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Le F-35


georgio

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Je vais vous parler de Nunn–McCurdy du Block 4 et de la procédure FMS. Les raisons qui motivent ce discourt sont que le programme F-35 est entré dans une phase critique avec la modernisation TR-3 / Block 4. En effet cette modernisation affiche déjà un surcoût supérieure à 6 milliards de dollars par rapport aux estimations précédentes, un retard d’au moins 5 ans sur le calendrier initial, des livraisons d’avions bloquées ou retardées à cause de TR-3 et désormais on a la décision du Pentagone de faire de Block 4 un major sub-program séparé au sein du programme F-35.

F-35 Joint Strike Fighter:Actions Needed to Address Late Deliveries and Improve Future Development

GAO: ‘Action Needed’ to Solve F-35 Block 4 Issues

F-35 program plagued by delays, GAO warns of modernization and production risks

Program Continues to Encounter Production Issues and Modernization Delays

C’est là que la loi Nunn-McCurdy et le GAO entrent en scène.

La Nunn–McCurdy (1982, intégrée au Title 10) est une loi américaine destinée à limiter les dérapages de coût des grands programmes d’armement (MDAP – Major Defense Acquisition Programs). 

Nunn–McCurdy Amendment   Nunn-McCurdy Act (10 U.S.C. §2433)

Elle définit deux niveaux de “breach” (violation de seuil) :

Significant breach :
+15 % sur le coût unitaire par rapport à la baseline actuelle ou +30 % par rapport à la baseline initiale.

Critical breach :
+25 % sur le coût unitaire par rapport à la baseline actuelle ou +50 % par rapport à la baseline initiale

En cas de critical breach, la loi impose :

Une notification formelle au Congrès, un réexamen du programme, en principe annulation, sauf si le Secrétaire à la Défense certifie que :

  • le programme est essentiel à la sécurité nationale,
  • il n’y a pas d’alternative crédible moins coûteuse,
  • les nouvelles estimations de coût sont réalistes,
  • la gouvernance du programme a été corrigée.

En pratique les programmes ne sont pas toujours annulés, mais obligatoirement “réparés”, amputés, re-profilés ou re-scopés.

Ce que fait le GAO avec TR-3 / Block 4

Les rapports récents du GAO sur le F-35 sont très clairs sur l'évolution du programme rappelé au début de ce post.

C’est important parce que, tant que Block 4 était “juste une évolution” du F-35, ses dérapages étaient noyés dans la masse du programme principal.
En le transformant en major sub-program, il devient visible comptablement, soumis à ses propres seuils Nunn–McCurdy, donc sanctionnable en cas de nouveaux dérapages.

La séparation de Block 4 n’est pas seulement un outil de suivi, c’est un pré-requis pour pouvoir, si nécessaire, réduire ou sabrer le périmètre.

Le GAO note déjà que le nouveau sub-program Block 4 est prévu avec moins de capacités que prévu au départ, un calendrier repoussé, et des coûts encore incertains. 

Un arrêt total de Block 4 est peu probable, pour une raison simple : le F-35 sans modernisation approfondie serait techniquement obsolète bien avant la fin de sa carrière. En revanche, plusieurs éléments rendent très probable une réduction :

  • Surcoûts massifs et répétés déjà constatés, sans nouvelle estimation consolidée avant la fin 2025. 
  • Retards qui s’allongent plus vite que le temps qui passe : chaque année glisse de plus d’un an.
  • Dépendance à d’autres sous-programmes en retard :
  • upgrade moteur F135 (ECU)
  • amélioration du système de gestion thermique (PTMU)

qui, selon les rapports actuels, ne produiront pas d’effets avant 2031–2033. 

Contexte stratégique 
Priorisation croissante de l’Indo-Pacifique, pression budgétaire, volonté politique de couper dans les programmes en dérive.

Le Block 4 ne sera pas annulé, mais amputé avec certaines capacités repoussées dans un Block 4.x ultérieur, d’autres purement abandonnées, et un déploiement limité à une partie de la flotte seulement, avec un étalement sur plus d’une décennie.

C’est exactement ce que le GAO laisse entendre en parlant de “reduced-scope Block 4” et de capacités repoussées après la modernisation moteur. 

Comment fonctionne vraiment le FMS (Foreign Military Sales)

Le FMS, c’est un mécanisme où le client étranger ne signe pas avec Lockheed Martin, mais avec le gouvernement américain (via une LOA : Letter of Offer and Acceptance).

Quelques points clés : 

Le cadre est avant tout politique et intergouvernemental, pas commercial au sens classique. Les LOA incluent toujours des formulations du type “delivery subject to U.S. Government availability, budget, priorities…”

Il n’y a pas, en pratique, de mécanisme standard de recours judiciaire international type arbitrage commercial :

  • pas de clause CIP/ICC standard,
  • pas de tribunal arbitral privé prévu d’office,
  • les litiges ou déceptions se règlent par la diplomatie, pas par des procès classiques (sauf cas très particuliers, étudiés au cas par cas par des juristes et rarement favorables au client étranger).

En résumé le client FMS n’achète pas seulement un avion, il achète un accès dépendant à un système d’armes dont l’évolution dépend intégralement :

  • du Congrès américain,
  • des priorités stratégiques US,
  • et de la santé budgétaire du programme.

Conséquences pour les clients FMS du F-35 (y compris Japon, Israël, etc.)

Tous les clients FMS sont dans le même schéma de base: les États-Unis sont maître d’œuvre politique, budgétaire et technologique et le client est dépendant pour les upgrades majeurs (TR-3, Block 4, moteur modernisé)

Cela concerne les pays OTAN : Finlande, Danemark, Norvège, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Italie, Pologne, etc.

Les pays hors OTAN : Suisse (FMS + accords spécifiques), les alliés majeurs hors OTAN : Japon, Corée du Sud, Israël, Australie, etc.

Sur le plan technique si le Block 4 est réduit / étalé on aura un décalage prolongé entre standard promis et standard effectivement délivré ; la coexistence probable, sur le long terme, de plusieurs “classes” de F-35 :

  • avions restés au standard TR-2 / Block 3F,
  • avions partiellement TR-3 avec un Block 4 incomplet,
  • quelques flottes priorisées (US, Pacifique) recevant des capacités plus tôt.

Les rapports récents du GAO et des think tanks américains évoquent déjà un Block 4 fragmenté, des capacités repoussées à l’après-2030, un coût final encore inconnu.

Sur le plan politique et juridique un pays FMS (Finlande, Suisse, Japon, Israël…) ne peut pas exiger juridiquement la livraison d’un Block 4 “tel que présenté dans les brochures 2018”. Il peut se plaindre, demander des compensations (formation, soutien, priorisation de livraisons), mais pas imposer la conformité stricte d’un standard qui lui-même a été redéfini par le Congrès et le Pentagone en cours de route.

Si les États-Unis décident que certaines fonctions Block 4 sont trop chères et ne seront jamais finalisées, les clients FMS devront vivre avec.

C’est valable pour le Japon pourtant partenaire stratégique clef en Indo-Pacifique, Israël qui a un statut très particulier (aménagements locaux, “F-35I”), mais qui reste dépendant de la base logicielle et matérielle fournie par les États-Unis, tous les clients européens, pour lesquels le F-35 est acheté précisément sur la promesse de ces améliorations Block 4 (nouveaux capteurs, guerre électronique renforcée, nouvelles armes, etc.).

Ce que ça change vraiment pour les clients FMS

La séparation TR-3/Block 4 en sous-programme majeur rend possible une réduction formelle du périmètre de Block 4, sans remettre en cause l’existence du F-35 lui-même.

La loi Nunn–McCurdy et la pression du GAO poussent le Pentagone à justifier à nouveau des surcoûts massifs ou à couper dans les capacités pour tenir un budget politiquement acceptable.

Les clients FMS du F-35 (Europe, Japon, Israël, Corée, Australie, etc.) se retrouvent mécaniquement exposés à des retards supplémentaires, des standards inégaux, des capacités partielles par rapport aux promesses initiales, sans véritable recours juridique, juste des marges de négociation politique.

En résumé, la question n’est plus :

Le F-35 aura-t-il Block 4 comme prévu ? mais plutôt : Quelle version réduite, étalée et différenciée de Block 4 chaque client recevra-t-il au final, et à quel horizon ?

C’est un point que les parlements et opinions publiques des pays acheteurs n’ont, pour l’instant, pas vraiment mesuré.

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