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Guerre Russie-Ukraine 2022+ : considérations géopolitiques et économiques


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Il y a 1 heure, Alexis a dit :

Le régime russe actuel remplit les deux premières conditions (certes il existe d'autres partis que Russie Unie, mais leur rôle est purement décoratif), cependant pas la troisième ==>Au sens strict ce n'est pas du fascisme, mais il est certainement possible d'argumenter que la troisième condition est moins importante que les deux autres et que le régime de Poutine est quand même très proche d'un fascisme

Si je suis d'accord que les mots ont un sens et qu'il faut être très prudent avant de coller ce genre de qualificatif à un régime politique, la définition du fascisme est sujette à interprétation et il y en a plusieurs selon l'angle de vue choisi.

Le Larousse utilise une définition "historique" qui est très réductive par nature (on arrivera jamais à retrouver un copié collé parfait du régime de Mussolini).

Il y a aussi la définition étymologique "Fasces" qui signifie simplement que l'individu est en soit négligeable et que son seul rôle est de faire corps avec l’État qui donne une direction et de la cohésion à la société. Et là il y a beaucoup de régimes politiques qui peuvent rentrer dans cette définition.

Personnellement je préfère la définition sociétale qui est largement développée sur Wikipédia. Et la Russie de Poutine coche beaucoup, beaucoup de cases :

Citation

Le fascisme est un système politique autoritaire qui associe populisme, nationalisme[1] et totalitarisme[2] au nom d'un idéal collectif suprême. Mouvement d'extrême droite[3] révolutionnaire, il s'oppose frontalement à la démocratie parlementaire et au libéralisme traditionnel, et remet en cause l'individualisme codifié par la pensée philosophique des Lumières[4],[5]. Issu de diverses composantes de la philosophie européenne du XIXe siècle[6], le fascisme a trouvé dans les circonstances économiques et historiques de l'après-Première Guerre mondiale le contexte qui lui a permis d'accéder au pouvoir, d'abord en Italie dans les années 1920 avec Mussolini, puis sous une variante accentuée, militariste, en Allemagne dans les années 1930 avec le nazisme d'Adolf Hitler.

Benito Mussolini et Adolf Hitler en 1940.

Le terme fascisme s'applique au sens strict à la période mussolinienne de l'histoire italienne et au sens large à un système politique aux caractéristiques inspirées par l'exemple italien et allemand mais qui a pu prendre des aspects différents selon les pays. Des débats existent entre les historiens quant à la qualification de certains régimes (France de Vichy, Espagne franquiste[7]…). La différence entre fascisme et totalitarisme fait l'objet de nombreux débats[8].

Opposé à l'individualisme[note 1] et repoussant l'idéologie démocratique au nom de la masse incarnée dans un chef providentiel, le fascisme embrigade les groupes sociaux (jeunesse, milices) et justifie la violence d'État menée contre les opposants, assimilés à des ennemis intérieurs, l'unité de la nation devant dépasser et résoudre les antagonismes des classes sociales dans un parti unique. Dans le domaine économique, l'État conduit une politique dirigiste mais maintient le système économique et les activités professionnelles[9].

En même temps, le fascisme rejette la notion d'égalité au nom d'un ordre hiérarchique naturel : il définit un « homme nouveau », un idéal de pureté nationale et raciale qui nourrit en particulier l'antisémitisme, l'homophobie, l'exclusion des personnes atteintes d'un handicap et exalte les corps régénérés ainsi que les vertus de la terre, du sang et de la tradition, tout comme il affirme une hiérarchie entre les « peuples forts » et les « peuples faibles » qui doivent être soumis. De façon générale, le fascisme exalte la force et s’appuie sur les valeurs traditionnelles de la masculinité, reléguant les femmes dans un rôle maternel. Il célèbre dans cet esprit les vertus guerrières en développant une esthétique héroïque et grandiose[10].

Révélateur d'une crise de la modernité et luttant contre le sentiment de décadence de la civilisation, le fascisme s'appuie aussi sur une vision idéalisée du passé et sur l'émotion collective qu'il met en scène dans la théâtralité dynamique d'une religion civile (culte du chef, uniformes, rassemblements, propagande) et suscite ainsi une fascination idéologique et esthétique avérée[11].

Dans son acception la plus large, le terme est employé pour qualifier l'ensemble de l'extrême droite. Le fascisme est d'ailleurs encore revendiqué par certaines mouvances d'extrême droite (les néofascistes) comme le parti italien CasaPound dont les membres aiment se faire appeler « Fascistes du troisième millénaire »[12].

Je t'accorde volontiers qu'il y a encore certains caps à franchir (l'antisémitisme et la discrimination contre les handicapés par exemple), mais dans le discours des dirigeants Russes, la plupart y est déjà. Personnellement je n'ai plus aucun problème à qualifier la Russie de Poutine d'état fasciste sans aucune exagération.

Modifié par Alzoc
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il y a 17 minutes, Alzoc a dit :

Citant Wikipédia : [le fascisme] s'oppose frontalement à la démocratie parlementaire et au libéralisme traditionnel, et remet en cause l'individualisme codifié par la pensée philosophique des Lumières

Le régime de Poutine ne s'oppose pas frontalement à la démocratie parlementaire. Il la simule, plutôt.

Le régime de Poutine reste favorable au libéralisme économique, au sens d'économie de Marché [1]

Le régime de Poutine approuve le christianisme, une religion basée en grande partie sur le salut de l'âme individuelle. C'est pour cela qu'on dit qu'en Afrique, la conversion au christianisme permet aux ruraux de se désolidariser des solidarités villageoises traditionnelles et de s'urbaniser, sans se sentir obligé d'aider financièrement tous les cousins du village. Ce qui permet ultimement d'alimenter la machine capitaliste de réinvestissement des gains personnels. Cf la théorie de Max Weber sur le protestantisme et l'esprit du capitalisme.

[1]

Le 09/01/2024 à 15:17, Wallaby a dit :

https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782073041135-la-defaite-de-l-occident-emmanuel-todd/

Emmanuel Todd - La Défaite de l'Occident - Gallimard 11 janvier 2024 -

cliquer sur "extrait gratuit"

Chapitre 1 - La stabilité russe

Les sanctions occidentales de 2014, si elles ont causé quelques difficultés à l’économie russe, ont aussi été pour elle une chance : elles l’ont obligée à trouver des substituts à ses importations et à se redéployer en interne. Dans un article d’avril 2023, l’économiste américain James Galbraith a estimé que les sanctions de 2022 ont eu le même effet.

Shlapentokh (1926-2015) était né soviétique, et juif, à Kiev. Il fut l’un des fondateurs de la sociologie empirique en langue russe à l’époque brejnévienne. Son Freedom, Repression, and Private Property in Russia a été publié en 2013 aux Cambridge University Press. Quand on l’a lu, il devient facile de définir le régime de Poutine, non comme l’exercice du pouvoir d’un monstre extraterrestre subjuguant un peuple passif et demeuré, mais comme un phénomène compréhensible, qui s’inscrit dans la continuité d’une histoire générale de la Russie.

Bien entendu, la Russie n’est pas devenue une démocratie libérale.

Le régime de Poutine est surtout remarquable par quelques traits qui, à eux seuls, signent une rupture radicale avec l’autoritarisme de type soviétique. D’abord, comme l’a rappelé James Galbraith, un attachement viscéral à l’économie de marché.

Attachement indéfectible de Poutine à la liberté de circulation. Avec lui, les Russes ont le droit de sortir de Russie et ils le conservent en temps de guerre. Où l’on retrouve l’une des caractéristiques de la démocratie libérale : une liberté totale de sortie.

Absence complète d’antisémitisme.

Ce qui distingue fondamentalement l’économie russe de l’économie américaine, c’est, parmi les personnes qui font des études supérieures, la proportion bien plus importante de celles qui choisissent de suivre des études d’ingénieur : vers 2020, 23,4 % contre 7,2 % aux États-Unis [Japon 18,5 %, Allemagne 24,2 %, France 14,1 %]. Malgré la disproportion des populations, la Russie parvient à former nettement plus d’ingénieurs que les États-Unis. Je suis conscient du caractère partiel de ce calcul, qui ne tient pas compte du fait que les États-Unis importent des ingénieurs.

La disparition de notre aptitude à concevoir la diversité du monde nous interdit une vision réaliste de la Russie. Il était évident que la Russie post-communiste allait conserver des traits communautaires malgré l’adoption de l’économie de marché ; l’acceptation, à des degrés divers, dans toutes les classes de la société – plus forte dans les milieux populaires, plus mitigée dans les classes moyennes –, d’une certaine forme d’autoritarisme et d’aspiration à l’homogénéité sociale.

Il subsiste en Russie suffisamment de valeurs communautaires – autoritaires et égalitaires – pour qu’y survive l’idéal d’une nation compacte et que réapparaisse une forme particulière de patriotisme.

Shlapentokh soulignait, quant à lui, que jamais les conditions de vie en Russie n’avaient été aussi bonnes, liberté comprise, que sous Poutine.

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Il y a 3 heures, FATac a dit :

Il n'y aura pas davantage d'interprétation ou de redéfinition permanente de la notion de néonazi que celle actuelle : "opposant à nos valeurs au nom d'une souveraineté que nous réfutons - qui doit alors être éliminé ou rééduqué s'il peut être assimilé"

Tout à fait, nous sommes bien d'accord. 

Je n'ai évoqué la "redéfinition" que dans la perspective des quelques idiots utiles à l'Ouest, qui pensent encore que Poutine est réellement parti à la chasse aux vrais nazis, et dont les opinions travaillées à la propagande influencent sur nos gouvernements, qui pourraient être tentés de passer l'éponge sur une telle perspective nihiliste dans les territoires occupés, dans le cadre d'un accord de paix.

 

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il y a 10 minutes, Alzoc a dit :

Dans les systèmes fascistes, les religions sont toujours de simples outils politiques

Mussolini avait conclu le concordat avec le pape, et non le pape n'était pas aux ordres de Mussolini. Le pape agissait comme une sorte de contre-pouvoir contre Mussolini.

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L'Allemagne fournit une volumétrie, une qualité et une grande variété de matériels à l'Ukraine, c'est indéniable et ça dépasse significativement nos propres efforts. En dépit d'un historique d'emploi et de financement des armées assez différent, il faut le rappeler. 

Son attitude, physique comme politique, sur les Taurus est quand même invraisemblable et incompréhensible. Cette séquence assez polémique, ne fait pas vraiment honneur à la politique Allemande envers l'Ukraine. En dépit d'un effort réel, qui commençait tout juste compenser des décennies d'erreur de jugement. 

 

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Il y a 2 heures, Wallaby a dit :

Mussolini avait conclu le concordat avec le pape, et non le pape n'était pas aux ordres de Mussolini. Le pape agissait comme une sorte de contre-pouvoir contre Mussolini.

Effectivement le Pape, après un certain attentisme s'est opposé a Hitler et à Mussolini. Parfois avec succès (souvent des initiatives locales et individuelles) et parfois sans rien pouvoir faire d'autre que d'exprimer son désaccord et regarder impuissant. Il y a aussi eu des épisodes de collaboration pas très glorieux.

Par contre Hitler et Mussolini avaient très bien compris l'intérêt de mettre les Églises catholiques et protestante sous leur contrôle :

Citation

Durant l'été 1933, le Vatican et le gouvernement signent un concordat qui normalise les relations du Troisième Reich avec le Vatican et définit le statut légal de l’Église catholique en Allemagne. Mais comme pour le concordat signé avec Mussolini quelques années plus tôt, Hitler ne respectera pas sa parole. Le cardinal Eugenio Pacelli (futur pape Pie XII) « croyait fermement » que de tels accords « constituaient le meilleur moyen de protéger l’Église et sa mission religieuse ». Mais David Alvarez écrit : « pour les nazis comme pour les fasciste italiens, le concordat n'était qu'un instrument de propagande, destiné à légitimer leur régime et impressionner favorablement les catholiques dans leur pays et dans le reste du monde. Il n'avaient pas l'intention de respecter leur signature, et lorsque le moment viendrait de briser l’Église, ils ne se laisseraient pas arrêter par un document légal ». Après l'élection de Pacelli comme pape, Hitler envisage d'abroger le concordat avec Rome. Goebbels écrit que « ce sera sûrement le cas dès que Pacelli se sera livré à son premier acte d'hostilité »

Ça a très bien réussi avec les protestants (moins structurés que les catholiques) et moins bien avec les Catholiques justement grâce au Pape :

Citation

Dès la montée du nazisme en 1930, l’Église catholique ne cesse de mettre en garde ses fidèles contre le parti d'Adolf Hitler. En effet, le programme national-socialiste de 1920 faisant référence à une « religion chrétienne positive » (au paragraphe 24) est vu comme « une menace pour le dogme chrétien » par le clergé catholique. Trois ans plus tard, Hitler, à travers le mouvement des Chrétiens allemands entame une remise en cause de l’Évangile, en particulier de l'Ancien Testament, avec une réécriture importante du contenu. Les Églises protestantes, d'abord très favorables à Hitler comprennent alors la menace et s'éloignent de son parti voir entrent en résistance, mais face aux menaces, pressions et manipulations du régime, l’Église protestante se divise et n'offre plus un front unis. Barbara Koehn (de) écrit que face aux même menaces de « destruction totale » de l’Église (tant protestante que catholique), l’Église catholique, structurée différemment (avec une structure pyramidale, une autorité, pape et Vatican, située à l'extérieur du pays, et moins de synodes pour les prises de décisions), l’Église catholique résiste mieux aux infiltrations et tentatives de manipulations que l’Église protestante. De plus, l'existence de deux partis politiques catholiques (le Zentrum et le parti populaire bavarois) permet aux électeurs de faire barrage à la monté du parti nazi lors des élections dans l'Ouest et le Sud du pays où la population catholique est la plus présente. Le report des voix vers le parti nazi est beaucoup plus faible chez les catholiques que pour les chrétiens protestants. Mais l'élection de Hitler au pouvoir modifie l'attitude de l’Église qui « dans un premier temps » cesse ses attaques contre Hitler et le nazisme. A partir des années 1935-1937, le régime nazi change d'attitude face à l’Église catholique, l'attaquant frontalement. B. Koehn écrit « tous les moyens et même les plus abjects lui semblaient bon pour arriver aux fins escomptées ». Le ministère de la propagande nazi publie périodiquement des attaques contre le pape et le Vatican.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Église_catholique_pendant_la_Seconde_Guerre_mondiale#

Les choses auraient probablement été complètement différentes si les régimes Italiens et Allemands avaient réussi à remplacer le pape par un pantin à leurs ordre (ex : Kirill pour le patriarcat de Moscou) et l'église catholique serait probablement tombée comme un fruit mûr.

Effectivement il faut nuancer et l’Église catholique a sauvé l'honneur durant cette période. Mais le fond de mon discours reste le même. Pour un régime autoritaire (typiquement, je ne classifierais pas la Chine comme État fasciste mais ça ne les empêches pas de craindre les religions pour leurs pouvoir de manipulation sociétale et donc d'essayer de les faire disparaître), les religions ne sont que des outils de contrôle des masses et si elles ne coopèrent pas initialement, il suffit de les infiltrer ou de les discréditer pour mettre en place une structure parallèle.

Modifié par Alzoc
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Les US poussent pour utiliser une partie des actifs Russes gelés dans l'UE. A n'en pas douter, cela se fera au bénéfice de leurs industries, en échange d'un risque politique pris par l'UE. Notre indécision et demi mesure va continuer de nous coûter de plus en plus cher, le conseil Européen refuse encore son rôle géopolitique. 

 

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La Pologne s'accommode très bien du nouveau contexte d'ambiguïté stratégique mis en place par le PR:

 La GB a montré quelques réticences par la voix de Cameron, sur l'envoi de troupes en Ukraine:

Les Britanniques ont cependant annoncé récemment deux choses importantes: un plan de soutien pluriannuel de 3 milliards de livres par an, ainsi qu'un engagement autorisé des armes Britanniques sur le sol russe. Vous remarquerez qu'en dépit des annexions formelles des oblasts Ukrainiens par la Russie, l'ambassade russe au Royaume-Uni n'en parle pas comme d'un territoire russe mais d'une zone concernée par l'OMS

 

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Il y a 3 heures, olivier lsb a dit :

L'Allemagne fournit une volumétrie, une qualité et une grande variété de matériels à l'Ukraine, c'est indéniable et ça dépasse significativement nos propres efforts. En dépit d'un historique d'emploi et de financement des armées assez différent, il faut le rappeler. 

Son attitude, physique comme politique, sur les Taurus est quand même invraisemblable et incompréhensible. Cette séquence assez polémique, ne fait pas vraiment honneur à la politique Allemande envers l'Ukraine. En dépit d'un effort réel, qui commençait tout juste compenser des décennies d'erreur de jugement. 

Je voudrais quand même savoir à quel point la fourniture d'armes à l'Ukraine se fait au détriment de ses propres forces et donc à quel point elle est capable d'intervenir en Ukraine en cas de changement de ligne directrice et ensuite à quel point l'Allemagne peut se défendre seul.

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il y a 7 minutes, herciv a dit :

Je voudrais quand même savoir à quel point la fourniture d'armes à l'Ukraine se fait au détriment de ses propres forces et donc à quel point elle est capable d'intervenir en Ukraine en cas de changement de ligne directrice et ensuite à quel point l'Allemagne peut se défendre seul.

Elle ne peut pas intervenir, livraisons ou pas.

On était à 40 % de disponibilité moyenne pour les équipements terrestres la dernière fois qu'on en a entendu parler non ?

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La Slovaquie ne peut pas produire d'obusiers Zuzana pour l'Ukraine

https://e.dennikn.sk/3971710/slovensko-nestiha-ukrajincom-vyrabat-hufnice-zuzana-pre-chybajuce-suciastky/

 

---

"Selon un rapport de Denník N, cela est dû à des canons manquants puisque le fabricant donne la priorité aux obusiers DITA qui seront livrés à l'Azerbaïdjan plutôt qu'aux obusiers Zuzana 2 qui seront livrés à l'Ukraine."

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13 minutes ago, Manuel77 said:

Une chaîne d'arguments concernant le Taurus a fait son apparition dans les milieux de la sécurité en Allemagne et contient quelques éléments intéressants :

https://twitter.com/FRHoffmann1/status/1784553216816091536


1. le ministre de la Défense Pistorius, généralement très pro-ukrainien, a déclaré lors d'une interview que les raisons étaient si graves qu'elles ne pouvaient pas être discutées publiquement.
2. la capacité générale du Taurus à effectuer de longues distances serait indispensable à l'aptitude de l'Allemagne à la guerre.
3. Taurus joue un rôle dans la lutte préventive contre les armes nucléaires à Kaliningrad. Cette affirmation est toutefois contestée par le gouvernement. 
4) Zelensky aurait déclaré que Scholz voyait Taurus comme un moyen de dissuasion contre l'utilisation d'armes nucléaires russes. 
5) Il s'agit plutôt de rumeurs, car pourquoi l'Allemagne ne commande-t-elle pas d'autres Taurus ? Pourquoi les anciens Taurus ne sont-ils pas remis en état ? Pourquoi le Taurus n'est-il pas mis en œuvre sur EF ? Si la menace de Kaliningrad est si grande, pourquoi l'Allemagne a-t-elle cédé autant de Patriot à l'Ukraine ?
6) Si l'Allemagne considère prétendument le Taurus comme l'arme nucléaire du petit homme, elle devrait en avoir beaucoup plus, comme la Corée du Sud. La Corée du Sud pratique depuis longtemps la dissuasion avec des armes conventionnelles à longue portée. 
7) L'Allemagne n'a pas de doctrine développée sur les armes à longue portée. 

--------------------

La situation reste donc confuse.

 

Et l'élement 8, les performances des Taurus sont un peu survendues. Les utiliser en conditions réelles pourait être embarrassant.

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il y a 9 minutes, Manuel77 a dit :

Le sourire est la manière typique dont Scholz aime répondre aux questions (ou plutôt éviter de répondre). Il y a des années déjà, le ministre-président bavarois Söder lui avait dit de ne pas toujours avoir un sourire aussi schtroumpfant. (Oui, c'est ça, les petits schtroumpfs bleus, on les connaît aussi en France).

On peut trouver ce sourire schtroumpfant inapproprié au vu du sujet, mais lors d'une réunion électorale du SPD en province, c'est la méthode de communication typique de M. Scholz. Il se considère en effet toujours comme l'homme le plus intelligent de la salle, mais il est en même temps trop fin (arrogant?) pour faire des efforts rhétoriques sérieux. C'est pourquoi il ne pourrait pas devenir président français, où l'on doit à tout moment faire preuve d'une certaine grandeur rhétorique avec joie.

Le sourire Schtroumpfant, c'était pas une carte de mon jeu pour qualifier l'attitude de Scholz. Dont acte camarade, je note.

Sur le fonds, ça reste quand même un problème justement comme tu dis: le fait qu'il conserve son attitude et sa rhétorique d'élu SPD d'un Länder, alors qu'il est question du conflit le plus sanglant en Europe depuis la 2e guerre mondiale. Est-ce trop français de s'attendre une attitude plus grave à ce sujet ? Ou quelque chose de légitime et entendable, quelque soit sa Kultur ?    

Modifié par olivier lsb
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il y a 25 minutes, Manuel77 a dit :

Une chaîne d'arguments concernant le Taurus a fait son apparition dans les milieux de la sécurité en Allemagne et contient quelques éléments intéressants :

https://twitter.com/FRHoffmann1/status/1784553216816091536


1. le ministre de la Défense Pistorius, généralement très pro-ukrainien, a déclaré lors d'une interview que les raisons étaient si graves qu'elles ne pouvaient pas être discutées publiquement.
2. la capacité générale du Taurus à effectuer de longues distances serait indispensable à l'aptitude de l'Allemagne à la guerre.
3. Taurus joue un rôle dans la lutte préventive contre les armes nucléaires à Kaliningrad. Cette affirmation est toutefois contestée par le gouvernement. 
4) Zelensky aurait déclaré que Scholz voyait Taurus comme un moyen de dissuasion contre l'utilisation d'armes nucléaires russes. 
5) Il s'agit plutôt de rumeurs, car pourquoi l'Allemagne ne commande-t-elle pas d'autres Taurus ? Pourquoi les anciens Taurus ne sont-ils pas remis en état ? Pourquoi le Taurus n'est-il pas mis en œuvre sur EF ? Si la menace de Kaliningrad est si grande, pourquoi l'Allemagne a-t-elle cédé autant de Patriot à l'Ukraine ?
6) Si l'Allemagne considère prétendument le Taurus comme l'arme nucléaire du petit homme, elle devrait en avoir beaucoup plus, comme la Corée du Sud. La Corée du Sud pratique depuis longtemps la dissuasion avec des armes conventionnelles à longue portée. 
7) L'Allemagne n'a pas de doctrine développée sur les armes à longue portée. 

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La situation reste donc confuse.

 

C'est effectivement très confus... et donc assez peu convaincant.

2, 3 et 4 sont des idées redondantes, que je trouve par ailleurs dépassées: je ne vois pas ce qu'il y aurait de dissuasif pour la Russie à se voir priver du petit stock d'armes nucléaires basées à Kaliningrad. La dissuasion nucléaire russe est riche en vecteurs et en temps de trajet.

5 et 6 donnent une solution industrielle au problème de départ, mais sans dire pourquoi une telle solution très "germano-compatible" (des commandes supplémentaires et une production made in Germany) n'est pas mise en œuvre.

7 est non applicable, si c'est transféré à l'Ukraine.

Finalement seul 1 parait crédible, mais seulement parce qu'il ne dit pas grand chose et repose sur une part de mystère, donc du plausible. 

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Il y a 2 heures, herciv a dit :

Je voudrais quand même savoir à quel point la fourniture d'armes à l'Ukraine se fait au détriment de ses propres forces et donc à quel point elle est capable d'intervenir en Ukraine en cas de changement de ligne directrice et ensuite à quel point l'Allemagne peut se défendre seul.

C'est assez difficile à dire: au début de cette guerre, l'Allemagne hérite d'une armée inefficiente, grevée par sa bureaucratie, ses nombreux emplois civils, ses programmes pas toujours bien gérés et une culture stratégique très frileuse, pour ne pas dire dissonante: on refuse les expéditions à la Française, on fait une grosse exception pour l'Afghanistan des US et qui se termina en fiasco. Il ne subsiste dans le temps qu'un seul objectif stable et militairement identifié: la Russie, mais qui est par ailleurs considérée comme un partenaire politique et économique de premier plan, choyé par tous les chanceliers depuis l'accession de Poutine au pouvoir.

La guerre en Ukraine rebat les cartes, l'Allemagne déclare le Zeitwende, le changement d'époque, et promet une augmentation substantielle de son budget militaire. Reste à voir ce qui va se matérialiser dans les faits: on en est là.

Mais si je vais plus loin, je dirais que ta question est mal posée. L'Allemagne est à peine en train de regénérer un début de potentiel militaire, concernant son matériel. Et ça, c'est la partie la plus facile: le dur réside dans la doctrine et la culture stratégique des élites politiques et militaires, et sur la volonté à s'engager dans des conflits à dimension européenne. 

Or à court terme, ce changement de paradigme n'a pas et n'aura probablement pas lieu. A minima, pas tant qu'un pays de l'OTAN sera attaqué. Et encore... Iront-ils dire qu'au regard d'une telle menace, ils se barricadent chez eux, couvrent leur frontière avec ce qu'il leur reste de moyens, et en profite pour ne pas avoir à s'engager à l'étranger ? Pas impossible.

Là où je veux en venir, c'est que le stock de matériels Allemands (tout son inventaire, ou même que les 40% d'opérationnels) représente un "actif mort": il est gelé par une doctrine politique qui est très averse au risque, d'autant plus que le risque est militaire. En l'état actuel, le pouvoir politique Allemand ne décidera de l'engagement de son armée que lorsqu'il sera trop tard. 

Comme nous sommes au milieu du gué en Ukraine (un état de neutralisation réciproque des forces, mais peut être plus pour longtemps), autant maximiser le rendement des actifs militaires Allemands en les y déployant au sein de l'armée Ukrainienne, plutôt qu'en les gardant en caserne. 

Je n'aurais pas forcément le même discours s'agissant de la France ou de la Pologne, deux cultures politiques et militaires qui sont peut être plus promptes à l'intervention en amont d'un incendie, et donc plus susceptible de mettre en œuvre ses matériels. 

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il y a 45 minutes, Manuel77 a dit :

Il y a des années déjà, le ministre-président bavarois Söder lui avait dit de ne pas toujours avoir un sourire aussi schtroumpfant.

Est-ce que de façon générale les Allemands du Nord ne sont pas plus introvertis, et ceux du Sud plus extravertis, plus "Italiens" ?

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il y a 38 minutes, olivier lsb a dit :

Sur le fonds, ça reste quand même un problème justement comme tu dis: le fait qu'il conserve son attitude et sa rhétorique d'élu SPD d'un Länder, alors qu'il est question du conflit le plus sanglant en Europe depuis la 2e guerre mondiale. Est-ce trop français de s'attendre une attitude plus grave à ce sujet ? Ou quelque chose de légitime et entendable, quelque soit sa Kultur ?    

Non, tes attentes ne sont pas trop françaises. En Allemagne aussi, et pas seulement à la CDU, mais aussi dans des médias ou des think tanks centristes, on se plaint que Scholz ne trouve pas la rhétorique adéquate sur l'Ukraine. Il a certes prononcé il y a deux ans un discours très remarqué sur le changement d'époque au Bundestag, mais il n'y a plus eu grand-chose par la suite.
La rhétorique est toujours une épreuve pour Scholz, au fond, il considère les auditeurs comme des enfants ignorants à qui l'on ne peut pas demander de tenir un discours objectif. Les auditeurs n'opposeraient après tout que des arguments émotionnels que Scholz considère comme indignes de lui. En fait, il veut gouverner sans être dérangé et aborder chaque sujet comme s'il s'agissait d'un acte administratif ou d'un problème mathématique. 

@Wallaby

Oui, tu as sans doute raison, mais les Allemands connaissent dans leur histoire deux chanceliers qui ont particulièrement brillé sur le plan rhétorique, Willy Brandt et Helmut Schmidt, bien qu'ils soient originaires du nord de l'Allemagne (Lübeck et Hambourg). 
Helmut Schmidt était très respecté par de nombreux conservateurs, qui disaient souvent qu'il était un très bon chancelier, mais dans le mauvais parti (c'est-à-dire le SPD). D'ailleurs, après avoir été chancelier, Schmidt a dit une fois que sa rhétorique, qui a toujours été considérée comme très crédible, avait aussi un élément théâtral.

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il y a une heure, Banzinou a dit :

Décompte macabre mais ils ne meurent ni dans les même proportions, ni dans les mêmes circonstances qu'on pu subir certains ukrainiens, et l’élément déclencheur de leur mort est la décision que leur dirigeant prend depuis plus de 2 ans.

Il a fallu 2 ans pour que les civils russes soient (volontairement ?) ciblés, les civils ukrainiens ont été ciblés dés le 24 février 2022, et volontairement

Effectivement... 

Et puisqu'on en est à comparer les traitements d'un pays à l'autre, pour tenter d'instaurer sinon une parité, au moins une forme de symétrie très mal avisée, je partage un long reportage sur les victimes de viols par l'armée Russes et supplétifs. C'est très pénible et gênant, et ça reste une des nombreuses démarcations avec ce que vivent les civils en Russie. Des témoignages, mais aussi des chiffres et des procédures en cours. 

Extraits:

Assez rapidement, deux vagues de crimes sexuels sont identifiées : quand les troupes ennemies avancent, pour montrer leur force, puis quand elles battent en retraite, par vengeance. Au départ, sont surtout mis en cause des militaires bouriates, des séparatistes ukrainiens alliés à Moscou ou la garde nationale russe. Lorsqu’il s’agissait de Tchétchènes, aucune femme n’était laissée en vie.

Les épouses de soldats ukrainiens sont particulièrement ciblées, violées, puis exécutées. La grande majorité des crimes sexuels a été commise en groupe, des proches ont parfois été contraints d’y assister. Chez les militaires russes, une phrase revient sans cesse : « Je vais faire de mon mieux pour que tu ne puisses plus avoir d’enfants ukrainiens. » [...]

Une villageoise y raconte comment des soldats russes ont poussé la porte d’une ferme où vivaient deux jeunes filles, aussi belles l’une que l’autre. Devant tout le monde, ils ont demandé à la mère : « Choisis toi-même laquelle, sinon nous le ferons nous-mêmes. » La réponse qu’elle a donnée la déchirera toujours, elle et la maisonnée entière.


https://www.lemonde.fr/international/article/2024/04/19/ukraine-apres-les-viols-le-long-combat-des-survivantes_6228691_3210.html

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Le long combat des Ukrainiennes victimes de violences sexuelles, des « survivantes » dans un pays où le viol est tabou

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Par Florence Aubenas Publié le 19 avril 2024 à 06h00, modifié le 23 avril 2024 à 17h35

EnquêteDepuis le début de la guerre, le 24 février 2022, de très nombreuses Ukrainiennes ont été victimes de violences sexuelles de la part des soldats russes. Même si le sujet reste tabou, les témoignages remontent peu à peu. Au fil de ses séjours sur place, notre grande reporter Florence Aubenas a pu mesurer l’ampleur du traumatisme.

Il lui faut prendre un pseudonyme et elle choisit Oksana. Pour le reste, en revanche, tout est vrai : ukrainienne, 47 ans, fonctionnaire. En cet été 2023, elle voudrait témoigner de ce qui lui est arrivé pendant l’invasion russe, dans le cadre de la première conférence sur les violences sexuelles en temps de guerre organisée à Kiev par l’association Sema-Ukraine. Oksana ouvre la bouche, mais sa voix la lâche. Le regard plonge au sol : « En fait, je ne me souviens de rien, j’avais les yeux bandés, j’ai tellement honte. » Autour d’elle, on évite avec délicatesse de la regarder s’éloigner vers la sortie.

« Parler, c’est se condamner à une forme de mort », commente une femme. Elle aussi a pris un nom de code : Viktoria. Profil : commerçante, 61 ans. Cela fait des mois que Viktoria envisage de témoigner, mais elle hésite encore. « Vu mon âge, j’ai assez de force pour parler. C’est à nous de le faire, les plus vieilles, pas aux jeunes qui ont encore la vie devant elles », avance Viktoria, comme pour se convaincre elle-même. Bien sûr, elle n’a jamais rien dit à ses proches. Ils s’en doutent, mais eux aussi évitent le sujet. Puis, d’un coup, Viktoria lâche : « L’heure est venue de me sacrifier, mettre ma dignité de côté. » Elle essaie de ne plus penser à rien, sauf au pays. Et elle se lance.

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Viktoria, 61 ans, vit dans la région de Boutcha. Elle a été violée chez elle durant l’occupation, en mars 2022, par un jeune soldat russe. Ici, à Kiev, le 22 juillet 2023. GUILLAUME HERBAUT / VU POUR « LE MONDE »

Donc, cela s’est passé dans un joli quartier boisé, en banlieue de Kiev, au début de l’invasion russe, en mars 2022. Devant l’avancée des chars, les habitants avaient fui, tous ou presque, y compris la famille de Viktoria. Elle avait insisté pour rester et protéger la villa : le couple avait déjà tout perdu une fois en 2014, quand la guerre du Donbass l’avait poussé à quitter Donetsk, dans l’est du pays. La famille n’aurait pas les moyens de repartir de zéro une nouvelle fois, ils le savaient tous. Viktoria s’était dit que les soldats russes ne se soucieraient pas d’une femme comme elle, déjà grand-mère et sans homme à la maison. Inoffensive.

 

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Partie 2

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Quand une centaine de militaires avaient envahi la bourgade, ils lui avaient ordonné de ne plus sortir. Viktoria les entendait piller les habitations désertées, l’une après l’autre, positionner partout leurs blindés et leurs snipers. Au bout de quelques jours, un soldat russe avait poussé la grille. On ne lui voyait que les yeux entre le casque et le foulard qui masquait son visage. Il devait avoir 20 ans, pas davantage. « Déshabille-toi », avait-il dit, avant de la pousser dehors, nue dans la neige. Son fusil lui éperonnait les reins, elle avait été forcée de courir autour de la maison. Quand elle était tombée à genoux, il l’avait relevée à coups de pied.

Elle tremblait et suppliait :

« Je suis vieille, je ne suis pas belle, tu pourrais être mon petit-fils.

– Ferme ta gueule, sinon ce sera pire pour toi », criait le soldat. Il n’était même pas ivre.

De retour dans la villa, Viktoria espérait qu’il ne ferait « que » la torturer, c’est son expression. Il l’avait violée avec son arme.

Elle était restée un mois terrée chez elle, anéantie par la terreur, l’humiliation et d’affreuses blessures. Par la fenêtre, un matin, elle avait aperçu des militaires entourés de caméras. Cela devait encore être un de ces films bidon, comme les Russes en trafiquent régulièrement à des fins de propagande. La peur de Viktoria était remontée en flèche. Des voix lui étaient parvenues, familières : ça parlait ukrainien. En fait, la zone était en train d’être libérée. Seulement alors, elle s’était autorisée à pleurer. C’était le 11 avril 2022.

Un phénomène de masse

Dans cette région autour de Kiev, où Moscou vient de battre en retraite, le monde entier découvre avec épouvante ce qu’étaient l’occupation, les exécutions de civils, les disparitions forcées, les tortures : il ne s’agissait pas uniquement de conquérir un territoire, mais de détruire un pays jusqu’au plus profond de son identité. Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, se rend à Boutcha, ville martyre où les corps de 458 personnes ont été retrouvés. Des enquêtes sont lancées pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, l’Assemblée générale des Nations unies suspend la Russie de son siège au Conseil des droits de l’homme de l’ONU.

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Le policier ukrainien André Kovani, 36 ans, dans une salle utilisée pendant l’occupation comme salle de torture par l’armée russe, à Kherson (Ukraine), le 24 juillet 2023. GUILLAUME HERBAUT / VU POUR « LE MONDE »

A l’époque, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, est le premier à évoquer les viols, le 12 avril 2022 : « Des centaines de cas ont été enregistrés, y compris des jeunes filles mineures et des tout petits enfants. Même un bébé ! Ça fait peur rien que d’en parler. » Des viols ! L’information avait provoqué une telle sidération chez les Ukrainiens que certains n’avaient d’abord pu y croire. « Mon cerveau n’arrivait tout simplement pas à traiter l’information. Dans notre pays, on commençait juste à se préoccuper de violences conjugales. Alors le viol ! Même le mot était tabou. Nous n’étions pas prêts à affronter ça, ni notre société ni nos institutions », se souvient un député du parti gouvernemental. Dans sa ville, dans le nord du pays, certains soutenaient alors que c’était inimaginable, trop grave pour être vrai : ça ne pouvait être que « des histoires inventées ».

Dès le début de l’invasion, la gynécologue Natalia Leliukh était, elle, persuadée que des viols seraient commis, « parce qu’il y en a toujours pendant les guerres », dit-elle. Connue depuis vingt-trois ans pour son engagement contre les violences faites aux femmes, blogueuse très populaire, la médecin avait diffusé immédiatement ses propres messages sur les réseaux sociaux : « Comment nettoyer certaines plaies ? Comment interrompre une grossesse non désirée ? » Les milliers de consultations de ses posts, notamment dans les zones encore occupées, lui avaient laissé entrevoir un phénomène de masse.

Au printemps 2022, les premières à parler n’ont pourtant pas été les « survivantes » (terme revendiqué par les ONG internationales pour les victimes de viols), mais des témoins ou des élus locaux. Assez rapidement, deux vagues de crimes sexuels sont identifiées : quand les troupes ennemies avancent, pour montrer leur force, puis quand elles battent en retraite, par vengeance. Au départ, sont surtout mis en cause des militaires bouriates, des séparatistes ukrainiens alliés à Moscou ou la garde nationale russe. Lorsqu’il s’agissait de Tchétchènes, aucune femme n’était laissée en vie.

Les épouses de soldats ukrainiens sont particulièrement ciblées, violées, puis exécutées. La grande majorité des crimes sexuels a été commise en groupe, des proches ont parfois été contraints d’y assister. Chez les militaires russes, une phrase revient sans cesse : « Je vais faire de mon mieux pour que tu ne puisses plus avoir d’enfants ukrainiens. »

Poids de la société

Comment Oleksandr Koukhartchouk, la quarantaine, s’est-il retrouvé à arpenter les villages pour venir en aide aux survivantes ? Lui-même doit faire un effort pour s’en rappeler, la guerre brouille le temps et les souvenirs. En fait, comme des milliers d’autres volontaires en Ukraine, cet homme, chargé de mission à la fondation médicale privée Assisto, s’était mobilisé en urgence. Premières missions : les zones tout juste libérées en avril 2022. Koukhartchouk se revoit arriver dans certains lieux coupés du pays, privés de toute communication. Silhouettes hagardes sortant des caves au milieu des maisons détruites, engins calcinés, cadavres d’habitants laissés où ils étaient tombés, sans qu’on ait pu les enterrer.

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Traces de matraque en caoutchouc sur le mur d’une salle du centre de détention provisoire n° 1 du département principal de la police nationale de la région de Kherson, utilisé par l’armée russe pendant l’occupation pour la détention et la torture. A Kherson (Ukraine), le 24 juillet 2023. GUILLAUME HERBAUT / VU POUR « LE MONDE »

Encore sous le choc de l’occupation, des gens s’étaient mis à évoquer des violences sexuelles, désignant une victime, puis deux, puis dix. Beaucoup répétaient l’obsédante question que leur jetaient les soldats russes : « Où sont les maisons avec des femmes ? » Les mots des villageois ressemblaient à un flot incontrôlé, surgissant seul, sans retenue. Les membres de l’équipe d’Assisto en avaient eu le souffle coupé. Il leur avait fallu apprendre à maîtriser leurs émotions, à retenir leurs sanglots. « On ne s’y attendait pas. La fondation s’est recentrée sur les crimes sexuels, comme une évidence », dit Koukhartchouk.

 

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