Heorl

Je ne souscris pas du tout à cette version des faits. Pour plusieurs raisons : D'abord les Ukrainiens sont sur la défensive depuis le début sur ce front, n'ont eu à faire qu'à peu d'opérations offensives et de bombardements en plus (la majeure partie des combats se sont passés au Nord et au Sud de leur position), et il n'y a AUCUNE raison valable de penser qu'ils ont plus dégusté que les troupes russes de la région. Surtout que ces dernières sont en campagne depuis deux mois bientôt sans être relevées, alors que les Ukrainiens ont justement manifestement pu faire un roulement de plusieurs unités dans le coin. Et je ne suppose pas, je ne fais que retransmettre les analyses des experts comme l'ISW ou Goya, qui sont unanimes sur le fait que les troupes russes sont bien plus fragiles que leurs ennemis. Quant à la logistique correcte je m'interroge. Ça va sûrement aider pour la nourriture, le pétrole, les munitions, mais tu avais déjà des problèmes pour les rations car elles étaient vendues par les soldats quand ils étaient en bases, diminuant énormément les stocks disponibles. Pour le pétrole, la destruction des cuves de Belgorod doit quand même avoir un impact assez important, même si je me doute que Rostov et le Caucase peuvent facilement prendre le relais. Quant aux munitions, c'est la grande inconnue. À ce stade les stocks initiaux assemblés pour l'offensive doivent approcher de leur fin si ce n'est pas déjà le cas depuis longtemps, il faut donc puiser dans les arsenaux et acheminer tout ça au front. Est-ce que ça peut se faire assez vite pour alimenter l'offensive au rythme où elle utilise ses propres munitions, aucune idée. Les Ukrainiens n'ont là encore pas ce problème, leurs stocks étant plus proches, mieux cachés depuis les déboires d'il y a cinq ans, et constamment renforcés par le matériel occidental. Par contre ils semblent se rapprocher de la fin de stocks disponibles plus vite que les Russes. On ne sait pas jusqu'à quand les stocks ukrainiens vont durer, mais j'avais vu passer une estimation des stocks russes qui disaient qu'ils avaient les munitions nécessaires jusqu'en juin. Quant à la qualité respective des soldats des deux camps, permets-moi de placer avec une certaine confiance le soldat ukrainien au-dessus. Non pas qu'il soit plus intelligent ou supérieur, mais plutôt mieux utilisé, avec un moral en acier trempé, une expérience du feu importante et des tactiques élaborées. Ce qui est moins le cas d'une part croissante des troupes russes, parfois directement versées en unités une fois conscriptes. Sinon, Spoutnik annonce que les Ukrainiens ont repoussé un énième assaut sur Popasna et Roubijne. Ça ne veut pas dire qu'ils vont l'emporter, loin de là, on semble encore dans les coups d'envoi, où les premiers assauts suivent les coups de sonde de ces derniers jours. https://mobile.twitter.com/sputnikato/status/1516292647358500873

Attends, ils ont réellement sorti les BM21 du grenier ?

Je dirais qu'il faut regarder pendant deux-trois jours. Les Russes ont l'initiative, c'est normal qu'ils progressent. La question maintenant va être de voir si les pertes qu'ils prennent sont suffisamment faibles pour continuer l'offensive ou s'ils se font massacrer. Plusieurs points jouent en leur faveur et d'autres en leur défaveur. En plus : -Ils ont raccourci le front et massé leurs troupes afin de pouvoir exploiter leur seul avantage réel : l'artillerie. -La logistique est assurée par le train jusqu'à Koupiansk et ensuite le long d'une route jusqu'à Izioum. Et en ce qui concerne le Donetsk ils n'ont aucun problème de ce point de vue-là -Leur commandement a été unifié, ce qui permet de mieux coordonner les actions. -leur ennemi a souffert. -ils dominent le ciel. En malus : -Certes l'armée ukrainienne a encaissé mais l'armée russe encore plus. En outre, les troupes ukrainiennes dans la région forment leur corps de bataille, le coeur de leur armée, le mieux formée et le mieux équipé. A l'opposé la fine fleur de l'armée russe a déjà encaissé des pertes insupportables. -L'ennemi a eu deux semaines pour se préparer avec des axes de progression prévisibles et plusieurs barrières urbaines utilisables. -La logistique de la pointe d'Izioum a un point faible, Koupiansk. Coupez-le et vous coupez la tête de l'hydre. -Les Ukrainiens sont sur lignes internes et connaissent le pays, ils peuvent manoeuvrer plus facilement. -Les troupes récupérées pour l'offensive sont faites de bric et de broc et ont été immédiatement redéployées sans recomplètement initial. -la mauvaise météo et le couvert urbain limitent l'efficacité de l'artillerie et de l'aviation. Je leur donne 50/50 pour une victoire chère payée. EDIT : j'oubliais, la région est aussi traversée de nombreux cours d'eau et donc constellée de marais qui favorisent encore la défense même une fois que la boue aura un peu séché.

Sur Mykolaiv ce serait du suicide, leur dispositif est déjà trop étiré. Je penche plutôt pour du bombardement de suppression. Pour Kharkiv deux options : soit c'est pour immobiliser des forces ukrainiennes, soit c'est pour réessayer de prendre la ville. C'est la plus grosse ville russophone d'Ukraine et un élément essentiel pour tout plan qui impliquerait l'annexion d'une Novorossia.

C'est d'ailleurs pour cette raison que les troncs sont aussi parfois visibles sur les véhicules ukrainiens. Ce n'est pas un blindage mais un outil. Après pour être tout à fait honnête on en voit quand même pas mal avec des troncs trop courts pour servir de leviers.

Il a proposé d'être échangé contre les prisonniers de Marioupol.

C'est pas compliqué, ils ont fait comme avec les civils. Confiscation afin que personne ne communique.

C'est clair que si tu écoutes la logistique, les bidasses n'ont aucun sens de l'économie, et si tu écoutes les bidasses le train est une bande d'incapables et de feignasses qui ne fait jamais assez d'efforts. Enfin ça c'est qui ressort souvent dans ce qu'on lit sur les guerres mondiales. Aujourd'hui, avec l'imbrication des spécialités et n'ayant pas eu l'occasion de discuter avec des fantassins, je ne sais pas ce qu'il en est. Sinon Goya, lors de la bataille de Tchernihiv, avait estimé que la zone au Sud de la ville, partiellement contrôlée par les deux camps avec des poches et des contre-encerclements fictifs, s'était retrouvé en peau de léopard. La situation au nord de Rubijne pourrait être similaire étant donné que les Ukrainiens avaient indiqué avoir lancé une contre-offensive dans le coin.

Tout parallèle avec la France de 1914 serait évidemment fortuit. Plus sérieusement, la Russie était déjà une puissance régionale mais nucléaire, et refusait de l'admettre. Aujourd'hui on dirait que l'aveuglement bat encore son plein.

Il faut ajouter la Rosvgardia, les séparatistes, l'échelon de soutien, etc. ça doit bien faire dans les 140.000 hommes au bas mot. Pour la Crimée, ce serait l'activation des formations encore là-bas, sans doute, plutôt que la mobilisation de troupes locales à la loyauté douteuse ?

https://www.bbc.com/news/live/world-europe-61136997? L'unité apparemment coupable des massacres de Boutcha, la 64ème Brigade Motorisée, vient de recevoir le titre d'unité de la Garde des mains de VVP pour son "héroïsme et son courage". Je ferais bien un commentaire caustique si je n'éprouvais pas un certain écoeurement.

Les Américains estiment que les Russes ont 76 GTIA en Ukraine. @olivier lsb demande : On serait donc sur 60 000 hommes max, où j'en oublie ? On assiste donc à la fin des redéploiements, la majeure partie des GTIA du GA Nord ont déjà été renvoyés en Ukraine. Pour mettre en perspective, il leur en fallait environ 40-45 pour tenir le front actuel, avec 15-20 pour une masse offensive. Les phases d'offensive du Nord ont donné un rythme d'attrition d'environ 1 GTIA perdu par jour, voire peut-être plus (les premières estimations donnaient 30 GTIA perdus lors de l'offensive du Nord, les dernières sont plutôt de l'ordre de 38-39). Si la tendance se maintient, la Russie dispose d'un potentiel d'un peu moins d'un mois de combats offensifs. ça pourrait être suffisant pour vaincre, mais c'est loin d'être une masse suffisante pour écraser l'ennemi.

Au Sud c'est surtout un marécage avec des collines derrière, et en prime une rivière entre les deux. Pas la meilleure des voies pour avancer. Tu as plutôt une route vers l'Ouest qui est plus intéressante car ça permet de cingler vers Lyman et donc d'aller couper l'une des deux routes vers Sievierodonetsk encore tenues par les UKR. L'autre est encore protégée par le bouclier de Popasna.

C'est ce que les Ukrainiens font déjà. Mais comme le front est encore un peu statique, les positions changent peu donc il vaut mieux ne rien dévoiler. Sans compter que pour qu'une vidéo fuite il faudrait déjà enregistrer l'écran, ce qui n'est pas toujours possible. Et oui il y a deux versions. Le 300 est plus adapté aux cibles "molles" et peut fonctionner avec un peu de soin sur du blindage léger, de souvenir. Le 600 est anti-blindage mais reste un peu juste pour un MBT si je ne dis pas de bêtises.

Sinon, les Russes avaient commencé à prendre d'assaut un village au nord de Rubijne (banlieue nord de Sievierodonetsk), ils ont fini par s'en emparer ce matin d'après l'administration régionale du Louhansk (autorité UKR). De leur côté les Ukrainiens semblent avoir dépassé les deux môles urbains sur la route de Koupiansk puisque des coups de feu ont été entendus à mi-chemin de Shevchenkove et Koupiansk. Cependant ça semble seulement être de l'armement léger, donc ce n'est peut-être qu'un début de guérilla et non un débordement.

Pas encore. Mais comme pour le Moskva, il a fallu plusieurs jours avant que des vidéos atteignent nos contrées, et les Switchblade n'ont commencé leur déploiement que récemment. Les opportunités de lancement n'ont pas dû être nombreuses tant que l'offensive ennemie n'avait pas été lancée. On pourrait peut-être en voir venir dans quelques jours/semaines. Cependant il est possible que les Ukrainiens ne les divulguent pas pour ne pas dévoiler leurs positions si celles-ci sont discrètes et réutilisables. Les métadonnées des fichiers informatiques permettent souvent de récupérer une position géographique de la prise vidéo, ainsi qu'un lien avec le portable qui a mis la vidéo en ligne (cf la vidéo de Tytelman sur l'OSINT il y a quelques jours). Les vidéos peuvent donc être gardées au chaud pour pouvoir être sorties une fois que les positions ont changé.

Résumons. Qu'est-ce qui constitue une issue favorable pour la Russie ? -une victoire éclatante (improbable aujourd'hui) où elle accomplirait tous ses buts -une victoire mineure où elle en accomplit quelques-uns -une levée des sanctions -un retour des cerveaux exilés -la fin de la stagflation (le pays est dans une situation très mauvaise où l'économie décroît alors même qu'il y a de l'inflation) -l'arrivée d'une aide chinoise providentielle. De tout ces cas de figures, il n'y en a qu'un seul qui soit pour l'instant possible, et encore il n'est pas le scénario le plus probable, et c'est la victoire mineure. Le plus probable, c'est que la Russie se casse encore les dents mais saigne les Ukrainiens. Une victoire à la Pyrrhus ne serait pas suffisante, car les pertes seraient telles que les Ukrainiens pourraient sans doute rapidement briser l'encerclement et donc rendre toute l'offensive inutile. Pour remplir ces objectifs, il faut plusieurs choses contradictoires : La victoire militaire nécessite de vaincre les Ukrainiens et les contraindre à accepter un certain nombre de concessions en fonction de la grandeur de la victoire. Mais cela empêche toute levée des sanctions et ancre encore plus l'Ukraine dans le camp occidental avec en plus un revanchisme forcené. Et les cerveaux ne reviendront pas sans un changement de régime. Sur le plan économique, la Russie se dirige vers le défaut sélectif d'ici un mois ou deux maximum, le défaut complet dans quelques mois de plus et la banqueroute d'ici deux ans. Son agriculture n'exporte plus suffisamment, son gaz et son pétrole sont en train de perdre leurs plus gros clients alors même que personne ne veut augmenter ses achats, et la consommation intérieure est beaucoup trop petite pour pouvoir absorber un tel changement. De plus, la population continue de diminuer et les cerveaux de se barrer dans des pays avec de fortes minorités russes comme l'Arménie, ils n'ont sans doute aucune envie de revenir dans un pays qui leur fera payer cher leur départ. Dans une telle situation, n'importe quelle victoire militaire ne change rien au fait que tu es en train de te ruiner à court terme alors que le long terme est déjà pas rose. Sur le plan militaire, la Russie vit toujours sur son héritage soviétique et ne peut le remplacer qu'à un coût énorme qu'elle ne peut pas supporter longtemps (cf destins du T-14 ou du Su-57). Elle est en train de brûler l'entièreté de cet héritage à l'exception d'un domaine, le nucléaire. Passé ça la Russie perd son pouvoir militaire trop vite pour une puissance à prétention mondiale. Seuls la Chine ou les États-Unis pourraient supporter de telles pertes, et encore ce serait déjà gigantesque même pour eux (pour rappel l'armée de terre chinoise aujourd'hui c'est 970.000 hommes, et les États-Unis environ 800.000). L'offensive russe a tout juste commencé. Déjà elle a des difficultés pour progresser et obtenir des résultats. Que veux-tu que la Russie parvienne à obtenir derrière ? Si son armée est repoussée dans le Donbass, même si Marioupol tombe, les Ukrainiens ne négocieront rien. Ce qui est favorable aux Russes n'est pas forcément favorable à Poutine, loin de là. J'irais même jusqu'à dire le contraire. Ce dont ont besoin les Russes, c'est une société stable, en croissance économique, avec des opportunités et une confiance en l'avenir. Rien de tout cela ne peut plus arriver sous Poutine avant longtemps.

Je n'ose même pas imaginer l'état des troupes russes une fois qu'elles se seront assurées du contrôle relatif d'Azovstal. Car oui, après avoir vérifié la carte, les Russes ne peuvent pas laisser les Ukrainiens croupir et dépérir dans Azovstal. L'usine donne directement sur l'autoroute 14 qui après le rail (sans doute en miettes à l'heure qu'il est) est le plus gros axe de Marioupol. Les Ukrainiens peuvent donc placer des mortiers (s'ils ont encore des BTR-4 en action en ville, ils disposent sûrement encore de ce genre de matériel) et pilonner tout convoi russe qui ferait mine de passer. En d'autres termes pour pouvoir utiliser la ville comme noeud logistique il faut réduire Azovstal par la force. Ça pourrait prendre des semaines, voire n'être toujours pas fini pour le 9 mai.

Exact. Le rasoir d'Ockham et entre autres la décentralisation du commandement ukrainien fait que nous avons sûrement plus à faire avec deux commandants locaux qui ont vu des opportunités chacun de leur côté.

En même temps, quand ton ennemi adosses le gros de son offensive à un cours d'eau avec une seule voie majeure pour la ravitailler, tu n'as que l'embarras du choix pour chercher où couper l'approvisonnement le long de ce fleuve*. Pas besoin d'être sorcier pour ça. J'avais pointé cet axe de progression possible pour les Ukrainiens avant-hier, avant qu'on apprenne qu'ils ne se sont mis à avancer dans cette direction, parce que c'est la principale route qui mène au noeud de Koupiansk. Mais, avant que l'on ne se réjouisse, il y a deux localités que les Russes peuvent employer comme môles, Chkavolske (le premier, plus petit), et Shevchenkove, plus gros et bien plus dur à prendre d'assaut. Autant les Ukrainiens jusque-là se sont montrés capables de faire de la défaite dans le détail en rase campagne, autant ils n'ont pas encore montré de capacités importantes au combat urbain (sinon Kherson serait peut-être déjà libérée). *ç'avait même été une des choses prises en compte pour Dragon en août 44. Le Rhône formait une séparation qui aurait permis aux Allemands une défense efficace malgré leurs moyens limités si le corps franco-américain s'était amusé à débarquer sur les deux rives.

Infériorité numérique, ça dépend où. Les pertes russes commencent à sérieusement égaliser le terrain. Sur le Donbass, en-dehors des pointes russes, on est presque à du 1:1 en plusieurs endroits, et ça semble être le cas sur l'ensemble du front de Zaporijjie.

D'ailleurs l'aéroport de Kherson a (encore) été bombardé. Les artilleurs doivent être en mode "belote, rebelote et dix de der"

Il me semble que la 810ème est déjà engagée à Marioupol et j'ai entendu parler de la 127ème comme engagée à Kherson et du 171ème comme étant l'une des rares unités encore en Crimée. Mais je peux me tromper.

Je considère également la Crimée comme une chimère et inaccessible (et de toute façon trop facilement défendable avec le seul passage qui permet d'y accéder). Mais la paranoïa des Russes ne fera sans doute pas le même constat que nous.

D'autant plus que l'idée d'une campagne courte n'a été abandonnée que depuis quelques semaines. Jusque-là l'optique était de tenir jusqu'à ce que les Russes perdent tellement d'hommes qu'ils soient obligés d'évacuer et d'abandonner. Note que cela reste possible si Goya a raison en disant que le contrôle russe sur Kherson est de plus en plus précaire. Prendre Marioupol et perdre Kherson dans la foulée serait une victoire pour rien. Une ville déjà condamnée contre une autre qu'ils avaient les moyens de défendre, surtout qu'elle rouvre à terme la voie vers la Crimée où il ne doit plus rester grand-monde et menacerait la destruction de plusieurs unités russes au nord-est de la ville. M'enfin, pour ça, comme toujours, faut les moyens et les Ukrainiens ne les ont pas.