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Bat

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Tout ce qui a été posté par Bat

  1. Je suis assez d'accord, sauf pour a France: la culture politique française est très différente de celle qu'il y a dans les 4 autres pays (système majoritaire vs longue et vieille tradition de coalitions; on a aussi 3 monarchies sur 5 états; etc.), et cela risque de poser un problème de définition du modèle politique. Soyons clairs: pour moi, la France DOIT en faire partie et le projet n'aurait aucun sens sans elle, mais c'est objectivement plus simple culturellement et institutionnellement d'intégrer Benelux et Allemagne que la France aux autres. Il y a un vrai projet à construire et de vraies évolutions à faire dans les opinions, les cultures politiques et les institutions qui les mettent en œuvre. La France devra accepter que le modèle privilégié est grosso modo ce que prône François Bayrou (je le présente comme ça pour montrer le chemin à parcourir dans les esprits) avec en plus une décentralisation forte sur toutes les matières personnalisables (enseignement, culture, santé), et les 4 autres devront sans doute accepter un président doté de véritable pouvoirs (en lieu et place d'un monarque règnant sans gouverner, ou d'un président servant à inaugurer les pots de fleurs) à même d'incarner ce nouvel état à l'étranger, en tant qu'interlocuteur capable de décider. Rien que ça, c'est pa srien comme évolution.
  2. Bien sur, mais il ne faudrait pas confondre la cause et l'effet. Ce que je veux dire, c'est que l'idée selon laquelle "les USA n'accepteront jamais une Europe unifiée" (largement rabâchée sur ce forum notamment) relève en partie du fantasme paranoide. Les USA ont été exaspérés, à plusieurs reprises, par le manque d'unité européen, aimeraient une Europe à la ligne plus claire et discutent déjà au niveau européen sur certains dossiers: l'Europe peut etre une réalité pour eux, quand elle sait se présenter comme telle. L'Europe est divisée de sa faute, non de celle des USA: les USA ne font qu'exploiter nos faiblesses quand on en présente et que ça s'y prête, car c'est ce que ferait n'importe qui (comme nous avons, nous Européens, cherché à exploiter les divisions américaines sur le TIPP, ce qui ne signifie pas pour autant que nous serions "contre" les USA), mais ce ne prouve pas pour autant que les USA seraient "contre" une Europe unifiée ou, pire encore, qu'ils "empêcheraient" cette unification.
  3. Il est juste bon de rappeler/préciser que sur le plan économique, les USA discutent déjà dans certains domaines avec l'UE en tant qu'UE, et non ses membres séparément. Voir par exemple le Traité de Libre-Echange Transatlantique, ou les questions de concurrence et lois anti-trusts. Le problème de l'UE n'est pas un manque de puissance économique (on a les instruments pour ça), mais bien politique. Je ne pense pas que les USA aient un problème avec l'UE puissance économique: l'UE qui pèse plus qu'eux, c'est déjà un fait, et c'est pour ça qu'ils discutent une série de dossiers directement avec la Commission.
  4. Admettons. C'est clair qu'un pays comme le Luxembourg (900 hommes tout compris) n'a ni les moyens ni intérêt à déployer une double structure de commandement. Si on passe à l'échelle d'une Europe fédérale, ne va pas me dire que des "Etats-Unis d'Europe" de 4 ou 500 millions d'habitants et un budget de la défense qui devrait tourner entre 200 et 250 milliards n'a ni les moyens ni intérêt à penser des commandements distincts pour des missions différentes. Par contre, je suis d'accord que les (perfides) Anglois n'accepteront jamais: il suffit déjà de voir comment ils sabotent déjà le jeu européen à chaque occasion en jouant sur le "si-vous-ne-me-laissez-pas-foutre-la-merde-je-me-casse", alors évoluer vers un état fédéral... C'est pour cela que je les ai assez peu mentionnés dans mes interventions précédentes, si tu as remarqué. Pour moi, des "Etats-Unis d'Europe" (avec —notamment— défense intégrée), ça ressemblerait assez fort à ce que disait Gibbs: Benelux, France, Allemagne, Espagne, Italie, Pologne, Pays Baltes, Tchéquie, Slovaquie, Slovénie, Roumanie. Après, il faudrait voir: la Suède et l'Autriche risquent d'être réticentes sur le côté OTAN (et nucléaire), j'avoue n'avoir aucune idée des visions politiques des micro-états de méditerranée (Malte, Chypre: Chypre se sent toujours lié à la GB?). La Grèce: il faudrait voir si elle veut encore entendre parler d'union après sa thérapie de choc. La Hongrie, je coince un peu, mais plus parce que son évolution l'éloigne des valeurs européennes que parce que je serais "contre" les Hongrois. L'Irlande, je ne sais qu'en penser: ils sont à la fois plus pro-européens que les Anglais, mais y jouent aussi avant tout la carte du marché et de la concurrence plus que le jeu politique, non? Il faudrait voir si un projet politique fort les intéresserait? Puis les Anglais, que je n'imagine pas du tout là-dedans (et dont je craindrais même la présence, si c'est pour continuer à jouer le sabotage intérieur: si on veut que ça réussisse, la probabilité est moins faible avec les Anglais dehors —avec un accord d'association— que dedans). Un seul candidat à l'Eurovision! Au moins, la soirée serait plus courte et du coup moins pénible, et surtout on gagnerait plus souvent!
  5. Pour moi, l'un n’empêche pas l'autre. Je ne vois pas bien la contradiction: il n'y a rien de nouveau par rapport à la situation actuelle. Actuellement, l'OTAN existe, mais n’empêche pas ses pays membres de mener ses opérations comme elle veut où elle veut (les USA et la France le faisant largement), et tous les pays membres ne se lancent pas nécessairement dans les opérations OTAN. Il y a un commandement OTAN, puis un commandement national, articulé à celui de l'OTAN, mais qui permet des politiques nationales. Pour moi, il n'y a aucune raison que ça change au niveau d'une Europe fédérale intégrée: on fait des opérations OTAN quand ça sert les partenaires OTAN, puis chacun fait ses opérations de son coté pour défendre des intérêts spécifiques sans lien avec l'OTAN.
  6. C'est pas de la BD qui parle de défense, plutôt de guerre, mais je viens de voir cette annonce: http://www.sceneario.com/galerie/TYPHOON+T1+C+Gibelin+Paquet+Preview_TYPHO1P.html Christophe Gibelin (notamment Les ailes de Plomb, mais aussi des couvertures du Fana de l'aviation) propose une BD d'espionnage autour de l'attaque du QG de la Gestapo à Bruxelles par un aviateur belge (Jean de Sélys Longchamps) aux commandes de son Typhoon en 1943.
  7. Ah OK, merci. Je n'ai jamais vu l'acronyme, au moins dans les publications spécialisées en communication & media. Chomsky parle bien de Mainstream medias" (dans ses écrits politiques, pas dans ses publications scientifiques), mais je ne sais pas s'il utilise l'abréviation. Ceci étant, c'est un concept assez intuitif, mais en fait relativement foireux car totalement polysémique (ce qui explique sans doute que l'idée soit assez peu utilisée par les sociologues et analystes du domaine), mais je ne vais pas développer ici, on serait HS.
  8. C'est clair que passer d'un OTAN de 1 géant et leader, 2 ou 3 pays moyens et 24 "nains" à une configuration où on aurait 2 géants et quelques autres changerait assez radicalement la donne. C'est pour ça que je disais que l'articulation entre une Europe fédérale et l'OTAN serait à repenser. Mais l'OTAN reste à mon sens important, au moins pour la transition: je vois mal la Belgique, les Pays-Bas, le Danemark, l'Allemagne, la Pologne, les Pays Baltes, etc., accepter aller vers la construction d'un véritable état fédéral pour la politique étrangère et la défense sans que l'appartenance à l'OTAN ne soit pas une donnée de départ. C'est de la tactique psychologique, en somme: si on veut aller vers une (vraie) défense intégrée, elle doit être vue comme intégrant l'OTAN, et non comme étant alternative ou concurrente à celle-ci (c'est d'ailleurs l'erreur que fait la France —ou certains ici— quand elle présente l'indépendance par rapport à l'OTAN comme une fin: ça braque les autres au lieu de les amener à discuter d'une intégration plus forte). Après 10 ou 20 ans, les choses évolueront et on pourrait envisager une forme d'autonomie plus grande des partenaires. Quant à la plus-value d'une UE forte et intégrée dans l'OTAN, elle me paraît claire: c'est l'idée de départ de l'OTAN, à savoir la défense de l'Atlantique Nord et du lien transatlantique. Il vaut mieux être ami et allié avec le géant de l'autre côté de l'océan (surtout s'il se prétend ou est perçu comme le "chef du monde") qu'en délicatesse avec lui (je parle de vraie brouille, pas de la petite dispute de 2003), et les deux partenaires y tiennent, pour diverses raisons. Côté européen, c'est parce qu'une série de pays (Pologne, Baltes, etc.) a la trouille de la Russie, mais aussi parce que l'Atlantique est pour beaucoup (Europe du sud exceptée) leur seule façade maritime, directe ou indirecte. Ou encore simplement parce que les 2 seules puissances actuelles capables de rivaliser avec la puissance américano-européenne sont la Russie et la Chine (si on fait abstraction de l'Inde et du Brésil, une catégorie en-dessous) qui ne passent pas spécialement pour des amis fiables, à l'inverse des USA avec qui on s'engueule régulièrement mais avec lesquels on partage une bonne partie de notre culture, de notre philosophie politique, etc. L'Europe a intérêt à avoir de bonnes relations avec la Russie, mais en-dehors de son extrême-droite et de son extrême-gauche, personne n'a de vrais atomes crochus avec elle, ou du moins avec son système politique jugé dangereux, totalitaire et opaque. La Chine est un très gros partenaire commercial —et on la racole pour ça— mais bon, c'est la Chine: une dictature géante assoiffée de ressources, qui commence à marcher sur nos "plates-bandes" (plusieurs pays européens s'agacent de l'implantation chinoise en Afrique, même si c'est en partie de leur faute: ils laissent aussi le champ libre) et qui se prépare à concurrencer les USA sur le long terme et avec qui les choses risquent du coup de se tendre. Ou parce que l'OTAN fournit à beaucoup de pays un cadre (pas nécessairement efficace, mais certainement rassurant psychologiquement) pour affronter les menaces transnationales diffuses, comme le terrorisme, le djihadisme et compagnie.
  9. Je suis en désaccord avec une bonne partie de ce que dit Tancrède —même si je trouve ses arguments pertinents—, sauf sur l'idée que c'est un débat sur l'exécutif: c'est effectivement essentiel. Je n'ai guère le temps de développer à nouveau maintenant pourquoi car le devoir m'appelle, mais pour faire bref, je dirais que notre désaccord (intéressant et fécond) porte essentiellement sur la manière de concevoir/définir une Europe intégrée d'une part, ce qu'est une intervention d'autre part. Une Europe intégrée de pays indépendants (en somme, ce qu'on a maintenant mais un peu plus poussé) pose clairement les problèmes identifiés par Tancrède. C'est pour cela que personnellement, je défends mon point de vue en entendant Europe intégrée comme un état fédéral à construire. Cet état fédéral aurait ses propres intérêts, sa propre politique, (son propre exécutif,) ses propres moyens, et du coup ne serait pas en concurrence avec les intérêts des pays membres (ou serait une manière de gérer ceux de manière constructive). Dans ma vision à terme, la France ou la Belgique n'existeraient pas plus que la Californie et le Vermont. Le principal avantage de cette vision est sa cohérence. Son principal inconvénient —énorme!— est que pour l'heure, c'est de la science-fiction, pour différentes raisons. Je suis convaincu que la majorité dans l'opinion de certains pays est prête à ce saut d'échelle, du moins avec la garantie d'un projet politique cohérent avec une vision partagée, un contrôle démocratique réel et des institutions décentralisées pour permettre aux gens d'avoir une prise sur les dossiers proches de leurs préoccupations (emploi, enseignement, santé, culture), mais que c'est totalement inenvisageable pour d'autres pays (notamment la France, mais pas seulement). Une intervention semble pour toi le fait de décider tout seul de faire un truc à l'autre bout du monde et d'y aller seul. Pourquoi pas. Mais je ne vois pas en quoi rejoindre une coalition est moins "interventionniste", du moins si les pays coalisés peuvent chacun peser sur la définition des objectifs et de la stratégie. Toutes les coalitions ne sont pas à mettre dans le même sac. Les pays qui ont suivi les USA en Irak en 2003 sont dans une optique suiviste, au profit des seuls intérêts américains pour lesquels ils ont été des supplétifs (faisant en plus de la figuration). Les pays qui ont participé à l'opération OTAN en Afghanistan ou en Libye sont nettement moins dans cette perspective: les intérêts étaient aussi les leurs, même s'ils n'avaient pas le leadership. Par ailleurs, pour certains pays, la participation n'a pas été que symbolique en proportion des moyens dont ils disposent. La Belgique a par exemple engagé dans l'opération 6 F-16: dans l'absolu, c'est peu, mais c'est quand même 1/6 de toute la flotte belge opérationnelle (sur les 54 F-16, 18 sont sous cocon ou en attente d'acheteurs), soit à peu près la même proportion que la France (si mon chiffre de 40 avions de combat engagés est correct, du moins). Je ne comprends pas bien cette logique du tout ou rien, seul ou avec l'OTAN, comme s'il n'y avait ni compromis possible ni juste milieu. Pour nombre de "petits" pays d'Europe, un éventuel état européen intégré doit être membre de l'OTAN, non pas par masochisme (ils aimeraient être dominés, 50 nuances de Grey façon diplomatique), mais tout simplement parce que souverainement ils ont décidé qu'ils avaient plus à gagner à penser leur défense dans l'OTAN qu'en-dehors. Il n'y a quasiment qu'en France qu'on semble penser que c'est UE ou OTAN (ce constat ne signifiant pas que l'articulation des 2 ne serait pas à repenser, bien sûr). Je reviens après mes cours, au plaisir de vous lire tous d'ici-là. :)
  10. C'est juste. Mais au-delà du caractère joli/pas joli (qui existe, mais je ne suis pas naif au point de croire que p.ex l'Allemagne serait nécessairement plus vertueuse que la France, même si elle agit différemment), ce qu'il faut retenir est qu'un gouvernement de coalition peut être ferme et efficace quand il le veut. L'Allemagne présente une ligne assez claire à l'extérieur sur les dossiers économiques, alors que sa coalition gouvernementale est un début de foutoir en interne. La crainte française et de certains ici selon laquelle si tout ne remonte pas à un seul homme "on ne décidera jamais et on ne fera rien" est en partie infondée (ou plus exactement se fonde sur son absence de tradition du compromis, faisant que si elle essaie d'en faire un elle se paralyse, à l'inverse d'autres pays qui ont cette tradition et peuvent à la fois discuter et décider). Des interventions armées européennes me semblent envisageables si on parvient à construire une culture et des outils (surtout des outils!) permettant aux pays adeptes des coalitions de s'y retrouver, de peser sur la décision, et non simplement de les appeler à suivre ce qu'auraient décidé un (ou deux) grands pays seuls.
  11. Il faut quand même nuancer cette idée que les pays cités n'interviennent jamais: À différents degré, le Danemark, la Belgique, les Pays-Bas, l'Allemagne, le Luxembourg, l'Italie, l'Espagne (pour ne parler que d'eux) ont envoyé des troupes et/ou des avions en Afghanistan La Norvège, les Pays-Bas, la Belgique ont participé aux bombardements en Libye, avec peu d'avions, mais aussi à rapporter à la taille de leurs armées La Belgique, les Pays-Bas, le Danemark, l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne sont en Irak actuellement avec des avions et/ou des instructeurs (Et je ne parle même pas de ceux qui se sont fourvoyés en Irak avec les USA en 2003: Italie, Pays-Bas, Espagne...) Ces pays ne sont pas nécessairement contre le fait d'intervenir et d'engager la force. Par contre, ils le font dans un cadre différent de celui de la France. Ce n'est pas tant qu'ils n'ont pas la culture et les moyens d'intervenir, mais ne veulent pas intervenir de la même manière et avec la même autonomie que la France. Il ne faut pas confondre repli total et ne pas suivre le modèle français. La plupart de ces pays interviennent dans un cadre OTAN parce que c'est l'OTAN et que c'est à leurs yeux une alliance essentielle, mais ça ne veut pas dire qu'ils ne seraient pas prêts à participer à des opérations d'une armée européenne, pour autant que celles-ci soient engagées par un gouvernement européen, et pas par l'Elysée seule, notamment si la mis en commun de smoyens permet à l'Europe d'atteindre la masse nécessaire pour une intervention que les petits pays ne peuvent pas fournir (raison pour laquelle ils tiennent tant à l'OTAN, d'ailleurs). On revient au problème politique, qui est central et essentiel dans cette affaire d'armée européenne.
  12. @Tancrède et suite aux posts précédents: Pour moi, ce qui pose problème à beaucoup d'autres pays dans l'hypothèse de la "France agrandie" n'est pas tant que l'Europe se retrouverait subitement avec des intérêts outre-mer (après tout, de nombreux pays européens en ont aussi, même si c'est moindre ou de nature différente) que la manière de diriger cet état. On se méfie de la France non parce qu'elle a des intérêts à l'étranger, mais à cause de la façon dont elle est dirigée (structurellement, institutionnellement: je ne parle pas de la personne de tel ou tel président). La France a un régime présidentiel (qui ne dit pas son nom) centralisé/centralisateur et un mode de scrutin qui donne nécessairement une très large majorité au président à l'Assemblée. La plupart des partenaires historiques de la France (Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Italie, Espagne, Danemark, etc.) fonctionnent dans un schéma très différent de chef de gouvernement responsable devant un parlement élu à la proportionnelle et une politique issue d'un jeu complexe de coalitions. Aucun pays, surtout les "petits", ne souhaitent d'un système où toute intervention militaire remonterait à un chef unique qui décide sans se coordonner avec personne et sans véritable consensus politique voire contrôle. Personne ne veut un état européen qui devrait être dirigé par une sorte de De Gaulle du XXI° siècle, à part peut-être la France qui a toujours eu une fascination pour les leaders forts supposés sauver la nation (cela existe dans d'autres pays, mais c'est minoritaire ou sous d'autres formes). Il y a rejet de l'hypothèse "France agrandie" parce que fonctionner comme cela est en complet décalage avec leur tradition politique et comporte selon eux d'innombrables risques (appelons ça, si on veut, l'hypothèse "Danemark agrandi"). La difficulté est donc plus de l'ordre philosophique et culturelle qu'un refus des autres états d'assurer des responsabilités à l'extérieur. Ils veulent assurer des responsabilités, mais dans un cadre démocratique plus consensuel que ne le permet le modèle français. Les critiques contre l'interventionnisme français portent d'ailleurs là-dessus bien plus que sur le fond des interventions: si les différents pays de l'UE ont trainé des pieds en Libye (même si c'est moins vrai) ou au Mali (ou ça l'est beaucoup plus), c'est bien plus car ils se sont sentis méprisés (en partie à tort, d'ailleurs) par la France qui lance son opération puis appelle les autres à la rescousse. Ce qu'on pouvait lire dans les journaux de différents pays au lendemain de l'intervention au Mali était du type: il est nécessaire d'arrêter les djihadistes et la France a raison sur le fond, mais nous ne voulons pas être engagés dans une guerre décidée par l'Elysée sans discuter avec nous des buts, de la stratégie de sortie de crise et des moyens. Les partisans du modèle français mettront en avant la supposée plus grande efficacité d'un régime plus présidentiel: on peut décider vite et fort. C'est en partie vrai, mais en partie seulement: les gouvernements qui fonctionnent sur un système de coalition peuvent décider très vite quand leurs intérêts sont en jeu (on a pu le voir par le passé en Belgique, où le gouvernement est pourtant toujours une usine à gaz institutionnelle fait de savants dosages). Les partisans du modèle "danois" mettront en avant le caractère plus démocratique et le fait qu'il suscite plus de consensus que d'opposition. L'inconvénient majeur, par contre, c'est que dans ce système les affaires étrangères ou la défense risquent de fonctionner dans des directions différentes (même si ce n'est pas propre à un système de coalitions), compliquant la définition d'une ligne cohérente. L'obstacle peut être levé préventivement par un accord de gouvernement et une doctrine claire en amont, mais ça dépend assez fort du talent des négociateurs, alors que le système "français" a toujours un chef absolu qui peut dire "let's go", que le président soit compétent ou totalement débile, qu'il ait un soutien de 10 ou 90% de la population.
  13. Que divers courants idéologiques veulent ça, c'est un fait. Qu'on le présente comme une "volonté de l'Occident", non. Après tout, il y a des extrémistes Russes qui verraient d'un bon œil voire qui prônent la vitrification de ces gays donneurs de leçons occidentaux. Mais si je disais que cette volonté insensée d'apocalypse était "une volonté de la Russie", vous seriez nombreux ici à me rappeler à l'ordre, à juste titre. Pourtant, "ce n'est pas éloigné de la réalité" non plus.
  14. Euh, vous vous sentez bien, là? Parce que si on commence comme ça, on va (re)faire partir le fil en sucette.
  15. Il y a déjà des accords entre pays. Par exemple, la Belgique a des accords d'assistance mutuelle avec la France. Les expatriés belges sont en contact avec l'ambassade de France dans certains pays d'Afrique, et réciproquement les ressortissants français peuvent appeler la Belgique à l'aide quand elle intervient (essentiellement au Congo, je ne pense pas qu'il y ait des cas d'intervention ailleurs pour secourir des ressortissants). Il y a par ailleurs des mutualisations ponctuelles de moyens logistiques (p.ex du transport au profit du partenaire).
  16. M'enfin! (comme dirait l'autre) Rassure-moi: ils n'y croient pas eux-mêmes, quand même?
  17. Wallaby, tu tires des conclusions générales fallacieuses de faits par ailleurs corrects. Par exemple, s'il est juste qu'il est utile et intéressant d'avoir des chercheurs qui s'immergent dans la réalité russe, cela n'implique pas que l'analyse de cet auteur est nécessairement incorrecte. Il n'y a pas de lien de cause à effet entre les deux. Exactement comme il n'y a pas de lien de cause à effet entre le comportement de certains think-tanks américains et une revue française, fût-elle édité par un think-tank français, ou entre le fait qu'il y aune polémique autour de Sociétés et l'affirmation implicite que Politique Etrangère ne serait dès lors pas (plus?) une revue de qualité. Je le répète, je ne dis pas que cet article est parfait, je dis juste que les arguments employés par certains ici pour décrédibiliser cet auteur/article sans entrer dans le contenu de l'argumentaire (sauf toi, Wallaby, qui donne utilement quelques arguments sur ses sources) sont très discutables, voire débiles dans la mesure où leur logique relève soit d'un relativisme généralisé, soit d'une mécompréhension totale de ce qu'est une analyse. (En passant, on ne demande pas à un analyste de régler un conflit: ce n'est pas un diplomate. Par contre, il serait utile que son analyse fournisse des éléments utiles au diplomate pour le faire;)
  18. C'est précisément là-dessus que je vois une fracture possible entre la France et d'autres pays européens. Si la France est une part essentielle d'une Europe intégrée (plus et mieux que dans le foutoir actuel), je ne comprends pas bien (et même pas du tout) pourquoi il faudrait montrer "qu'elle existe" et qu'elle "a une certaine puissance", du moins sur le plan géopolitique et militaire (sur le plan culturel, c'est une vraie question). Sauf pour flatter son ego, mais on peut aussi bien flatter un ego européen. LEs budgets de la défense cumulés des pays de l'UE tournent autour de 250 milliards EUR/an (donc 100 rien que pour France+GB). Le chiffre de 120 milliards me paraît astronomique. Par contre, c'est clair qu'on peut faire des économies d'échelle avec une vraie intégration: c'est moins cher d'acheter et faire tourner 100 avions d'un coup plutôt que 15 + 25 + 10 + 30 + 20 de modèles et standards différents. Mais à nouveau, et au risque de me répéter, je pense qu'on ne doit pas faire une défense européenne pour faire des économie, mais parce qu'il y a un projet politique commun. Et si on y arrive, il y aura des économies à terme.
  19. Oui enfin, il n'en demeure pas moins qu'il y a toutes les raisons de craindre pour le respect des droits de l'Homme —notamment— en zone sécessionniste et en Crimée occupée (c'est déjà documenté: pressions, enlèvements, poids des services de sécurité, censure, etc.). Le fait que l'argument soit instrumentalisé —et c'est clairement le cas— n'enlève rien à la réalité sur le terrain, à savoir qu'un rideau de fer s'est abattu sur l'est de l'Ukraine et la Crimée, et que ce qui se passe derrière n'est pas joli-joli. Ce qui se passe devant non plus, d'ailleurs, et Washington (ou plus généralement les Occidentaux) devrai(en)t peut-être aussi le mentionner, mais le fait que Kiev "fait pareil" (ce qui n'est par ailleurs pas exact si on en croit les rapports des ONG: les atteintes sont réelles mais d'une autre nature) ne devrait pas nous autoriser à fermer les yeux en renvoyant tout le monde dos-à-dos sans réflexion ni nuance.
  20. @ Rochambeau: Pour moi, ce n'est pas un problème d'arrogance supposée de la France (ou de condamner celle-ci), mais de faire le constat qu'il y a une véritable différence culturelle entre la France et un certain nombre de ses partenaires. Pour simplifier, la France considère (héritage historique, nostalgie gaulliste mais aussi et surtout réalité géopolitique et économique) qu'elle a un rôle à jouer à l'échelle planétaire, mais n'a plus tellement les moyens de l'assumer. Elle aspire à plus d'Europe si cette Europe s'aligne plus ou moins derrière elle: la France agit, et qui l'aime la suive, fournissant finance ou matériels. Une politique/défense européenne est vue comme un moyen de faire la même chose, en plus grand, et si possible en moins cher (pour le budget français). Des pays comme par exemple la Belgique, les Pays-Bas ou même l'Allemagne, pour toute une série de raisons (culturelles, économiques, géopolitiques, historiques) considèrent qu'ils n'ont pas de rôle à jouer à l'échelle planétaire sur le plan géopolitique, voire que chercher à jouer ce rôle est problématique, et envisagent les choses sous l'angle économique, insérés dans la mondialisation. Cette conception les amène à considérer que l'armée est une nécessité seconde, et que seule l'alliance leur permet d'avoir la taille critique nécessaire pour la dissuasion face aux ennemis potentiels. Cette alliance, c'est l'OTAN, non pas tant parce qu'ils voudraient être vassaux des USA comme je le lis souvent ici, mais simplement parce qu'ils vivent avec ça depuis 60 ans et en sont globalement très contents. Les deux postures posent des problèmes. La France, outre qu'elle n'a pas (ou n'a plus) les moyens de ses ambitions, suscite la méfiance auprès de nombre de ses partenaires qui lui reprochent sa difficulté à entrer dans de vraies logiques de partenariat. En clair, ils la voient comme agissant d'abord, demandant à concerter ensuite, mais la plupart des pays européens n'aiment pas être mis devant le fait accompli, d'où de nombreuses fins de non-recevoir (qui braquent la France, qui se sent seule à juste titre, et c'est un cercle vicieux). Les autres pays sont très hypocrites, car l'action extérieure de la France (de même que sa puissance nucléaire ou son siège au Conseil de sécurité) les sert aussi, sans qu'ils n'aient à s'engager. Pire: cela sert même de prétexte à certains pour désinvestir. Le cas de la Belgique est flagrant: c'est un des pays les plus partisans d'une défense intégrée (idée largement majoritaire dans la population), mais aussi un des pays qui a le plus désinvesti ces 20 dernières années. Le raisonnement est le suivant: pourquoi payer pour l'armée puisque l'OTAN et l'Europe (dans la pratique: la France) sont là pour ça? Elle conserve une capacité pour des contributions symboliques à l'ensemble intégré (prêter 2 avions à gauche, un hélico ou 10 soldats à droite), mais n'a ni politique ni doctrine en la matière (on prête quelque soldats pour une opération pour être bien vus, non parce qu'on y croit). La différence d'échelle mise à part, l'Allemagne est dans une situation assez semblable. On est donc face à deux leurres qu'il faut dépasser: celui qui consiste à croire que les membres de l'UE vont s'accorder comme un seul homme sur une politique étrangère et de défense calquée sur celles de la France ou de la GB (et que toute autre posture serait une sorte de capitulation devant on ne sait qui), et celui qui consiste à croire que la défense européenne c'est bien car ça dispense d'investir, les autres étant là pour assurer ce qu'on ne veut/peut plus payer. Personnellement, je suis contre la spécialisation, car c'est pousser indirectement ces deux leurres. Si on veut construire une défense européenne, ce ne doit être que parce qu'on pense que c'est un outil qui pourra être mis au service d'intérêts communs qui auront été ouvertement discutés entre partenaires égaux. Sans cela, ça ne pourra pas marcher, soit parce que l'outil n'est au service de rien (Eurocorps), soit parce que des pays feront défection (se sentant négligés, méprisés ou instrumentalisés au profit des intérêts d'un autre), soit les deux à la fois. Le résultat, c'est qu'on a une situation ridicule où l'UE est, collectivement, le 2° budget de la défense au monde, possède plus de 1500 avions de combat, mais est incapable d'en déployer 40 quelque part s'il y en avait besoin (parce qu'on a encore du matériel hétéroclite, mais surtout parce que chacun accepte d'en prêter 3-4, mais pas plus car les autres n'ont qu'à y aller, ou parce qu'on a payé assez cher les quelques avions qu'on a acquis seuls donc on ne va pas prendre le risque d'en perdre un, etc.). Au risque de me répéter, la fédéralisation à terme (même dans un ensemble plus petit que l'UE actuelle, type France-Allemagne-Benelux, p.ex) est la seule manière cohérente de construire une défense commune qui permette de dépasser ces contradictions: Dans un état fédéral, l'armée n'est pas au service d'une entité fédérée mais au service de l'état fédéral (donc devrait mettre en sourdine les querelles à la con du type "oui mais là on y va pour la France donc on ne veut pas ou alors seulement 10 types et pas armés et seulement s'ils sont protégés par 15 types fournis par un autre pays", etc.) Un état fédéral peut être membre de l'OTAN, et évite donc une double structure (OTAN d'un côté, bricolage interpays sous étiquette européenne de l'autre) qui est une usine à gaz L'éventuelle spécialisation prend une autre forme qui ne handicape pas la capacité d'action de l'armée au cas où un état ferait défection, puisque les moyens sont fédéraux et non plus nationaux. Développement de programmes d'investissement cohérents à long terme, au niveau fédéral. Budget fédéral de la défense, donc cohérence. Par contre, l'optique fédérale se heurte à de très nombreux obstacles: Absence actuelle de projet politique (et donc d'identification des entités à fédérer) Souhait de certains de partenaires de conserver ces compétences à un niveau national Taille différente des entités fédérées (on a beau dire que dans un état fédéral on efface la différence entre petits pays et grands pays, il n'empêche que l'état fédéré du Luxembourg pèse quand même moins que celui d'Allemagne ou de France) Différence de culture politique, entre les pays qui ont une vision plus présidentielle des choses et ceux qui ont une tradition de coalitions parlementaires Sur le plan strictement militaire s'ajoutent deux problèmes de taille: L'arme nucléaire: cet état fédéral européen doit-il être une puissance nucléaire? Nombre de pays (notamment du nord de l'Europe) sont contre. (À titre personnel, je suis pour: je pense que la France —bien plus que la GB qui ne jouera jamais le jeu— doit être au cœur de cet état fédéral et que sa dissuasion nucléaire doit devenir la dissuasion de ce nouvel état, financée par tous les états fédérés.) L'industrie de défense européenne, qui soit organise sa propre concurrence, soit est déglinguée, et qui devrait pourtant être un pilier d'une défense d'un état fédéral européen.
  21. C'étaient des exemples, emblématiques parmi les mouvements qui soutiennent une Europe des régions. Ce qui ne signifie pas qu'il n'y en a pas d'autres. Pour revenir au sujet, je te dirais que c'est l'essence même d'une Europe de la Défense: se mettre ensemble pour peser plus face aux ennemis potentiels. L'Europe de la Défense ne peut être que défensive d'abord parce que 90% des pays ne conçoivent pas la défense autrement. Pour certains ici, le "modèle" suisse est un repoussoir, mais ça n'a du sens que dans une conception relativement expansionniste. Comme je le dis, c'est un tropisme très français de considérer qu'une Europe de la défense devrait aller ferrailler aux 4 coins du monde au nom de sa propre grandeur. (Ce qui relève d'ailleurs largement du symbole: la France n'est pas allée en Irak mais plusieurs pays européens "défensifs" oui.) Si une politique de défense intégrée permettait de disposer d'une armée plus efficace et plus crédible face la Russie ou à d'autres ennemis potentiels de l'Union, ça serait déjà un progrès même si c'est un plus petit commun dénominateur, non? Car pour l'heure, les seuls trucs vaguement crédibles, c'est l'OTAN d'un côté (car il y a les USA), et la France (ou France et GB). Ça rééquilibrerait aussi les relations dans l'OTAN.
  22. C'est un courant qui existe, qui est notamment défendu par le courant régionaliste dans plusieurs pays européens (notamment ces grands pays): Basques, Flamands et autres Corses y voient un moyen d'émancipation (à tort ou à raison).
  23. D'autant plus que ce qui est reproché à Junker (et au Luxembourg), 24 des 28 pays de l'UE le font aussi, avec des mécanismes plus ou moins semblables. France comprise: Emmanuel Macron s'en est même vanté dans une interview la semaine dernière. Junker a de gros défauts (j'ai voté contre lui aux dernières européennes), mais à mon avis pas celui de faire de grandes déclarations pour cacher un "scandale" qui à ses yeux n'en est pas un (il n'a rien fait d'illégal, le Luxembourg a toujours fait ça, la plupart des pays de l'UE font ça: de son point de vue, c'est une accusation vide). C'est un européen authentiquement convaincu et il avance une idée récurrente chez les européens convaincus, notamment dans les "petits" pays d'Europe de l'Ouest, non pour cacher "son" affaire, mais pour essayer de réinsuffler de la dynamique dans une Europe paralysée depuis 10 ans par l'absence de projet politique. Il a une véritable vision de l'Europe, simplement cette vision n'est pas du tout celle que (par exemple) la France a, convaincue qu'elle a la vocation à être le phare de l'humanité comme le dit assez justement Gibbs. Le fantasme de beaucoup d'européens français, c'est une Europe à son image, étatiste centralisée organisée comme la France en plus grand dirigée par un homme à poigne élu au suffrage universel qui va la faire rayonner partout dans le monde. La représentation de leurs homologues luxembourgeois, belges, néerlandais, danois ou même allemands, c'est une Europe confédérale ou fédérale qui fonctionne dans un régime de coalitions parlementaires et mutualise de larges pans de souveraineté (politique étrangère, politique de défense, politique fiscale —mais alignée vers le bas et non vers le haut—) et qui laisse aux entités fédérées toute latitude pour l'économie, la santé, l'enseignement, la culture, etc. Ceci étant, on est d'accord: une défense européenne intégrée ne peut pas fonctionner sans politique étrangère intégrée menée au niveau fédérale t non des états. Le meilleur (contre) exemple est l'Eurocorps: un vrai embryon d'armée européenne, totalement inutile car il ne pourra jamais être engagé nulle part faute de possibilité de déterminer une politique cohérente commune, et dans lequel les états puisent quand il faut faire des économies pour éviter que des économies dans les moyens purement "nationaux" ne se voient trop. Fédéralisation, vite! ;)
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