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CortoMaltese

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Tout ce qui a été posté par CortoMaltese

  1. Au contraire, tout semble indiquer que le plan était de foncer tête baissée sur Kiev. Tout le laisse supposer, et je ne parle même pas des fourgons de policiers anti-émeute envoyés presque en tête de colonne à toute berzingue en direction de la ville. La tentative de contourner Kiev ne commence que lorsque les russes sont bloqués devant Irpin. Ils essayent alors de contourner par l'Ouest, vers Makarov. Ca échoue notamment car, puisque ce n'était pas le plan, la logistique n'avait absolument pas été dimensionnée pour un tel projet. D'où les fameuses colonnes logistiques interminables envoyées à l'arrache depuis la Biélorussie pour tenter de ravitailler tout ce beau monde à partir de Mars;
  2. Je suis pas sûr pour Hostomel, même à supposer que les russes aient pu rentrer dans Kiev, ça aurait été un très très gros morceau. Rappelez vous les images de civils produisant des cocktails molotov en quantité industrielle, les distributions d'arme dans la rue, ect. Le combo partisan + troupes régulières aurait pu vraiment poser de gros soucis. Les colonnes de véhicules russes annihilées dans Bucha l'auraient été 10km plus loin. Le plan russe reposait sur une saisie éclair de Kiev qui impliquait un effet de sidération et une absence de résistance. Je suis d'avantage d'accord sur Zelenski. Non pas que les ukrainiens se battent pour lui, mais sa fermeté morale et son courage physique ont certainement joué un rôle dans l'absence de flottement en début d'invasion, flottement qui aurait été fatal à l'Ukraine
  3. Outre la corruption, ce qui faut beaucoup de mal à l'armée russe est aussi le manque de priorisation. La Russie poursuit beaucoup de programmes simultanément, avec une emphase mise sur les armes "nobles" et qui possèdent une forte valeur symbolique. Sa marine, notamment, a fait l'objet de beaucoup de soins et mobilise plus de ressource que son armée de terre, sans que cela semble très cohérent avec les objectifs géopolitiques poursuivis par la Russie. Quel sens y a-t-il par exemple à vouloir à tout pris réparer à (très) grand frais, un navire comme le Kouznetsov alors même que sa valeur militaire est très limitée. Plus généralement, quel intérêt de maintenir une très grosse marine quand son seul adversaire (l'OTAN) restera toujours infiniment supérieur ? C'est un peu comme la Kaiserliche Marine entre 1900 et 1914 : En dépit d'investissements massifs, elle n'a jamais pu concurrencer sérieusement la Royal Navy et son impact sur la WW1 a été globalement insignifiant. L'Allemagne aurait sans doute mieux fait d'accepter la domination britannique sur les mers et de rediriger ces ressources sur son armée de terre. On peut aussi parler de l'aviation russe. Ils sont en train de relancer à grand frais la fabrication du Tu-160 Blackjack. Le bombardier stratégique, c'est classe, c'est beau, ça fait bien lors des défilés. Mais quelle est la pertinence réelle d'un bombardier non furtif à l'heure des missiles stratégique, des armes hypersoniques et des systèmes SAM de plus en plus évolués ? On peut s'interroger. Surtout : est-ce vraiment la priorité quand on voit la prestation des VVS en Ukraine ? Ne faudrait il pas investir plutôt dans la formation des pilotes, dans la coordination sol-air ou dans l'achat de munitions de précisions plutôt que de relancer à grand frais la production de bombardiers probablement déjà obsolètes en terme de doctrine d'emploi ?
  4. C'est marrant, je suis en train de lire "Historie de la Russie et de son Empire" de Michel Heller, et il passe son temps dans l'ouvrage à rappeler à quel point le schisme entre "pro-occidentaux" et "eurasiens" reste pertinent pour comprendre la Russie d'aujourd'hui (livre publié en 1997). Il ne faut d'ailleurs pas se tromper d'interprétation quand on parle d' "occidentophile" : ce n'est pas la volonté de faire la paix avec les puissances européennes, c'est à l'inverse la volonté de s'insérer dans le concert des nations européennes de l'époque, notamment via la guerre, parallèlement à une politique d'importation des savoirs techniques (surtout sous Pierre le Grand) et de la culture occidentale (par la suite, avec peut-être un apogée sous le règne de Catherine II), perçus comme vecteurs de progrès pour la Russie. Mais il me semble que le propre de l'histoire est d'être la rencontre de facteurs structurels profonds et de la contingence des intérêts et des besoins très immédiats. C'est d'ailleurs parfois le défaut de certaines analyses : ceux qui ne connaissent pas l'histoire négligent complètement les facteurs de très longs termes, et à l'inverse ceux qui la connaissent bien cherchent parfois des explications remontant dans le fond des âges et des continuités historiques qui parfois n'existent tout simplement pas. Si on prend Pierre Le Grand, Heller explique bien à quel point son héritage est controversé chez les historiens russes, entre ceux qui le perçoivent comme le fondateur de la Russie moderne en tant que puissance européenne, et ceux qui à l'inverse le considèrent comme un "traitre" qui aurait succombé aux idées venues de l'Ouest, pervertissant ainsi l'âme russe. Maintenant, est-t-il pertinent d'essayer de classer Poutine sur une grille "Occidentophile - Eurasien" ? Je ne crois pas. Il peut très bien admirer Pierre le Grand pour son œuvre de bâtisseur, de modernisateur et pour ses victoires militaires tout en considérant qu'aujourd'hui l'avenir de la Russie se trouve dans une coopération économique avec l'Est (Chine, Inde). De même, la guerre en Ukraine s'insère assez mal dans cette grille de lecture : d'un côté, c'est clairement un "mouvement vers l'ouest", de l'autre, ça n'insère pas du tout la Russie dans le jeu européen, ça l'en exclu totalement et l'oblige justement à bouger vers l'est en réaction. Ca montre bien toute la limite de cette dichotomie, qui peut conserver une certaine pertinence au niveau culturel (cas de Douguine) mais n'explique pas grand chose de la géopolitique russe contemporaine.
  5. C'est assez symptomatique de ce qu'il se passe au Donbass. Face à des villes bien fortifiées, les russes avancent sur les flancs, mais très lentement. Généralement, le gros des gains territoriaux ne viens pas d'une conquête pied à pied mais de l'évacuation d'un saillant devenu intenable à force d'en avoir mordu les flancs. La chute de Popasna début Mai a permis (après encore 2 mois de combat certes) de conquérir la poche de Sievierodonetsk-Lychyhansk. Pareillement, la prise de Bakhmut rendrait sans doute Siversk intenable à moyen terme. Mais bon, à ce rythme là, les russes seront devant Sloviansk en 2026.
  6. Je comprends pas trop ce que la Chine y gagnerait ? Le projet chinois est de reconquérir Taiwan, pas de la "neutraliser". Ce faisant, une campagne de frappe isolée sans débarquement ne ferait que mettre Taiwan en état de guerre, et les USA en posture "paix chaude+++++" tout en anéantissant le peu d'effet de surprise qu'il pouvait subsister pour une opération amphibie. Je me trompe peut-être mais dans mon esprit, les chinois attaqueront massivement ou n'attaqueront pas, je vois pas du tout une campagne séquentielle étalée sur plusieurs mois.
  7. Bon après, que l'équipement fourni soit pas ouf, surtout s'ils sont sur un front plutôt calme, c'est pas forcément déconnant. Je doute que les conscrits Ukrainiens actuellement formés arrivent au front équipé comme une équipe des Navy SEALS
  8. C'est à dire ? Eux aussi ont l'impression d'être utilisés comme chair à canon ?
  9. Non mais évidemment que si les téléphones/équipements ont étés pris pour éviter que les russes s'en emparent, ça peut se justifier, surtout si les effets personnels sont rendus (dans la mesure du possible évidemment, on comprend bien qu'il y a plus urgent en période de guerre) à la famille. Mais vu comment l'américain dans le reportage en parle, ça ressemble plutôt à du pillage de cadavre pour son profit personnel. Peut-être qu'il se trompe ou qu'il a mal compris ce qu'il se passait, mais lui est en Ukraine et pas nous, lui se bat avec les Ukrainiens tous les jours et pas nous, donc j'aurai tendance à lui faire confiance et à accorder plus de fiabilité à son témoignage qu'à nos suppositions faites sur un forum à 1500km du Donbass. Quoi qu'il arrive, l'usage des volontaires étrangers en Ukraine pose question. Je ne demande pas qu'ils soient traités comme des soldats de luxe ou qu'ils fassent ce qu'ils veulent. Mais même d'un point de vue rationnel, vu le potentiel de ce type d'unité en terme de communication vers l'étranger, et à l'inverse du coût en terme d'image de ce type de reportage, il semble aberrant que les Ukrainiens se servent de ces volontaires comme chair à canon. C'est d'autant plus incompréhensible que les Ukrainiens (Zelenski mais pas seulement) ont montré globalement une très bonne intelligence communicationnelle et ont a priori bien compris les points sensibles sur lesquels jouer pour s'attirer la sympathie occidentale
  10. Le reportage de TV5Mondes ne fait clairement pas honneur à l'Ukraine. Certes, on ne peut pas tirer de conclusions globales sur un seul témoignage ou une seule anecdote, et je pense que tous les soldats du monde doivent considérer que leurs officiers ne les écoutent pas ou que les missions assignées sont parfois stupides, mais : 1) Le dépouillage de cadavre de volontaires étrangers par des soldats ukrainiens et 2) Le fait de ne pas laisser les soldats voir les dépouilles de leurs camarades C'est franchement choquant. Je sais pas si les ukrainiens se rendent compte à quel point ce genre de chose peuvent totalement leur aliéner le soutien occidental. La plupart des opinions publiques occidentales ne les soutiennent pas pour des raisons stratégiques profondes mais par élan de sympathie dans le cadre d'un pays perçu comme en voie d'occidentalisation attaqué par un envahisseur autoritaire et sans scrupule. Si les occidentaux devaient commencer à percevoir le conflit comme une lutte entre deux camps tout aussi barbares l'un que l'autre, ce soutien s'effondrera rapidement, car on cessera vite de s'identifier à eux.
  11. Encore faudra t'il savoir si c'est une frappe Ukrainienne ou un accident, qui doit pas être particulièrement improbable sur une base aérienne en temps de guerre avec le niveau de sécurité et de précaution légendaire des russses. Mais si c'est une frappe Ukrainienne, soit c'est du Toshka, soit les américains ont fourni en douce du missile plus longue portée pour les HIMARS à priori ? Sauf si j'ai loupé une autre arme longue portée dans l'inventaire Ukrainien ? Edit : en tout cas le panache de fumée est impressionnant
  12. Oui enfin si les 45 assauts par jour que WarMonitor annonce comme repoussés se concluaient tous par des "heavy losses", les russes en seraient à se battre avec des lances et des vieillards. Je pense que dans la plupart des cas on parle de petits accrochages ou de tentatives de reconnaissance en force pour tater les défenses ukrainiennes, et que ça doit rarement être très sanglant (à l'échelle du conflit dont on parle). Après si on compte comme "heavy losses" un blindé endommagé et 2 morts par ci par là, c'est autre chose.
  13. Le "HS" était pour mon post sur Bucha ? Le cas échéant désolé, j'ai hésité entre ce sujet et l'autre sur l'Ukraine pour le poster, mais l'info ne cadrait parfaitement avec l'intitulé d'aucun des deux.
  14. Massacre de Bucha : après des mois d'enquête, les autorités locales annoncent un bilan de 458 morts, dont 419 ayant été abattus ou comportant des traces de torture. Dans ce total, on compte 366 hommes et 86 femmes (et 5 corps trop abimés pour estimer un sexe), et 9 enfants de moins de 18 ans. Sur une population de 40 000 habitants avant-guerre, les enquêteurs estiment qu'il en restait 4 000 dans la ville lorsque les russes sont arrivés. Ca ferait donc 10% de la population tuée en 1 mois d'occupation. washingtonpost.com/world/2022/08/08/ukraine-bucha-bodies/
  15. Absolument. Paradoxalement, l'URSS, du fait du fonctionnement du régime, de son idéologie et du modèle d'armée (conscription stricte), ne pouvait pas vraiment décider d'épargner certaines couches sociales ou ethniques plutôt que d'autres. Poutine peut, pour sa part, se livrer à un monitoring beaucoup plus fin à ce niveau, et ça se voit en Ukraine où les minorités ethniques des confins du pays sont employées comme chair à canon, alors que les russes ethniques (et surtout les russes ethniques riches de Moscou et Pétersbourg) sont largement épargnés.
  16. Après du 18nm c'est le niveau de gravure qu'on savait faire en 2014, ce qui, à l'échelle du milieu, est presque une éternité. C'est très bien pour beaucoup de puces pas chères dont nos objets du quotidien regorgent, mais c'est pas avec ça qu'on va aller produire du smartphone, puisque ça impliquerai une puce plus grosse, donc qui chauffe plus et qui coute plus cher à nombre de transistor égal.
  17. Il me semble justement que non, à partir du moment ou tu signes ton contrat, tu est un kontraktniki et tu deviens donc déployable en OPEX. J'ai d'ailleurs vu passer une info il y a quelques temps comme quoi la Russie a abaissé la durée minimum avant qu'un conscrit puisse devenir kontraktniki. C'est désormais 2 ou 3 mois (il me semble qu'avant c'était 6 mois) de formation initiale seulement, et ça permet donc d'envoyer plus de gars en Ukraine.
  18. Je suis pas un expert du fonctionnement de la DGSE, mais du peu que je crois en comprendre, j'ai aussi l'impression que le volet "analyse stratégique" est un peu léger. Et ça explique peut-être d'ailleurs le loupé sur l'invasion russe. Un service moderne ne doit pas seulement récolter de l'intel et l'analyser la tête dans le guidon dans une optique de très court terme, il doit aussi bénéficier d'expertises (notamment universitaires) pour comprendre les pays avec lesquels on traite, leurs ambitions de long terme, leur culture, ect. Peut-être que si on avait plus de profils typés "docteur en war studies", on aurait mieux compris les intentions de Poutine. Et ça j'ai l'impression que ça pèche un peu en France. D'ailleurs ça me fait penser à une conversation que j'ai eu la chance d'avoir autour d'une bière avec un jeune chercheur affilié à Fondation pour la Recherche Stratégique en marge d'EUROSATORY en Juin dernier. Il me disait qu'en France, ce type de recherche en géostratégie et étude de la guerre, c'est un tout petit milieu, chroniquement sous financé, et qu'on a pas mal de retards sur d'autres pays, notamment anglo-saxons. Il y a peu de très bons masters/doctorats en France, les postes sont rares à l'Université donc faut aller du côté des think-tank qui se comptent sur le doigt d'une main et dont beaucoup fonctionnent par cooptation en circuit clos (coucou Boniface et l'IRIS). Au final, les meilleurs qui arrivent à tirer leur épingle du jeu se barrent en Grande-Bretagne, aux US ou au Canada et leur expertise est plus ou moins perdu pour la France dans la mesure où la probabilité que leurs recherches finissent par tomber sur le bureau d'un type avec un peu de pouvoir en France devient mécaniquement assez faible.
  19. Je dirais que, dans l'absolu, les russes ont quand même plus de réserve. On pourrait dire que l'Ukraine est "à fond" (mobilisation générale, toutes les réserves mobilisées) alors que la Russie a encore théoriquement des cartes qui n'ont pas été abattues (mobilisation générale, déclaration de guerre qui permettrait de faire participer d'avantage la société et l'économie, ect.). Maintenant, il faut voir si Poutine veut ou peut effectivement aller un cran plus loin sans prendre trop de risque politique. Ce n'est pas certain. Côté ukrainien, il est en tout cas difficile de faire plus que ce qu'ils font déjà sans une augmentation drastique de l'aide occidentale.
  20. Je suis d'accord avec toi, l'un des noeuds du problème est le désintérêt total pour la géopolitique du français moyen, et surtout l'absence de consensus dans la population sur ce que devrait être la politique étrangère française. Aux USA par exemple, il y a globalement un large consensus transpartisan sur la place qu'ils doivent occuper dans le monde (même s'il peut naturellement y avoir des désaccords ponctuels), et cette forme de stabilité contribue largement à leur puissance. Et ça participe je pense beaucoup à l'inconsistance de notre politique étrangère. Dans la mesure où le Français moyen ne s'intéresse pas à ces questions et a l'impression que ce qu'il se passe ailleurs dans le monde n'a aucun impact sur sa vie, il n'est pas prêt à faire de réels sacrifices au nom des intérêts géopolitiques de son pays à long terme. Se faisant, l'état, qui en a conscience, ne peut se permettre de mener une politique extérieure ambitieuse qui impliquerai des sacrifices ponctuels ou de long terme (budget de l'armée élevée, ect.). Il y a donc en France, une faible capacité globale à mobiliser les ressources du pays au service de la politique étrangère, contrairement à des pays comme la Russie ou, dans une moindre mesure, les USA. Forcément, quand t'as des élites qui pensent que leur pays à un rôle à jouer dans le monde et parallèlement un peuple qui refuse de voir sa facture de gaz de 5% ou de monter le budget des armées à 3% du PIB, ça abouti à des concepts géostratégiques parfaitement creux comme la notion de "puissance d'équilibre" et à l'improvisation complète dont je parlais précédemment EDIT: Il y a clairement un travail d'éducation à faire sur ces sujets. Que le français moyen comprenne que dans un monde globalisé, sa sécurité, sa fiche de paye et son confort matériel sont très largement dépendants de ce qu'il se passe ailleurs dans le monde sur le long terme.
  21. Mais l'un des non-dits de la politique française c'est de s'interroger sur ses buts profonds. L'autonomie d'accord, mais pour en faire quoi ? On a l'impression que la France a vécu un tel traumatisme en 40, un tel sentiment d'humiliation face aux anglo-saxons (plus que face aux Allemands paradoxalement) que toute la politique étrangère française est obsédée par cette idée de ne surtout pas être "inféodée" aux americains, coûte que coûte. La politique de "grandeur" du général, c'est fondamentalement ça. Mais ça c'est transformé en objectif en soi, un truc performatif qui n'a d'autre vocation fondamentale que de se convaincre qu'on est encore un peu une grande puissance, même si on a aucune idée de ce qu'on pourrait faire de cette puissance. Il faudrait peut être un jour faire un inventaire honnête : Qu'à t-on gagné géopolitiquement à notre politique de "d'indépendance stratégique" depuis l'après-guerre ? C'est pareil avec notre obsession d'être les gendarmes de Afrique. On aime bien ça, on parle de zone d'intérêt, d'influence, ça sonne "grande puissance". Mais la France aurait elle, structurellement, perdu quelque chose à ne pas se mêler de trop près des affaires africaines après 1960 ? Je crois que ça se discute largement. En fait plus j'y réfléchi plus je trouve qu'on ressemble à un pays paumé et nostalgique qui aime jouer aux grandes puissances d'opérette, sans en avoir les moyens, pour atténuer un peu son mal-être existentiel post-45 Il n'est pas impossible aussi qu'il y ai quelque chose à chercher dans la culture politique française post-révolutionnaire elle même issue des lumières, avec cette idée que la France a vocation à illuminer l'humanité et à faire triompher la civilisation. La France républicaine et post-révolutionnaire a des "projets mondiaux" fortement idéalistes, avec une grande portée morale. On est un pays qui renacle à devoir se contenter d'objectifs modestes et terre à terre (même si on y a aussi parallèlement été contraint entre 1870 et 1940). Cette vision de soi-même comme d'un phare qui possède une place "spéciale" dans le monde, après 100 ans de déclin relatif et alors qu'on ne pèse plus que quelques pourcent du PIB mondial, ça aboutit in fine à des concepts bancaux et inopérants comme le fameux "puissance d'équilibre" qu'on nous rabâche à toutes les sauces sans jamais fournir de définition convaincante ni d'exemple de ce que ça pourrait impliquer en terme de politique concrète.
  22. Je trouve que ce thread d'Olivier Schmitt sur l'incurie de notre positionnement diplomatique (et de la nullité du débat démocratique sur la question) très véridique bien que cruel pour la France. Schmitt est très clairement atlantiste et je ne partage pas forcément son opinion sur tout, mais il faut admettre qu'il a raison quand, paraphrasant Revel, il dit que si on enlève un vague fond d'antiaméricanisme plus ou moins tempéré (auquel j'ajouterais une nostalgie diffuse et mal assumée pour notre grandeur passée), il ne reste rien de la pensée géopolitique française.
  23. Pas lu mais tu me l'as bien vendu, je rajoute ça à ma pile de 453512 bouquins que je dois lire
  24. Je me tâte vraiment à écrire un truc qui s'intitulerai "La France, une diplomatie à la dérive". Et ça s'explique largement je pense par le fait que la France ne sait pas (plus) ce qu'elle est, ce qu'elle veut, qu'elle place elle veut occuper et comment. Quelle place dans le monde ? Quelle place au sein de l'Europe ? Personne en France n'en a aucune idée. À part des idées creuses et des phrases toutes faites qui ne renvoient à rien ("puissance d'équilibre") et ne nous aide absolument pas à nous positionner sur les grandes questions internationales contemporaines, on a rien à proposer. On est en permanence à la remorque des évènements, naviguant à vue au grès des présidents et de l'ambiance du moment. On peut penser ce qu'on veut des anglais, mais eux ont une identité géopolitique marquée et cohérente : ils sont les brillants seconds des américains et le font très bien. Leur diplomatie est lisible et relativement constante. Sur l'Ukraine ils ont pris un leadership à leur échelle, l'assument, et le revendiquent.
  25. Ouais ça pue le fake à plein nez. On peut toujours imaginer du bricolage un peu baroque mais bon, très dubitatif.
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