Aller au contenu
Fini la pub... bienvenue à la cagnotte ! ×
AIR-DEFENSE.NET

loki

Members
  • Compteur de contenus

    10 643
  • Inscription

  • Dernière visite

  • Jours gagnés

    8

Tout ce qui a été posté par loki

  1. C'est pour obtenir que les camions d'aides soient aussi envoyés à gaza nord . Il semble aussi y avoir un désaccord sur l'identité des prisonniers palestiniens qui doivent être libérés
  2. Il y a beaucoup à faire pour avoir un espoir de paix : - éliminer ou affaiblir le Hamas (il n'est en fait pas éliminable et il sera remplacé) - reconstruire une autorité palestinienne crédible vis à vis de son propre peuple - éliminer les colonies et les parties d'extrême droite en Israél (ou les affaiblir suffisamment, même raisonnement que pour le Hamas, ils seront hélas remplacés par des similaires) Et j'en oublie certainement Rien que de le lister partiellement indique à quel point un espoir de paix est maigre pour les années à venir. Seuls les USA peuvent obliger Israél à négocier et à condition d'avoir un président décidé comme ils ne l'ont jamais eu (je doute que ça soit Biden et évidemment pas Trump non plus). A plus long terme, je pense que c'est la communauté internationale qui aura à montrer ses muscles (embargos multiples etc.....) un peu comme face à l'Afrique du Sud en son temps Sinon on ira vers du très violent (je n'exclue même plus un génocide au stade où nous en sommes)
  3. Oui il faut être prudent mais le chiffre des blessés est cohérent avec celui des tués qui lui est officiel. Ensuite il faudra attendre les retex
  4. le coût militaire de la guerre : Israél a perdu presque 400 soldats tués depuis le 7 octobre et 1600 blessés : https://bnn.network/breaking-news/health/war-in-gaza-leaves-1600-israeli-soldiers-physically-disabled-a-call-for-rehabilitation/ https://www.aa.com.tr/en/middle-east/1-600-israeli-soldiers-left-disabled-by-gaza-conflict/3062935 Il y aurait 322 soldats tués le 7 octobre et 70 depuis le début des opérations à Gaza mais pas de ventilation des pertes en blessés
  5. Qui est combattant ? La réponse à cette question est déterminée par le droit de la guerre : https://www.cairn.info/revue-inflexions-2007-1-page-151.htm#:~:text=Les mercenaires%2C eux%2C même s,ils pourront être poursuivis pénalement.
  6. A quel moment as tu il donné cette autorisation ?
  7. Avant la trêve/pause dans les combats (il semble y avoir une double traduction) : Les pertes militaires israéliennes sont de 392 tués dont 70 dans les opérations dans la bande de Gaza : https://www.timesofisrael.com/authorities-name-44-soldiers-30-police-officers-killed-in-hamas-attack/ Les libérations d'otages devraient commencer vendredi : https://www.timesofisrael.com/liveblog-november-22-2023/?utm_source=article_hpsidebar&utm_medium=desktop_site&utm_campaign=authorities-name-44-soldiers-30-police-officers-killed-in-hamas-attack
  8. @Alexis Mais déjà à la fin des accords d’Oslo, il n’y a pas eu décolonisation mais doublement de la colonisation sous le gouvernement socialiste et ensuite sous le premier gouvernement Nétanyahou. Ce sont l’occupation, la colonisation, qui ont amené l’échec des processus. Il n’existe pas d’occupation, de colonisation pacifique et démocratique. « Rappelons que le processus d'Oslo a été enterré par la campagne d'attentats-suicide appelée "Seconde Intifada" (> 700 civils israéliens tués). Sans cette campagne djihadiste, l'accord de paix proposé par Israël à la fin des années 1990 - dont il est compréhensible que les Palestiniens l'aient trouvé insuffisant - aurait pu être amélioré par la poursuite des négociations, par des mouvements non-violents, des pressions internationales, etc. C'est cette campagne qui a décidé Israël à construire des murs de protection en Cisjordanie, à se retirer de Gaza et à y mettre aussi des barrières de protection, à investir dans la sécurité antimissile, bref à ne plus considérer le problème palestinien que comme un problème de sécurisation de leur territoire. Laurens était déjà né à l'époque, de plus il est historien... je suis surpris qu'il puisse l'oublier » Laurens n’a rien oublié mais il met le doigt sur ce qui a été la cause du blocage : la colonisation est à la fois une cause de l’échec (en rendant tout compromis impossible pour les gvt israéliens à venir) et surtout la preuve que l’accord d’Oslo n’éa pas été respecté par Israél. Le processus d’Oslo a été enterré par de nombreuses personnes, en particulier Netyanahu et Sharon qui ont ouvertement saboté les accords de paix parce qu’ils y étaient opposés depuis longtemps pour des motifs idéologiques mais aussi par Barak. Le nombre de colons entre les accords d’Oslo et le début de la seconde intifada a augmenté de 280000 à 390000 (dont 70% en cisjordanie) : https://fr.wikipedia.org/wiki/Colonies_israéliennes Le fait de continuer à coloniser des territoires qui devaient être rendus aux palestiniens (les accords d’Oslo sont basés sur les résolutions 242 (https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9solution_242_du_Conseil_de_s%C3%A9curit%C3%A9_des_Nations_unies) et 338 (https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9solution_338_du_Conseil_de_s%C3%A9curit%C3%A9_des_Nations_unies ) du CdS de l’ONU ) prouve que bien avant la deuxième intifada, les gouvernements israéliens avaient déjà l’intention de saboter les accords de paix signés C’est par ailleurs Ehud Barak qui a refusé de se rendre à Stockholm (https://www.lemonde.fr/archives/article/2001/01/30/les-negociations-israelo-palestiniennes-de-taba-s-achevent-sans-reglement-de-paix_4154738_1819218.html) alors que les avancées du sommet de Taba (https://fr.wikipedia.org/wiki/Sommet_de_Taba) permettaient enfin de conclure malgré le déclenchement des violences quelques semaines avant. Si on prend en compte qu’il a encouragé la colonisation pendant son mandat, son refus de restituer la totalité du Golan contre la paix avec la Syrie (car des négociations avec la Syrie ont eu lieu pendant son mandat), son ultimatum lors de camp david, son refus d’endosser le pré-accord de Taba ( voir ci-joint les cartes : https://www.monde-diplomatique.fr/cartes/taba2001 ) et ses déclarations ultérieures sur la nécessité de nouvelles annexions de territoires palestiniens, il n’y a guère de doute qu’il a volontairement saboté les négociations finales parce que le résultat des négociations ne lui convenait pas Enfin les pertes humaines israéliennes étaient particulièrement faibles au début de la seconde intifada, 19 tués en 2020 : https://en.wikipedia.org/wiki/Civilian_casualties_in_the_Second_Intifada c’est l’échec des négociations finales et surtout l’arrivée au pouvoir du likoud (gvt Sharon) qui a radicalisé les violences En conclusion, tu inverses l’ordre des causalités : c’est l’échec des négociations de paix qui a engendré l’intifada et pas l’inverse (ces négociations ont même repris en novembre/décembre 2000) et là-dessus Laurens a tout à fait raison de faire de la colonisation la cause de l’échec (avec la persistance d’une idéologie expansionniste en Israël dans l’ensemble des forces politiques à l’exception de l’extrême gauche) Le sionisme est à l’origine un corps étranger dans la région. « Le projet sioniste est né en Europe. Mais une grande partie des Israéliens juifs vient de la région, ce sont les descendants des juifs épurés ethniquement des pays arabes en 1948. Dire "corps étranger" est pour le moins partiel. » Oui et c’est pour ça qu’il indiqué à l’origine : je pense qu’il dit la même chose que toi de façon plus synthétique La constitution de l’État juif impliquait un « transfert » de la population arabe à l’extérieur, terme poli pour « expulsion ». La confiscation des terres détenues par les Arabes en est le corollaire. Les régions où ont eu lieu les atrocités du 7 octobre étaient peuplées d’Arabes qui ont été expulsés en 1948-1950. « L'expulsion de 700 à 800 000 Arabes de terres qui ont été confisquées par Israël en 1948 est une réalité historique. Il est normal que Laurens la rappelle. L'expulsion de 700 à 800 000 Juifs des pays arabes en 1948, et la confiscation de leurs terres et autres biens, est une autre réalité historique. Je suis surpris que Laurens ne la rappelle pas. D'autant que la majorité de ces juifs se sont réfugié en Israël dont ils sont devenus citoyens. » En fait, il évoque ce point dans le tome 3 de sa série de livres sur la Question de Palestine (pages 261 à 270) Je suis surpris du chiffre que tu cites car les statistiques israéliennes entre 1948 et 1951 indiquent une immigration totale de 688000 personnes dont seulement 320000 en provenance d’Asie (MO) et d’Afrique (Maroc, Egypte etc….) sachant qu’une partie de cette immigration est volontaire et encouragée par Israél (Laurens tome 3 p263 avec par exemple l’opération « Tapis Magique » entre le Yémen et Israél) Le chiffre de 800000 personnes fait référence à une période plus longue (commençant avant la création de l’état d’Israél et se terminant avec la révolution iranienne) et à des motifs divers (notamment la décolonisation) https://fr.wikipedia.org/wiki/Exode_des_Juifs_des_pays_arabes_et_musulmans#:~:text=L'exode des Juifs des,indépendance de nombreux pays arabes. De façon plus précise, Laurens a indiqué dans la phrase que tu cites : " La Palestine fonctionne en jeu à somme nulle, le progrès de l’un se fait au détriment de l’autre. La constitution de l’État juif impliquait un « transfert » de la population arabe à l’extérieur, terme poli pour « expulsion ». La confiscation des terres détenues par les Arabes en est le corollaire. Les régions où ont eu lieu les atrocités du 7 octobre étaient peuplées d’Arabes qui ont été expulsés en 1948-1950." Le sujet n’est pas ici de mettre en parallèle les « transferts » (expulsions) de population mais bien de rappeler que la problématique du conflit tient dans le fait que le projet colonial israélien ne peut se faire (à l’époque et encore maintenant) qu’au détriment des populations palestiniennes qui n’ont pas leur place. Je ne vois pas en quoi ne pas rappeler le fait que des populations juives ont été aussi expulsées d'autres pays arabes (ou non arabes) serait un point essentiel du conflit entre palestiniens (qui n’y sont pour rien) et israéliens (qui eux ont encouragés ces transferts de populations juives voir l'ont organisé) sauf à ramener les palestiniens à un statut d'arabe (ou de musulman) et de nier leur identité nationale. Il le voit bien quand on dit « les Israéliens ont le droit de se défendre », mais apparemment pas quand il s’agit de Palestiniens. « Les Palestiniens, comme tout le monde, ont le droit de se défendre. Ils ont aussi, comme tout le monde, le devoir de ne pas attaquer leurs voisins, et de s'assurer que personne de chez eux n'attaque leurs voisins. Si des Français montaient un raid massif en Belgique, tuaient plus de mille civils avec des raffinements de cruauté, et ramenaient chez eux plus de deux cents otages avec des cris de joie "Dieu est plus grand !" et "Deux vult !", la France devrait en assumer la responsabilité et les conséquences. Si elle s'avérait incapable de forcer la restitution des otages et livrer à la justice belge les responsables, ou pire s'il y avait lieu de soupçonner que le pouvoir français avait trempé dans l'histoire - par exemple, s'il s'en vantait - la Belgique serait fondée à prendre toutes mesures qui lui sembleraient utiles pour libérer ses otages et faire cesser la menace. » Au cas d’espèce et pour avoir une comparaison avec la situation en Palestine, il faudrait dans ton exemple rajouter que la France soit au préalable occupée par la Belgique et que ceux-ci se livrent de surcroit à une politique d’apartheid et/ou de déportation (en attendant pire) des populations françaises afin de faire de la France une colonie de peuplement belge après que la moitié nord de la France fut déjà annexée par la Belgique. Bref je ne suis pas très convaincu par ton exemple : un meilleur exemple à mon sens aurait été de rapprocher la situation de l’Algérie coloniale quand celle-ci était une colonie de peuplement française alors que les indigènes y subissaient le code de l’indigène. Encore faut’ il préciser que la France n’a jamais eu le projet de déporter la totalité de la population algérienne afin de faire de la place à des colons français (même si des atrocités y furent commises) Le meilleur moyen de contrer le Hamas est d’offrir aux Palestiniens une vraie perspective politique et non de bonnes paroles et quelques aides économiques qui sont des emplâtres sur des jambes de bois. « La dernière tentative sérieuse d'offrir cette perspective politique s'est soldée et a été condamnée par une campagne djihadiste d'attentats-suicide de 2000 à 2005 menée par le Hamas et d'autres organisations islamistes du même type. Aucune perspective politique ne peut être offerte aux Palestiniens tant que ce genre d'organisation n'aura pas été mis hors d'état de nuire. Détruire les moyens du Hamas n'est en aucun cas suffisant pour créer une perspective politique de résolution du conflit. Mais c'est un préalable obligé. » Non tu inverses, c’est l’échec du projet politique associé à l’arrivée au pouvoir des extrémistes du Likoud (extrémistes en tant qu’opposés au processus de paix) qui a engendré la campagne djihadiste dont tu fais mention. Expliquer que les Palestiniens doivent d’abord se débarrasser des groupes terroristes (ce qui supposerait une AP bien plus puissante et qui n’aurait pas été émasculée par Israél depuis 20 ans) revient à prendre en otage tout un peuple et à offrir aux groupes israéliens opposés au processus de paix (au pouvoir depuis 20 ans) un magnifique prétexte pour ne rien faire ce qui d'ailleurs leur projet. Imagine si on expliquait aux israéliens que pour avoir la paix avec leurs voisins ils doivent détruire le likoud et les autres partis et mouvements opposés au processus de paix ?
  9. La mine magnétique était déjà employée durant la seconde guerre mondiale mais son emploi était très dangereux
  10. Effectivement comme le rappelle Laurens : "Dès le départ, les Arabes de Palestine ont vu dans le projet sioniste une menace de dépossession et d’expulsion. On ne peut pas dire qu’ils ont eu tort…" Le projet sioniste quand il a été confronté à la réalité (immigration juive trop faible et possession des terres par les palestiniens, la Palestine n'était pas une terre vide) s'est radicalisé en conceptualisant une vaste épuration ethnique au plus tard dès les années 30 (et en le réalisant en 1947 et 1948).
  11. On va plutôt citer ce qu'en pense le meilleur historien français sur la question : https://www.mediapart.fr/journal/international/191123/henry-laurens-est-sur-la-voie-d-un-processus-de-destruction-de-masse-gaza L’historien et universitaire Henry Laurens est l’un des plus grands spécialistes du Moyen-Orient. Professeur au Collège de France où il est titulaire de la chaire d’histoire contemporaine du monde arabe, il a mis la question palestinienne au cœur de son travail. Il est l’auteur de très nombreux livres dont cinq tomes sans équivalent publiés entre 1999 et 2015, consacrés à La question de Palestine (Fayard). Aujourd’hui, nous sommes dans une position de domination, et cette solution peut prendre des siècles parce qu’il y a l’exceptionnalité juive qui crée une exceptionnalité israélienne qui elle-même crée une exceptionnalité palestinienne. C’est-à-dire que sans être péjoratif, les Palestiniens deviennent des juifs bis. Qu’entendez-vous par là ? Nous sommes depuis le 7 octobre devant un grand nombre de victimes. Mais ces dernières années, nous en avons eu bien plus en Irak, en Syrie, au Soudan et en Éthiopie. Cela n’a pas provoqué l’émoi mondial que nous connaissons aujourd’hui. L’émotion a été suscitée parce que les victimes étaient juives, puis elle s’est déplacée sur les victimes palestiniennes. Les deux peuples sont dans un corps à corps que même l’émotion n’arrive pas à séparer. Les années 1990 ont été marquées par les accords d’Oslo en 1993. Relèvent-ils du mirage aujourd’hui ? Non, on pouvait gérer une décolonisation. Mais déjà à la fin des accords d’Oslo, il n’y a pas eu décolonisation mais doublement de la colonisation sous le gouvernement socialiste et ensuite sous le premier gouvernement Nétanyahou. Ce sont l’occupation, la colonisation, qui ont amené l’échec des processus. Il n’existe pas d’occupation, de colonisation pacifique et démocratique. Aujourd’hui, c’est infiniment plus difficile à l’aune de la violence, des passions, des derniers événements, des chocs identitaires, de la haine tout simplement. Qui plus est, depuis une trentaine d’années, vous avez une évolution commune vers une vision religieuse et extrémiste, aussi bien chez les juifs que chez les Palestiniens. Vous voulez dire que le conflit territorial est devenu un conflit religieux ? Il a toujours été religieux. Dès l’origine, le mouvement sioniste ne pouvait fonctionner qu’en utilisant des références religieuses, même si ses patrons étaient laïcs. La blague de l’époque disait que les sionistes ne croyaient pas en Dieu mais croyaient que Dieu leur avait promis la Terre promise. Le projet sioniste, même s’il se présentait comme un mouvement de sauvetage du peuple juif, ne pouvait fonctionner qu’en manipulant les affects. Il était de nature religieuse puisqu’il renvoyait à la Terre sainte. Vous avez une myriade d’endroits qui sont des symboles religieux, mais qui sont aussi des symboles nationaux, aussi bien pour les juifs que pour les musulmans : l’esplanade des Mosquées, le tombeau des Patriarches, le mur des Lamentations. Et puis il y a les gens qui se sentent mandatés par Dieu. De même, les musulmans ont cherché des alliés en jouant sur la solidarité islamique. Dès les années 1930, la défense de la mosquée Al-Aqsa est devenue un thème fédérateur. Pourquoi est-il devenu difficile d’invoquer une lecture coloniale du conflit depuis les massacres du Hamas du 7 octobre ? Le sionisme est à l’origine un corps étranger dans la région. Pour arriver à ses fins, il a eu besoin d’un soutien européen avant 1914, puis britannique et finalement américain. Israël s’est posé comme citadelle de l’Occident dans la région et conserve le discours colonial de la supériorité civilisatrice et démocratique. Cet anachronisme est douloureusement ressenti par les autres parties prenantes. Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, les responsables sionistes n’hésitaient pas à se comparer à la colonisation britannique en Afrique noire avec la nécessité de mater les protestations indigènes. La Palestine fonctionne en jeu à somme nulle, le progrès de l’un se fait au détriment de l’autre. La constitution de l’État juif impliquait un « transfert » de la population arabe à l’extérieur, terme poli pour « expulsion ». La confiscation des terres détenues par les Arabes en est le corollaire. Les régions où ont eu lieu les atrocités du 7 octobre étaient peuplées d’Arabes qui ont été expulsés en 1948-1950. Dire cela, c’est se faire accuser de trouver des excuses au terrorisme. Dès que vous essayez de donner des éléments de compréhension, vous vous confrontez à l’accusation : « Comprendre, c’est excuser. » Il faut bien admettre que le Hamas dans la bande de Gaza recrute majoritairement chez les descendants des expulsés. Cela ne veut pas dire approuver ce qui s’est passé. Le slogan « From the river to the sea, Palestine will be free » (« De la rivière à la mer, la Palestine sera libre ») utilisé par les soutiens de la Palestine fait polémique. Est-ce vouloir rayer de la carte Israël ou une revendication légitime d’un État palestinien ? Il a été utilisé par les deux parties et dans le même sens. Les mouvements sionistes, en particulier la droite sioniste, ont toujours dit que cette terre devait être juive et israélienne au moins jusqu’au fleuve. Le parti de l’ancêtre du Likoud voulait même annexer l’ensemble de la Jordanie. Chez certains Palestiniens, on a une vision soft qui consiste à dire que « si nous réclamons un État palestinien réunissant la bande de Gaza et la Cisjordanie, nous considérons l’ensemble de la terre comme la Palestine historique, comme partie de notre histoire, mais nous ne la revendiquons pas dans sa totalité ». Israël depuis sa fondation n’a pas de frontières définies internationalement. Il a toujours revendiqué la totalité de la Palestine mandataire, voire plus. Il a ainsi rejeté l’avis de la Cour internationale de justice qui faisait des lignes d’armistice de 1949 ses frontières permanentes. Cette indétermination se retrouve de l’autre côté. La libération de la Palestine renvoie à la totalité du territoire. D’autres exigeaient la carte du plan de partage de 1947. Pour l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), faire l’État palestinien sur les territoires occupés en 1968 était la concession ultime. Les Arabes en général ont reçu sans grand problème les réfugiés arméniens durant la Grande Guerre et les années suivantes. Ces Arméniens ont pu conserver l’essentiel de leur culture. Mais il n’y avait pas de question politique. Il n’était pas question de créer un État arménien au Levant. Dès le départ, les Arabes de Palestine ont vu dans le projet sioniste une menace de dépossession et d’expulsion. On ne peut pas dire qu’ils ont eu tort… Le mouvement islamiste palestinien, le Hamas, classé terroriste par l’Union européenne et les États-Unis, est aujourd’hui le principal acteur de la guerre avec Israël… Définir l’ennemi comme terroriste, c’est le placer hors la loi. Bien des épisodes de décolonisation ont vu des « terroristes » devenir du jour au lendemain des interlocuteurs valables. Bien sûr, il existe des actes terroristes et les atrocités du 7 octobre le sont. Mais c’est plus une méthodologie qu’une idéologie. C’est une forme de guerre qui s’en prend aux civils selon les définitions les plus courantes. Jamais un terroriste ne s’est défini comme tel. Il se voit comme un combattant légitime et généralement son but est d’être considéré comme tel. Avec l’État islamique et le 7 octobre, on se trouve clairement devant un usage volontaire de la cruauté. La rhétorique habituelle est de dire que l’on fait la guerre à un régime politique et non à un peuple. Mais si on n’offre pas une perspective politique à ce peuple, il a le sentiment que c’est lui que l’on a mis hors la loi. Il le voit bien quand on dit « les Israéliens ont le droit de se défendre », mais apparemment pas quand il s’agit de Palestiniens. D’aucuns expliquent qu’Israël a favorisé l’ascension du Hamas pour qu’un vrai État palestinien indépendant ne voie jamais le jour au détriment de l’autorité palestinienne qui n’administre aujourd’hui plus que la Cisjordanie. Est-ce que le Hamas est le meilleur ennemi des Palestiniens ? Incontestablement, les Israéliens ont favorisé les Frères musulmans de la bande de Gaza dans les années 1970 et 1980 pour contrer les activités du Fatah. De même, après 2007, ils voulaient faire du Hamas un sous-traitant chargé de la bande de Gaza, comme l’Autorité palestinienne l’est pour la Cisjordanie. Le meilleur moyen de contrer le Hamas est d’offrir aux Palestiniens une vraie perspective politique et non de bonnes paroles et quelques aides économiques qui sont des emplâtres sur des jambes de bois. Quel peut être l’avenir de l’Autorité palestinienne, aujourd’hui déconsidérée ? Et du Fatah, le parti du président Mahmoud Abbas, pressé par la base de renouer avec la lutte armée et le Hamas ? Le seul acquis de l’Autorité palestinienne, ou plus précisément de l’OLP, c’est sa légitimité diplomatique. Sur le terrain, elle est perçue comme un sous-traitant de l’occupation israélienne incapable de contrer un régime d’occupation de plus en plus dur. Elle est dans l’incapacité de protéger ses administrés. Le risque majeur pour elle est tout simplement de s’effondrer. Le Hamas appelle les Palestiniens de Cisjordanie à se soulever. Un soulèvement généralisé des Palestiniens peut-il advenir ? En Cisjordanie, on a surtout de petits groupes de jeunes armés totalement désorganisés. Mais la violence et la répression sont devenues quotidiennes et les violences permanentes. À l’extérieur, l’Occident apparaît complice de l’occupation et de la répression israéliennes. L’Iran, la Chine et la Russie en profitent. Le premier tome de votre monumentale « Question de Palestine » s’ouvre sur 1799, lorsque l’armée de Napoléon Bonaparte entre en Palestine, il court jusqu’en 1922. Avec cette accroche : l’invention de la Terre sainte. En quoi cette année est-elle fondatrice ? En 1799, l’armée de Bonaparte parcourt le littoral palestinien jusqu’à Tyr. En Europe, certains y voient la possibilité de créer un État juif en Palestine. Mais l’ouverture de la Terre sainte aux Occidentaux est aussi l’occasion d’une lutte d’influences entre puissances chrétiennes. Dans le tome 4, « Le rameau d’olivier et le fusil du combattant » (1967-1982), vous revenez sur ce qui a été un conflit israélo-arabe, puis un conflit israélo-palestinien. Est-ce que cela peut le redevenir ? Jusqu’en 1948, c’est un conflit israélo-palestinien avant tout. En 1948, cela devient un conflit israélo-arabe avec une dimension palestinienne. À partir de la fin des années 1970, la dimension palestinienne redevient essentielle. Ben Gourion disait que la victoire du sionisme était d’avoir transformé la question juive en problème arabe. Les derniers événements semblent montrer que le problème arabe est en train de redevenir une question juive. Le rôle des États-Unis a toujours été déterminant dans ce conflit. Que nous dit leur position aujourd’hui ? La question de Palestine est en même temps une question intérieure pour les pays occidentaux du fait de l’histoire de la Shoah et de la colonisation. Il s’y ajoute aux États-Unis une dimension religieuse du fait du biblisme protestant et du « pionniérisme ». Les Palestiniens leur semblent être quelque part entre les Indiens et les Mexicains… La « République impériale » vient encore de montrer son impressionnante capacité de projection militaire dans la région, mais aussi son incapacité à obtenir un règlement politique satisfaisant. Pourquoi ce conflit déclenche-t-il autant de passions et clive-t-il autant dans le monde entier, où comme en France, le président appelle à « ne pas importer le conflit » ? C’est un conflit gorgé d’histoire. La Terre sainte est celle des trois religions monothéistes. Le conflit lui-même porte avec lui la mémoire de la Shoah et de la colonisation, d’où l’extraordinaire position d’exceptionnalité des acteurs. Vous avez écrit cinq tomes sur la question de Palestine. Après l’ultime « La Paix impossible », quel pourrait être le sixième ? Peut-être le retour de la question juive, mais c’est loin d’être une perspective encourageante.
  12. https://www.mediapart.fr/journal/culture-et-idees/211123/l-operation-du-7-octobre-ne-vise-pas-seulement-tuer-mais-filmer-les-tueries-et-les-atrocites TalTal Bruttmann est historien, spécialiste d’Auschwitz, de l’Holocauste et de la politique de Vichy à l’égard des populations juives. Il est membre de la Fondation pour la mémoire de la Shoah et auteur de nombreux ouvrages, parmi lesquels La Logique des bourreaux (Hachette, 2003), Au bureau des affaires juives : l’administration française et l’application de la législation antisémite (La Découverte, 2006) ou Auschwitz (La Découverte, collection Repères, 2015). Entretien. Mediapart : Vous avez récemment publié « Un album d’Auschwitz. Comment les nazis ont photographié leurs crimes » (Le Seuil, 2023). Les tueurs du Hamas ont filmé leurs actes. Les autorités israéliennes diffusent auprès des médias et politiques occidentaux un montage de certains de ces films. A-t-on changé de régime d’images par rapport à une époque où des cinéastes tels Rithy Panh ou Claude Lanzmann inscrivaient leur travail documentaire face à « l’image manquante » des éliminations commises par les nazis ou les Khmers rouges ? Tal Bruttmann : Je ne suis pas philosophe, mais historien, et je ne reprendrai pas cette notion d’« image manquante ». D’autant que l’idée que l’image manque est fausse pour l’Holocauste. On dispose de nombreuses photos de fusillades de juifs en Europe orientale, et ces exécutions documentent la Shoah. Mais il y a effectivement des évolutions du régime d’images. La Seconde Guerre mondiale, si on la compare à la Première Guerre ou aux débuts de la colonisation durant lesquels les outils photographiques et cinématographiques demeurent rudimentaires, est marquée par une profusion d’images de violences et d’atrocités, notamment en Chine et en Corée, mais aussi en Europe. La spécificité de ces images est toutefois, hormis quelques cas particuliers, qu’elles ne sont pas prises en vue d’être diffusées largement et publiquement. Elles sont à usage interne, comme ces photos de corps de personnes abattues en France par les Allemands et les collabos qui relèvent d’une forme d’identification judiciaire ou policière mais ne sont pas destinées au grand public. Les nazis ont également produit de très nombreuses photos administratives, qui constituent des images des violences commises, mais dont le côté sordide est occulté et qui ne sont pas faites pour être vues de manière large. Les photos du ghetto de Varsovie après sa prise par les nazis sont prises comme des souvenirs d’un moment considéré comme héroïque. Cela n’a rien à voir avec la démarche de Mohammed Merah avec sa GoPro, de Daech ou du Hamas le 7 octobre, où l’idée est de montrer le plus largement possible la violence qu’on exerce sur ceux qu’on considère comme des ennemis. Il s’agit bien de rendre la terreur le plus visible possible, alors que, dans les années 1930, Staline fait tourner les moteurs des camions pour masquer les bruits des exécutions des « traîtres » à la Loubianka. L’opération du 7 octobre ne vise pas seulement à tuer, mais à filmer les tueries et les atrocités, à produire des images pour augmenter la terreur. L’idée que l’image pouvait fonctionner comme rempart face au déni ou au négationnisme est-elle périmée ? La grande idée, en 1945, est celle-ci. Les images de la libération des camps ou celles des fusillades prises par les nazis eux-mêmes visent à montrer au monde entier ce que les nazis ont commis et, ainsi, à justifier la nécessité de les vaincre et de les juger. Ce paradigme a longtemps dominé au point d’être utilisé par les négationnistes : on n’a pas d’images des chambres à gaz, donc elles n’auraient pas existé ; on n’a pas d’images d’un avion détruisant le Pentagone, donc aucun n’est tombé dessus… Mais les dénis et mensonges s’accommodent tout à fait de l’existence d’images. Celles des avions percutant le World Trade Center n’ont pas empêché d’y voir un complot de la CIA ou du Mossad. Par ailleurs, en histoire, on n’a pas besoin d’images pour établir les faits. Le déni ou le négationnisme se jouent sur tous les plans. Si vous montrez les images des atrocités commises par le Hamas mais que vous les refusez pour des raisons idéologiques, vous allez affirmer qu’elles ont en réalité été produites par Israël ou par une intelligence artificielle, et certaines personnes peuvent naïvement adhérer à ces négations. Il faut sans doute aller même au-delà dans l’interprétation du geste de négation des violences documentées. Dans le cas du négationnisme d’un Robert Faurisson, par exemple, il s’agit de redoubler la violence et l’humiliation en infligeant aux survivants ou aux proches un discours affirmant que la réalité atroce qu’ils ont vécue dans leur chair n’a pas existé. Que produit sur l’historien de la Shoah que vous êtes l’emploi de plus en plus fréquent du mot « génocide » pour désigner ce qui se passe à Gaza ? La question est celle de l’effet recherché par l’emploi d’un tel terme. L’idée générale est d’en faire le plus grave des crimes, l’alpha et l’oméga de la nécessité de se dresser contre un événement meurtrier. Mais la notion est juridiquement et politiquement complexe. Si l’on se réfère à la définition du génocide, les Khmers rouges n’en ont pas commis un avec l’assassinat de près de trois millions de Khmers quand ils visaient à se débarrasser du « nouveau peuple » corrompu par la modernité au profit de « l’ancien peuple ». Mais l’assassinat de plusieurs dizaines de milliers de Vietnamiens et de Chams par ces mêmes Khmers rouges constitue des génocides. Le massacre de Nankin commis en Chine par les Japonais en 1937, qui est un des plus meurtriers de l’histoire, n’est pas considéré comme un génocide. En 1994, les États-Unis ont refusé de qualifier le génocide des Tutsis du Rwanda comme tel parce que cela les aurait obligés à intervenir… En tant qu’historien, dire « génocide » me paraît à la fois inutile et inapte à décrire ce que nous avons sous les yeux. Chaque génocide, même si on se réfère à ceux qui sont reconnus comme tels, est singulier. Dans le cas du génocide des Arméniens, contrairement à ce qui s’est produit pour les juifs, des femmes sont enlevées et réduites en esclavage, et des enfants sont capturés puis élevés par des familles kurdes. La qualification de génocide est quasi impossible à chaud, elle relève du travail à froid des juristes, mais certaines nuances sont aujourd’hui inaudibles dans le débat hystérisé que nous connaissons. Si je dis que tuer des civils dans des bombardements peut ne pas relever d’une intentionnalité génocidaire mais de la volonté de détruire des infrastructures, comme cela a pu être le cas lors des bombardements alliés à la fin de la Seconde Guerre mondiale, ou qu’une volonté de supprimer la population palestinienne de Gaza ne se serait peut-être pas embarrassée d’ordres donnés à la population civile de se rendre dans le sud de l’enclave, je vais passer pour un colon d’extrême droite. Quoi qu’il en soit, l’usage militant du terme « génocide » pour discréditer les actes de l’adversaire n’est pas neuf. Nétanyahou lui-même avait traité Yitzhak Rabin de nazi… Quant au Hamas, c’est un mouvement islamiste ultranationaliste qui plonge certaines de ses racines dans l’antisémitisme européen, mais ce ne sont pas des nazis. Dani Dayan, le président de Yad Vashem, le mémorial israélien de la Shoah situé à Jérusalem, a sermonné l’ambassadeur d’Israël à l’ONU pour avoir accroché une étoile jaune sur sa poitrine. Cela montre-t-il une opposition entre une part d’Israël qui instrumentaliserait la mémoire de la Shoah pour justifier des crimes et une autre qui s’y refuse ? Il faut saluer la réaction de Dani Dayan, d’autant qu’il est issu des rangs du Likoud, c’est-à-dire de la droite israélienne. Mais pourquoi s’indigner qu’Israël fasse usage de cette mémoire de la Shoah ? La Shoah fait partie de l’ADN du pays. C’est une plaie qui ne se refermera jamais. Bien sûr, des crimes de guerre ne peuvent être exonérés au nom de la Shoah, mais le fait qu’Israël possède une mémoire à vif de la Shoah est logique et ancien. En 1981, quand Israël a bombardé le réacteur nucléaire Osirak, vendu à l’Irak par la France, le premier ministre d’alors, Menahem Begin, a justifié l’opération en disant : « Il n’y aura plus jamais de Shoah. » Le fait de parler d’un « usage mémoriel » ou d’une « instrumentalisation » de la mémoire est une question de positionnement politique et idéologique. Pour les royalistes, la commémoration de la Révolution française par la République est une « instrumentalisation ». Je trouve, comme le président de Yad Vashem, que le geste de l’ambassadeur d’Israël à l’ONU est déplorable et choquant. Mais pourquoi est-ce qu’alors personne ne relève ni ne déplore que Jean-Luc Mélenchon et plusieurs députés de La France insoumise portent à la boutonnière un pin’s en forme de triangle rouge, symbole des déportés politiques ? Parce que La France insoumise ne possède pas une armée puissante en train de bombarder Gaza ? Évidemment. Mais Jean-Luc Mélenchon a été candidat à la présidence et pourrait un jour disposer d’une armée puissante. La condamnation des usages mémoriels liés à l’histoire nazie vaut pour tout le monde, et les mêmes exigences s’imposent à tous et pas seulement à Israël. Diriez-vous, comme l’historien Enzo Traverso dans nos colonnes, que ce qui se passe aujourd’hui à Gaza « brouille la mémoire de l’Holocauste » ? Pas du tout. Qu’Israël fasse un lien entre la Shoah et ce qui s’est passé le 7 octobre est logique quand on connaît ne serait-ce qu’un peu cette société. Le rêve d’un territoire où les juifs n’auraient pas à craindre l’antisémitisme a volé en éclats. Et ceux qui refusent d’inscrire le 7 octobre dans la trajectoire de l’antisémitisme et de l’antijudaïsme pour en faire uniquement un rouage de l’affrontement entre Israël et la Palestine évacuent purement et simplement les articles 22 et 32 de la charte du Hamas qui rendent les juifs responsables du communisme, de la Révolution française, de la Première Guerre mondiale… Le point 32 de cette charte fait explicitement référence au Protocole des Sages de Sion. On ne peut donc pas faire comme si l’antisémitisme européen n’avait pas imprégné une partie du monde arabe et musulman et voir dans la guerre actuelle le seul affrontement de deux nationalismes antagonistes. Je ne vois pas non plus pourquoi Enzo Traverso qualifie Israël d’État « le plus ethnocentrique et territorial que l’on puisse imaginer ». Je n’ai aucune appétence pour le gouvernement Nétanyahou, mais cela me semble politiquement et factuellement faux. Que dire alors de la Russie de Poutine, de l’Inde de Modi, de la Hongrie de Orbán ? Le gouvernement israélien actuel est ultranationaliste, mais il est loin d’être isolé sur la planète. Et parler d’État ethnocentrique pour Israël me paraît factuellement inexact dans la mesure où sa population est composée de juifs du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord, d’Éthiopie ou encore de Druzes… Auschwitz a occupé une place centrale dans la constitution de l’antiracisme après la Seconde Guerre mondiale. Ce rôle est-il en train de s’effriter, voire s’est-il déjà désagrégé ? Cela fait un moment qu’il a vacillé. L’antiracisme est historiquement lié à la lutte contre l’antisémitisme depuis l’affaire Dreyfus. La première organisation antiraciste française naît à la fin des années 1920 et s’intitule Ligue internationale contre l’antisémitisme (Lica). À la fin des années 1970, elle devient Licra avec l’ajout du « R » de « racisme ». Mais certains militants antiracistes, notamment communistes, ont très rapidement omis de leur champ l’antisémitisme, tandis que Staline menait des politiques ouvertement antisémites, comme le prétendu complot des blouses blanches, ou lors du procès de Prague, dont la quasi-totalité des accusés étaient juifs. Dans certaines manifestations, notamment aux États-Unis, la lutte contre le racisme a évacué l’antisémitisme, parce que les juifs étaient identifiés aux Blancs et aux dominants. L’idée que l’antisémitisme c’était seulement l’extrême droite a permis d’invisibiliser l’antisémitisme à gauche. Le racisme colonial n’était ni de droite ni de gauche. Et c’est pareil pour l’antisémitisme. Il est structurant pour l’extrême droite, mais il se porte bien dans toute une partie de la gauche et de l’extrême gauche. Peut-on juger que les réactions des différents pays occidentaux par rapport à ce qui se passe en ce moment à Gaza sont alignées sur les responsabilités historiques des pays dans la Shoah ? C’est évident pour l’Allemagne, dont le chancelier est le premier à s’être rendu à Tel-Aviv après le 7 octobre. Le Royaume-Uni a une autre histoire. Quand le prince Harry se déguise en nazi, cela ne l’exonère pas, mais l’histoire n’est pas la même qu’en France parce que l’Angleterre, contrairement à la France, s’enorgueillit de n’avoir pas collaboré et d’avoir battu les nazis. Le rapport du Royaume-Uni à ce qui se passe au Proche-Orient est encore compliqué parce que c’est ce pays qui était en charge de la Palestine mandataire. La société et les institutions britanniques ne sont pas comparables à la situation française et allemande. En Grande-Bretagne, il existe une expression identitaire et communautaire musulmane qui explique largement les manifestations massives qu’on voit à Londres par rapport à Berlin ou Paris. Les États-Unis sont, quant à eux, encore marqués par une lourde culpabilité de n’avoir pas accueilli les juifs qui fuyaient l’extermination nazie. La France est un cas particulier. Elle a collaboré avec les nazis, mais c’est aussi le premier pays à avoir accordé la citoyenneté aux juifs. Elle a soutenu la création d’Israël mais a mené une politique pro-arabe dans la région. Toutes ces histoires créent des rapports hétérogènes aux événements qui se déroulent en ce moment au Proche-Orient. Le président de la République, dans une Lettre aux Français, a déploré « l’insupportable résurgence d’un antisémitisme débridé » : est-ce que ce sont les bons termes ? Oui, même si les sondages montrent que la grande majorité de la population française réprouve l’antisémitisme et que celui-ci est loin d’être généralisé. Mais il est indéniable que les antisémites sont aujourd’hui ragaillardis, notamment à l’extrême droite et parmi les populations d’origine arabe ou musulmane, où le conflit israélo-palestinien pèse. Nous sommes dans un moment antisémite, comme nous en avons connu d’autres dans l’histoire. Mais celui-ci est inédit, parce qu’il a rarement été aussi palpable dans l’atmosphère. Mille cinq cents actes antisémites en quelques semaines, c’est énorme. Il faut comprendre que la peur se diffuse, parce que nous sommes face à un phénomène dynamique au sens physique du terme. Au moment de l’attentat de Mohammed Merah ou même de l’Hyper Cacher, on n’a pas vu cette peur du quotidien se répandre dans la communauté juive comme elle se répand aujourd’hui, parce que les agressions semblent pouvoir venir de partout, et pas seulement d’actes terroristes.
  13. Sur ce que j'ai lu, il s'agirait de problèmes de coordination entre l'infanterie et les chars notamment quand les fantassins investissent des immeubles https://www.middleeastmonitor.com/20231121-israel-soldiers-killed-by-friendly-fire-in-gaza/
  14. Ca reviendrait à renoncer définitivement à tout état palestinien : ça ramène ces malheureux à leur religion comme seule identité (sachant qu'à l'origine les palestiniens ne sont pas seulement musulmans)
  15. https://www.mediapart.fr/journal/international/201123/apres-le-triomphe-de-javier-milei-buenos-aires-vive-la-liberte-au-boulot-les-faineants Morceaux choisis : "Ainsi s’est-il déclaré favorable à la vente d’organes et n’est-il pas opposé à l’instauration d’un « marché libre » de vente d’enfants. Il défend le port d’arme et estime qu’une entreprise peut « polluer autant qu’elle le souhaite », du moment qu’elle génère du profit. En matière de politique internationale, Milei avait également annoncé durant sa campagne vouloir couper les relations diplomatiques avec la Chine et le Brésil – les deux principaux partenaires commerciaux de l’Argentine." Ca promet ...........
  16. Il me semble me souvenir qu'ils sont aussi crédités de missiles terre-mer. Ça va devenir chaud de naviguer dans la mer rouge
  17. C'est un mil-mi 8 l'hélicoptère ? Les houtis ont des hélicoptères et des pilotes ?
  18. Je doute aussi qu'elle pense à un certain pays situé entre le Liban et l'Egypte : je suis même prêt à parier de l'argent là-dessus Plus sérieusement et comme la géographie sert à faire la guerre (et la diplomatie), c'est à l'Egypte qu'elle pense car Gaza n'a que deux pays voisins et je doute que le deuxième souhaite participer, note que l'Egypte non plus. La mémoire de la Nakba est manifestement vivace chez les responsables israéliens malgré les demandes de Netyanahu à ses ministres de faire attention à leur communication ........
  19. Bon sinon, ça ne s'améliore pas vraiment : Une ministre israélienne propose d’encourager la « réinstallation volontaire » des Gazaouis dans des pays d’accueil : https://www.leparisien.fr/international/israel/une-ministre-israelienne-propose-dencourager-la-reinstallation-volontaire-des-gazaouis-dans-des-pays-daccueil-19-11-2023-K2ORFZ7R25CPVCGOZLYLQNFO7Q.php Là aussi, ça ne s'améliore pas : Guerre Israël-Hamas : les Houthis affirment avoir capturé le cargo d’un homme d’affaires israélien https://www.leparisien.fr/international/israel/guerre-israel-hamas-les-houthis-affirment-avoir-capture-le-cargo-dun-homme-daffaires-israelien-20-11-2023-FZ5UFX5ZBVGWJDGXGW6RP4LCO4.php
  20. Israél n'a pas vraiment les moyens de frapper l'Iran sans subir elle même des représailles sur son économie sauf nucléaire bien sur mais c'est une option suicidaire pour une puissance nucléaire moyenne (risque de retour nucléaire d'une autre puissance ou inscription au rang des rogues states dans un rang pire que la Corée du Nord ) De plus l'Iran n'est pas une puissance régionale standard, c'est aussi et surtout une puissance nucléaire sur le seuil : frapper l'Iran avec une arme nucléaire, c'est la garantie d'un retour de bâton nucléaire quelques mois (2 ou 3 ans de façon plus réaliste) plus tard. Mais bon, le risque d'une escalade nucléaire est peu élevé : - l'Iran ne cherche pas l'escalade, le Hamas est à sa disposition et pas le contraire (en gros l'Iran instrumentalise la Palestine au profit de sa propre politique étrangère). - Israél (peut être pas les plus idiots mais ils sont écartés du cabinet de guerre pour le moment) ne peut se permettre de frapper avec un nuke un adversaire non nucléaire sauf à se mettre en danger de disparition elle même. J'ajoute un point : l'aviation israélienne peut frapper des cibles "molles" (raffineries, terminaux etc....) en Iran mais pas le programme nucléaire lui même : les sites de Natanz et surtout de Fordow sont au delà de ses moyens
  21. C'est une approche statistique à partir de comparables connus en particulier Falloujah où la nature des combats et de l'adversaire est très similaire et avec en plus l'avantage d'être très bien documentée
  22. Une interview de Henry Laurens, le meilleurs historien français sur la question : https://www.mediapart.fr/journal/international/191123/henry-laurens-est-sur-la-voie-d-un-processus-de-destruction-de-masse-gaza L’historien et universitaire Henry Laurens est l’un des plus grands spécialistes du Moyen-Orient. Professeur au Collège de France où il est titulaire de la chaire d’histoire contemporaine du monde arabe, il a mis la question palestinienne au cœur de son travail. Il est l’auteur de très nombreux livres dont cinq tomes sans équivalent publiés entre 1999 et 2015, consacrés à La question de Palestine (Fayard). Dans un entretien à Mediapart, il éclaire de sa connaissance l’exceptionnalité du conflit israélo-palestinien et le « corps à corps que même l’émotion n’arrive pas à séparer » dans lesquels les deux peuples sont pris depuis des décennies. Il dit son pessimisme quant à la résolution du conflit qui peut durer « des siècles » : « Vous ne pouvez espérer de sortie possible que par une décolonisation, mais à horizon immédiat, cette décolonisation n’est pas faisable. Dans les années 1990, elle l’était. Il y avait 30 000 colons. Aujourd’hui, ils sont 500 000 dont quelques dizaines de milliers qui sont des colons ultrareligieux et armés. » Plus d’une vingtaine de rapporteurs de l’organisation des Nations unies (ONU) s’inquiètent d’« un génocide en cours » à Gaza. Est-ce que vous employez ce terme ? Il y a deux sens au terme de « génocide ». Il y a le génocide tel que défini par l’avocat polonais Raphael Lemkin en 1948, la seule définition juridique existante, aujourd’hui intégrée au protocole de Rome créant la CPI [Cour pénale internationale – ndlr]. Lemkin a été obligé, pour que ce soit voté par les Soviétiques et par le bloc de l’Est, d’éliminer les causes politiques du génocide – massacrer des gens dans le but de détruire une classe sociale –, parce qu’il aurait fallu reconnaître le massacre des koulaks par les Soviétiques. La définition de Lemkin implique que ceux qui commettent un génocide appartiennent à un autre peuple que celui des victimes. D’où le problème aussi qu’on a eu avec le Cambodge, qu’on ne pouvait pas appeler un génocide parce que c’étaient des Cambodgiens qui avaient tué des Cambodgiens. Là, on est dans une définition étroite. C’était le prix à payer pour obtenir un accord entre les deux Blocs dans le contexte du début de la guerre froide. Vous avez ensuite une définition plus large du terme, celui d’une destruction massive et intentionnelle de populations quelles qu’en soient les motivations. Il existe donc deux choses distinctes : la première, ce sont les actes, et la seconde, c’est l’intention qui est derrière ces actes. Ainsi le tribunal international pour l’ex-Yougoslavie a posé la différence entre les nettoyages ethniques dont la motivation n’est pas génocidaire parce que l’extermination n’était pas recherchée, même si le nombre de victimes était important, et les actes de génocide comme celui de Srebrenica, où l’intention était claire. On voit ainsi que le nombre de victimes est secondaire. Pour Srebrenica, il est de l’ordre de 8 000 personnes. L’inconvénient de cette logique judiciaire est de conduire à une casuistique de l’intentionnalité, ce qui ne change rien pour les victimes. Au moment où nous parlons, le nombre de victimes dans la bande de Gaza est supérieur à celui de Srebrenica. On a, semble-t-il, dépassé la proportion de 0,5 % de la population totale. Si on compare avec la France, cela donnerait 350 000 morts. Le discours israélien évoque des victimes collatérales et des boucliers humains. Mais de nombreux responsables israéliens tiennent des discours qui peuvent être qualifiés de génocidaires. L’effondrement des conditions sanitaires et l’absence même de ravitaillement à destination des populations concernées peuvent indiquer que l’on est sur la voie d’un processus de destruction de masse avec des controverses à n’en plus finir sur les intentionnalités. La crainte d’une seconde « Nakba » (catastrophe), en référence à l’exil massif et forcé à l’issue de la guerre israélo-arabe de 1948, hante les Palestiniens. Peut-on faire le parallèle avec cette période ? La Nakba peut être considérée comme un nettoyage ethnique, en particulier dans les régions autour de l’actuelle bande de Gaza où l’intentionnalité d’expulsion est certaine. Des responsables israéliens appellent aujourd’hui à une expulsion de masse. C’est d’ailleurs pour cela que l’Égypte et la Jordanie ont fermé leurs frontières. Dans l’affaire actuelle, les démons du passé hantent les acteurs. Les juifs voient dans le 7 octobre une réitération de la Shoah et les Palestiniens dans les événements suivants celle de la Nakba. Faut-il craindre une annexion de la bande de Gaza par Israël avec des militaires mais aussi des colons ? En fait, personne ne connaît la suite des événements. On ne voit personne de volontaire pour prendre la gestion de la bande de Gaza. Certains responsables israéliens parlent de « dénazification » et il y a une dimension de vengeance dans les actes israéliens actuels. Mais les vengeances n’engendrent que des cycles permanents de violence. Quelle est votre analyse des atrocités commises le 7 octobre 2023 par le Hamas ? Elles constituent un changement considérable, parce que la position de l’État d’Israël est profondément modifiée au moins sur deux plans : premièrement, le pays a subi une invasion pour quelques heures de son territoire, ce qui n’est pas arrivé depuis sa création ; deuxièmement, le 7 octobre marque l’échec du projet sioniste tel qu’il a été institué après la Seconde Guerre mondiale, un endroit dans le monde où les juifs seraient en position de sécurité. Aujourd’hui, non seulement l’État d’Israël est en danger, mais il met en danger les diasporas qui, dans le monde occidental, se trouvent menacées ou, en tout cas, éprouvent un sentiment de peur. Le dernier tome de votre série consacrée à « La question de Palestine » (Fayard) était intitulé « La paix impossible » et courait sur la période 1982-2001. Vous étiez déjà très pessimiste quant à la résolution de ce conflit, mais aussi concernant l’avenir de la région, comme si elle était condamnée à demeurer cette poudrière. Est-ce que vous êtes encore plus pessimiste aujourd’hui ? Ou est-ce que le conflit israélo-palestinien vous apparaît soluble, et si oui, quelle issue apercevez-vous ? La réelle solution théorique serait d’arriver à un système de gestion commune et équitable de l’ensemble du territoire. Mais un État unitaire est difficile à concevoir puisque les deux peuples ont maintenant plus d’un siècle d’affrontements. Qu’en est-il de la solution à deux États, dont le principe a été adopté en 1947 par l’ONU, après la fin du mandat britannique ? Est-elle possible ? La solution à deux États n’est plus possible dès lors que vous avez 500 000 colons, dont quelques dizaines de milliers qui sont des colons ultrareligieux et armés. Vous avez une violence quotidienne en Cisjordanie. La sécurité des colons ne peut se fonder que sur l’insécurité des Palestiniens. Et l’insécurité des Palestiniens provoque la violence qui engendre l’insécurité des colons. C’est un cercle vicieux et vous ne pouvez espérer de sortie possible que par une décolonisation, mais à horizon immédiat, cette décolonisation n’est pas faisable. Dans les années 1990, elle l’était. Il y avait 30 000 colons. On pouvait, sans trop de dégâts, faire une décolonisation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. Aujourd’hui, nous sommes dans une position de domination, et cette solution peut prendre des siècles parce qu’il y a l’exceptionnalité juive qui crée une exceptionnalité israélienne qui elle-même crée une exceptionnalité palestinienne. C’est-à-dire que sans être péjoratif, les Palestiniens deviennent des juifs bis. Qu’entendez-vous par là ? Nous sommes depuis le 7 octobre devant un grand nombre de victimes. Mais ces dernières années, nous en avons eu bien plus en Irak, en Syrie, au Soudan et en Éthiopie. Cela n’a pas provoqué l’émoi mondial que nous connaissons aujourd’hui. L’émotion a été suscitée parce que les victimes étaient juives, puis elle s’est déplacée sur les victimes palestiniennes. Les deux peuples sont dans un corps à corps que même l’émotion n’arrive pas à séparer. Les années 1990 ont été marquées par les accords d’Oslo en 1993. Relèvent-ils du mirage aujourd’hui ? Non, on pouvait gérer une décolonisation. Mais déjà à la fin des accords d’Oslo, il n’y a pas eu décolonisation mais doublement de la colonisation sous le gouvernement socialiste et ensuite sous le premier gouvernement Nétanyahou. Ce sont l’occupation, la colonisation, qui ont amené l’échec des processus. Il n’existe pas d’occupation, de colonisation pacifique et démocratique. Aujourd’hui, c’est infiniment plus difficile à l’aune de la violence, des passions, des derniers événements, des chocs identitaires, de la haine tout simplement. Qui plus est, depuis une trentaine d’années, vous avez une évolution commune vers une vision religieuse et extrémiste, aussi bien chez les juifs que chez les Palestiniens. Vous voulez dire que le conflit territorial est devenu un conflit religieux ? Il a toujours été religieux. Dès l’origine, le mouvement sioniste ne pouvait fonctionner qu’en utilisant des références religieuses, même si ses patrons étaient laïcs. La blague de l’époque disait que les sionistes ne croyaient pas en Dieu mais croyaient que Dieu leur avait promis la Terre promise. Le projet sioniste, même s’il se présentait comme un mouvement de sauvetage du peuple juif, ne pouvait fonctionner qu’en manipulant les affects. Il était de nature religieuse puisqu’il renvoyait à la Terre sainte. Vous avez une myriade d’endroits qui sont des symboles religieux, mais qui sont aussi des symboles nationaux, aussi bien pour les juifs que pour les musulmans : l’esplanade des Mosquées, le tombeau des Patriarches, le mur des Lamentations. Et puis il y a les gens qui se sentent mandatés par Dieu. De même, les musulmans ont cherché des alliés en jouant sur la solidarité islamique. Dès les années 1930, la défense de la mosquée Al-Aqsa est devenue un thème fédérateur. Pourquoi est-il devenu difficile d’invoquer une lecture coloniale du conflit depuis les massacres du Hamas du 7 octobre ? Le sionisme est à l’origine un corps étranger dans la région. Pour arriver à ses fins, il a eu besoin d’un soutien européen avant 1914, puis britannique et finalement américain. Israël s’est posé comme citadelle de l’Occident dans la région et conserve le discours colonial de la supériorité civilisatrice et démocratique. Cet anachronisme est douloureusement ressenti par les autres parties prenantes. Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, les responsables sionistes n’hésitaient pas à se comparer à la colonisation britannique en Afrique noire avec la nécessité de mater les protestations indigènes. La Palestine fonctionne en jeu à somme nulle, le progrès de l’un se fait au détriment de l’autre. La constitution de l’État juif impliquait un « transfert » de la population arabe à l’extérieur, terme poli pour « expulsion ». La confiscation des terres détenues par les Arabes en est le corollaire. Les régions où ont eu lieu les atrocités du 7 octobre étaient peuplées d’Arabes qui ont été expulsés en 1948-1950. Dire cela, c’est se faire accuser de trouver des excuses au terrorisme. Dès que vous essayez de donner des éléments de compréhension, vous vous confrontez à l’accusation : « Comprendre, c’est excuser. » Il faut bien admettre que le Hamas dans la bande de Gaza recrute majoritairement chez les descendants des expulsés. Cela ne veut pas dire approuver ce qui s’est passé. Le slogan « From the river to the sea, Palestine will be free » (« De la rivière à la mer, la Palestine sera libre ») utilisé par les soutiens de la Palestine fait polémique. Est-ce vouloir rayer de la carte Israël ou une revendication légitime d’un État palestinien ? Il a été utilisé par les deux parties et dans le même sens. Les mouvements sionistes, en particulier la droite sioniste, ont toujours dit que cette terre devait être juive et israélienne au moins jusqu’au fleuve. Le parti de l’ancêtre du Likoud voulait même annexer l’ensemble de la Jordanie. Chez certains Palestiniens, on a une vision soft qui consiste à dire que « si nous réclamons un État palestinien réunissant la bande de Gaza et la Cisjordanie, nous considérons l’ensemble de la terre comme la Palestine historique, comme partie de notre histoire, mais nous ne la revendiquons pas dans sa totalité ». Israël depuis sa fondation n’a pas de frontières définies internationalement. Il a toujours revendiqué la totalité de la Palestine mandataire, voire plus. Il a ainsi rejeté l’avis de la Cour internationale de justice qui faisait des lignes d’armistice de 1949 ses frontières permanentes. Cette indétermination se retrouve de l’autre côté. La libération de la Palestine renvoie à la totalité du territoire. D’autres exigeaient la carte du plan de partage de 1947. Pour l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), faire l’État palestinien sur les territoires occupés en 1968 était la concession ultime. Les Arabes en général ont reçu sans grand problème les réfugiés arméniens durant la Grande Guerre et les années suivantes. Ces Arméniens ont pu conserver l’essentiel de leur culture. Mais il n’y avait pas de question politique. Il n’était pas question de créer un État arménien au Levant. Dès le départ, les Arabes de Palestine ont vu dans le projet sioniste une menace de dépossession et d’expulsion. On ne peut pas dire qu’ils ont eu tort… Le mouvement islamiste palestinien, le Hamas, classé terroriste par l’Union européenne et les États-Unis, est aujourd’hui le principal acteur de la guerre avec Israël… Définir l’ennemi comme terroriste, c’est le placer hors la loi. Bien des épisodes de décolonisation ont vu des « terroristes » devenir du jour au lendemain des interlocuteurs valables. Bien sûr, il existe des actes terroristes et les atrocités du 7 octobre le sont. Mais c’est plus une méthodologie qu’une idéologie. C’est une forme de guerre qui s’en prend aux civils selon les définitions les plus courantes. Jamais un terroriste ne s’est défini comme tel. Il se voit comme un combattant légitime et généralement son but est d’être considéré comme tel. Avec l’État islamique et le 7 octobre, on se trouve clairement devant un usage volontaire de la cruauté. La rhétorique habituelle est de dire que l’on fait la guerre à un régime politique et non à un peuple. Mais si on n’offre pas une perspective politique à ce peuple, il a le sentiment que c’est lui que l’on a mis hors la loi. Il le voit bien quand on dit « les Israéliens ont le droit de se défendre », mais apparemment pas quand il s’agit de Palestiniens. D’aucuns expliquent qu’Israël a favorisé l’ascension du Hamas pour qu’un vrai État palestinien indépendant ne voie jamais le jour au détriment de l’autorité palestinienne qui n’administre aujourd’hui plus que la Cisjordanie. Est-ce que le Hamas est le meilleur ennemi des Palestiniens ? Incontestablement, les Israéliens ont favorisé les Frères musulmans de la bande de Gaza dans les années 1970 et 1980 pour contrer les activités du Fatah. De même, après 2007, ils voulaient faire du Hamas un sous-traitant chargé de la bande de Gaza, comme l’Autorité palestinienne l’est pour la Cisjordanie. Le meilleur moyen de contrer le Hamas est d’offrir aux Palestiniens une vraie perspective politique et non de bonnes paroles et quelques aides économiques qui sont des emplâtres sur des jambes de bois. Quel peut être l’avenir de l’Autorité palestinienne, aujourd’hui déconsidérée ? Et du Fatah, le parti du président Mahmoud Abbas, pressé par la base de renouer avec la lutte armée et le Hamas ? Le seul acquis de l’Autorité palestinienne, ou plus précisément de l’OLP, c’est sa légitimité diplomatique. Sur le terrain, elle est perçue comme un sous-traitant de l’occupation israélienne incapable de contrer un régime d’occupation de plus en plus dur. Elle est dans l’incapacité de protéger ses administrés. Le risque majeur pour elle est tout simplement de s’effondrer. Le Hamas appelle les Palestiniens de Cisjordanie à se soulever. Un soulèvement généralisé des Palestiniens peut-il advenir ? En Cisjordanie, on a surtout de petits groupes de jeunes armés totalement désorganisés. Mais la violence et la répression sont devenues quotidiennes et les violences permanentes. À l’extérieur, l’Occident apparaît complice de l’occupation et de la répression israéliennes. L’Iran, la Chine et la Russie en profitent. Le premier tome de votre monumentale « Question de Palestine » s’ouvre sur 1799, lorsque l’armée de Napoléon Bonaparte entre en Palestine, il court jusqu’en 1922. Avec cette accroche : l’invention de la Terre sainte. En quoi cette année est-elle fondatrice ? En 1799, l’armée de Bonaparte parcourt le littoral palestinien jusqu’à Tyr. En Europe, certains y voient la possibilité de créer un État juif en Palestine. Mais l’ouverture de la Terre sainte aux Occidentaux est aussi l’occasion d’une lutte d’influences entre puissances chrétiennes. Dans le tome 4, « Le rameau d’olivier et le fusil du combattant » (1967-1982), vous revenez sur ce qui a été un conflit israélo-arabe, puis un conflit israélo-palestinien. Est-ce que cela peut le redevenir ? Jusqu’en 1948, c’est un conflit israélo-palestinien avant tout. En 1948, cela devient un conflit israélo-arabe avec une dimension palestinienne. À partir de la fin des années 1970, la dimension palestinienne redevient essentielle. Ben Gourion disait que la victoire du sionisme était d’avoir transformé la question juive en problème arabe. Les derniers événements semblent montrer que le problème arabe est en train de redevenir une question juive. Le rôle des États-Unis a toujours été déterminant dans ce conflit. Que nous dit leur position aujourd’hui ? La question de Palestine est en même temps une question intérieure pour les pays occidentaux du fait de l’histoire de la Shoah et de la colonisation. Il s’y ajoute aux États-Unis une dimension religieuse du fait du biblisme protestant et du « pionniérisme ». Les Palestiniens leur semblent être quelque part entre les Indiens et les Mexicains… La « République impériale » vient encore de montrer son impressionnante capacité de projection militaire dans la région, mais aussi son incapacité à obtenir un règlement politique satisfaisant. Pourquoi ce conflit déclenche-t-il autant de passions et clive-t-il autant dans le monde entier, où comme en France, le président appelle à « ne pas importer le conflit » ? C’est un conflit gorgé d’histoire. La Terre sainte est celle des trois religions monothéistes. Le conflit lui-même porte avec lui la mémoire de la Shoah et de la colonisation, d’où l’extraordinaire position d’exceptionnalité des acteurs. Vous avez écrit cinq tomes sur la question de Palestine. Après l’ultime « La Paix impossible », quel pourrait être le sixième ? Peut-être le retour de la question juive, mais c’est loin d’être une perspective encourageante.
  23. Il s'agit d'une guerre d'embuscade, tirer et se replier : il n'est pas possible pour le camp avec les plus faibles moyens de se laisser fixer car sinon il serait effectivement détruit. Il n'y a pas non plus de photos de combattants du Hamas tués en grand nombre ni beaucoup de prisonniers capturés
×
×
  • Créer...