notes aléatoires ou de perturbations sonores si déroutantes qu’un auditeur non averti les confondra avec des parasites. Ce sont ces chiffres, ces lettres, ces bruits, qui forment le corps de messages, car il s’agit bien de messages. Mais qui les envoie ? A qui sont-ils destinés ? Des générations de radioamateurs se sont posé ces questions. Pour le comprendre, il faut revenir aux origines supposées du phénomène, dans les années 1950. Certains radioamateurs, intrigués par ces « émissions » d’un genre particulier, se mettent à les écouter de manière rigoureuse pour tenter d’élucider le mystère. Au fil du temps, une communauté de passionnés se crée. Dans les décennies suivantes, un homme va peu à peu devenir incontournable dans ce cercle d’initiés : William Thomas Godbey (1936-1996), connu sous le pseudonyme d’« Havana Moon ». Cet officier radio de la marine américaine capte « sa » première station de nombres à la fin des années 1960 et se met lui aussi en tête d’élucider ce mystère. Fasciné par ces rencontres radiophoniques du troisième type, il les étudie avec la méthode de l’enquêteur et la sensibilité du poète dans des livres publiés à compte d’auteur : « Les nombres, écrit-il, peuvent être à la fois messagers d’aventures, de rébellions, d’intrigues et de romances. Les nombres sont Bogart et Bergman. Ils sont Cagney et Lombard. Ils sont le théâtre de l’esprit lorsque celui-ci raisonne dans ses plus hautes fréquences. Ils sont le mystère absolu. » « Bulgarian Betty » et le saxophoniste A la fin des années 1970, d’autres radioamateurs, plus jeunes, captent également les stations audibles aux Etats-Unis et en Europe. Parmi eux, un Américain : Simon Mason. A 14 ans, il a reçu comme cadeau de Noël un récepteur à ondes courtes et n’a pas tardé à s’aventurer dans cet outre-monde hertzien. Peu de temps après, un autre ado américain, Chris Smolinski, futur ingénieur en informatique, découvre les stations de nombres avec son matériel récemment acquis. « J’étais souvent connecté à mes émetteurs-récepteurs, explique-t-il au Monde. Un soir, en 1980, je capte une série de nombres. Je ne parviens pas à en expliquer la nature et le but. Je cherche des informations du côté des radios publiques, mais je reviens bredouille. » En France aussi, le phénomène intrigue. Alain Charret, un ancien militaire de 65 ans, se souvient du sentiment qu’il a éprouvé, à l’adolescence, en captant d’« étranges séries de chiffres diffusées en allemand » : « Lorsque j’entends ces stations de nombres pour la première fois, j’en discute avec le club local de radioamateurs, et eux aussi sont dans l’incapacité de donner une explication. » De part et d’autre de l’Atlantique, ces passionnés notent tout : les fréquences, les dates, les horaires, les chiffres… Emboîtant le pas à « Havana Moon », leur maître à tous, ils échangent ces données par courrier, entre clubs de radioamateurs. Les stations se comptent alors par centaines, et les séries de nombres qu’elles égrènent font l’objet de toutes sortes d’hypothèses. Ne s’agirait-il pas de résultats de loterie ou de bulletins météo ? Ou alors de transactions bancaires, des cours du café, voire de communications codées entre trafiquants de drogue ? Dans son ouvrage Un, dos, cuatro. A Guide to the Number Stations (« un, deux quatre. Un guide des stations de nombres », Tiare, 1987, non traduit), « Havana Moon » fait également état d’émissions entre l’Allemagne de l’Est et l’Amérique du Sud, au milieu des années 1980. D’après lui, des séries de nombres, diffusées en allemand par une voix féminine synthétisée, seraient émises du Chili. L’enquête s’oriente vers la Colonia Dignidad, une secte néonazie, ce qui ajoute au mystère sans vraiment le lever. Autre cas intrigant, évoqué cette fois par Simon Mason : celui d’une station baptisée « Jazz Player », captée une seule fois. On y entendait un air de saxophone, puis une voix de femme énumérant en allemand des groupes de cinq chiffres. Signalons encore une station affublée du nom de « Bulgarian Betty », entendue par les « écouteurs » nord-américains, en 1990, sur 4 030 et 4 882,5 kilohertz (kHz). Des nombres en russe, en polonais, en bulgare, en serbo-croate et en macédonien. Il arrive aussi que les fréquences des vraies radios présentes sur les ondes courtes soient polluées par ces émissions pour le moins singulières. Ainsi, en 1991, pendant la première guerre du Golfe, une auditrice andorrane de la radio publique britannique se plaint de l’interférence causée par une voix de femme qui diffuse des séries de chiffres et parasite le bulletin quotidien d’information. Intriguée, elle demande à la BBC s’il est question d’espionnage. La réponse, par retour de courrier, lui propose une tout autre explication : « Chère madame, il s’agit de bulletins d’enneigement destinés à la maintenance des remontées mécaniques. » A l’aube des années 1990, une autre hypothèse, plus crédible, émerge : ces émissions, captées depuis le début de la guerre froide, seraient un moyen de communication entre services de renseignement et agents clandestins opérant en territoire étranger. Dès lors, la communauté des listeners (« écouteurs ») s’élargit, et les échanges d’informations ne vont pas tarder à se multiplier grâce à Internet. Secret Signals, le CD-ROM dans lequel Simon Mason relate ses recherches, circule de plus en plus, de même que les livres d’« Havana Moon ». Tous suggèrent que les stations de nombres et les stations de bruits sont effectivement consacrées à l’espionnage. Un speakeur qui s’ennuie Pour en savoir plus, « Havana Moon » multiplie les requêtes sous l’auspice du Freedom of Information Act, qui légitime le droit pour n’importe quel citoyen américain de réclamer des informations sur les agissements de l’Etat. Il n’hésite pas à questionner les services de renseignement (NSA, CIA…), la Federal Communications Commission (FCC), instance de régulation des télécommunications, et leur soumet une question simple : « J’ai capté en ondes courtes une transmission en espagnol : 52 145 63 526 89 526. Celle-ci est précédée d’une voix qui répète plusieurs fois en espagnol : “Atencion”. Pouvez-vous me dire de quoi il s’agit, car cette radio n’est pas répertoriée aux Etats-Unis ? » Les réponses sont plus fantaisistes les unes que les autres : « Nous n’avons pas connaissance de telles transmissions et, après enquête de nos services, il apparaît qu’elles proviennent de territoires en dehors de notre compétence et ne concernent donc pas les Etats-Unis, (…) mais, grâce à vous, nous avons maintenant connaissance de ces transmissions, et nous vous remercions de pouvoir clore cette affaire. » Désireux de trouver l’origine géographique des transmissions en espagnol, fréquentes sur la côte est des Etats-Unis, « Havana Moon » entreprend de parcourir la Route One avec sa Chevrolet en suivant un signal radio. Cette piste le conduira à l’Air Force Base de Tequesta, en Floride, et lui vaudra le statut de légende chez les listeners. Alain Charret, passé par l’armée de l’air et un temps détaché à la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), a fini, lui aussi, par apprendre que ces émissions avaient un lien avec l’univers du renseignement. Il était en poste à Berlin quand, pour la première fois, on lui a confirmé que les stations étaient bien destinées à l’espionnage. Au fil des années, l’arrivée dans les rangs des listeners de retraités issus des services de renseignement ou des unités d’écoute des armées occidentales permet d’en savoir davantage. C’est avec cet apport de sang neuf qu’en 1993 deux passionnés, Chris Midgley et Mike Gaufman, créent l’association Enigma. Bientôt rejoints par d’autres membres anonymes, ils établissent la Control List qui recense la nomenclature des transmissions. Adoptée par les listeners du monde entier, elle fait toujours référence de nos jours. Ainsi, les stations émettant en anglais sont classées à la lettre « E », à laquelle est ajouté un numéro (E01, E02…). Le même processus vaut pour les langues slaves (S01, S02…) ou l’allemand (G01, G02…). Les autres langues sont désignées par la lettre « V » (V01, V02…). Les initiés éprouvent une affection particulière pour la station E10. Attribuée au Mossad, le service de renseignement israélien, elle est devenue célèbre à la suite d’une transmission non codée, compréhensible par tous, qui disait simplement : G.O.O.D.N.I.G.H.T. « Je ne peux m’empêcher de penser que ce fameux good night, resté célèbre dans la communauté, s’adressait à nous », ajoute avec malice Chris Smolinski. Lorsque le morse est utilisé pour émettre les séries de nombres ou de lettres, la nomenclature utilise le « M », suivi d’un ou de plusieurs chiffres. Pour la famille des radios polytones, c’est-à-dire celles qui se limitent à la radiodiffusion de notes de musique aléatoires, le sigle « XP » est utilisé. Si une émission est difficile à classer, elle est précédée de la mention unid pour unidentified. Outre ces références, la plupart des stations sont également affublées de surnoms choisis en référence aux génériques de début et de fin de transmission. Ainsi, la V02, qui diffuse des séries de chiffres en espagnol, captée essentiellement aux Etats-Unis, est baptisée « Atencion ». La radio en allemand G02 est désignée sous l’appellation « Swedish Rhapsody », allusion à la berceuse utilisée pour signaler les transmissions. « The Bored Man » est le surnom de la V20, tant l’ennui du speakeur se ressent lorsqu’il transmet ses messages. Citons encore « Six Tones Station », « The Lincolnshire Poacher » ou « Magnetic Fields »… La clé du problème Le pionnier Chris Smolinski détaille la mise en place de cette cartographie de plus en plus précise au cours des années 1990 : « Nous avons structuré notre approche et établi des tableaux de diffusion avec les heures et les fréquences. Nous sommes peu à peu devenus des experts dans ce monde très fermé. Nous avons recoupé les messages en nous basant sur leurs structures et avons compris qu’un même service ou ambassade pouvait être à l’origine de plusieurs radios émettant dans des langues différentes. » A la même époque, un radioamateur anglais, éditeur phonographique, Akin Fernandez, se prend à son tour au jeu. En 1997, il produit une anthologie d’enregistrements regroupant 180 échantillons sonores compilés avec la nomenclature proposée par Enigma. Ce coffret de quatre CD, baptisé The Conet Project, deviendra vite objet culte. Il reste à savoir ce que disent les messages. Une gageure quand on sait qu’ils ont été composés sur le principe du one time pad (OTP, ou « clé à usage unique ») : chaque message, ou série de messages, dispose de son propre code, qu’une seule clé permet de déverrouiller. L’idée est d’éviter les récurrences de chiffres ou de lettres, trop faciles à repérer, donc à déchiffrer. Sans l’OTP correspondant, impossible de comprendre de quoi il retourne. Ce modus operandi est important, car, dans certains procès pour espionnage sur le sol américain, ces fameuses clés à usage unique ont déjà été utilisées comme preuves. Ainsi, en 1998, l’arrestation de cinq agents cubains est restée dans les mémoires comme le plus emblématique de l’utilisation des stations de nombres comme moyen de transmission entre une base et ses agents. Le FBI traquait depuis longtemps les spanish ladies, les stations émettant en espagnol – celles-là mêmes qu’« Havana Moon » avait suivies, des années plus tôt, le long de la Route One. Les cinq agents cubains s’étaient mis à découvert en utilisant un même OTP pour plusieurs messages. Lors de leur arrestation, un poste à ondes courtes et des carnets d’OTP avaient été saisis dans leur habitation. Un autre réseau, composé cette fois d’une dizaine d’agents travaillant pour la Russie, est confondu en 2010 par le FBI. Dans ce dossier, les documents partiellement déclassifiés ne mentionnent pas directement l’utilisation de stations de nombres, mais ils donnent de précieuses indications : la saisie de carnets d’OTP et l’utilisation de postes ondes courtes par les membres du réseau. Le lien entre de telles stations et l’univers de l’espionnage a également été confirmé par des propos de John Winston, assistant chef de la FCC aux Etats-Unis. Invité d’une émission de la National Public Radio, le 26 mai 2000, à New York, il déclare : « Nous n’avons pas l’intention de discuter de ces stations, si seulement elles existent. Cela ne veut pas dire que j’admets le fait que des stations de nombres émettent de ce pays, même si vous affirmez le contraire. Nous en connaissons un grand nombre, mais à l’extérieur du pays. » Autrement dit, les Etats admettent en substance leur existence, mais aucun d’eux ne reconnaît leur utilisation. Pyongyang, YouTube et les agents Si le nombre de stations a fortement baissé depuis la chute de l’URSS, il était toujours possible d’en capter certaines en 2023. Comment l’expliquer, alors que cette technologie peut sembler obsolète à l’heure du numérique ? Une partie de la réponse à cette question tient à la simplicité du dispositif, fiable et peu coûteux. Les postes radio ne font-ils pas partie de l’équipement standard des foyers dans le monde entier ? De la même façon, la propagation des ondes courtes assure une couverture sur des milliers de kilomètres, alors que la couverture globale du Web n’est pas optimale : il existe toujours beaucoup de zones blanches dans lesquelles il est plus facile de capter un signal radio que d’y trouver une connexion Internet, comme il est également plus simple d’acquérir, voire de réparer, une radio dans le Sahara plutôt que d’y dénicher un Apple Store. La fiabilité de cette technologie analogique offre, en outre, une forme de sécurité à l’agent concerné. Pour confondre un espion, il faut en effet des éléments solides. Or, une simple radio sera difficilement considérée comme une preuve recevable devant un tribunal. Si vous avez été assez malin pour faire disparaître à temps les OTP, alors vous n’êtes qu’un citoyen propriétaire d’un poste à l’ancienne. D’où l’utilité de prévoir des carnets d’OTP en papier à cigarette, faciles à brûler, voire à ingérer en cas d’urgence. Autre avantage de ce mode de communication : en situation de collapsus numérique global ou partiel, qu’il soit accidentel ou volontaire, seuls les Etats ayant maintenu et entretenu leurs canaux analogiques seront en mesure de communiquer au plus vite à l’aide de bonnes vieilles radios. Du temps de l’URSS, il arrivait que des émetteurs radio ondes courtes soient installés sur les bateaux espions du KGB, camouflés en chalutiers et battant pour la plupart pavillon cubain. Plus récemment, une enquête conduite par un consortium de journalistes scandinaves, diffusée par Arte, en juin 2023, attestait de la présence, en mer Baltique, de navires commerciaux russes bizarrement équipés d’« antiques postes radio analogiques ». Les journalistes ont révélé que de tels bateaux avaient été repérés la veille de l’explosion du gazoduc russe Nord Stream 2, le 26 septembre 2022. Bien des stations de nombres n’émettent plus de nos jours, mais de nouvelles apparaissent de façon sporadique. D’autres, inactives depuis plusieurs années, ont été de nouveau entendues en mars 2022, au début de l’invasion russe en Ukraine, telle « Lincolnshire Poacher », attribuée à la Royal Air Force, l’armée de l’air britannique. Pour expliquer cette renaissance, le webmaster du blog spécialisé « Signal Monitoring », un listener chevronné qui ne souhaite pas divulguer son identité, avance l’hypothèse suivante : « Les Russes n’ont jamais abandonné les transmissions en ondes courtes et, contrairement à l’idée reçue, leur matériel est très performant. Lorsque, aux premiers jours de l’invasion, nous avons capté la “Lincolnshire Poacher”, nous étions dubitatifs. Les Anglais ne l’utilisent plus depuis quinze ans ? Rapidement, nous avons pensé que les Russes, en utilisant cet indicatif obsolète, voulaient signifier aux Occidentaux la reprise de la guerre froide. » Depuis 2020, on assiste également à l’apparition de modes de transmission hybrides, mêlant l’analogique et le numérique. Ainsi, le 28 août 2020, c’est avec une vidéo déposée sur YouTube que la Corée du Nord s’est adressée à ses agents. Dans le Renseignor, le bulletin hebdomadaire dont il est rédacteur en chef, Alain Charret rapporte à ce propos : « Le fichier vidéo en question dure soixante-cinq secondes. (…) Sur fond d’écran noir, on entend une voix féminine s’exprimant en coréen. La transmission débute par cette phrase : “Chers amis, voici ce que vous devez réviser pour les études de technologie de l’information de l’université d’enseignement à distance.” Vient ensuite une série de références semblant se rapporter à un livre sous la forme “n° 23, page 564”. La vidéo s’achève avec cette phrase : “Voici les missions pour les membres de l’équipe d’exploration 719.” » Cette nouvelle méthode de communication est pour le moins surprenante de la part de Pyongyang : en agissant ainsi, le régime ne met-il pas entre les mains d’une société privée américaine (YouTube) la diffusion de ces messages ? « Pouvoir constructiviste » Depuis l’avènement du numérique, les stations de nombres ont également fait irruption dans le domaine artistique. En 2009, le sculpteur et performeur britannique Matt O’Dell a exposé au Palais de Tokyo une œuvre baptisée Numbers Station Beacon : cette sculpture en bois en forme de mirador et hérissée de haut-parleurs diffusait des enregistrements radio émis en ondes courtes. A cette occasion, Pascal Mouneyres, auteur et critique pour le site Internet Syntone, consacré à l’art radiophonique, s’interrogeait : « Qu’y a-t-il derrière une voix radiodiffusée ? Quelles forces de l’imaginaire sont déclenchées par ces sons aveugles échappés du poste ? A la croisée de ces récits contemporains possibles, le visiteur est confronté à une perte de sens, à des voix qui parlent, mais ne disent rien. A lui de combler les vides et de construire ses propres mythes. Matt O’Dell a fait de sa tour une allégorie un rien menaçante du pouvoir constructiviste de la radio, à savoir sa capacité à frapper les imaginations avec presque rien. » Certains musiciens issus de la scène électropop incluent dans leurs compositions des échantillons sonores tirés des transmissions des stations de nombres : les Ecossais de Boards of Canada, les Londoniens de Stereolab ou les Marseillais de Nasser. Nicolas Viegeolat, l’une des deux têtes pensantes de Nasser, rejoint Matt O’Dell dans sa démarche : « C’est un peu comme si nous guidions ceux qui écoutent nos compos dans un territoire où rien n’est visible, mais où tout est présent. Y compris l’autorité politique et l’ordre social. Une menace constante stimulée par l’imagination. C’est une perspective artistique exaltante ! » Objets d’étude ou de fantasme, ces stations fascinent et stimulent des réflexes archaïques : peur de l’inconnu, peur du vide, peur du silence. Une de ces radios fait toutefois l’objet d’un culte spécial : la station russe UVB-76, baptisée « The Buzzer » par les listeners. Localisée au nord-ouest de Moscou, dans une zone militaire classifiée pendant la guerre froide, cette station émet depuis 1982 sur 4 625 kHz un bourdonnement similaire à une corne de brume, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, vingt-cinq fois par minute. Personne ne sait, à ce jour, à quelle fonction est destiné ce « Buzzer ». Voilà trente ans qu’il excite la curiosité. Certains DJ de la scène techno moscovite en incluent même des enregistrements dans leurs mix. Comme au temps des pionniers, ce bourdonnement alimente des questionnements incessants. Certains sont farfelus : s’agirait-il de messages destinés aux extraterrestres, de contrôle mental pour asservir les populations ? Une autre explication fait tout de même consensus : la fonction du « Buzzer » pourrait être assimilée à la « pédale de l’homme mort », en référence au dispositif de sécurité présent, par exemple, dans les locomotives. Ce système d’alerte entre le conducteur du train et son poste de commandement vise à s’assurer que ledit conducteur n’a pas succombé à un malaise. A intervalles réguliers, il doit appuyer sur une pédale pour signaler qu’il va bien. Le « Buzzer » serait en quelque sorte la pédale de l’homme mort de l’URSS, et donc de l’actuelle Russie. Par ce bourdonnement continu, les officiers du renseignement, les diplomates, les troupes stationnées à l’étranger auraient l’assurance que Moscou et sa région n’ont pas été détruites par une attaque nucléaire. En trente ans d’existence, l’émission continue du « Buzzer » fut interrompue trois fois. Au cours de ces interruptions, dont la dernière date de juin 2010, des voix russes et des séries de chiffres furent entendues. En 2011, un reporter du magazine américain Wired, Peter Savodnik, s’est introduit dans le bâtiment qui héberge l’émetteur du « Buzzer ». Constatant que le complexe militaire est désaffecté depuis deux ans, il s’interroge. Pourquoi entend-on encore le « Buzzer » ? D’où émet-il désormais ? Deux mystères de plus que le journaliste résume par une autre question, à la fin de ce reportage : « Mais qui nourrit encore le chien resté sur le site ? » oui je connaissais !! Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
olivier lsb Posté(e) le 4 janvier Share Posté(e) le 4 janvier Le 03/01/2024 à 16:27, Bocket a dit : J Guisnel dans le point du 21 decembre met en avant l'exceptionnelle réussite de B Emié: la facilitation de la série du Bureau des légendes. Et aussi un projet de déménagement et une reforme de structure ..(bon mais aussi une trés forte augmentation des effectifs et le renforcement des platformes techniques). Avec un rappel des foirades spectaculaires : inexpliquées (en Afrique) ou parce que zone oubliée (Ukraine) Masquer le contenu La petite musique du désamour a commencé à suinter de l'Élysée, et d'autres lieux, dès le premier coup d'État au Mali, à l'été 2020. Depuis, les revers se sont multipliés sur ce continent, pourtant le pré carré du service. Depuis des mois, il était acquis que Bernard Émié en ferait les frais. On lui reproche parfois de ne pas avoir cru à l'invasion de l'Ukraine par la Russie. C'est injuste. Cette région n'a jamais été la spécialité de la DGSE. Américains et Britanniques, qui avaient, eux, correctement informé les gouvernements, avaient de meilleures informations. L'histoire dira un jour pourquoi. Le 03/01/2024 à 18:51, fraisedesbois a dit : Suite (2/4) du papier de l’Express daté ce jour A la place, une petite dizaine de centres de mission transversaux sont créés, sur l’Afrique, le Sahel, la Russie – avec l’ambition d’investir l’entourage proche de Vladimir Poutine, un no man’s land historique dans la centrale. Quand je lis çà, je suis affligé de constater que rien n'a changé depuis la guerre froide, et les infiltrations de notoriété publique du SDECE par le KGB et son absence patente de source (au point que Farewell en son temps préféré traiter avec la DST, moins risqué pour sa propre sécurité). Aujourd'hui peut être les infiltrations en moins, mais on assume de n'avoir toujours pas investi sur un adversaire quasi systémique. C'est loin d'être un hasard et comme le sous-entend lourdement J. Guisnel, l'Histoire devra un jour expliquer pourquoi. Mais vu la proximité extrême entre la fonction du DGSE et celle du PR (indépendamment du couple Macron/Emié), nul ne doit douter que cette absence d'investissement sur la Russie est une demande politique, consensuelle quelqu'en soit la couleur. 3 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Rob1 Posté(e) le 4 janvier Share Posté(e) le 4 janvier Il y a 15 heures, Ardachès a dit : Masquer le contenu A l’aube des années 1990, une autre hypothèse, plus crédible, émerge : ces émissions, captées depuis le début de la guerre froide, seraient un moyen de communication entre services de renseignement et agents clandestins opérant en territoire étranger. Il leur a vraiment fallu attendre les années 1990 pour comprendre ? Le "colonel Abel" (celui qui a été échangé contre le pilote de U-2 Gary Powers) a été arrêté avec de quoi échanger ce genre de messages en 1957. Quelques années plus tard le MI5 a pu écouter l'illégal Lonsdale/Molody recevoir ses messages et les a décryptés, selon Peter Wright dans Spycatcher, qui donne aussi des détails sur l'utilisation de radio dans deux cas beaucoup moins connus dans les années suivantes, Martelli et Bossard, apparemment utilisés lors de leurs procès. En 1988 la police britannique s'est même payé le luxe d'arrêter un illégal tchèque pendant qu'il recevait un tel message... J'avais lu l'acte d'inculpation complet de la dizaine d'illégaux russes arrêtés en 2010, j'avais tiqué sur le fait que le FBI ne listait que des preuves indirectes sur l'utilisation de radio par les illégaux (des messages électroniques faisant références à des "radiogrammes", une radio photographiée lors d'une perquisition, des bruits entendus par des micros), comme s'il n'avait pas cherché (ou pas réussi) à en savoir plus sur les messages radio eux-mêmes. Ca contrastait, par exemple, avec les messages planqués dans des images sur internet, car là le FBI racontait avoir cherché les pages web visitées par les suspects, y avoir trouvé des images contenant des messages cachés. 2 1 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Patrick Posté(e) le 5 janvier Share Posté(e) le 5 janvier Il y a 9 heures, Clairon a dit : Je ne crois pas qu'on attend ou demande d'un patron des services secrets d'être sympathique... Clairon Ouais mais de là à faire les louanges d'un pays qui s'affiche y-compris au travers de ses proxies comme un adversaire stratégique du nôtre et de nos alliés (grecs, arméniens, kurdes de Syrie, mais aussi égyptiens) et n'hésite pas à envoyer ses barbouzes sur notre territoire pour y assassiner des gens sous notre protection, tandis que son sultan d'opérette passe son temps à inciter au terrorisme contre notre pays et nos concitoyens, tout en hébergeant sur son sol des cadres de daesh et feignant l'ignorance lorsqu'ils sont découverts, il y a un pas que tout membre d'un quelconque service français, quel que soit son grade et sa position dans l'organigramme, se devrait de ne pas franchir. En théorie. Enfin bon, l'évolution de sa situation au regard du retour de JYLD en Arabie Saoudite me laisse au moins l'espoir que "l'état profond" (sic) français a encore quelques beaux restes... Il y a 7 heures, olivier lsb a dit : Quand je lis çà, je suis affligé de constater que rien n'a changé depuis la guerre froide, et les infiltrations de notoriété publique du SDECE par le KGB et son absence patente de source (au point que Farewell en son temps préféré traiter avec la DST, moins risqué pour sa propre sécurité). ...Avant de se rabattre sur les américains parce que les français n'étaient pas assez sérieux. Farewell envoyait tellement de documentation chez nous qu'il n'y avait plus assez de spécialistes français pour tout analyser, du coup on le faisait poireauter alors qu'il était en train de révéler tous les secrets militaires et technologiques de l'URSS... Une situation incroyable. Finalement c'est une taupe aux USA qui aura sa peau après qu'il ait commencé à bosser pour la CIA. Triste fin pour Vladimir Vetrov. Il y a 7 heures, olivier lsb a dit : Aujourd'hui peut être les infiltrations en moins, mais on assume de n'avoir toujours pas investi sur un adversaire quasi systémique. C'est loin d'être un hasard et comme le sous-entend lourdement J. Guisnel, l'Histoire devra un jour expliquer pourquoi. En effet, même principe que pour les turcs et la posture de nos services que je prends en exemple plus haut. Il y a 7 heures, olivier lsb a dit : Mais vu la proximité extrême entre la fonction du DGSE et celle du PR (indépendamment du couple Macron/Emié), nul ne doit douter que cette absence d'investissement sur la Russie est une demande politique, consensuelle quelqu'en soit la couleur. Ce serait vraiment incroyable... Révélation https://www.lefigaro.fr/international/les-raisons-qui-ont-guide-le-tournant-prorusse-d-emmanuel-macron-20190908 L’inclinaison du président vis-à-vis de ce grand pays qu’il veut voir européen, son attirance pour la Russie éternelle qui fut éclairée par les « Lumières », a des racines anciennes. Avec la russie de Vladimir Poutine, les présidents français ont connu des hauts et des bas, des espoirs et des déceptions, des mains tendues puis tordues par le Kremlin. On ne rit pas. Oups, trop tard. 1 1 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
olivier lsb Posté(e) le 5 janvier Share Posté(e) le 5 janvier (modifié) Il y a 10 heures, Rob1 a dit : J'avais lu l'acte d'inculpation complet de la dizaine d'illégaux russes arrêtés en 2010, j'avais tiqué sur le fait que le FBI ne listait que des preuves indirectes sur l'utilisation de radio par les illégaux (des messages électroniques faisant références à des "radiogrammes", une radio photographiée lors d'une perquisition, des bruits entendus par des micros), comme s'il n'avait pas cherché (ou pas réussi) à en savoir plus sur les messages radio eux-mêmes. Ca contrastait, par exemple, avec les messages planqués dans des images sur internet, car là le FBI racontait avoir cherché les pages web visitées par les suspects, y avoir trouvé des images contenant des messages cachés. Peut être qu'ils avaient à l'époque quelques longueurs d'avance (identification de fréquence, déchiffrage etc...) sur la connaissance de ce canal de communication et ne souhaitaient pas compromettre cette avance en exposant publiquement l'état de leurs connaissance de ces moyens de communication. Il y a 3 heures, Patrick a dit : Ouais mais de là à faire les louanges d'un pays qui s'affiche y-compris au travers de ses proxies comme un adversaire stratégique du nôtre et de nos alliés (grecs, arméniens, kurdes de Syrie, mais aussi égyptiens) et n'hésite pas à envoyer ses barbouzes sur notre territoire pour y assassiner des gens sous notre protection, tandis que son sultan d'opérette passe son temps à inciter au terrorisme contre notre pays et nos concitoyens, tout en hébergeant sur son sol des cadres de daesh et feignant l'ignorance lorsqu'ils sont découverts, il y a un pas que tout membre d'un quelconque service français, quel que soit son grade et sa position dans l'organigramme, se devrait de ne pas franchir. En théorie. Enfin bon, l'évolution de sa situation au regard du retour de JYLD en Arabie Saoudite me laisse au moins l'espoir que "l'état profond" (sic) français a encore quelques beaux restes... Pour le coup, je rejoins Clairon et le journaliste sur ce point: oui les services doivent parler à tout le monde, même quand les politiques sont en froids. Ca ne veut pas dire qu'on s'aime bien ni qu'on se donne des tuyaux. Parfois, c'est même juste pour maintenir un canal ouvert en se disant bonjour, des fois que ça serve plus tard quand les relations se réchaufferont, ou pour éviter d'empirer. Et puis il y a toujours l'anti-terro pour dépasser les coups de froids et trouver un prétexte légitime à se parler. Même pour la Turquie, même si politiquement on estime d'ailleurs que le gouvernement Turc a quelque peu savonné la planche à un certain nombre de réseau, si nos services disposent d'un tuyau sur un projet d'attentat, je pense que l'information sera partagée. Et il faut bien comprendre que ce n'est pas juste pour des questions de moralité ou d'humanité. Si l'on investi lourdement sur des infiltrations d'agents, des mises sous surveillance d'un réseau quelconque, on finit par chaluter de l'information mais on ne sait jamais vraiment quoi précisément à l'avance. Or si le renseignement ne peut être utile qu'à un pays avec lequel on est en froid, voir en franche opposition, c'est quand même un acte de "bonne gestion" des moyens publics que d'aller partager le tuyau. Si le renseignement est bon, ça créé une dette à terme, une obligation qui pourra se repayer plus tard, entre services et à notre demande cette fois ci. Modifié le 5 janvier par olivier lsb orthographe 1 3 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
olivier lsb Posté(e) le 5 janvier Share Posté(e) le 5 janvier il y a 38 minutes, Patrick a dit : Ce serait vraiment incroyable... Révéler le contenu masqué https://www.lefigaro.fr/international/les-raisons-qui-ont-guide-le-tournant-prorusse-d-emmanuel-macron-20190908 L’inclinaison du président vis-à-vis de ce grand pays qu’il veut voir européen, son attirance pour la Russie éternelle qui fut éclairée par les « Lumières », a des racines anciennes. Avec la russie de Vladimir Poutine, les présidents français ont connu des hauts et des bas, des espoirs et des déceptions, des mains tendues puis tordues par le Kremlin. On ne rit pas. Oups, trop tard. Oui on connait la position de Macron sur ce sujet et ses tentatives répétées de dialogue stratégique avec la Russie. Mais à mon avis le mal est bien plus profond que Macron seul, ou son parti. Que la Russie soit un "no man's land" de nos services depuis la guerre froide, ça veut dire que nous ne disposons d'aucun ou de très peu de clandestins, peu d'officiers traitant à l'ambassade ou sous couverture etc... C'est un genre de travail qui se planifie sur des années, voir des dizaines d'années. Ca dépasse largement la durée d'un mandat présidentiel. Que les services ne disposent rien sur ce pays, ça a du découler d'un "stop" consistant dans la durée et unanime quelque soit la couleur politique au gouvernement. Et c'est çà que je trouve vertigineux. 2 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
clem200 Posté(e) le 5 janvier Share Posté(e) le 5 janvier il y a 19 minutes, olivier lsb a dit : C'est un genre de travail qui se planifie sur des années, voir des dizaines d'années. Ca dépasse largement la durée d'un mandat présidentiel. Que les services ne disposent rien sur ce pays, ça a du découler d'un "stop" consistant dans la durée et unanime quelque soit la couleur politique au gouvernement. Et c'est çà que je trouve vertigineux. J'y vois plutôt un manque criant de moyen et des besoins plus urgents ailleurs Plus qu'un acte politique véritable. "Ne jamais attribuer à la malveillance ce que la bêtise suffit à expliquer" 1 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
olivier lsb Posté(e) le 5 janvier Share Posté(e) le 5 janvier il y a 7 minutes, clem200 a dit : J'y vois plutôt un manque criant de moyen et des besoins plus urgents ailleurs Plus qu'un acte politique véritable. "Ne jamais attribuer à la malveillance ce que la bêtise suffit à expliquer" On m'aurait dit çà pour le Boutant oriental ou la Papouasie Nouvelle Guinée, dont acte. Mais pour la Russie, alors que dans le même temps, chacun des Présidents de ces 4/5 dernières mandatures a eu à gérer un agenda sensible vis à vis de la Russie, tantôt parsemé de défiance et d'opposition, tantôt fait de volonté de rapprochement.... Et dans tout çà, pas d'actifs de renseignements sur le pays et sa classe dirigeante. On parle d'une puissance nucléaire, voisine de l'UE. Quand on voit ce qu'on peut faire en Arménie, en Géorgie ou au Liban, croire que par bêtise, incompétence ou manque de moyen on n'avait rien à mettre sur la Russie, j'ai franchement du mal à y croire. 1 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
clem200 Posté(e) le 5 janvier Share Posté(e) le 5 janvier il y a 7 minutes, olivier lsb a dit : On m'aurait dit çà pour le Boutant oriental ou la Papouasie Nouvelle Guinée, dont acte. Mais pour la Russie, alors que dans le même temps, chacun des Présidents de ces 4/5 dernières mandatures a eu à gérer un agenda sensible vis à vis de la Russie, tantôt parsemé de défiance et d'opposition, tantôt fait de volonté de rapprochement.... Et dans tout çà, pas d'actifs de renseignements sur le pays et sa classe dirigeante. On parle d'une puissance nucléaire, voisine de l'UE. Quand on voit ce qu'on peut faire en Arménie, en Géorgie ou au Liban, croire que par bêtise, incompétence ou manque de moyen on n'avait rien à mettre sur la Russie, j'ai franchement du mal à y croire. Entre personnes dans l'entourage proche du président Vladimir Poutine et personne du tout il y a quand même une différence ^^ Je ne pense pas qu'on est totalement quitté le pays d'un seul coup 1 1 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Eau tarie Posté(e) le 5 janvier Share Posté(e) le 5 janvier il y a 58 minutes, clem200 a dit : J'y vois plutôt un manque criant de moyen et des besoins plus urgents ailleurs Plus qu'un acte politique véritable. "Ne jamais attribuer à la malveillance ce que la bêtise suffit à expliquer" Est ce qu'il y a pas aussi un genre de "chasse gardée" implicite des US sur le sujet ? Et sachant qu'on avait pas les fesses propres par le passé (et le présent d'ailleurs)... peut être qu'il y a un gentleman agreement, ils occupent le terrain, et nous file un max d'infos (qu'ils filtrent bien sur, ne soyons pas naif). Mais largement plus que l'on ne saurait faire. Et en échange, on les "nourrit" dans des endroits ou l'on est "bons". ça n’empêche pas qu'on doit avoir qqs électrons libres sur place pour être capable de "sentir" et "vérifier" les infos US. Mais c'est a minima. 2 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
olivier lsb Posté(e) le 5 janvier Share Posté(e) le 5 janvier il y a une heure, Eau tarie a dit : Est ce qu'il y a pas aussi un genre de "chasse gardée" implicite des US sur le sujet ? Et sachant qu'on avait pas les fesses propres par le passé (et le présent d'ailleurs)... peut être qu'il y a un gentleman agreement, ils occupent le terrain, et nous file un max d'infos (qu'ils filtrent bien sur, ne soyons pas naif). Mais largement plus que l'on ne saurait faire. J'ai lu une fois quelque part que la déclaration de coopération Franco-Soviétique de 1966 était peut être un peu plus que ce qu'elle n'y paraissait. Et chose curieuse d'ailleurs, aucun article wikipedia n'existe en Français sur cet accord. En revanche, la version anglaise est très fournie, et on retrouve des personnages du SDECE très peu connus comme Thyraud de Vosjoli, et sa bibliographie recèle des ouvrages impossibles à trouver aujourd'hui. https://en.wikipedia.org/wiki/French-Soviet_Joint_Declaration_of_June_30,_1966#cite_note-6 Révélation https://www.amazon.sg/Dgse-French-Machine-Dominique-Poirier/dp/1687670536 2 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
fraisedesbois Posté(e) le 5 janvier Share Posté(e) le 5 janvier il y a 18 minutes, olivier lsb a dit : (…) Masquer le contenu https://www.amazon.sg/Dgse-French-Machine-Dominique-Poirier/dp/1687670536 http://library.lol/main/DE4DA0A458FE743D46B67BD2D1B0E418 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Patrick Posté(e) le 5 janvier Share Posté(e) le 5 janvier il y a 22 minutes, olivier lsb a dit : Masquer le contenu https://www.amazon.sg/Dgse-French-Machine-Dominique-Poirier/dp/1687670536 The French intelligence service DGSE is recognized today as one of the most aggressive in the world. Once described by one of its former senior executives as "a little North Korea," it has also made a sinister reputation for itself for its readiness to kill, including its own. But it is lesser known for the secret war it wages against the United States since the end of the Cold War, and its obsession with domestic espionage spurred by a fear of Muslim terrorism and pervading American-style capitalism. On April 2000, French weekly Courrier international published the last words of ex-French President Francois Mitterrand, and between others he avowed for the first time, France does not know it, but we are at war against the United States. A permanent economic war; a war without dead.DGSE; The French Spy Machine is the biggest and richest book published to date on an intelligence service, detailing its current organization, methods, techniques and objectives.Dominique Poirier who worked for more than twenty years for the DGSE takes us behind the closed curtain of the French intelligence community, to reveals for the first time shocking realities on mass surveillance and domestic influence in France, assassinations, and secret operations against the United States laced with startling revelations. And he tells us how the discreet cooperation between French and Russian spies evolved since Time magazine at last reported it in April 1968 with the scandal of the Martel Affair, two years after France and the Soviet Union had signed a decisive agreement on science and technology sharing. Le passage sur Mitterrand et d'autres assertions à l'emporte-pièce me font douter du contenu du bouquin. Gageons qu'il s'agissait d'appâter le client... Pour mémoire: Le Dernier Mitterrand est divisé en quatre chapitres chronologiques, qui vont de septembre 1994 à janvier 1996. Ils sont précédés d'un prologue, « Le dernier réveillon », et suivis d'un épilogue, « Le dernier regard » Benamou relate des déclarations et prises de position du président. Au sujet des relations entre la France et les États-Unis : « La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort apparemment. Oui, ils sont très durs les Américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde. C’est une guerre inconnue, une guerre permanente, sans mort apparemment et pourtant une guerre à mort. » Une belle formule mais bien creuse de la part d'un homme qui se savait mourant et surtout au vu de la réalité des échanges entre USA et France, de cette époque à aujourd'hui. François Mitterrand confie également à Benamou son opinion au sujet du futur de la France. Il dit qu'il pense qu'il sera « le dernier des grands présidents », « à cause de l'Europe… À cause de la mondialisation... À cause de l'évolution nécessaire des institutions… Dans le futur, ce régime pourra toujours s'appeler la Ve République… Mais rien ne sera pareil. Le président deviendra une sorte de super-Premier ministre, il sera fragile » Sur ce dernier point il y eu Chirac, mais depuis lors il est difficile de lui donner tort... @fraisedesbois Merci, mais lien à ouvrir depuis un VPN aux US pour moi, sinon inaccessible. 1 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
prof.566 Posté(e) le 5 janvier Share Posté(e) le 5 janvier (modifié) On trouve le livre en francais sur amazon... Suffit de taper "benamou dgse" sur google. Au passage, Emie est celui qui a signé le fameux télégramme sous Miterrand ordonnant une certaine "latitude" de passage pour des responsables du massacre... https://www.20minutes.fr/monde/2977131-20210214-rwanda-paris-laisse-partir-genocidaires-1994 Modifié le 5 janvier par prof.566 1 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
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